C/10933/2014

ACJC/260/2015 du 06.03.2015 sur JTPI/13933/2014 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : CONTRAT DE TRAVAIL; MAINLEVÉE PROVISOIRE
Normes : LP.82
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10933/2014 ACJC/260/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 6 MARS 2015

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ (Fribourg), recourante contre un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 novembre 2014, comparant en personne.

et

B______SA, sise ______ Genève, intimée, comparant par Me Philippe Carruzzo, avocat, rue de la Synagogue 41, case postale 5013, 1211 Genève 11, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 5 novembre 2014, reçu par A______ le 8 novembre 2014, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté la précitée de ses conclusions en mainlevée provisoire (chiffre 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 400 fr., les a compensés avec l'avance effectuée par A______ (ch. 2) et les a laissés à sa charge (ch. 3).

Il a retenu que le titre présenté par A______, soit son contrat de travail avec B______SA, ne permettait pas de prononcer la mainlevée provisoire de l'opposition au motif qu'il ne précisait pas la date de son entrée en fonction et que l'échelonnement de salaire prévu par le contrat de travail, sur lequel se basait la poursuite, était soumis à la condition que certains objectifs soient atteints, condition dont la preuve du respect n'avait pas été apportée immédiatement.

B. a. Par acte expédié le 18 novembre 2014 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ recourt contre ce jugement, sans prendre de conclusions formelles, indiquant uniquement qu'elle espérait que la Cour tiendrait compte de son recours.

Elle soutient avoir fourni au Tribunal un certificat de travail permettant d'identifier la date de son entrée en fonction auprès de B______SA et ne pas s'être vu fixer des objectifs, encore moins de la part de la société "C______" comme indiqué sur le contrat de travail.

b. Dans sa réponse du 11 décembre 2014, B______SA conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais.

Elle fait, notamment, valoir que A______ connaissait ses objectifs, mais ne les avait pas atteints.

c. Par réplique et duplique des 19 décembre 2014 et 3 janvier 2015, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Les parties ont été informées par avis de la Cour du 6 janvier 2015 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 7 avril 2014, A______ a fait notifier à B______SA un commandement de payer, poursuite n° _______, portant sur la somme de 12'645 fr. 85, avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2011. Elle a invoqué, à titre de cause de l'obligation, son contrat de travail avec B______SA.

b. B______SA a formé opposition au commandement de payer.

c. Par acte expédié le 31 mai 2014 au greffe du Tribunal, A______ a requis le prononcé de la mainlevée de l'opposition, avec suite de frais et dépens.

Elle a motivé sa requête en expliquant que B______SA ne lui avait pas payé les montants prévus par son contrat de travail.

Elle a produit, à l'appui de sa requête, son contrat de travail conclu avec D______SA en qualité d'employeur (ancienne raison sociale de B______SA) qui prévoyait une augmentation du salaire après le sixième et le douzième mois de travail, la mention manuscrite "si objectifs atteints C______" figurant directement après cette clause. Elle a également produit ses fiches de salaire, le commandement de payer, un extrait internet du Registre du commerce de B______SA et un certificat de travail indiquant que son entrée en fonction chez B______SA en qualité de "conseillère d'emploi" datait du 30 avril 2008.

d. Par courrier du 18 septembre 2014, B______SA a soutenu que la requérante ne possédait aucun titre de mainlevée valable et que le litige était de la compétence unique du Tribunal des Prud'hommes.

e. Les parties n'étaient ni présentes ni représentées à l'audience fixée par le Tribunal le 22 septembre 2014, à la suite de laquelle le jugement entrepris a été rendu.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée pour les décisions prises en procédure sommaire.

Le recours a été formé dans le délai fixé par la loi auprès de la Cour, de sorte qu'il est recevable sous cet angle.

1.2 Selon l'art. 321 al. 2 CPC, le recours doit être écrit et motivé.

Même si contrairement à l'appel, le recours déploie avant tout un effet cassatoire, le recourant ne peut se limiter à conclure à l'annulation de la décision attaquée; il devra prendre des conclusions au fond sous peine d'irrecevabilité du recours, de façon à permettre à l'autorité de recours de statuer à nouveau dans le cas où les conditions de l'art. 327 al. 2 CPC sont réunies (Jeandin, in CPC, Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy [éd.], 2011, n. 4 et 5 ad art. 321 CPC).

Une motivation succincte ou sommaire peut, suivant les circonstances, être suffisante (Reetz/Theiler, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger,
2ème éd., 2013, n. 37 s. ad art. 311 CPC). Il incombe au recourant de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit pas de renvoyer à une écriture antérieure, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF
138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5D_65/2014 du 9 septembre 2014
consid. 5.4.1).

Dans le cas d'espèce, le recours, rédigé par un justiciable agissant en personne, répond aux exigences de motivation précitées, interprétées de manière large. Bien que la recourante n'ait pas expressément mentionné de conclusions relatives à l'annulation de la décision de première instance, la Cour comprend qu'elle sollicite la mise à néant du jugement entrepris et le prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer.

