C/13444/2016

ACJC/405/2017 du 07.04.2017 sur JTPI/13140/2016 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE; AVOCAT; REPRÉSENTATION; CRÉANCE; DÉPENS ; CRÉANCIER; AYANT DROIT
Normes : LP.81; CO.34;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13444/2016 ACJC/405/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 7 avril 2017

 

Entre

A______, sise ______, ______ Genève, recourante contre un jugement rendu par la 7ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 octobre 2016, comparant en personne,

et

B______, domicilié ______, ______, intimé, comparant par Me C______, avocat, rue de Candolle 34, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par arrêt ATAS/397/2015 du 1er juin 2015, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de Genève a notamment dit que B______ avait droit à une demi-rente de l'assurance-invalidité dès le 1er décembre 2013 et condamné l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève à lui verser une indemnité de 3'000 fr. à titre de participation à ses frais et dépens. Cet arrêt indique que B______ comparaissait avec élection de domicile en l'Etude de Me D______.

b. Le 11 juin 2015, l'avocat C______ a adressé à l'Office cantonal des assurances sociales, Assurance-invalidité, le courrier suivant :

"Vous me savez chargé de la défense des intérêts de B______, avec élection de domicile en mon Etude. Une procuration est jointe en annexe [datée du 13 mars 2015].

A cet égard, je vous remercie de prendre note de mon changement d'adresse professionnelle.

Référence est faite à l'arrêt de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du 1er juin 2015.

Je vous remercie de bien vouloir notifier votre prononcé de sorte à ce que les prestations dues à mon mandant lui soient alloués rapidement.

Par ailleurs, je vous sais gré d'inviter la Caisse compétente à verser les dépens dus aux coordonnées bancaires suivantes : E______, C______ IBAN (…)".

c. Par courrier du 28 septembre 2015, l'avocat D______ a indiqué à l'Office de l'assurance-invalidité :

"Par la présente, je vous informe que malgré le fait que Maître C______ s'est constitué pour défendre les intérêts de B______, l'activité en lien avec ce dossier et relative à l'arrêt du 1er juin 2015 a eu lieu en mon Etude au moment où j'étais l'avocat de ce dernier.

Par conséquent, je vous prie de bien vouloir verser les dépens découlant dudit arrêt sur les coordonnées bancaires suivantes: E______, Maître D______ (…)".

d. Par courrier du même jour, l'avocat C______ a indiqué à l'Office cantonal des assurances sociales :

"Je fais référence au fax de ce jour que vous a adressé Me D______, dont j'ai reçu copie.

Ce dernier n'est pas habilité à représenter mon mandant et votre Office ne saurait par conséquent donner suite à ses instructions".

e. Par courrier du 29 septembre 2015, l'Office de l'assurance-invalidité a indiqué ce qui suit à l'avocat C______ :

"Pour ce qui est des dépens, nous vous informons que, par fax du 28 septembre 2015, Me D______ a sollicité également le paiement des dépens découlant de l'arrêt du 1er juin 2015.

Nous constatons que votre constitution en tant que conseil de la défense des intérêts de B______ intervient postérieurement à l'arrêt rendu le 1er juin 2015 et qu'à cette date, Maître D______ était encore constitué en tant que conseil.

De ce fait, nous ne pouvons pas donner suite à votre demande de paiement des dépens. Le versement sera donc effectué auprès de Maître D______".

f. Le 7 octobre 2015, le montant de 3'000 fr. a été versé à l'avocat D______.

g. Le 12 février 2016, B______ a fait notifier un commandement de payer, poursuite n° 1______, à hauteur de 3'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2015 à l'encontre de la A______.

Cette dernière y a formé opposition.

h. Le 5 juillet 2016, B______ a déposé par devant le Tribunal de première instance de Genève une requête en mainlevée définitive de cette opposition.

i. Lors de l'audience du 3 octobre 2016, B______ a persisté dans sa requête, le montant litigieux ayant été versé à son précédent conseil, malgré ses instructions expresses.

La A______ a conclu au rejet de la requête, considérant avoir valablement versé le montant réclamé à l'avocat D______ le 7 octobre 2015.

B. Par jugement du 21 octobre 2016, le Tribunal a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 200 fr. (ch. 2) et mis ceux-ci à la charge de la A______, qui a été condamnée à verser ce montant à B______ qui en avait fait l'avance (ch. 3) ainsi qu'à lui verser la somme de 200 fr. à titre de dépens (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que B______ avait conclu avec l'avocat D______ un contrat de mandat et que par ce biais ce dernier avait le droit de le représenter et de l'assister et notamment de recevoir toutes espèces, valeurs, tous papier-valeurs et autre objets, y compris litigieux, d'effectuer et de recevoir tous paiement. Le mandat pouvait cependant être révoqué en tout, temps, ce que B______ avait fait puisqu'il avait constitué un nouvel avocat, soit C______, lequel s'était annoncé comme tel le 11 juin 2015 et avait donné des instructions quant au compte sur lequel des dépens devaient être versés. A______ n'était ainsi pas en droit de verser l'indemnité de procédure à l'ancien conseil de B______, même si celui-ci était constitué dans la procédure qui a abouti à l'octroi des dépens. Il n'y a en effet pas de distraction des dépens en faveur de l'avocat, ceux-ci revenant à la partie qui obtient gain de cause et non pas à son avocat. La mainlevée définitive devait ainsi être prononcée.

