C/13156/2014

ACJC/1586/2014 du 17.12.2014 sur OTPI/1231/2014 ( SP ) , JUGE

Descripteurs : DÉPENS
Normes : CPC.107.1.F; CPC.106
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13156/2014 ACJC/1586/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mercredi 17 decembre 2014

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre une ordonnance rendue par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de Genève le 22 septembre 2014, comparant par Me Philippe Grumbach, avocat, rue Bovy-Lysberg 2, case postale 5824, 1211 Genève 11, en l'étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

et

Monsieur B______, intimé, comparant par Me Vincent Spira, avocat, rue de Versonnex 7, 1207 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile aux fins des présentes.

 


EN FAIT

A. a. Par ordonnance du 22 septembre 2014, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté la requête formée par B______ à l'encontre de A______ (ch. 1 du dispositif), révoqué en conséquence l'ordonnance de mesures superprovisionnelles du 3 juillet 2014 (ch. 2), arrêté à 1'500 fr. le montant des frais judiciaires, les a compensés avec l'avance fournie et les a mis à la charge de B______ (ch. 3), a dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

b. Par acte du 3 octobre 2014, A______ forme recours contre le ch. 4 du dispositif de cette ordonnance. Elle conclut à son annulation et, cela fait, à ce que B______ soit condamné à lui verser une indemnité de 4'300 fr. à titre de dépens pour la procédure de première instance, et en tous les frais judiciaires de la procédure de recours, ainsi qu'au versement d'une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens pour la procédure de recours.

Elle fait valoir que le Tribunal aurait dû mettre non seulement les frais judiciaires mais également les dépens à la charge de B______, partie succombante, conformément à la règle générale de l'art. 106 al. 1 CPC. Le litige ne relevant pas à proprement parler du droit de la famille, le juge ne pouvait appliquer l'art. 107 al. 1 let. c CPC. Il aurait dû au surplus tenir compte de la situation économique très différente entre les époux.

c. Dans sa réponse du 30 octobre 2014, B______ conclut au rejet du recours, à la condamnation de A______ en tous les frais judiciaires de la procédure de recours et à ce qu'il soit dit que chacune des parties garde ses frais de défense.

Il fait valoir que c'est à la suite de l'ordonnance de mesures superprovisionnelles que A______ a entrepris des mesures qui ont conduit au rejet de la requête sur mesures provisionnelles. Le litige est de surcroît fondé sur le droit de la famille, puisqu'il s'agit des suites de l'organisation de la vie séparée des parties, plus précisément de l'attribution du logement conjugal. C'est donc à bon droit que le Tribunal a compensé les dépens.

d. Les parties n'ont pas fait usage de leur droit de réplique et ont été informées par courrier de la Cour du 17 novembre 2014, de ce que la cause était gardée à juger.

B. Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a. B______ et A______ se sont mariés le ______ 1989 à ______. Trois enfants aujourd'hui majeurs (le dernier, C______, depuis le ______ 2014) sont issus de cette union.

Les époux sont propriétaires d'une villa sise ______.

b. Par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 13 mai 2013, le Tribunal de première instance a notamment attribué à A______ la jouissance exclusive de la villa de ______ et condamné B______ à verser à son épouse une contribution à son entretien et à celui de l'enfant encore mineur de 40'000 fr. par mois dès le 1er juin 2013, à charge pour celle-ci de s'acquitter entre autres des frais d'entretien de la maison et de jardinier arrêtés à 2'300 fr. par mois.

Par arrêt du 11 avril 2014, la Cour de justice a partiellement modifié ce jugement, et condamné B______ à verser à son épouse 30'000 fr. par mois pour son entretien (comprenant les frais d'entretien de la villa de 4'400 fr., incluant les SIG, la femme de ménage et le jardinier) ainsi que 5'000 fr. par mois pour l'entretien de C______. Les parties ont toutes deux formé un recours auprès du Tribunal fédéral contre de cet arrêt.

c. De nombreuses procédures, tant civiles que pénales, opposent les parties depuis leur séparation.

