C/13729/2014

ACJC/1588/2014 du 17.12.2014 sur JTPI/10661/2014 ( SFC ) , MODIFIE

Descripteurs : OUVERTURE DE LA FAILLITE; INSOLVABILITÉ
Normes : LP.174
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13729/2014 ACJC/1588/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mercredi 17 decembre 2014

 

Entre

A______, sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 août 2014, comparant par Me Leila Mahouachi, avocate, route des Jeunes 4, 1227 Les Acacias, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 27 août 2014, expédié pour notification aux parties le 2 septembre 2014, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, dans le cadre de la poursuite n° 1______, déclaré A______ en état de faillite dès le ______ 2014 à ______ (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 200 fr., a compensé ceux-ci avec l'avance effectuée par B______ (ch. 2 du dispositif) et les a mis à la charge de A______, qu'il a condamnée à verser la somme précitée à B______ qui en avait fait l'avance (ch. 3).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 8 septembre 2014, A______ forme recours contre ce jugement. Elle conclut à son annulation et au rejet de la requête de faillite.

Elle invoque à l'appui de son recours qu'elle est solvable et qu'elle a payé sa dette, intérêts et frais compris, produisant à cet égard la copie d'un courrier de B______ du 1er juillet 2014 lui indiquant que le compte de cotisations pour son affiliation présente au 30 juin 2014 un solde de 15'152 fr. 10 en sa faveur ainsi que la copie d'un récepissé postal attestant d'un paiement de ce montant.

b. Par décision du 8 septembre 2014, la Cour a imparti à A______ un délai au 19 septembre 2014, prolongé au 7 octobre 2014, pour produire les pièces justifiant de sa solvabilité (comptes 2012, 2013 à ce jour, contrats en cours, etc.) et pour se prononcer sur l'état des poursuites en cours contre elle figurant sur la liste qui était annexée.

Il ressort de cette liste que A______ fait l'objet de 21 poursuites au 8 septembre 2014, pour un montant total de 62'303 fr. 15, pour des sommes variant entre 185 fr. 65 et 16'417 fr. 20 (soit la poursuite n° 1______), la plupart des poursuites portant sur des montants variant entre 1'000 et 4'000 fr. Les commandements de payer non encore notifiés ou en voie de notification et ceux frappés d'opposition, soit trois poursuites, totalisent 6'241 fr. 85. Onze poursuites ont été intentées par la Confédération suisse pour un montant total de 24'347 fr. 55.

c. A______ a déposé le 15 septembre 2014 au greffe de la Cour une quittance de l'Office des poursuites attestant du règlement de la poursuite n° 1______ le 9 septembre 2014.

Elle a en outre expliqué, par courrier déposé le 7 octobre 2014 au greffe de la Cour, qu'un inventaire des biens de la société avait été établi par l'Office des poursuites le 19 septembre 2014 dont il ressortait que son stock de marchandises s'élevait à 500'000 fr., somme qui couvrait largement les dettes en cours. Ses dettes relatives au paiement de la TVA étaient susceptibles d'être annulées puisqu'elle avait requis un réajustement de l'impôt auprès de l'administration fédérale des contributions.

Il ressort en outre de ses explications que deux autres poursuites pour un montant de 8'342 fr. 40 [sans les frais] avaient été soldées. Enfin, un projet de vente de la société était en cours de négociation, ce qui impliquait nécessairement que les poursuites soient soldées, ce qui serait fait avant la fin de l'année.

Selon les éléments comptables produits, A______ disposait, au 31 décembre 2013, de liquidités de 806 fr. 85 et d'un stock de marchandises de 276'491 fr.; le résultat de l'exercice présentait un déficit de 205'990 fr. (220'254 fr. au 31 décembre 2012).

d. Par décision du 12 septembre 2014, la Cour a ordonné la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris, compte tenu de l'existence d'un préjudice difficilement réparable et afin que le recours ne soit pas vidé de sa substance.

Par arrêt du 30 septembre 2014, la Cour a rejeté la requête de A______ du 25 septembre 2014 tendant à la suspension de la procédure.

e. B______ a répondu au recours, dans le délai qui lui avait été imparti, indiquant qu'elle s'en rapportait à justice.

f. Par avis de la Cour du 14 novembre 2014, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.

1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo-nova"; Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta, op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).

En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par la recourante sont recevables dans la mesure où elles ont été produites dans le délai de recours ou dans le délai qui lui avait été imparti par la Cour et servent à établir sa solvabilité.

2. La recourante sollicite l'annulation du jugement prononçant sa faillite.

2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1, 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25; 5A_642/2010 du 7 décembre 2010 consid. 2.4). Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1 et 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

Il incombe au débiteur de rendre vraisemblable, en déposant le recours, sa solvabilité, c'est-à-dire qu'il dispose de liquidités suffisantes pour acquitter ses dettes exigibles, et de produire à l'appui de celui-ci les pièces qui établissent les motifs d'annulation de la faillite au sens de l'art. 174 al. 2 ch. 1 à 3 LP (ATF 139 III 491 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid 3.1).

Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, traduit et publié in SJ 2012 I 25; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).

2.2 En l'espèce, la recourante a soldé différentes poursuites pour un montant total de 24'759 fr. 60, de sorte que les poursuites restantes s'élèvent à 37'543 fr. 55, ou 31'301 fr. 70 s'il est fait abstraction des commandements de payer non encore notifiés ou en voie de notification et ceux frappés d'opposition.

La recourante disposait de peu de liquidités au 31 décembre 2013 et les montants réclamés par voie de poursuites sont relativement faibles, l'un d'eux étant de 185 fr. seulement. Cela étant, il apparaît qu'elle a été en mesure de solder plusieurs poursuites en peu de temps, dont la plus importante, réduisant de près de moitié ses dettes. Elle ne semble dès lors pas manquer de liquidités. Elle dispose en outre vraisemblablement d'un stock de marchandises d'une valeur passablement supérieure aux montants réclamés en poursuite, même s'il n'atteint pas le montant de 500'000 fr. énoncé, lequel est de nature à lui permettre de s'acquitter de ses dettes exigibles. Une part importante de celles-ci a par ailleurs un même créancier, soit la Confédération suisse à laquelle elle a demandé un réajustement des montants réclamés, ce qui peut permettre d'expliquer pourquoi ces montants restent impayés à ce jour.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la recourante a rendu suffisamment vraisemblable sa solvabilité. Le recours sera dès lors admis et le jugement attaqué sera annulé en tant qu'il a déclaré la recourante en état de faillite.

3. La recourante n'ayant démontré sa solvabilité que durant la procédure de recours, elle sera condamnée aux frais de la procédure de première instance, dont le montant n'a pas été contesté, et de recours, fixés à 750 fr. (art. 52 et 61 OELP) et compensés partiellement avec l'avance fournie de 220 fr., qui reste acquise à l'Etat. La recourante sera condamnée à verser le solde de 530 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée qui a répondu au recours par un simple courrier et n'a pas réclamé qu'il lui en soit octroyé.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/10661/2014 rendu le 27 août 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13729/2014-10 SFC.

Au fond :

Admet ce recours.

Cela fait, statuant à nouveau :

Annule le chiffre 1 du dispositif du jugement JTPI/10661/2014 rendu le 27 août 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13729/2014-10 SFC.

Confirme le jugement pour le surplus.

Sur les frais :

Condamne A______ aux frais du recours, arrêtés à 750 fr. et compensés partiellement avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 530 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA





Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.