C/11264/2015

ACJC/154/2016 du 12.02.2016 sur JTPI/12402/2015 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE; DÉPENS
Normes : RTFMC.85
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11264/2015 ACJC/154/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 12 fÉvrier 2016

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, (GE), recourante contre le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 20 octobre 2015, comparant par Me Laurent Nephtali, avocat, rue du Mont-de-Sion 8, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, (GE), intimé, comparant par Me Eric Stampfli, avocat, route de Florissant 112, 1206 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Le 29 mai 2015, A______ a déposé au Tribunal de première instance une requête de mainlevée définitive partielle (à concurrence de 400'302 fr.) en validation de séquestre, dirigée contre B______.

Une audience a eu lieu le 5 octobre 2015, lors de laquelle le conseil de B______ a déposé un chargé comprenant huit pièces et a conclu au rejet de la requête.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

B. Par jugement JTPI/12402/2015 rendu le 20 octobre 2015, communiqué aux parties pour notification le 2 novembre 2015, le Tribunal a débouté A______ de ses conclusions en validation du séquestre dirigées contre B______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 750 fr., mis à la charge de A______ et compensés avec l'avance de frais effectuée par celle-ci (ch. 2 et 3) et condamné A______ à verser à B______ 23'782 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que la requête en validation du séquestre était tardive, au motif qu'elle n'était pas intervenue dans les dix jours à compter de la réception du procès-verbal de séquestre du 13 janvier 2015.

C. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 12 novembre 2015, A______ recourt contre le jugement précité et demande l'annulation du chiffre 4 du dispositif de celui-ci. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à ce que la Cour fixe les dépens de première instance à "une somme conforme aux bases légales en vigueur".

Dans sa motivation juridique, elle invoque notamment les art. 20 al. 1 et al. 4, 23 al. 1 LaCC et 89 RTFMC, et se réfère à la quotité des dépens mis à la charge de B______ par le Tribunal dans de précédentes procédures sommaires ayant opposé les parties (4'800 fr. TTC dans la procédure d'opposition à séquestre C/25497/2014 d'une valeur litigieuse de 401'262 fr.; 2'000 fr. TTC dans la procédure de mainlevée définitive C/1383/2015 d'une valeur litigieuse de 401'262 fr. et 1'000 fr. TTC dans la procédure de mainlevée définitive C/2281/2015 d'une valeur litigieuse de 680'926 fr.). Elle fait valoir que la cause ne comportait pas de difficultés particulières, que l'intimé n'a produit aucune écriture et que la procédure a consisté en une seule audience de dix minutes.

Elle produit trois pièces qui figurent déjà au dossier du Tribunal.

b. Aux termes de sa réponse du 7 décembre 2015, B______ s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et conclut au rejet de celui-ci, avec suite de frais et dépens.

Il produit neuf pièces qui figurent déjà au dossier du Tribunal.

c. La recourante a répliqué le 9 décembre 2015 en persistant dans ses conclusions.

d. Les parties ont été informées le 11 janvier 2016 de ce que la cause était gardée à juger, l'intimé n'ayant pas fait usage de son droit de dupliquer.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une contestation relative aux frais et dépens, seule la voie du recours est ouverte (art. 110 et 319 let. b ch. 1 CPC). Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire en matière de mainlevée d'opposition (art. 251 let. a CPC).

Bien que l'art. 321 al. 1 CPC exige uniquement que le recours soit écrit et motivé, celui-ci doit également contenir des conclusions, à l'instar de l'acte introductif d'instance (art. 221 al. 2 let. b CPC). Les conclusions doivent indiquer sur quels points la partie recourante demande la modification ou l'annulation de la décision attaquée. Elles doivent en principe être libellées de telle manière que l'autorité de recours puisse, s'il y a lieu, les incorporer sans modification au dispositif de sa propre décision. En règle générale, les conclusions portant sur des prestations en argent doivent être chiffrées (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4D_72/2014 du 12 mars 2014 consid. 3). Cette exigence vaut aussi lors d'un recours indépendant contre une décision sur les frais et dépens en procédure cantonale (arrêt du Tribunal fédéral 5D_155/2013 du 22 octobre 2013 consid. 4.3).

L'autorité de recours doit cependant exceptionnellement entrer en matière nonobstant des conclusions insuffisantes lorsque la motivation présentée, au besoin mise en relation avec le jugement attaqué, permet de reconnaître l'intervention voulue par le recourant, la rigueur des exigences procédurales étant dans ce cas tempérées par la protection constitutionnelle contre le formalisme excessif (ATF 137 III 617 consid. 6.2; arrêt du Tribunal fédéral 4D_72/2014 du 12 mars 2014 consid. 4). Plus généralement, les conclusions doivent être interprétées sur la base du principe de la bonne foi, en référence avec la motivation y relative, sans tenir compte d'une formulation manifestement erronée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_622/2013 du 26 mai 2014 consid. 6.3 et 1C_751/2013 du 4 avril 2014 consid. 1.1). Pour ce qui concerne les conclusions sur les frais et dépens, l'indication du montant minimum requis ou la description des bases sur lesquelles les dépens doivent être calculés peuvent suffire (arrêt du Tribunal fédéral 5D_155/2013 du 22 octobre 2013 consid. 4.3).