d. Le 23 juin 2014, Me D______, huissier judiciaire, a dressé un constat, à la demande de B______, faisant état du mauvais état d'entretien de la villa, en particulier du jardin.

e. Le 2 juillet 2014, B______ a requis le prononcé de mesures provisionnelles et superprovisionnelles, à l'encontre de son épouse, concluant à être autorisé à prendre directement toutes les mesures nécessaires (au nombre de dix-neuf) à l'entretien convenable et régulier de la copropriété des parties. Subsidiairement, il a conclu à ce qu'il soit ordonné à son épouse, sous la menace des peines prévues par l'art. 292 CP, de procéder elle-même à ces divers travaux d'entretien, à défaut de quoi il serait autorisé à agir à sa place dans les trois jours et à prendre toutes mesures utiles pour ce faire, aux frais de son épouse, et à ce qu'il soit dit et constaté que celle-ci doit s'acquitter du montant de l'impôt sur les biens immobiliers relatif à la villa conjugale.

f. Par ordonnance superprovisionnelle du 3 juillet 2014, le Tribunal a ordonné à A______ de prendre immédiatement toutes les mesures urgentes pour l'entretien convenable de la copropriété des parties, soit cinq parmi celles sollicitées par B______, dit qu'à défaut d'exécution desdites mesures dans les trois jours à compter de ladite ordonnance, B______ serait autorisé à agir à la place de A______ et à prendre toutes mesures utiles pour ce faire, dit que l'ordonnance déploierait ses effets jusqu'à l'exécution de la nouvelle décision qui serait rendue après l'audition des parties, dit qu'un délai de réponse serait octroyé à la citée et qu'une audience serait convoquée par ordonnance séparée, et a réservé le sort des frais.

g. Le 18 juillet 2014, Me E______, huissier judiciaire, a établi, à la demande de A______, un constat indiquant que les mesures ordonnées par ordonnance superprovisionnelle du 3 juillet 2014 avaient été prises.

h. Par écriture du 28 juillet 2014, A______ a conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles.

Le 12 août 2014, le Tribunal a procédé à l'audition des parties. A______ a indiqué avoir résilié le contrat d'entretien du jardin au motif que la pension versée ne lui permettait plus d'assumer ces charges. Après l'ordonnance sur mesures provisionnelles, elle a à nouveau fait appel à une entreprise pour l'entretien courant du jardin. Les parties ont pour le surplus persisté dans leurs conclusions.

i. Le 22 septembre 2014 le Tribunal a rendu l'ordonnance querellée, considérant "qu'au vu de la qualité des parties" il ne serait pas alloué de dépens.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une contestation relative aux dépens, seule la voie du recours est ouverte (art. 110 et 319 let. b ch. 1 CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 248 let. d CPC).

1.2 Le recours est en l'espèce recevable pour avoir été déposé, par une partie qui y a intérêt, dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi.

2. 2.1 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC).

L'exercice par le juge de son pouvoir d'appréciation peut aussi consacrer une violation du droit, dans la mesure où il n'aurait pas été conforme aux règles du droit et de l'équité préconisées par l'art. 4 CC.

2.2 L'art. 106 al. 1 CPC prévoit que les frais sont mis à la charge de la partie succombante. La partie succombante est le demandeur lorsque le tribunal n'entre pas en matière et en cas de désistement d'action; elle est le défendeur en cas d'acquiescement.

L'art. 107 al. 1 CPC permet au tribunal de s'écarter des règles générales prévues à l'art. 106 CPC et de répartir les frais selon sa libre appréciation. Ainsi, lorsque la répartition classique des frais de l'art. 106 CPC s’avère trop rigide ou inéquitable, elle peut être atténuée par l'application de l'art. 107 CPC (Message relatif au Code de procédure civile, FF 2006 p. 6908).

Selon cette disposition, le juge peut répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (let. c) ou lorsque des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (clause générale de la let. f).

Ne sont des litiges relevant du droit de la famille au sens de l'art. 107 al. 1
let. c CPC que les procès fondés sur des dispositions du livre deuxième du Code civil. On ne saurait étendre la règle permettant de s'écarter des règles générales de répartition des frais aux procès successoraux ou à d'autres contestations entre conjoints, parents ou alliés, comme le permettaient certaines dispositions cantonales. Une décision en équité dans de telles affaires pourra cependant parfois être fondée sur l'art. 107 al. 1 let. f CPC (Tappy, in CPC, op. cit., n. 21 ad
art. 107 CPC).

