C/11674/2015

ACJC/1179/2016 du 09.09.2016 sur JTPI/3906/2016 ( SEX ) , JUGE

Descripteurs : RECTIFICATION DE LA DÉCISION ; FORMALISME EXCESSIF
Normes : CPC.334;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11674/2015 ACJC/1179/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 9 SEPTEMBRE 2016

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 mars 2016, comparant par Me Monica Kohler, avocate, rue Marignac 9, case postale 324, 1211 Genève 12, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Mourad Sekkiou, avocat, rue de Rive 6, case postale 3658, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/3906/2016 du 21 mars 2016, communiqué aux parties le même jour, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire sur requête de rectification, a débouté A______ de toutes ses conclusions (ch. 1 du dispositif), condamné A______ au paiement de tous les frais (ch. 2), arrêtés les frais judiciaires à 1'000 fr., les a laissés à la charge de A______ (ch. 3) et a condamné ce dernier à payer à B______ 1'000 fr. TTC à titre de dépens.![endif]>![if>

En substance, le Tribunal a retenu que le dispositif de ce jugement ne comportait aucune erreur de rédaction ou faute de frappe dont il serait à l'origine, sujette à rectification par le juge. La voie de la rectification n'était pas destinée à pallier les erreurs des parties dans le libellé de leurs demandes et de leurs conclusions, de sorte que la requête devait être rejetée.

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour le 4 avril 2016, A______ forme recours contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Cela fait, il conclut à la correction du jugement JTPI/1______ rendu par la 3ème chambre du Tribunal de première instance le 26 octobre 2015 dans la cause C/2______ en tant qu'il a ordonné à B______ de libérer immédiatement de sa personne et de ses biens la villa sise C______ (GE), et autorisé A______ à requérir l'évacuation par la force publique de B______ et de ses biens de la villa sise C______ (GE), et, cela fait, statuant à nouveau, à ce qu'il soit ordonné à B______ de libérer immédiatement de sa personne et de ses biens la villa sise D______ (GE) et de libérer immédiatement de sa personne et de ses biens la villa sise D______ (GE).![endif]>![if>

A titre préalable, il sollicite la jonction des causes C/11674/2015 et C/11674/2015 S1 SEX.

Il produit des pièces nouvelles.

b. Par mémoire réponse du 2 mai 2016, B______ s'en rapporte à justice sur la recevabilité du recours et, au fond, conclut à son rejet et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais et dépens.

c. Par réplique du 13 mai 2016, A______ persiste dans ses conclusions.

d. B______ n'ayant pas fait usage de son droit de dupliquer, les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 7 juin 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits suivants ressortent de la procédure : ![endif]>![if>

a. Le divorce de A______ et B______, mariés en 1970 sous le régime de la séparation de biens, a été prononcé sur requête commune avec accord complet le 30 janvier 2003.

Par convention du 1er novembre 2003, A______ et B______, copropriétaires de la villa sise D______, ancien domicile conjugal, sont convenus que dès cette date, B______ serait seule usufruitière de ce bien immobilier pendant deux ans. En novembre 2005, les parties devaient trouver un accord concernant la vente ou la location de la maison, en prévision de la retraite de A______.

b. Par demande déposée en vue de conciliation le 8 juillet 2014 à l'encontre de son ex-épouse B______, "domiciliée C______", A______ a conclu notamment à ce que celle-ci soit condamnée à libérer de sa personne et de ses biens, dans un délai de trois mois, "la villa du C______".

c. Lors de l'audience de conciliation du 20 août 2014, les parties sont parvenues à un accord, ténorisé et contresigné par le juge conciliateur, à teneur duquel elles s'accordaient "à vendre leur bien immobilier dans un délai de huit mois", et B______ s'engageait "à libérer ce bien de sa personne et de ses biens le 31 mars 2015 au plus tard" (ACTPI/3______).

