C/11919/2015

ACJC/444/2016 du 08.04.2016 sur JTPI/15367/2015 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : MAINLEVÉE PROVISOIRE; RECONNAISSANCE DE DETTE; PRÊT DE CONSOMMATION; INTÉRÊTS COMPOSÉS
Normes : LP.82.2
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11919/2015 ACJC/444/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 8 AVRIL 2016

 

Entre

A______, domiciliée ______, Genève, recourante contre un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 décembre 2015, comparant par Me Philippe Ciocca, avocat, avenue C.-F. Ramuz 80, case postale 367, 1009 Pully, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, c/o C______, ______, (VS), intimée, comparant par Me Gilles Crettol, avocat, rue de Savièse 16, 1950 Sion, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/15367/2015 du 15 décembre 2015, reçu le 17 décembre 2015 par A______, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par la poursuivie au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 102'342 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2014 (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., à la charge de A______ à hauteur de 600 fr. et à charge de B______ pour le solde (ch. 2 et 3) et condamné A______ à verser à B______ la somme de 2'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 28 décembre 2015, A______ forme recours contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut au rejet de la mainlevée provisoire de l'opposition. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

A______ a sollicité l'octroi de l'effet suspensif à son recours, lequel a été refusé par arrêt de la Cour du 13 janvier 2016, le sort des frais liés à sa décision étant renvoyé à l'arrêt sur le fond.

b. B______ conclut au déboutement de la recourante et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais et dépens.

Elle a produit deux pièces nouvelles (n° 17, extrait de doctrine) et n° 18, (attestation de domicile de la recourante).

c. Par réplique et duplique des 25 janvier 2016 et 8 février 2016, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par courrier du 9 février 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

C. a. B______ et A______, laquelle siégeait au conseil ______ de cette société, ont conclu plusieurs conventions de prêts, en faveur de A______ :

- Le 31 mai 2013, B______ a prêté 50'000 fr. à A______, plus intérêts à 6% l'an, celle-ci s'engageant à lui rembourser 52'000 fr. le 31 janvier 2014.

- Le 10 octobre 2013, B______ a accordé une "rallonge" de prêt à A______, de 24'000 fr. plus intérêts à 6%, celle-ci s'engageant à rembourser 24'445 fr. au 31 janvier 2014, soit un total admis de 76'445 fr., compte tenu des 52'000 fr. déjà prêtés.

- Le 24 janvier 2014, l'échéance des prêts précités a été reportée au 30 juin 2014.

- Par convention de prêt n° 2 du 17 mars 2014, B______ a prêté 10'000 fr. à A______, au taux de 6%, montant remboursable au 30 juin 2014, lequel s'ajoutait aux prêts déjà octroyés pour un montant total de 74'000 fr.

- Par convention de prêt n° 3 du 2 juin 2014, B______ a prêté 13'500 fr. à A______, au taux de 6%, montant remboursable au 30 juin 2014, lequel s'ajoutait aux prêts concédés pour un montant total de 84'000 fr.

- Par convention de prêt n° 6 [sic] du 1er juillet 2014, B______ et A______ ont rappelé que la première avait concédé des prêts pour un montant total de 97'500 fr. à la seconde, avec une échéance au 30 juin 2014 et un intérêt débiteur de 6%.

B______ concédait un nouveau prêt nominal de 101'796 fr. à A______, correspondant aux 97'500 fr. déjà prêtés plus 4'296 fr. d'intérêts débiteurs, soit une somme de 101'796 fr., portée à 103'525 fr. au 31 août 2014 avec les intérêts débiteurs à 10% sur deux mois.

Le 1er juillet 2014, A______ a souscrit une lettre de change, à teneur de laquelle elle s'est engagée à régler la somme de 103'525 fr. à B______ ou au créancier endossataire, le 31 août 2014.

- Par convention de prêt n° 7 du 1er septembre 2014, B______ a accordé un nouveau prêt de 103'525 fr. à A______, correspondant au montant total dû au 31 août 2014. Le remboursement de 105'256 fr. en capital plus intérêts (10%) sur deux mois était dû au 31 octobre 2014.

- Le 1er septembre 2014, A______ a souscrit une lettre de change à teneur de laquelle elle s'est engagée à régler la somme de 105'256 fr. à B______ ou au créancier endossataire, le 31 octobre 2014.

