VPB 67.35
(Avis de droit de la Direction du droit international public du 22 février 2001)
Immunität von Staatsoberhäuptern und von weiteren hochrangigen Personen. Zusammenfassung des Standes der internationalen Praxis in der Materie.
Immunités des chefs d'Etats et des personnalités de haut rang. Résumé de l'état de la pratique internationale en la matière.
Immunità dei Capi di Stato e di altre personalità di alto rango. Riassunto dello stato della pratica internazionale in materia.
1. Immunité des Chefs d'Etat
L'immunité des Chefs d'Etat est régie par le droit international coutumier. Elle est fondée juridiquement sur l'assimilation du Chef de l'Etat au pays qu'il représente et est respectée dans les relations entre Etats. Les Chefs d'Etat qui séjournent à l'étranger bénéficient d'une immunité de juridiction pénale complète et absolue[94], c'est-à-dire tant pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions que pour les actes privés. Il est évidemment peu probable qu'une telle personne se rendra coupable de crimes ou de délits. Toutefois, si cela devait se produire, non seulement elle ne saurait être arrêtée puisque cela violerait son inviolabilité[95], mais encore elle ne pourrait pas faire l'objet d'une assignation devant un tribunal pénal[96]. Les Chefs d'Etat étrangers jouissent également d'une immunité totale de juridiction de simple police et ils ne sauraient se voir infliger une amende, y compris pour violation des règles de la circulation. Ces règles connaissent néanmoins une exception: les Statuts des Tribunaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie (TPIY)[97] et le Rwanda (TPIR)[98] prévoient en effet que la qualité officielle d'un accusé, par exemple comme Chef d'Etat, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale (art. 7 al. 2 Statut TPIY et art. 6 al. 2 Statut TPIR)[99]. Par exemple, le TPIY a utilisé cette possibilité en adoptant un acte d'accusation incriminant M. Milosevic, alors qu'il était encore Président de la République fédérale de Yougoslavie.
L'immunité de juridiction civile des Chefs d'Etat ne fait pas la même unanimité que l'immunité de juridiction pénale. Alors que certains auteurs estiment que les Chefs d'Etat bénéficient de l'immunité de juridiction civile tant pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions que pour les actes privés, d'autres auteurs sont d'avis que si l'immunité doit être accordée pour les actes officiels, il n'en va pas de même pour les actes privés[100].
2. Immunité des personnalités de haut rang
2.1. Introduction
La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961[101] prévoit en son art. 31 al. 1 que l'agent diplomatique jouit d'une immunité de juridiction pénale complète dans l'Etat accréditaire. Cette règle applicable aux agents de missions diplomatiques permanentes a été confirmée dans la Convention de New York du 8 décembre 1969 sur les missions spéciales[102] pour les représentants d'Etats d'envoi en missions spéciales. Cette Convention de New York comporte aussi des règles sur la situation particulière des personnalités de haut rang, telles que les Chefs de gouvernement et les Ministres des affaires étrangères. Elle précise que ces personnes, quand elles prennent part à une mission spéciale de l'Etat d'envoi, jouissent, dans l'Etat de réception ou dans un Etat tiers, en plus de ce qui est accordé par la Convention, des facilités, privilèges et immunités reconnus par le droit international (cf. art. 21 al. 2). En d'autres termes, les Chefs de gouvernement, les Ministres des affaires étrangères et les autres personnalités de haut rang peuvent également prétendre aux immunités consacrées par le droit international coutumier et qui n'ont pas été codifiées dans les textes internationaux mentionnés ci-dessus.
2.2. Immunité des personnalités de haut rang en missions spéciales
Il découle de ce qui précède que les Premiers ministres et autres membres de gouvernement bénéficient, lorsqu'ils participent à une mission officielle à l'étranger, de l'inviolabilité de leur personne et de l'immunité de juridiction pénale totale dans l'Etat de réception de la mission comme dans les Etats de transit[103]. Cette protection inclut l'inviolabilité de leurs biens et de leur correspondance officielle[104].
