C/15110/2014

ACJC/1508/2014 du 12.12.2014 sur JTPI/11025/2014 ( SFC ) , RENVOYE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU; MOTIVATION DE LA DÉCISION
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15110/2014 ACJC/1508/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 12 decembre 2014

 

Entre

A______, p.a. ______, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 4 septembre 2014, comparant par Me Claudio Fedele, avocat, avenue Krieg 7, case postale 209, 1211 Genève 17, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.            Par jugement du 12 septembre 2014, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a prononcé la faillite sans poursuite préalable de A______ le jour-même à 14 h. 30 (ch. 1), a mis les frais, arrêté à 500 fr., à la charge de la précitée, condamnée à les rembourser à B______ (ch. 2 et 3), et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).![endif]>![if>

Ce jugement, qui ne comporte aucune motivation, porte l'indication qu'il peut faire l'objet d'un recours au sens des art. 319ss CPC auprès de la Cour de justice (ci-après : la Cour), dans un délai de dix jours.

B.            Par acte du 23 septembre 2014, A______ a formé recours contre le jugement précité, concluant à l'annulation de celui-ci, au déboutement de B______ de toutes conclusions, et à la compensation des dépens.![endif]>![if>

A titre préalable, elle a requis la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris, ce qui a été accordé par décision de la Cour du 26 septembre 2014.

Par courrier du 24 octobre 2014, B______ a répondu qu'elle maintenait sa requête de faillite.

Les parties ont ensuite respectivement répliqué et dupliqué.

Par avis du 17 novembre 2014, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. L'art. 174 al. 1 LP prévoit que la décision du juge de faillite peut faire l'objet d'un recours au sens du CPC dans les dix jours. Seule la voie du recours est ainsi ouverte (art. 319 let. a CPC). A teneur de l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable en matière de faillite.

La Cour est l'autorité compétente pour statuer sur les recours contre la décision du juge de la faillite (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Selon l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce, le recours respecte les dispositions précitées, de sorte qu'il est recevable.

2. La recourante, tout en développant des griefs de fond, fait observer que la décision attaquée n'est pas motivée.

2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu consacré par l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour le juge de motiver ses décisions. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision du juge, le droit à une décision motivée est respecté (arrêt du Tribunal fédéral 4A_474/2008 du 13 février 2009 consid. 2.1; cf. ATF 126 I 97 consid. 2c p. 103).

Vu sa nature formelle, la violation du droit d'être entendu entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437).

2.2 Selon l'art. 239 CPC, le tribunal peut communiquer aux parties une décision sans motivation écrite, en notifiant le dispositif écrit (al. 1 let. b). Une motivation écrite est remise aux parties, si l'une d'elles le demande, dans un délai de dix jours à compter de la communication de la décision. Si la motivation n'est pas demandée, les parties sont considérées avoir renoncé à l'appel ou au recours.

Par le renvoi de l'art. 219 CPC, l'art. 239 CPC relatif à la communication et à la motivation des décisions est applicable en procédure sommaire. La demande de motivation est un préalable indispensable à la recevabilité de l'appel ou du recours (arrêt du Tribunal fédéral 4A_72/2014 du 2 juin 2014 consid. 5).

2.3 En vertu du principe de la bonne foi, les parties ne doivent subir aucun préjudice en raison d'une indication inexacte des voies de droit (ATF 117 Ia 297 consid. 2; 117 Ia 421 consid. 2c).

Les exigences envers les avocats sont toutefois naturellement plus élevées : on attend dans tous les cas de ces derniers qu'ils procèdent à un contrôle sommaire des indications sur la voie de droit (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; 135 III 374 consid. 1.2.2.2).

2.4 En l'occurrence, la décision attaquée recèle une contradiction.

En effet, elle ne contient aucune motivation, de sorte qu'il s'agit, selon toute vraisemblance, d'une communication de dispositif, au sens de l'art. 239 al. 1 CPC. Partant, elle ne devait pas porter l'indication selon laquelle elle pouvait faire l'objet d'un recours, mais l'indication selon laquelle une demande de motivation, prévue à l'art. 239 al. 2 CPC, devait être formée. Elle ne serait donc pas sujette à recours.

Cependant, vu l'absence de toute mention précisant que le Tribunal procédait de la sorte en conformité de l'art. 239 al. 1 CPC, et compte tenu de l'indication d'une voie de recours, la recourante, bien que représentée par un avocat rompu à la procédure, pouvait de bonne foi comprendre qu'elle recevait non pas un dispositif, mais un jugement, certes entaché d'un défaut de motivation, contre lequel elle était admise à recourir.

En tout état, ce défaut de motivation (non assorti de la possibilité de requérir les motifs de la décision avant tout recours) représente une violation du droit d'être entendue de la recourante, qui entraîne l'annulation de la décision attaquée.

La cause sera dès lors renvoyée au premier juge pour qu'il statue à nouveau, dans le respect du droit d'être entendu des parties.

3. Compte tenu des circonstances particulières d'espèce, les frais du recours, arrêtés à 800 fr. seront supportés par l'ETAT DE GENEVE (art. 107 al. 2 CPC).

La recourante concluant à la compensation des dépens et les conditions de l'allocation de dépens à l'intimée, qui comparaît en personne, n'étant pas réalisées, il n'en sera pas alloué (art. 95 al. 2 let. c CFC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 23 septembre 2014 par A______ contre le jugement JTPI/11025/2014 rendu le 4 septembre 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15110/2014-9 SFC.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait :

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 800 fr. et les met à la charge de l'ETAT DE GENEVE.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ l'avance effectuée en 800 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119
al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.