C. a. Par acte expédié au greffe de la Cour le 23 décembre 2016, A______ a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu à ce qu'il soit constaté qu'elle s'était valablement libérée de son obligation de paiement en versant le montant des dépens à Me D______ et que sa dette avait ainsi été éteinte, à l'annulation du jugement du 21 octobre 2016, au rejet de la requête de mainlevée et au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

b. B______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais et dépens.

c. En l'absence de réplique, les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 30 janvier 2017 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours doit, en procédure sommaire, être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait (art. 320 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

2. La recourante soutient qu'elle n'a pas été informée de la révocation de la procuration en faveur de Me D______, qui avait réclamé le versement de dépens, de sorte qu'elle était fondée à lui verser le montant litigieux en se fondant sur la procuration en sa faveur.

2.1 Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP). Sont assimilés à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2
ch. 2 LP).

En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement de la Confédération ou du canton dans lequel la poursuite a lieu, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que, notamment, le poursuivi ne prouve par titre que la dette a été éteinte postérieurement au jugement.

L'art. 34 al. 3 CO dispose que lorsque le représenté a fait connaître, soit en termes exprès, soit par ses actes, les pouvoirs qu'il a conférés, il ne peut en opposer aux tiers de bonne foi la révocation totale ou partielle que s'il a fait connaître également cette révocation.

L'institution de la distraction des dépens est absente du Code de procédure civile et n'a pas été prévue par le législateur cantonal.

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'arrêt du 1er juin 2015 de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice constitue un titre de mainlevée définitive. La recourante soutient toutefois qu'elle s'est déjà valablement acquittée de ses obligations envers l'intimé par le paiement effectué à Me D______.

Le créancier des dépens alloué par arrêt du 1er juin 2015 est l'intimé, et non son avocat. Il n'est pas contesté que le montant desdits dépens pouvait être versé par la recourante sur le compte de son avocat, non en sa qualité de créancier, mais de représentant du créancier, l'encaissement d'une somme due à titre de dépens entrant sans conteste dans le cadre du mandat d'un avocat.

La recourante a reçu de Me C______ et de Me D______ des instructions contradictoires à cet égard. Il s'agit dès lors de déterminer si ce dernier pouvait valablement représenter l'intimé, recevoir le paiement du montant dû à titre de dépens et libérer ainsi la recourante de ses obligations.

Le fait que Me D______ représentait l'intimé devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice lorsque cette dernière a rendu son arrêt n'est pas décisif puisqu'il s'agit de déterminer quel avocat pouvait valablement le représenter au moment où le paiement des dépens qui devaient lui revenir en sa qualité de créancier était réclamé. Il résulte du courrier de Me C______ qu'il a sollicité le paiement des dépens dus à l'intimé en sa qualité de représentant de ce dernier par courrier du 11 juin 2015. Dans son courrier à la recourante du 28 septembre 2015, Me D______ n'indique pas, quant à lui, qu'il agit en qualité de représentant de l'intimé, mais revendique uniquement le paiement des dépens en ses mains au motif que l'activité en lien avec ce dossier avait eu lieu en son Etude au moment où il était l'avocat de l'intimé; cette indication selon laquelle il "était" l'avocat de l'intimé permet de retenir qu'il ne l'était plus lorsqu'il a rédigé ce courrier.

Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que la recourante ne s'était pas valablement libérée en versant, le 7 octobre 2015, le montant des dépens dus à l'intimé à Me D______.

Le recours n'est ainsi pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. Vu l'issue du litige, la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), supportera les frais judiciaires de recours, arrêtés à 300 fr. (art. 48, 61 OELP).

La recourante sera par ailleurs condamnée à verser le montant de 300 fr. à l'intimé à titre de dépens, débours et TVA compris (art. 96 et 105 al. 2 CPC; art. 85, 89 et 90 RTFMC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/13140/2016 rendu le 21 octobre 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13444/2016-7 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 300 fr., les met à la charge de la A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie.

Condamne A______ à verser le montant de 300 fr. à B______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Monsieur David VAZQUEZ, commis-greffier.

 

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

Le commis-greffier :

David VAZQUEZ

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.