C/12558/2015

ACJC/527/2016 du 22.04.2016 sur JTPI/15426/2015 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE(LP); RECONNAISSANCE DE DETTE
Normes : LP.82; CO.86
Pdf
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12558/2015 ACJC/527/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 22 avril 2016

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, (GE), recourant contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 16 décembre 2015, comparant par
Me Jacques Emery, avocat, boulevard Helvétique 19, 1207 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, (GE), intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 16 décembre 2015 notifié le 4 janvier 2016, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous imputation de la somme de 4'438 fr. (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judicaires à 400 fr. et compensé ceux-ci avec l'avance fournie par A______ (ch. 2), mis lesdits frais à la charge de B______ et condamné celle-ci à les verser à A______ qui en avait fait l'avance (ch. 3) ainsi qu'à lui verser un montant de 745 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour le 15 janvier 2016, A______ forme recours contre ce jugement. Il conclut à son annulation et au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition au commandement de payer, poursuite
n° 1______, sous imputation de la somme de 2'892 fr., avec suite de frais et dépens.

b. En l'absence de réponse au recours de B______ dans le délai qui lui avait été imparti, les parties ont été informées par avis de la Cour du 7 mars 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______, en qualité de locataire, et la C______, en qualité de bailleresse, sont liés par un contrat de bail du 21 juin 1990 portant sur des locaux sis ______ à Genève, destinés à l'usage d'une boucherie chevaline.

b. Le 8 octobre 2012, A______ a signé avec B______ un "contrat de gérance libre" portant sur les locaux précités par lequel B______ s'engageait à payer à A______ une indemnité mensuelle de 2'482 fr., soit 482 fr. à titre de loyer (charges comprises) et 2'000 fr. à titre d'indemnité de gérance.

c. Dès janvier 2014, B______ a cessé de s'acquitter du montant précité.

Le bail a été résilié pour le 3 juin 2014.

Le 29 juillet 2014, B______ a versé un montant de 4'338 fr., dont elle a précisé qu'il correspondait aux loyers dus pour la période de janvier à septembre 2014 (482 fr. × 9 mois).

Elle a occupé les locaux jusqu'au 15 août 2014.

d. A la requête de A______ du 11 juillet 2014, l'Office des poursuites a notifié à B______, le 8 décembre 2014, un commandement de payer, poursuite n° 1______ portant sur six montants de 2'482 fr. avec intérêts à 5% à titre d'indemnités mensuelles non acquittées des mois de janvier à juin 2014, payables d'avance selon le contrat de gérance libre du 8 octobre 2012.

e. B______ y a formé opposition.

f. Par requête expédiée au Tribunal de première instance le 20 mai 2015, A______ a sollicité, avec suite de frais et dépens, la mainlevée de cette opposition, sous imputation de 715 fr. (soit 3'723 fr. dus à titre d'occupation illicite du 1er juillet au 15 août 2014 dont à déduire 4'438 fr. [sic] versés le 29 juillet 2014).

g. Par courrier du 30 septembre 2015, B______ a expliqué qu'elle ne pourrait être présente lors de l'audience du 2 octobre suivant. Elle a cependant indiqué souhaiter s'exprimer par écrit et a déclaré que A______ avait l'interdiction de lui sous-louer les locaux, qu'il lui devait un montant de 28'000 fr. représentant la somme mensuelle de 2'000 fr. du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2013 en raison de l'illégalité de la sous-location, qu'elle avait requis sa poursuite pour ce montant auprès de l'Office des poursuites et que cette affaire avait été éprouvante pour elle qui devait rembourser le crédit qui lui avait été octroyé pour l'achat du matériel nécessaire à son activité.

h. Les parties n'étaient ni présentes ni représentées lors de l'audience devant le Tribunal du 2 octobre 2015.

i. Le Tribunal a considéré dans son jugement du 16 décembre 2015 que le contrat de bail ne valait pas reconnaissance de dette pour des indemnités pour occupation illicite. Les pièces produites valaient reconnaissance de dette pour le montant de 14'892 fr., s'agissant des arriérés de loyer, sous déduction de 4'438 fr. versés à titre de loyer. B______ ne faisait par ailleurs valoir aucun moyen libératoire susceptible de faire échec au prononcé de la mainlevée.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique
(art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours doit, en procédure sommaire, être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise par la loi, le recours est recevable, étant relevé que le recourant qui, devant le Tribunal requérait la mainlevée au commandement de payer sous imputation d'un montant de 715 fr. ne conteste que partiellement le jugement attaqué puisqu'il réclame devant la Cour le prononcé de la mainlevée sous imputation d'un montant de 2'892 fr.

