C/10338/2018

ACJC/1702/2018 du 04.12.2018 sur JTPI/13621/2018 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE ; TITRE EXÉCUTOIRE ; DÉCISION SUR OPPOSITION ; ALLOCATION FAMILIALE
Normes : LP.80.al1; LP.81.al1; LPGA.54.al1; LPGA.54.al2; LAF.12.al2; LAF.40.al2
Pdf
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10338/2018 ACJC/1702/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 4 DECEMBRE 2018

 

Entre

A______ "______", sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 septembre 2018, comparant par Me Anaïs Abdel Sattar, avocate, avenue de Champel 4, 1206 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/13621/2018 du 10 septembre 2018, expédié pour notification aux parties le 21 septembre suivant, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté A______ AF de ses conclusions en mainlevée définitive (chiffre 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance effectuée par elle et les a laissés à sa charge (ch. 2 et 3).

Sans autre motivation, le Tribunal a retenu que les pièces produites ne valaient pas titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP.

B.            a. Par acte déposé le 4 octobre 2018 au greffe de la Cour de justice, A______ "______" (ci-après : A______ AF) a formé recours contre ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation. Elle a conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 3'340 fr., sous suite de frais et dépens.

Elle a reproché au premier juge une constatation manifestement inexacte des faits et une appréciation arbitraire des preuves en refusant de prononcer la mainlevée définitive, alors qu'elle disposait d'un jugement exécutoire.

Elle a produit les pièces versées en première instance.

b. B______ n'a pas déposé de réponse dans le délai fixé à cet effet, ni ultérieurement.

c. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 6 novembre 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. A______ AF est une association, dont le siège est sis à Genève, qui a pour but de promouvoir les intérêts communs de ses membres (économiques et sociaux), dans la mesure de ses moyens les défendre, de mettre en place et d'assumer des services et de les représenter auprès des autorités, d'autres associations professionnelles et partis politiques.

Sa caisse d'allocations familiales verse les prestations des régimes cantonaux aux assurés.

b. Le 2 septembre 2014, A______ AF, dont la raison sociale était à l'époque "______", a notifié à B______ une demande de restitution d'allocations familiales perçues à tort, pour la période du 1er janvier au 31 août 2014, et portant sur un montant de 3'200 fr.

Il était indiqué qu'une opposition pouvait être formée contre cette décision auprès de la [caisse de compensation] C______, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification. L'attention de B______ était également attirée sur le fait qu'il pouvait requérir une remise partielle ou complète de l'obligation de restituer, cette demande devant également être adressée dans les trente jours, aux Services interprofessionnels d'allocations familiales.

A______ AF a allégué que B______ n'avait pas formé opposition à ladite demande de restitution.

c. Le 15 mai 2017, A______ AF a adressé à B______ un rappel, portant sur le montant de 3'200 fr., à verser au plus tard d'ici au 25 mai 2017.

d. Par sommation du 26 septembre 2017, A______ AVS a requis le paiement de
3'340 fr., correspondant au montant capital de 3'200 fr. et aux taxes de sommation de 140 fr., aucun paiement n'étant intervenu.

e. A la requête de A______ AVS, une poursuite n° 1______ a été notifiée le
22 mars 2018 à B______, portant sur les sommes de 3'200 fr. et 140 fr.

Le poursuivi y a formé opposition.

f. Par requête adressée le 1er mai 2018 au Tribunal, A______ AF a requis le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer. Elle a produit notamment la décision de restitution du 2 septembre 2014, le courrier de rappel du 15 mai 2017, la sommation du 26 septembre 2017 et le commandement de payer.

g. A l'audience du Tribunal du 10 septembre 2018, B______ n'était ni présent, ni représenté.

A teneur du procès-verbal, le Tribunal a informé A______ AF de ce qu'aucun titre de mainlevée ne figur[ait] à l'appui de la requête. Si quoi, celle-ci a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique
(art. 251 let. a CPC).

1.2 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit, en procédure sommaire, être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en faits (art. 320 CPC).

2. La recourante soutient que le Tribunal a considéré à tort qu'elle n'avait pas produit de titre de mainlevée alors que sa décision du 2 septembre 2014, qui n'a pas fait l'objet d'une opposition, constitue un tel titre.

2.1
2.1.1
Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP). Sont assimilées à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2
ch. 2 LP).

En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte postérieurement au jugement. Par extinction de la dette, la loi ne vise pas seulement le paiement, mais aussi toute autre cause de droit civil. C'est au débiteur qu'il incombe d'établir que la dette est éteinte (ATF 124 III 501 consid. 3a et b p. 503 et les références). Contrairement à ce qui vaut pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP). L'art. 81 al. 1 LP exige, pour maintenir l'opposition, la preuve par titre de l'extinction de la dette. Le titre de mainlevée au sens de l'art. 81 al. 1 LP créant la présomption que la dette existe, cette présomption ne peut être renversée que par la preuve stricte du contraire (ATF 136 III 624 consid. 4.2.3 et les références).