-  Par convention de prêt n° 8 du 1er novembre 2014, signée par les parties le 17 décembre 2014, B______ a octroyé à A______ un nouveau prêt de 105'256 fr. correspondant au montant total à rembourser au 31 octobre 2014 (clause n° 1.3). A______ a inscrit, à côté de cette clause et à la main, des annotations quasi illisibles.![endif]>![if>

Le montant de 107'015 fr. en capital plus intérêts (10%) sur deux mois était dû au 31 décembre 2014 (clause n° 1.3).

Selon la clause 1.4 de cette convention, le retard de paiement à l'échéance du 31 décembre 2014 entraînait une pénalité contractuelle supplémentaire correspondant à 10% du montant du prêt à l'échéance, soit 10'525 fr. A______ a inscrit sur cette clause, à la main, qu'elle sollicitait des "précisions" à ce sujet.

Par courriel du 8 janvier 2015, B______ a indiqué à A______ qu'elle s'opposait à ces annotations, qu'elle n'avait pas contresignées.

b. Par accord de résiliation du 16 décembre 2014, concernant la "Résiliation de l'accord de participation au conseil ______ de B______, datée du 8 mars 2011", les parties ont mis fin, avec effet au 31 décembre 2014, à leur accord relatif à la participation de A______ au conseil ______ de la société, cette dernière reconnaissant lui devoir une rémunération nette de 4'672 fr. 50 pour l'année 2004.

Les parties ont ensuite convenu que ce montant serait compensé lors du remboursement du prêt, selon la convention n° 8 du 1er novembre 2014. "Dès lors, le montant après compensation à verser par A______ à B______ en date du 31 décembre 2014 est de CHF 102'342 fr. 50 (CHF 107'015 moins CHF 4'672,50).".

c. Le 24 mars 2015, B______ a fait notifier un commandement de payer à A______, poursuite n° 1______, pour la somme de 112'867 fr. [102'342 fr. 50 + pénalité de 10'525 fr.] avec intérêts à 10% dès le 31 décembre 2014, que cette dernière a frappé d'opposition.

D. L'argumentation juridique des parties sera reprise ci-après dans la mesure utile.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

1.2 En l'espèce le recours a été interjeté dans le délai et selon les formes prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n° 2307).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 58 al. 1 CPC).

2. 2.1 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Partant, pour examiner si la loi a été violée, la Cour de justice doit se placer dans la situation où se trouvait le premier juge lorsque celui-ci a rendu la décision attaquée.

2.2 La pièce n° 18 nouvellement produite par l'intimée est dès lors irrecevable, contrairement à la pièce n° 17 qui est un extrait de doctrine juridique, étant rappelé que la Cour applique le droit d'office.

3. 3.1 Selon le Tribunal, l'accord du 16 décembre 2014 valait reconnaissance de dette de la recourante pour la somme de 102'342 fr. 50. Il n'en allait pas de même de la convention de prêt n° 8 du 1er novembre 2014 comprenant la clause de pénalité, parce qu'elle avait fait l'objet de réserves de la part de la recourante, sous la forme d'annotations. Enfin, le remboursement des prêts était exigible en raison des échéances expressément convenues entre les parties.

3.2 La recourante invoque une violation de son droit d'être entendue en raison de la motivation succincte du jugement. En outre, elle se prévaut d'une violation de l'art. 82 LP parce que l'accord de résiliation du 16 décembre 2014 se référait à la convention de prêt n° 8 du 1er novembre 2014, qui n'était pas une reconnaissance de dette en raison de ses annotations. La créance n'était pas exigible, parce que son remboursement devait intervenir après perception de sa part dans une succession. Enfin, elle admet que le montant total des prêts est de 97'500 fr. et se prévaut de l'interdiction de l'anatocisme.

Selon l'intimée, le solde de 107'015 fr. a été reconnu par la recourante par convention de prêt n° 8 du 1er novembre 2014, paragraphe qui n'a pas fait l'objet de ses annotations, et le solde de 102'342 fr. 50 résulte de l'accord de résiliation du 16 décembre 2014. La recourante n'avait, pour le surplus, pas rendu vraisemblable sa libération par titre.