1.2 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait (art. 320 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

Le recours étant instruit en procédure sommaire, la maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 55 al. 1, 255 let. a
a contrario et 254 CPC).

2. Le recourant fait valoir que le montant versé le 29 juillet 2014 à titre de paiement du "loyer" pour la période de janvier à septembre 2014 comprenait, pour partie, le paiement d'une indemnité pour occupation illicite, le bail ayant été résilié pour le 30 juin 2014. L'intimée ne pouvait donc être libérée qu'à hauteur d'un montant de 2'892 fr. correspondant à six mois de loyer. Le Tribunal avait cependant intégralement imputé le montant versé sur la somme due pour la période de janvier à juin 2014.

2.1
2.1.1
Au sens de l'art. 82 al. 1 LP, constitue une reconnaissance de dette l'acte authentique ou sous seing privé signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 136 III 624 consid. 4.2.2, 627
consid. 2 et les arrêts cités).

Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies. Un contrat de bail signé ne vaut pas titre de mainlevée provisoire s'agissant d'une créance en indemnité pour occupation illicite (Krauskopf, La mainlevée provisoire : quelques jurisprudences récentes, JdT 2008 II 36).

2.1.2 Conformément à l'art. 82 al. 2 LP, le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable ses moyens libératoires
(ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.1), ce que celui-ci doit établir en principe par titre (cf. art. 254 al. 1 CPC).

2.1.3 Le débiteur qui a plusieurs dettes à payer au même créancier a le droit de déclarer, lors du paiement, laquelle il entend acquitter (art. 86 al. 1 CO).

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant dispose d'une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP pour les seuls montants dus en vertu du contrat de gérance libre du 8 octobre 2012, qui a été résilié pour le 30 juin 2014.

L'intimée devait au recourant à ce titre plusieurs montants, à savoir six indemnités mensuelles pour les mois de janvier 2014 à juin 2014, représentant 14'892 fr.
(6 × [2'000 fr. + 482 fr.]). Elle a expressément déclaré que le paiement qu'elle a effectué le 29 juillet 2014 (4'338 fr., soit 9 × 482 fr.) valait pour la part du "loyer" convenu pour la période de "janvier 2014 à septembre 2014". Elle a donc exclu que le paiement effectué soit intégralement imputé sur le montant dû en vertu du contrat de gérance pour la période de janvier à juin 2014, en particulier sur le montant convenu à titre d'indemnité de gérance. Une partie du montant versé (1'446 fr., soit 3 × 482 fr.) ne correspond donc pas à la somme dont elle doit s'acquitter en vertu du contrat de gérance libre du 8 octobre 2012 et dont le paiement est réclamé par la voie de la poursuite.

Par conséquent, seul un montant total de 2'892 fr. (soit 6 × 482 fr.) doit être pris en compte et être imputé sur le montant réclamé aux termes du commandement de payer, poursuite n° 1______, à titre d'indemnité de gérance due selon le contrat du 8 octobre 2012.

Le recours sera dès lors admis et le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué, qui a imputé la totalité du montant versé (étant relevé que c'est un montant de
4'338 fr. qui a été payé, et non de 4'438 fr. comme indiqué), sera annulé et il sera statué à nouveau dans le sens indiqué.

3. L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 600 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP) et compensé avec l'avance de frais, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC). Elle sera condamnée à verser ce montant au recourant qui en a fait l'avance.

L'intimée sera par ailleurs condamnée aux dépens de recours du recourant, fixé à 800 fr., débours et TVA compris (art. 20, 23, 25 et 26 LaCC; 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/15426/2015 rendu le 16 décembre 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12558/2015-JS SML.

Au fond :

Admet ce recours, annule le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué et, cela fait, statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous imputation de la somme de 2'892 fr.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 600 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser la somme de 600 fr. à A______ à titre de frais judicaires de recours.

Condamne B______ à verser la somme de 800 fr. à A______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.