C/14353/2016

ACJC/1089/2016 du 19.08.2016 sur SQ/479/2016 ( SQP ) , RENVOYE

Descripteurs : SÉQUESTRE(LP); REJET DE LA DEMANDE; DEMANDE PARTIELLE; DÉCISION DE RENVOI
Normes : LP.271.1.6; CPC.59.1; CPC.59.2.e; CPC.86; CPC.327.3.a
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14353/2016 ACJC/1089/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 19 AOÛT 2016

 

Madame A______, domiciliée c/o M. B______, ______, (Maroc), recourante contre une ordonnance de refus de séquestre rendue par le Tribunal de première instance le
20 juillet 2016, comparant par Me Christian Canela, avocat, Les Vergers de la Gottaz 24, 1110 Morges, (VD), en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par requête déposée le 20 juillet 2016 au greffe du Tribunal de première instance (désignée comme une action partielle), dirigée contre C______, A______ a requis le séquestre des avoirs soumis à la mainmise de l'Office des poursuites de Genève, en exécution, notamment, des procès-verbaux de séquestres (caducs mais non encore levés) no 1______ et no 2______, des comptes bancaires détenus par C______ IBAN no 3______ auprès d'UBS SA à Genève, IBAN no 4______ auprès d'UBS SA à Zurich et IBAN no 5______ auprès de La Poste suisse à Berne, ainsi que de toute la quotité saisissable des créances de salaire futures, 13ème salaire et autres gratifications comprises, de C______ à l'égard de D______.

Elle a fait valoir une créance d'arriérés de contributions d'entretien de 2'500 fr. relative au premier trimestre 2016 et s'est fondée sur l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP.

Elle a produit entre autres un jugement du 18 avril 2006 du Tribunal de première instance, définitif et exécutoire, qui donne notamment acte à C______ de ce qu'il s'engage à payer à A______, au titre de contribution à l'entretien de leur fils E______, né le ______ 1999, par mois et d'avance, allocations familiales ou d'études non comprises, les sommes de 2'000 fr. jusqu'à l'âge de 15 ans et de
2'500 fr. de 15 ans jusqu'à la majorité, voire au-delà de la majorité, mais jusqu'à 25 ans au plus tard si l'enfant poursuit des études sérieuses et régulières ou n'a pas achevé sa formation professionnelle (ch. 4 du dispositif).

En faisant référence à l'art. 86 CPC relatif à l'action partielle, elle a exposé que pour le premier trimestre 2016, C______ n'avait versé que 1'500 fr., de sorte qu'il restait devoir la somme de 6'000 fr. dont seuls 2'500 fr. faisaient l'objet de la requête de séquestre.

B. Par ordonnance SQ/479/2016 du 20 juillet 2016, reçue par A______ le 23 juillet 2016, le Tribunal a rejeté la requête de séquestre (ch. 1 du dispositif) et arrêté à 200 fr. les frais judiciaires, mis à la charge de celle-ci et compensés avec l'avance de frais (ch. 2 et 3).

Le Tribunal a considéré que la requête dont il était saisi était "la même que celle reçue par-devant le Tribunal en date du 15 juillet 2016, portant le numéro de cause C/14113/16" et qu'elle comportait les mêmes conclusions. Il a ajouté qu'en date du 15 juillet 2016, le Tribunal avait "d'ores et déjà accepté le séquestre suite à la requête formée par A______, portant sur le même montant et pour les mêmes motifs que ceux évoqués dans la requête du 20 juillet 2016".

Le dossier du Tribunal ne comprend aucun acte de la procédure C/14113/2016 et A______ n'a pas été interpelée au sujet de la prétendue identité des requêtes des 15 et 20 juillet 2016.

C. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 27 juillet 2016, A______ recourt contre ladite ordonnance, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut à ce que la Cour, principalement, ordonne le séquestre requis et, subsidiairement, renvoie la cause au Tribunal.

Elle produit une pièce nouvelle, à savoir une requête de séquestre datée du
15 juillet 2016, dont la teneur est identique à celle faisant l'objet de la présente procédure (pièce I b).

La recourante a été informée le 17 août 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 En matière de séquestre, la procédure sommaire est applicable (art. 251
let. a CPC).

Contre une décision refusant un séquestre, qui est une décision finale en tant qu'elle met fin à l'instance d'un point de vue procédural, seul le recours est ouvert (art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2012 du 28 août 2012 consid. 3.2; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 1646) (cf. consid.2.1).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être formé dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

Déposé selon la forme et dans le délai prescrits, le recours est recevable.

2. 2.1 Le recours est recevable pour violation du droit et pour constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'instance de recours examine les questions de droit avec le même pouvoir d'examen que l'instance précédente, y compris en ce qui concerne l'appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC) et l'application du degré de preuve (cf. Jeandin, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 2 ad art. 321 CPC; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse (CPC), FF 2006 6841, p. 6984).

2.2 La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases à la maxime de disposition et à la maxime des débats (art. 58 al. 2 CPC; art. 255 CPC a contrario).