L'accord ne mentionne pas l'adresse de la villa des parties.

d. Par requête en exécution directe déposée le 10 juin 2015 à l'encontre de B______, "domiciliée C______", A______ a conclu à la condamnation de cette dernière à "libérer sans délai la villa du C______ de sa personne et de ses biens en application de la transaction judiciaire n°ACTPI/3______ du 20 août 2014" (C/11674/2015).

e. Par jugement n° JTPI/1______ du 26 octobre 2015, reçu par les parties le 2 novembre 2015, le Tribunal de première instance a ordonné à B______ de libérer immédiatement de sa personne et de ses biens la villa sise C______ (GE) (ch. 1 du dispositif), autorisé A______ à requérir l'évacuation par la force publique de B______ et de ses biens de la villa sise C______ (GE) (ch. 2), dit que l'intervention de la force publique devra être précédée de celle d'un huissier judiciaire (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 2'000 fr., compensé avec les avances fournies par A______, mis à la charge de B______ et condamné celle-ci à payer 2'000 fr. à A______ (ch. 4), condamné B______ à payer à A______ 2'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

f. Le 18 novembre 2015, A______ a saisi le Tribunal d'une demande de rectification d'erreur matérielle, soit la correction du C______ par le D______.

B______ s'est opposée à cette demande par courrier du 24 novembre 2015.

Par ordonnance du 5 février 2016, le Tribunal a transmis à B______ la demande en rectification du 18 novembre 2015, et lui a imparti un délai pour se déterminer par écrit.

Par courrier du 14 mars 2016, B______ a conclu au rejet de la demande de rectification du jugement JTPI/1______ du 26 octobre 2015, au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

Le Tribunal a transmis à A______ l'écriture de B______ du 14 mars 2016.

Le 16 mars 2016, il a rendu le jugement dont est recours.

Par courrier du 18 mars 2016, A______ a demandé à pouvoir compléter sa requête, un délai devant lui être imparti à cet effet.

g. Parallèlement, par actes du 12 novembre 2015, A______ et B______ ont formé recours contre le jugement du 26 octobre 2015.

A______ a conclu à l'annulation du jugement en ce qu'il a condamné B______ à lui verser 2'000 fr. TTC à titre de dépens et en ce qu'il a débouté les parties de toutes autres conclusions, et, statuant à nouveau, notamment à ce que B______ soit condamnée à lui verser 3'750 fr. dès le 1er avril 2015 à titre d'indemnité pour occupation illicite de la villa du C______.

B______ a conclu, outre à l'annulation du jugement, à ce qu'il soit dit que la requête en exécution était infondée, avec suite de frais et dépens de recours. Elle a notamment fait valoir, pour la première fois, que A______ ne pouvait pas requérir son évacuation d'une maison qu'elle n'occupait pas, puisque leur bien commun était situé au D______ et non au C______ comme mentionné dans la requête.

Par arrêt ACJC/461/2016 du 8 avril 2016, la Cour a déclaré recevables les recours interjetés par A______ et B______ contre le jugement JTPI/1______-3 rendu le 26 octobre 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11674/2015 -S1, ordonné la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans le cadre de la procédure en rectification d'erreur de rédaction pendante devant le Tribunal de première instance dans la même cause, dit que la procédure de recours sera reprise à la requête de la partie la plus diligente et dit qu'il sera statué sur les frais avec la décision finale.

EN DROIT

1.      La décision d'interprétation ou de rectification peut faire l'objet d'un recours (art. 334 al. 3 CPC).![endif]>![if>

L'appel étant irrecevable contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC), la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC).

2.      Les pièces nouvelles produites par le recourant sont irrecevables (art. 326
al. 1 CPC).![endif]>![if>

3.      Le recourant sollicite à titre préalable la jonction des causes C/11674/2015 3 et C/11674/2015 S1 SEX.![endif]>![if>

3.1 Pour simplifier le procès, le Tribunal peut ordonner la jonction des causes (art. 125 let. c CPC).

3.2 En l'espèce, la demande de rectification n'est pas à proprement parler une cause distincte de la requête en exécution ayant abouti au jugement querellé. Les deux causes portent d'ailleurs la même référence. A cela s'ajoute que la Cour a ordonné la suspension de l'instruction des appels interjetés par les parties contre ledit jugement, jusqu'à droit jugé sur la demande en rectification. Il n'y a pas lieu de revenir sur cette décision, de sorte que la demande de jonction sera rejetée.