Le recours est ainsi recevable.

2. Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

La maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titre (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 254 CPC). En outre, la maxime de disposition s'applique (art. 58 al. 1 CPC).

3. Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Cela concerne également les faits survenus après la clôture des débats devant le premier juge, dès lors que la juridiction de recours doit statuer sur un état de fait identique à celui soumis à celui-ci (Chaix, L'apport des faits au procès, in SJ 2009 II 267; Hofmann/Luscher, Le code de procédure civile, 2009, p. 202). Partant, pour examiner si la loi a été violée, la Cour de justice doit se placer dans la situation où se trouvait le premier juge lorsque
celui-ci a rendu la décision attaquée.

Les allégations nouvelles des parties concernant les objectifs à atteindre par la recourante ne sont donc pas recevables.

4. La recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir prononcé la mainlevée de l'opposition à la poursuite.

4.1 En vertu de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge prononce la mainlevée provisoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).

Constitue une reconnaissance de dette, au sens de cette disposition, l'acte authentique ou sous seing privé signé par le poursuivi d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée ou aisément déterminable, et échue; cette volonté peut découler du rapprochement de plusieurs pièces, autant que les éléments nécessaires en résultent (ATF 132 III 480 consid. 4.1; ATF 130 III 87 consid. 3.1; ATF 122 III 125 consid. 2).

Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies, en particulier, dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité de la créance (arrêts du Tribunal fédéral 5A_465/2014 du 20 août 2014 consid. 7.2.1.2; 5A_367/2007 du 15 octobre 2007 consid. 3.1). Ainsi, le contrat de travail
(art. 319 ss CO) vaut, en principe, reconnaissance de dette dans la poursuite en recouvrement du salaire s'il est constant que le travail a été fourni (arrêt du Tribunal fédéral 5A_513/2010 du 19 octobre 2010 consid. 3.2).

En présence d'une reconnaissance de dette conditionnelle, la mainlevée ne peut être prononcée qu'avec la preuve, qui doit être apportée immédiatement, que les conditions sont devenues sans objet ou ont été respectées. Dans le doute sur la nature de la condition, il faut opter pour la nature suspensive et non résolutoire de celle-ci (Krauskopf, La mainlevée provisoire : quelques jurisprudences récentes, in JdT 2008 II 23, 27; arrêts du Tribunal fédéral 5A_303/2013 du 24 septembre 2013 consid. 4.1, 5A_83/2011 du 2 septembre 2011 consid. 5.1).

Le juge de la mainlevée ne statue pas sur l'existence de la créance; il se borne à vérifier - d'office - si, formellement, il existe un titre qui permet la continuation de la poursuite et si les documents produits le cas échéant par le débiteur rendent sa libération vraisemblable. Son pouvoir d'instruction est limité. Il n'y a pas de libre appréciation des preuves, car une rigueur formelle caractérise la procédure (Schmidt, in Commentaire romand, LP, 2005, n. 34 ss ad art. 82 LP). Le juge de la mainlevée ne statue pas et ne doit pas statuer sur le fond du droit (Gillieron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, 1999, n. 22 ad art. 82 LP).

4.2 En l'espèce, la recourante a produit un certificat de travail indiquant la date de son entrée en fonction, de sorte que l'échelonnement du salaire pourrait être calculé.

Cependant, comme l'a a juste titre constaté le Tribunal, le contrat de travail produit par la recourante prévoit un échelonnement du salaire soumis à une condition, soit l'atteinte d'objectifs "C______". Ces objectifs semblent avoir été fixés lors de la conclusion du contrat puisque la version du contrat de travail produite par la recourante les mentionne. La recourante n'a cependant pas prouvé, ni même allégué, avoir atteint ces objectifs ou qu'il ait été renoncé à cette condition en cours de contrat et aucune pièce du dossier ne permet de l'affirmer.

Force est dès lors de constater que le titre sur lequel se base la poursuite est soumis à une condition dont la recourante n'a pas prouvé immédiatement la réalisation ou la caducité.

Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Tribunal a débouté la recourante de ses conclusions en mainlevée de l'opposition. Le recours sera rejeté.

5. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires, arrêtés à 300 fr. et compensés avec l'avance de frais qu'elle a versée, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 106 al. 1 et 111 al. 1 CPC; art 48 et 61 al. 1 OELP).

Le solde de l'avance versée lui sera restitué.

La recourante sera condamnée à verser à l'intimée, représentée par un avocat, un montant de 400 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens de recours (art. 96 et 105 al. 2 CPC; art. 85, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC; art. 25 LTVA).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 18 novembre 2014 par A______ contre le jugement JTPI/13933/2014 rendu le 5 novembre 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10933/2014-4 SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Condamne A______ aux frais judiciaires du recours, fixés à 300 fr., lesquels sont compensés avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève à concurrence de ce montant.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de rembourser à A______ le solde de l'avance de frais, soit 300 fr.

Condamne A______ à verser à B______SA la somme de 400 fr. à titre de dépens du recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 


Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.