2.1.2 Le contentieux de la mainlevée de l'opposition (art. 80 ss LP est un "Urkundenprozess") (art. 254 al. 1 CPC), dont le but n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire; le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et la jurisprudence citée). Le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites (ATF 100 III 48
consid. 3) et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res iudicata) quant à l'existence de la créance (ATF 136 III 583 consid. 2.3). La décision du juge de la mainlevée ne prive donc pas les parties du droit de soumettre à nouveau la question litigieuse au juge ordinaire (art. 79 et 83 al. 2 LP; ATF 136 III 528 consid. 3.2).

Dans la procédure de mainlevée définitive, le juge se limite à examiner le jugement exécutoire ou les titres y assimilés, ainsi que les trois identités - l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre (ATF 140 III 372 consid. 3.1), l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté - et à statuer sur le droit du créancier de poursuivre le débiteur, c'est-à-dire à décider si l'opposition doit ou ne doit pas être maintenue (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1).

2.1.3 Selon l'art. 54 al. 1 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), les décisions et les décisions sur opposition sont exécutoires lorsqu'elles ne peuvent plus être attaquées par une opposition ou un recours (let. a), que l'opposition ou le recours n'a pas d'effet suspensif (let. b) ou que l'effet suspensif attribué à une opposition ou à un recours a été retiré (let. c).

L'art. 54 al. 2 LPGA précise que les décisions et les décisions sur opposition exécutoires qui portent condamnation à payer une somme d'argent ou à fournir des sûretés sont assimilées aux jugements exécutoires au sens de l'art. 80 LP.

2.1.4 Selon l'art. 12 al. 2 de la loi sur les allocations familiales (LAF-RS GE J 5 10), les allocations perçues sans droit doivent être restituées. La restitution ne peut pas être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile.

Il incombe aux Caisses d'allocations familiales de fixer et verser les allocations familiales, de fixer et prélever les cotisations et de rendre et de notifier les décisions et les décisions sur opposition (art. 21 LAF).

Tous les actes d'administration par lesquels une caisse d'allocations familiales statue sur les droits ou obligations découlant de la LAF doivent revêtir la forme d'une décision écrite, motivée et comportant l'indication des voies de droit (art. 37 LAF).

Les décisions des organes d'application passent en force de chose jugée lorsqu'elles n'ont pas fait l'objet d'un recours en temps utile (art. 40 al. 1 LAF).

Les décisions des organes d'application et celles de l'autorité de recours passées en force qui portent sur une prestation pécuniaire sont assimilées aux jugements exécutoires au sens de l'art. 80 LP (art. 40 al. 2 LAF).

La LAF est appliquée par les différentes caisses d'allocations familiales et par le fonds cantonal de compensation des allocations familiales (art. 13 LAF).

2.1.5 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en procédure de recours, la Cour statue sur la base des faits allégués et prouvés. Lorsque la partie défenderesse ne comparaît pas à l'audience, le juge doit, sous réserve de l'art. 153 al. 2 CPC, statuer sur la base des actes du demandeur et du dossier (art. 234 CPC par analogie; arrêts du Tribunal fédéral 4A_295/2017 du 25 avril 2018 consid. 3.2.1 et 3.3.2; 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1.1).

2.1.6 En l'espèce, la décision de la recourante du 2 septembre 2014, sur laquelle se fonde le commandement de payer, sollicitant la restitution d'allocations familiales versées indûment à l'intimé du 1er janvier au 31 août 2014, soit portant une condamnation à payer une somme d'argent, doit être assimilée à un jugement au sens de l'art. 80 LP et vaut dès lors titre de mainlevée au sens de l'art. 80 LP.

L'intimé n'a pas allégué devant le Tribunal que cette décision ne lui aurait pas été notifiée ou qu'elle ne serait pas exécutoire. Il n'a pas non plus contesté la quotité du montant réclamé, ni les taxes de sommation, et n'a pas non plus allégué que la dette serait éteinte. En l'absence d'un quelconque élément permettant de mettre en doute le caractère exécutoire de la décision produite, le Tribunal n'était pas fondé à considérer, sans motivation au demeurant, que celle-ci ne valait pas titre de mainlevée.

C'est par conséquent à tort que le Tribunal a débouté la recourante des fins de sa requête de mainlevée définitive.

Il s'ensuit que le recours sera admis, que la décision attaquée sera annulée et, la cause étant en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. b CPC), qu'il sera statué à nouveau en ce sens que la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sera prononcée.

3. L'intimé, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires de la procédure de première instance et de recours, fixés respectivement à 200 fr. et 300 fr., compensés avec les avances fournies, qui restent acquises à l'Etat de Genève
(art. 111 al. 1 CPC).

L'intimé sera en conséquence condamné à verser 500 fr. à ce titre à la
recourante (art. 111 al. 2 CPC).

Il sera également condamné aux dépens de la recourante arrêtés à 1'000 fr. pour les deux instances, débours et TVA compris (art. 106; art. 85, 88 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 4 octobre 2018 par A______ "______" contre le jugement JTPI/13621/2018 rendu le 10 septembre 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10338/2018-12 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais des deux instances :

Arrête les frais judiciaires de première instance à 200 fr. et ceux de deuxième instance à 300 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont compensés avec les avances fournies, qui restent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 500 fr. à ce titre à A______ "______".

Condamne B______ à verser 1'000 fr. à titre de dépens des deux instances à A______ "______".

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.