4. 4.1 La jurisprudence a déduit de l'art. 29 al. 2 Cst., qui garantit le droit d'être entendu, le devoir pour l'autorité de motiver sa décision afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 133 III 439 consid. 3.3; arrêt 5A_8/2010 du 10 mars 2010 consid. 4.2.1). Comme le droit à une décision motivée participe de la nature formelle du droit d'être entendu (ATF 104 Ia 201 consid. 5g), ce moyen doit être examiné en premier lieu (ATF 124 I 49 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_270/2013 du 26 juillet 2013 consid. 4.1).

4.2 En l'espèce, le jugement querellé est succinct, tant en fait qu'en droit, mais il est explicite quant aux raisons pour lesquelles le premier juge a accordé la mainlevée à concurrence de 102'342 fr. 50 plus intérêts. La recourante a d'ailleurs été en mesure de critiquer ce jugement de manière détaillée.

Partant, ce grief est infondé.

5. 5.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer (art. 82 al. 1 LP). Le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition l'acte sous seing privé signé par le poursuivi d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et échue (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_892/2015 du 16 février 2016 consid. 4.3.1).

Au stade de la mainlevée, le juge examine uniquement l'existence et la force probante du titre produit par le créancier, et non la réalité ou la validité de la créance; il attribue force exécutoire à ce titre à moins que le poursuivi ne rende immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_892/2015 du 16 février 2016 consid. 4.3.1). Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil
- exceptions ou objections - qui infirmeraient la reconnaissance de dette (arrêt du Tribunal fédéral 5A_892/2015 du 16 février 2016 consid. 4.3.1).

Selon l'art. 105 al. 3 CO, des intérêts ne peuvent être portés en compte pour cause de retard dans le paiement des intérêts moratoires. Selon l'art. 314 al. 3,
1ère phrase CO, les parties ne peuvent, sous peine de nullité, convenir d'avance que les intérêts s'ajouteront au capital et produiront eux-mêmes des intérêts.

Les intérêts ne sont susceptibles de rapporter eux-mêmes des intérêts que si, par novation (art. 116 CO), ils sont devenus des éléments du capital. A défaut de reconnaissance du solde, les intérêts ne peuvent donc pas porter des intérêts
(ATF 130 III 694 consid. 2.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_538/2015 du 15 janvier 2015 consid. 4.2).

5.2 En l'espèce, la recourante a reconnu être redevable de la somme de
102'342 fr. 50 envers l'intimée, au 31 décembre 2014, de sorte que c'est avec raison que le Tribunal a qualifié l'accord de résiliation du 16 décembre 2014 de reconnaissance de dette.

Peu importe que cet accord comporte un renvoi à la convention de prêt n° 8 du 1er novembre 2014, en partie annotée par la recourante, puisque la recourante a signé sans réserve ledit accord de résiliation reconnaissant devoir le solde de 102'342 fr. 50 à l'intimée.

Ce montant était exigible le 31 décembre 2014, échéance fixée d'un commun accord entre les parties. C'est, dès lors, en vain que la recourante soutient que les parties auraient subordonné le remboursement à un terme indéterminé, au jour où la recourante percevrait sa part d'héritage.

Par ailleurs, la recourante ne rend pas vraisemblable que le solde de 102'342 fr. 50 contreviendrait à l'interdiction de l'anatocisme, dès lors que les parties ont successivement conclu plusieurs contrats de prêts différents, le solde dû en capital et intérêts étant reconnu à chaque fois. En tout état de cause, sa critique du jugement sur ce point n'est pas suffisamment motivée puisqu'elle ne chiffre pas le montant qui serait selon elle frappé de nullité.

Enfin, la recourante n'a pas rendu vraisemblable sa libération par titre.

Le recours devra ainsi être rejeté.

6. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 106 al. 1 et 3 CPC). L'émolument de la présente décision et de celle sur effet suspensif sera fixé à 1'125 fr. (art. 48 et 61 OELP). Il sera compensé avec l'avance de frais de même montant fournie par la recourante, laquelle restera acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

La recourante sera condamnée à verser à l'intimée 5'000 fr. à titre de dépens, débours et TVA compris (art. 95, 104 al. 1, 105 al. 2 et 106 al. 1 3 CPC; art. 85, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/15367/2015 rendu le 15 décembre 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11919/2015-14 SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'125 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie par celle-ci, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer à B______ la somme de 5'000 fr. à titre de dépens du recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Sylvie DROIN et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.