2.3. Immunité des personnalités de haut rang pour les actes officiels accomplis en dehors de missions spéciales
Le droit international public ne définit pas avec précision la situation des personnalités de haut rang qui ne se trouvent pas en mission spéciale et qui ne sont pas non plus en visite privée. La pratique des Etats permet néanmoins d'observer divers cas d'application de l'immunité de ces personnalités. Cette pratique repose sur le principe que l'immunité dont bénéficient les Etats pour leurs actes officiels (acta iure imperii) et celle dont bénéficient les diplomates s'étend également, mutatis mutandis, à l'immunité personnelle des représentants des Etats. Ainsi, les personnalités de haut rang doivent aussi jouir de l'immunité de juridiction pour les actes officiels accomplis en rapport direct avec l'exercice de leurs fonctions de représentants de l'Etat[105]. Cependant, alors que l'immunité accordée aux Chefs d'Etat constitue une obligation du droit international, la nature de cette pratique en faveur des hautes personnalités est contestée: pour certains il s'agit d'une obligation du droit international, pour d'autres de l'observation d'une courtoisie entre Etats[106].
2.4. Immunité des personnalités de haut rang lors de visites privées
S'agissant des séjours à l'étranger effectués par des personnalités de haut rang à titre privé, la situation de ces dernières doit être clairement distinguée de celle des Chefs d'Etat qui bénéficient d'une protection complète consacrée par le droit international public. En effet, les personnalités de haut rang ne jouissent en principe d'aucune immunité établie par le droit international public lors de telles visites.
3. Violation de droits imprescriptibles
(…) Se pose encore la question de savoir si l'institution juridique de l'immunité peut être invoquée face à une dénonciation pour violation de droits imprescriptibles, tels que l'interdiction de la torture. Etant données les incertitudes du droit international public actuel et compte tenu du fait que ces questions devraient être tranchées par les tribunaux, il n'est guère possible au gouvernement suisse de donner une réponse certaine. A cet égard, il importe de suivre non seulement le développement dans le domaine de la juridiction pénale internationale, mais aussi les implications de la jurisprudence Pinochet sur l'activité des tribunaux dans ce domaine.
En tout état de cause, il appartient aux organes juridictionnels compétents (lesquels, en appliquant le droit suisse, doivent également tenir compte du droit international conventionnel et coutumier) de trancher ces questions.
[94] ATF 115 Ib 496; Revue suisse de droit international 1984, p. 183; J. Kren Kostkiewicz, Staatenimmunität im Erkenntnis- und Vollstreckungsverfahren nach schweizerischem Recht, Bern 1998, p. 90 ss; A. Watts, Heads of States, Heads of Governments, Foreign Ministers in: Académie de droit international, Recueil des cours 1994 III, Tome 247, Dordrecht 1995, Chapitre III p. 97.
[95] L'inviolabilité des Chefs d'Etat est sans doute le privilège le moins discuté. La doctrine reconnaît que le Chef d'Etat en visite à l'étranger ne saurait faire l'objet d'aucune arrestation ou mesure de contrainte. Cette inviolabilité s'étend à sa résidence, à ses biens, à ses bagages et à sa correspondance.
[96] Philippe Cahier, Le droit diplomatique contemporain, Genève 1962, p. 338 s.
[97] http://www.un.org/icty/legaldoc-e/index.htm
[98] http://www.ictr.org/wwwroot/french/basicdocs/statute_f.html
[99] Il en va de même du Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998 (RS 0.312.1; cf. art. 27).
[100] A. Watts (note 1), p. 54 ss.
[101] RS 0.191.01.
[102] RS 0.191.2.
[103] Art. 42 de la Convention sur les missions spéciales (note 9).
[104] Art. 28 s. et 31 de la Convention sur les missions spéciales (note 9); A. Watts (note 1), p. 105 ss.
[105] A. Watts (note 1), p. 107 ss.
[106] Une règle de droit coutumier international n'a pas été établie pour les personnalités de haut rang car l'élément de l'opinio juris vel necessitatis fait en l'occurrence défaut.
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