4.      Le recourant reproche au Tribunal de ne pas avoir rectifié le jugement du 26 octobre 2015.![endif]>![if>

4.1.1 Selon l'art. 334 al. 1 CPC, si le dispositif de la décision est peu clair, contradictoire ou incomplet ou qu'il ne correspond pas à la motivation, le juge procède, sur requête ou d'office, à l'interprétation ou à la rectification de la décision. La requête indique les passages contestés, ou les modifications demandées. Le CPC ne prévoit aucun délai dans lequel la demande d'interprétation doit être déposée après la communication de la décision à interpréter.

4.1.2 Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux. L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable par le droit cantonal, soit dans la sanction qui lui est attachée. C’est faire preuve de formalisme excessif que de contraindre une partie à déposer une nouvelle requête aux seules fins d'attester un fait acquis (arrêt du Tribunal fédéral 5A_344/2012 du 18 septembre 2012 consid. 4.1 et 4.4).

4.1.3 Aussi bien en procédure civile qu'en matière de poursuite pour dettes, la désignation d'une partie qui est entachée d'une inexactitude purement formelle peut être rectifiée lorsqu'il n'existe dans l'esprit du juge et des parties aucun doute raisonnable sur son identité, notamment lorsque l'identité résulte de l'objet du litige (arrêts 4A_560/2015 du 20 mai 2016 consid. 4.2 et 4A_116/2015 du 9 novembre 2015 consid. 3.5.1 non publié in ATF 141 III 539; ATF 114 II 335 consid. 3; 131 I 57 consid. 2.2; en matière de poursuite pour dettes, cf. ATF 120 III 11 consid. 1b; 114 III 62 consid. 1a).

4.2 En l'espèce, par analogie avec ce qui vaut en cas de désignation inexacte d'une partie, le Tribunal aurait dû procéder à la rectification demandée. En effet, il ne faisait aucun doute dans l'esprit des parties que la villa concernée par la demande d'exécution était celle propriété des parties, occupée par l'intimée, soit celle sise au D______ et non au C______. En faisant valoir en appel seulement qu'elle n'occupait pas la villa désignée par la requête en exécution (aucune villa n'existant à cette adresse), et en s'opposant à la rectification du jugement, l'intimée a adopté un comportement contraire à la bonne foi, que l'interdiction du formalisme excessif permet de sanctionner. En refusant la rectification sollicitée, le Tribunal a violé le droit.

En conséquence, la correction sollicitée doit être ordonnée.

Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner le grief de violation du droit d'être entendu soulevé par le recourant et la question de savoir si les conditions de l'art. 334 al. 1 CPC sont réalisées peut rester ouverte.

5. L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais de première instance et de recours (art. 327 al. 3 let. b et 318 al. 3 CPC), arrêtés à 2'000 fr. (1'000 fr. en première instance et 1'000 fr. en seconde instance; art. 19 de loi d'application du code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile du 28 novembre 2010 [LaCC - E 1 05], 26 et 35 à 37 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 [RTFMC - E 1 05.10]), et compensés avec les avances fournies (art. 111 al. 1 CPC). Elle sera en conséquence condamnée à verser 2'000 fr. au recourant, au titre de remboursement de ces avances.

L'intimée sera en outre condamnée à verser au recourant 1'500 fr. à titre de dépens de première et seconde instance (1'000 fr. pour la première instance et 500 fr. pour le recours) (art. 95, 104 et 106 CPC; 26, 86, 88 et 90 RTFMC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/3906/2016 rendu le 21 mars 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11674/2015-3 SEX.

Au fond :

L'admet.

Annule ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau :

Rectifie le jugement JTPI/1______ du 26 octobre 2015 en tant qu'il a ordonné à B______ de libérer immédiatement de sa personne et de ses biens la villa sise C______ (ch. 1 du dispositif) et autorisé A______ à requérir l'évacuation par la force publique de B______ et de ses biens de la villa sise C______.

En conséquence :

Ordonne à B______ de libérer immédiatement de sa personne et de ses biens la villa sise D______ (GE).

Autorise A______ à requérir l'évacuation par la force publique de B______ et de ses biens de la villa sise D______ (GE).

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de première et seconde instance à 2'000 fr. et les compense avec les avances fournies qui restent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 2'000 fr. au titre de remboursement des avances fournies par ses soins.

Condamne B______ à verser à A______ la somme de 1'500 fr. à titre de dépens de première et seconde instance.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

Indication des voies de recours:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.