VPB 59.154
(Direction du droit international public, 5 avril 1994; également publié dans Revue suisse de droit international et de droit européen 5/1995, Pratique suisse 1994, N° 4.1, p. 23)
Regeste Deutsch
Résumé Français
Regesto Italiano
Fragestellung
Ausführungen
Ziffer 1.
Ziffer 2.
Ziffer 3.
Ziffer 4.
Rechnungsstellung an die in den Vereinigten Staaten ansässigen Schweizer Banken für die der amerikanischen Zentralbank (FED) bei ihren Prüfungen im Rahmen ihrer Aufsicht anfallenden Kosten.
Unvereinbarkeit dieser Massnahme mit der im Vertrag von 1850 zwischen der Schweizerischen Eidgenossenschaft und den Vereinigten Staaten von Nordamerika festgelegten Gleichbehandlungsklausel?
Facturation aux banques suisses sises aux Etats-Unis des frais des examens effectués par la Banque centrale américaine (FED) dans le cadre de sa surveillance.
Incompatibilité de cette mesure avec la clause du traitement national prévue par le Traité entre la Confédération suisse et les Etats-Unis de l'Amérique du Nord de 1850?
Fatturazione delle spese causate dagli esami della Banca centrale americana (FED), effettuati nell'ambito della sorveglianza, alle banche svizzeri domiciliate negli Stati Uniti d'America.
Incompatibilità di tale provvedimento con la clausola concernente la parità di trattamento fissata nel Trattato del 1850 tra la Confederazione Svizzera e gli Stati Uniti dell'America settentrionale?
Les banques étrangères sont soumises par la législation américaine à des émoluments pour les examens effectués par la Banque centrale américaine (FED). Les autorités américaines estimaient, dans les années 30, que l'égalité de traitement prévue dans le traité entre la Confédération suisse et les Etats-Unis du 25 novembre 1850 (ci-après: Traité de 1850, RS 0.142.113.361) ne s'appliquait qu'aux personnes physiques; les autorités suisses ont contesté à l'époque ce point de vue. La Direction du droit international public (DDIP) a été chargée d'étudier à ce sujet:
- si la question de l'application du traité aux personnes morales a été résolue depuis un échange de lettres datant des années 30;
- si la portée du traité peut être modifiée par des actes législatifs ultérieurs du Congrès (en l'occurrence, le FDIC Improvement Act, qui forme la base légale pour le prélèvement d'émoluments par la FED);
- si les émoluments pour les frais occasionnés par la surveillance bancaire peuvent être considérés comme des «conditions pécuniaires ou autres» imposées pour l'exercice d'une industrie (art. I) ou comme des impôts ou contributions (art. II).
La DDIP a rendu l'avis suivant:
1. Il paraît difficilement contestable que les émoluments prélevés pour la surveillance bancaire que la FED exerce sur les banques suisses constituent, pour l'exercice des droits garantis par le traité, une «condition pécuniaire plus onéreuse» que celle à laquelle sont soumis les instituts bancaires américains, telle que la définit le § 1er de l'art. I du Traité de 1850. La version anglaise du texte de l'accord semble également claire à cet égard.
2. La pratique quasi unanime des Etats tend, depuis la Seconde Guerre mondiale, à maintenir l'interprétation selon laquelle les personnes morales tombent dans le champ d'application des traités d'établissement, indépendamment du libellé de ces derniers. Tel est notamment le cas de la Grande-Bretagne - où le Foreign Office avait interprété en 1891 déjà le traité d'amitié anglo-argentin en faveur d'une application aux personnes morales -, de l'Allemagne et de l'Italie - qui ne s'étaient pas opposées à une telle interprétation de la part des autorités suisses - et de la France (pour des références à la pratique de ces Etats, voir Walter A. Stoffel, Die völkervertraglichen Gleichbehandlungsverpflichtungen der Schweiz gegenüber den Ausländern, Zurich 1979, p. 212 s.)
Certes, les Etats-Unis ont exprimé en 1934 leur volonté de limiter le champ d'application des traités d'établissement aux personnes physiques, mais rien n'indique que les autorités administratives et judiciaires américaines n'aient pas aujourd'hui changé d'optique. En effet, dans la pratique et la jurisprudence américaines, le recours à une interprétation exégétique est l'exception. Normalement, des termes tels que «sujets», «ressortissants», «résidents» et «nationaux» ont été acceptés comme couvrant les personnes morales. Ainsi dans l'affaire Etlimar Société Anonyme of Casablanca v. United States (publiée en 106 F Supp 191, 1952), le Département d'Etat américain avait en 1952 pris la position suivante: «A corporation organized under the laws of the French zone of Morocco is considered by this Departement... as falling within the scope of the expression
». 3. La Partie III de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111) se rapporte au respect, à l'application et à l'interprétation des traités. Son art. 31 établit une règle générale d'interprétation: «Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.» Le § 3 de l'article précise les éléments dont il faut tenir compte en même temps que du contexte; la let. b. de ce paragraphe concerne particulièrement le présent sujet: «...toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité».
La règle générale d'interprétation de la Convention de Vienne indique donc clairement que le texte d'un traité n'est qu'un des éléments pouvant aider à comprendre une disposition d'un accord; l'objet et le but du traité sont aussi pertinents, tout comme la pratique dans l'application de l'accord: toutes ces méthodes d'interprétation sont mises par la convention sur le même plan. Une interprétation purement textuelle du Traité de 1850 aurait un effet indûment réducteur. Cela d'autant plus que la pratique de la plupart des Etats, allant ainsi au-delà de l'interprétation textuelle, a étendu l'application des traités d'établissement aux personnes morales.
Le fait que les Etats-Unis n'ont pas ratifié la Convention de Vienne de 1969 ne met pas en doute cette argumentation, puisque les principes énoncés par la Convention, en particulier son art. 31, reflètent le droit coutumier.
4. Il reste enfin à analyser le rapport entre le Traité de 1850 et les actes législatifs ultérieurs, en l'occurrence l'acte du Congrès qui forme la base légale pour le prélèvement des émoluments en discussion. La réponse donnée à cette question par le système juridique américain est apparemment la même que celle donnée par le système suisse: les traités internationaux font partie de l'ordre juridique national dès leur entrée en vigueur et sont considérés par le droit interne au même niveau qu'une loi. Il arrive qu'une loi interne postérieure contredise un traité international portant sur le même objet: dans un tel cas, la loi doit être interprétée dans la mesure du possible d'une façon conforme au traité et, si cela n'est pas possible, le traité l'emporte - à moins que le législateur ait voulu expressément adopter une loi contraire aux obligations internationales, mais tel ne semble pas être le cas en l'occurrence.
Il convient de préciser qu'il n'appartient pas à la DDIP de prendre position sur cette question, qui relève du droit américain, mais qu'en tout état de cause, la violation des obligations internationales découlant d'une législation interne engage la responsabilité internationale de l'Etat concerné. Cela résulte du principe général pacta sunt servanda qui lie les Etats-Unis, comme tout autre Etat.