C/10920/2015

ACJC/693/2016 du 20.05.2016 sur JTPI/10644/2015 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE; TITRE DE MAINLEVÉE; DÉCISION; NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE
Normes : LP.80
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10920/2015 ACJC/693/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 20 mai 2016

 

Entre

Monsieur A_____, domicilié _____, (GE), recourant contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 16 septembre 2015, comparant par
Me Elodie Skoulikas, avocate, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

ETAT DE GENEVE, DEPARTEMENT DE L'EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTE, soit pour lui le Service des prestations complémentaires (SPC), route de Chêne 54, case postale 6375, 1211 Genève 6, intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/10644/2015 du 16 septembre 2015, communiqué aux parties pour notification le 2 octobre 2015, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1_____ (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 400 fr., compensés avec l'avance effectuée par la partie requérante (ch. 2), les a mis à la charge de la partie citée et a condamné celle-ci à les verser à la partie requérante qui en avait fait l'avance (ch. 3).

B. a. Par acte du 15 octobre 2015, A_____ forme recours contre ledit jugement, dont il sollicite l'annulation. Cela fait, il conclut au déboutement de l'ETAT DE GENEVE, DEPARTEMENT DE L'EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTE, soit pour lui le Service des prestations complémentaires, des fins de sa requête de mainlevée définitive de l'opposition, ainsi qu'à la condamnation de ce dernier en tous les frais et dépens de première et seconde instance.

Il produit des pièces nouvelles.

b. L'ETAT DE GENEVE, DEPARTEMENT DE L'EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTE, soit pour lui le Service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC) n'a pas répondu au recours dans le délai imparti.

c. Par arrêt ACJC/1331/2015 du 29 octobre 2015, la Cour a admis la requête du recourant tendant à suspendre l'effet exécutoire attaché au jugement querellé et dit qu'il sera statué sur les frais de la décision dans l'arrêt au fond.

d. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 15 avril 2016, de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments de fait pertinents suivants résultent du dossier.

a. Par décisions du 11 novembre 2013, le SPC a exigé le remboursement de prestations complémentaires et de subsides d'assurance-maladie versés à A_____, à concurrence de 37'471 fr. et 3'603 fr. 50.

b. Le 4 mai 2015, un commandement de payer, poursuite n° 1_____, portant sur la somme de 41'074 fr. 50 a été notifié à A_____ à la requête du SPC, auquel opposition totale a été formée. Le titre de la créance était "prestations complémentaires à l'AVS/AI + subsides assurance maladie indûment perçues selon demandes de restitution du 11.11.2013".

c. Le 2 juin 2015, le SPC, division des finances, a attesté qu'aucune opposition n'avait été déposée auprès de son service, contre ses décisions de restitution du
11 novembre 2013 notifiées à A_____.

d. Le 2 juin 2015, le SPC a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1_____.

e. Le 21 août 2015, A_____ a formé opposition aux décisions du 11 novembre 2013 auprès du SPC, alléguant qu'il n'en avait eu connaissance que le 30 juillet 2015, soit à réception de la citation à comparaître à une audience de mainlevée définitive, à laquelle elles étaient jointes.

f. Lors de l'audience du 28 août 2015 par devant le Tribunal, le SPC n'était ni présent ni représenté. A_____ a indiqué que les décisions du 11 novembre 2013 ne lui avaient jamais été notifiées. Il a produit une pièce, soit l'opposition du 21 août 2015 précitée.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique
(art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

Interjeté dans le délai légal et selon la forme prescrite, le recours est recevable en l'espèce.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n° 2307).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a
a contrario et 58 al. 1 CPC).

1.3 Les conclusions, allégations de fait et preuves nouvelles sont irrecevables
(art. 326 al. 1 CPC).

En l'espèce, toutes les pièces nouvelles produites par le recourant sont irrecevables, de même que les allégations y relatives.

2. Le recourant fait grief au premier juge d'avoir considéré que les décisions produites à l'appui de la requête de mainlevée définitive valaient titre de mainlevée, en l'absence de preuve de notification de celles-ci.