1.2 En l'espèce, la recourante conteste le montant de dépens arrêtés par le Tribunal, mais ne chiffre pas ses conclusions, se bornant à demander à la Cour de fixer les dépens de première instance à "une somme conforme aux bases légales en vigueur". A la lecture de la motivation, la Cour comprend que la recourante demande que les dépens soit réduits en tenant compte du tarif spécial prévu pour les affaires judiciaires relevant de la poursuite pour dettes et faillite, ainsi que du travail effectif du conseil de sa partie adverse. Elle mentionne une "fourchette" oscillant entre 1'000 fr. et 4'800 fr.

Ainsi, déposé selon la forme prescrite par la loi et dans le délai utile, le recours est recevable, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'intimé.

1.3 Le recours peut être formé pour violation de la loi ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2. La recourante fait grief au premier juge d'avoir violé la loi en la condamnant à verser à l'intimé "la somme disproportionnée" de 23'782 fr. TTC à titre de dépens.

L'intimé fait valoir que la recourante a "multiplié sans raison les procédures", ce qui a "engendré un travail conséquent" pour son conseil, que la présente procédure était inutile et que le Tribunal n'était pas tenu de réduire les dépens en application de l'art. 89 RTFMC.

2.1 Les dépens, comprenant les débours et le défraiement d'un représentant professionnel (art. 95 al. 3 let. a et b CPC, loi qui règle la procédure applicable aux décisions judiciaires en matière de droit de la poursuite pour dettes et la faillite selon l'art. 1er let c CPC), sont fixés selon le tarif cantonal (art. 96 CPC).

A Genève, selon l'art. 20 al. 1 LaCC, dans les contestations portant sur des affaires pécuniaires, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé, dans les limites figurant dans un règlement du Conseil d'Etat, d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. Le Conseil d'Etat prévoit un tarif réduit ou spécial notamment pour les affaires judiciaires relevant de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (art. 20 al. 4 LaCC).

Les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci (art. 25 LaCC). Le juge fixe les dépens d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée (art. 26 al. 1 LaCC).

Lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la LaCC et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus (art. 23 al. 1 LaCC).

Le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse (art. 84 al. 1 RTFMC). Le tarif est exposé à l'art. 85 RTFMC. Au-delà d'une valeur litigieuse de 300'000 fr. et jusqu'à 600'000 fr. le défraiement est de 19'400 fr. plus 2% de la valeur litigieuse dépassant 300'000 fr. Le juge peut s'écarter de plus ou moins 10% du tarif, pour tenir compte de l'importance de la cause, de ses difficultés, de l'ampleur du travail et du temps employé (art. 85 al. 1 RTFMC).

Pour les affaires judiciaires relevant de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP), le défraiement est, dans la règle, réduit à deux tiers et au plus à un cinquième du tarif de l'art. 85 RTFMC (art. 89 RTFMC).

2.2 En l'espèce, la recourante admet que les dépens de première instance pouvaient être mis à sa charge. Ainsi, la question de savoir si le premier juge pouvait allouer des dépens à l'intimé en l'absence de conclusions formelles en ce sens peut demeurer ouverte.

Il n'est pas contesté que les dépens devaient être fixés en fonction d'une valeur litigieuse de 400'302 fr. En application de l'art. 85 RTFMC, cela correspondrait à un défraiement de 23'760 fr., débours et TVA compris, à savoir un montant proche de celui arrêté par le Tribunal.

Cela étant, le Tribunal n'a pas appliqué le tarif spécial édicté pour les affaires judiciaires en matière de LP et s'est écarté, sans motivation, de la règle de l'art. 89 RTFMC, qui prévoit une réduction du défraiement dans lesdites affaires.

Il convient de tenir compte du fait que l'intimé n'a pas répondu par écrit à la requête, laquelle ne comprenait que cinq pages. De plus, la procédure a été réglée en une seule (brève) audience, lors de laquelle l'intimé a déposé un chargé de huit pièces et s'est borné à conclure au rejet de la requête. Par ailleurs, la cause ne présentait pas de complexité particulière. Le fait que l'intimé a dû se défendre dans d'autres procédures est sans incidence, dans la mesure où la question des dépens pour lesdites procédures a dû être réglée dans le cadre de celles-ci. Au vu de ces éléments, il se justifiait de réduire le défraiement du conseil de l'intimé au minimum prévu, soit à un cinquième du tarif de l'art. 85 RTFMC, correspondant à 4'750 fr.

Le recours sera admis dans cette mesure et le ch. 4 du dispositif du jugement attaqué modifié en conséquence.

3. Les frais judiciaires seront arrêtés à 600 fr. (art. 41 RTFMC) et compensés avec l'avance effectuée, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Ils seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe, dans la mesure où il s'est opposé à toute réduction des dépens de première instance (art. 106 al. 1 CPC). L'intimé sera condamné à verser ce montant à la recourante.

Il sera également condamné à verser à la recourante 1'000 fr. à titre de dépens, débours et TVA compris (art. 84 RTFMC; 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2015 par A______ contre le chiffre 4 du dispositif du jugement JTPI/12402/2015 rendu le 20 octobre 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11264/2015-JS SML.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué et, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne A______ à verser à B______ 4'750 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judicaires du recours à 600 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec l'avance effectuée, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ 600 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires et 1'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.