2.3 Au stade de la requête et de l'ordonnance de séquestre, la procédure est unilatérale et le débiteur n'est pas entendu (art. 272 LP; ATF 133 III 589
consid. 1; Hohl, op. cit., n. 1637 p. 299).

Dans le cadre du recours contre l'ordonnance de refus de séquestre, la procédure conserve ce caractère unilatéral, car, pour assurer son efficacité, le séquestre doit être exécuté à l'improviste; partant, il n'y a pas lieu d'inviter C______ à présenter ses observations, ce qui ne constitue pas une violation de son droit d'être entendu (ATF 107 III 29 consid. 2 et 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_344/2010 du 8 juin 2010 consid. 5, in RSPC 2010 p. 400, et 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 4).

L'art. 322 CPC est par conséquent inapplicable dans un tel cas.

3. Dans le cadre d'un recours contre une ordonnance de rejet de séquestre, les conclusions, les allégations de fait et les preuves nouvelles sont irrecevables
(art. 326 CPC). La juridiction de recours doit statuer sur l'état de fait identique à celui soumis au premier juge (CHAIX, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale in SJ 2009 II p. 267; HOFMANN/LUSCHER, Le Code de procédure civile, 2015, p. 304).

Ainsi, la requête de séquestre datée du 15 juillet 2016 déposée par la recourante (pièce I b) est irrecevable.

4. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir procédé à une constatation manifestement inexacte des faits et d'avoir violé le droit, en considérant que sa requête avait le même objet que celle déposée le 15 juillet 2016.

4.1 Le Tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action, notamment que si le litige ne fait pas l'objet d'une décision entrée en force (art. 59 al. 1 et 2 let. e CPC).

Seule la requête de séquestre qui repose sur un état de fait totalement identique à celui d'une précédente requête peut se voir opposer l'exception de chose jugée (ATF 138 III 382 consid. 3.2 = JdT 2013 II 341).

4.2 Une prétention divisible est susceptible d'une action partielle (art. 86 CPC). Il y a action partielle au sens propre lorsque le demandeur ne fait valoir qu'une partie de sa prétention, alors que celle-ci est entièrement exigible et qu'elle repose sur un fondement unique (BOHNET, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 8 ad art. 86 CPC).

En cas de jugement sur action partielle, l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à la partie de la créance qui a fait l'objet de la décision, même si l'ensemble de la prétention a été examinée pour statuer (ATF 125 III 8 consid. 3 = SJ 1999 I 273).

4.3 En l'espèce, dans sa requête, la recourante exposait qu'elle ne faisait valoir qu'une partie de la créance d'arriérés relative aux contributions dues à l'entretien de son fils par le père de celui-ci, relatives au premier semestre de l'année 2016. Elle mentionnait que sa requête était partielle au sens de l'art. 86 CPC.

Le dossier du Tribunal ne contient aucune pièce relative à la procédure C/14113/2016 sur laquelle le premier juge s'est pourtant fondé pour rejeter la requête. Par ailleurs, le Tribunal, avant de rendre sa décision, n'a pas interpelé la recourante au sujet des arguments qu'il envisageait de prendre en compte dans sa décision.

Ainsi, la Cour n'est pas en mesure d'examiner si le Tribunal a procédé à une constatation manifestement inexacte des faits et s'il a violé le droit.

Dans la mesure où la cause n'est pas en état d'être jugée, l'ordonnance attaquée sera annulée et la cause sera renvoyée au premier juge pour qu'il ordonne l'apport de la procédure C/14113/2016 et interpelle la recourante au sujet de l'éventuelle identité des requêtes des 15 et 20 juillet 2016, puis rende une nouvelle décision (art. 327 al. 3 let. a CPC).

5. Le Tribunal statuera à nouveau sur les frais de première instance, selon l'issue du litige.

Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 300 fr. (art. 48 et 61 OELP). Ces frais seront laissés à la charge de l'Etat en application de l'art. 107 al. 2 CPC, de sorte que l'avance de frais d'un montant de 300 fr. fournie par la recourante lui sera restituée.

Compte tenu du caractère unilatéral de la procédure d'autorisation de séquestre, le débiteur ne peut être assimilé à une partie qui succombe au sens de l'art. 106
al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 5A_508/2012 du 28.08.2012 consid. 3.1 et 5A_344/2010 du 08.06.2010 consid. 5). Il ne peut ainsi pas être condamné aux dépens de la recourante. Par ailleurs, l'art. 107 al. 2 CPC ne permet pas de mettre les dépens de la procédure à la charge de l'Etat. Ainsi, il ne sera pas alloué de dépens à la recourante.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 27 juillet 2016 par A______ contre l'ordonnance SQ/479/2016 rendue le 20 juillet 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14353/2016-16 SQP.

Au fond :

Annule l'ordonnance attaquée.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 300 fr. et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer la somme de 300 fr. à A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Véronique BULUNDWE, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Véronique BULUNDWE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.