2.1 Selon l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Sont assimilées à des jugements, les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2
ch. 2 LP).

Selon la jurisprudence, les décisions qui n'ont pas été notifiées valablement à la personne concernée ne déploient pas d'effets juridiques et n'acquièrent pas force de chose jugée. L'autorité supporte le fardeau de la preuve de la notification lorsqu'il est contesté que cette dernière ait bien eu lieu. Lorsqu'une décision ou une ordonnance porte sur le paiement d'une somme d'argent, il appartient en principe au créancier qui produit un titre de mainlevée sur la base duquel il requiert la mainlevée définitive de démontrer que celui-ci est exécutoire au sens de l'art. 80 al. 1 LP, ce qui implique qu'il ait été notifié valablement. Une attestation d'entrée en force de chose jugée ne suffit pas à apporter cette preuve (arrêt du Tribunal fédéral 5D_37/2013 du 5 juillet 2013 consid. 4; arrêts joints 5A_264/2007 et 5A_495/2007 du 25 janvier 2008 consid. 3.3).

2.2 En l'espèce, le recourant a contesté tant devant le Tribunal que devant la Cour avoir reçu notification des décisions du SPC du 11 novembre 2013. Il incombait par conséquent à l'intimé d'apporter la preuve de cette notification, ce qu'il n'a pas fait, la seule mention du caractère définitif et exécutoire des décisions n'étant pas suffisante à cet égard.

Les conditions pour le prononcé de la mainlevée définitive au commandement de payer n'étaient ainsi pas réalisées, de sorte que le jugement attaqué doit être annulé et l'intimé débouté des fins de sa requête en mainlevée de l'opposition.

3. Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais judiciaires seront en l'espèce arrêtés à 1'000 fr., soit 400 fr. en première instance et 600 fr. en deuxième instance (art. 48 et 61 al. 1 OELP), y compris la décision sur effet suspensif.

L'intimé, qui succombe, sera condamné aux frais des deux instances, conformément à l'art. 106 al. 1 CPC.

Ces frais seront partiellement compensés avec l'avance fournie par l'intimé en première instance, soit 400 fr., qui reste acquise à l'Etat. Dès lors que le recourant plaidait au bénéfice de l'assistance judiciaire, le montant de l'avance n'a pas été versé en deuxième instance. L'intimé sera, partant, condamné à verser la somme de 600 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

L'intimé sera également condamné aux dépens en faveur du recourant, arrêtés à hauteur de 2'000 fr. au total, soit 1'000 fr. en première et 1'000 fr. en seconde instance, débours et TVA compris (art. 95 al. 1 let. b et 3 let. a et b CPC, 25
et 26 LaCC, 25 al. 1 LTVA ainsi que 85 al. 1, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A_____ contre le jugement JTPI/10644/2015 rendu le 16 septembre 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10920/2015-JS SML.

Au fond :

L'admet.

Annule le jugement entrepris et, cela fait, statuant à nouveau :

Déboute l'ETAT DE GENEVE, DEPARTEMENT DE L'EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTE, soit pour lui le Service des prestations complémentaires de ses conclusions en mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1_____.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête à 1'000 fr. les frais judiciaires de première et de seconde instance.

Dit que ces frais sont partiellement compensés avec l'avance effectuée par l'ETAT DE GENEVE, DEPARTEMENT DE L'EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTE, soit pour lui le Service des prestations complémentaires, laquelle reste acquise à l'Etat.

Met les frais à la charge de l'ETAT DE GENEVE, DEPARTEMENT DE L'EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTE, soit pour lui le Service des prestations complémentaires et condamne celui-ci à verser aux Services financiers du Pouvoir judiciaire, 600 fr. à ce titre.

Condamne l'ETAT DE GENEVE, DEPARTEMENT DE L'EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTE, soit pour lui le Service des prestations complémentaires à verser à A_____ 2'000 fr. à titre de dépens de première instance et de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 30'000 fr.