Il résulte du Message relatif à l'art. 107 al. 1 let. f CPC qu'en principe, d'une part, cette disposition peut être appliquée en cas de disparité économique importante entre les parties et, d'autre part, qu'il est justifié de mettre des frais à la charge de la partie qui ne succombe pas si et dans la mesure où celle-ci doit répondre de frais injustifiés occasionnés par son comportement (ATF 139 III 33 consid. 4.2).

Dans un arrêt du 27 avril 2012, la 1ère Cour d'appel civile du canton de Fribourg a admis l'application de l'art. 107 al. 1 let. f CPC et réparti les frais par moitié entre les parties dans le cas d’un sous-traitant qui avait requis l’inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, puis trouvé un accord avec l'entrepreneur général et retiré sa requête, dans la mesure où il apparaissait que cette requête aurait probablement été admise (décision n°101 2012-22, consid. 2c).

2.3 En l'espèce, le litige opposant les parties, s'il s'inscrit indéniablement dans le conflit conjugal qui les oppose, ne relève pas du droit de la famille stricto sensu, de sorte que l'art. 107 al. 1 let. c CPC ne saurait trouver application.

Reste à examiner si la répartition opérée par le premier juge entre dans le cadre de la clause générale de l'art. 107 al. 1 let. f CPC.

L'intimé a requis des mesures superprovisionnelles, auxquelles il a partiellement été fait droit, l'appelante étant condamnée à prendre cinq des dix-neuf mesures sollicitées pour l'entretien de la villa, dans les trois jours suivant le prononcé de l'ordonnance rendue avant audition des parties. C'est à la suite de cette ordonnance que l'appelante a pris les mesures requises, en mandatant à nouveau un jardinier, ce qu'elle a expressément admis devant le Tribunal. Le constat d'huissier qu'elle a produit dans le cadre de sa détermination écrite a d'ailleurs été dressé quinze jours après la première ordonnance. Compte tenu du fait que c'est le dépôt de la requête qui a conduit à la prise de mesures, même si l'intimé a finalement été débouté, le juge était fondé, au vu des circonstances particulières et sur la base de la clause générale de l'art. 107 al. 1 let. f CPC, à s'écarter des règles générales en matière de répartition des frais. Dans la mesure où l'intimé a succombé dans une large mesure sur mesures superprovisionnelles, l'équité commandait cependant qu'il soit condamné à payer la moitié des dépens de la recourante.

Le jugement entrepris sera donc annulé, et l'intimé condamné à la moitié des dépens de première instance de la recourante, fixés à 2'000 fr., débours et TVA compris (art. 84, 86 et 88 RFTMC; art. 23 al. 1, 25 et 26 LaCC).

Il n'y a pas lieu de revenir sur la répartition des frais judiciaires, non contestée par les parties.

3. Chaque partie obtenant partiellement gain de cause, les frais de la procédure de recours arrêtés, à 300 fr. (art. 26 et 39 RFTMC), seront répartis par moitié entre elles (art. 106 al. 2 CPC), et compensés avec l'avance fournie par la recourante, qui reste acquise à l'Etat.

L'intimé sera en conséquence condamné à verser à la recourante 150 fr. à titre des frais de recours.

Chaque partie supportera ses dépens (art. 106 al. 2 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre l'ordonnance OTPI/1231/2014 rendue le 22 septembre 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13156/2014-19 SP.

Au fond :

Annule le chiffre 4 de ladite ordonnance.

Et, statuant à nouveau :

Condamne B______ à verser à A______ 1'000 fr. à titre de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 300 fr.

Les met à la charge de A______ et de B______, à raison d'une moitié chacun.

Les compense avec l'avance fournie par A______, qui reste acquise à l'Etat.

Condamne en conséquence B______ à verser à A______ la somme de 150 fr. à titre des frais de recours.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF: RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.