C/15740/2015

ACJC/377/2016 du 18.03.2016 sur JTPI/13742/2015 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : AUTORITÉ FISCALE; MAINLEVÉE DÉFINITIVE; PRESCRIPTION; INTERRUPTION
Normes : LHID; LP.82
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15740/2015 ACJC/377/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 18 MARS 2016

 

Entre

A______, représenté par B______, (VD), recourant contre un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 novembre 2015, comparant en personne,

et

C______, domicilié ______, Genève, intimé, comparant par Me Grégoire Rey, avocat, rue Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève 12, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement du 17 novembre 2015, expédié pour notification aux parties le 24 novembre 2015, le Tribunal de première instance a débouté A______ de ses conclusions en mainlevée définitive, arrêté les frais judiciaires à 400 fr. compensés avec l'avance effectuée par celui-ci et laissés à sa charge.![endif]>![if>

Il a retenu que la poursuite dirigée par A______ contre C______, dont il n'était pas démontré qu'elle avait été requise avant fin janvier 2015, se fondait sur un bordereau d'impôts entré en force fin janvier 2010, ce qui révélait que les prétentions étaient prescrites, au vu du délai de prescription de l'art. 14 LHID.

B.            Par acte du 1er décembre 2015, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à l'annulation de celui-ci, et cela fait au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______, avec suite de frais et dépens.![endif]>![if>

Par réponse du 29 décembre 2015, C______ a conclu au rejet du recours, avec suite de dépens. Il a formé des allégués nouveaux, selon lesquels il n'aurait pas reçu notification des décisions de 2009 et 2010, et déposé des pièces nouvelles.

A______ a répliqué, invoquant des faits nouveaux, notamment la circonstance que C______ aurait déposé une réclamation contre la décision de 2009; il a déposé des pièces nouvelles et persisté dans ses conclusions.

C______ a dupliqué, et persisté dans ses conclusions.

Par avis du 1er février 2016, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte du dossier de première instance les faits pertinents suivants :![endif]>![if>

a. Le 21 décembre 2009, A______, B______, a notifié à C______ et D______, ______ (______) un bordereau d'impôt relatif à l'impôt fédéral direct pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2008, d'un montant de 17'509 fr. 25.

Le 9 janvier 2010, il a établi un décompte final, comprenant, outre l'impôt selon la décision de taxation précitée, le montant des intérêts moratoires sur acomptes
(894 fr. 55) et des intérêts compensatoires en sa faveur (27 fr.) pour un total de 18'430 fr. 80. Ce décompte a été expédié aux mêmes destinataires et à la même adresse que le bordereau précité.

Le 9 septembre 2010, une sommation avant poursuite, au sens de l'art. 228 de la loi ______ sur les impôts directs cantonaux, portant sur 18'430 fr. 80 a été envoyée à C______ et D______, ______ (______).

A une date indéterminée, un timbre humide "Aucune réclamation n'a été déposée, cette décision est donc passée en force" a été apposé sur les trois documents précités.

b. Le 26 mai 2015, A______ a fait notifier à C______, domicilié à Genève, un commandement de payer poursuite no 1______, portant sur les montants de 17'509 fr. 25 avec intérêts à 3,5% dès le 13 février 2012, et 894 fr. 55 et 27 fr. Les causes de l'obligation étaient la décision de taxation du 21 décembre 2009, le décompte final du 9 janvier 2010 et la sommation du 9 septembre 2010.

Le poursuivi a formé opposition.

c. Le 27 juillet 2015, A______ a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée définitive de l'opposition précitée, à concurrence de 17'509 fr. 25 plus intérêts à 3,5% l'an dès le 13 février 2012 et de 894 fr. 55.

d. A l'audience du Tribunal du 13 novembre 2015, aucune des parties n'était présente ni représentée.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

A Genève, la Chambre civile de la Cour de justice est l'instance compétente pour connaître d'un recours (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Le recours, interjeté dans le délai et selon la forme prévus par la loi, est recevable.

2. Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (HOHL/DE PORET BORTOLASO/AGUET, Procédure civile, T. II, 2ème éd., Berne 2010, n. 2307).

3. Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Partant, pour examiner si la loi a été violée, la Cour de justice doit se placer dans la situation où se trouvait le premier juge lorsque celui-ci a rendu la décision attaquée.

Les allégués nouveaux et les pièces nouvelles des parties ne sont donc pas recevables.

4. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir retenu que ses prétentions étaient prescrites lorsqu'il a requis la poursuite notifiée à l'intimé en mai 2015. Il se prévaut de ce que la sommation datée du 9 septembre 2010 représenterait un acte, au sens de l'art. 170 al. 3 let. a de la loi cantonale vaudoise sur les impôts directs cantonaux (LI; RSC vaudois 642.11) faisant courir un nouveau délai de prescription.

4.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Le jugement doit être exécutoire, c'est-à-dire qu'il ne doit plus pouvoir être remis en cause par une voie de droit ordinaire, émaner d'un tribunal au sens de l'art. 122 al. 3 Cst., rendu dans une procédure contradictoire, et condamner le poursuivi à payer une somme d'argent (Schmidt, Commentaire romand, LP, 2005, n. 3, 4 et 6 ad art. 80 LP).

Sont assimilés à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2 ch. 2 LP).

Le moyen libératoire pris de la prescription d'une créance de droit public doit être soulevé d'office (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 46 ad art. 81 LP) lorsqu'un particulier est débiteur de l'État (ATF 133 II 366 – JdT 2007 II 54 p. 56; 106 Ib 357 consid. 3a).

4.2 La prescription des créances fiscales est réglée par le droit en vigueur pendant la période fiscale en cause (arrêts du Tribunal fédéral 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 5.1, 2C_267/2010 du 8 avril 2011 consid. 4.1). L'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID, directement applicable depuis le 1er janvier 2001 si les dispositions du droit fiscal cantonal s'en écartent (art. 72 al. 1 et 2 LHID), prévoit un délai de prescription de cinq ans à compter de l'entrée en force de la taxation.

La loi sur l'harmonisation fiscale laisse les législateurs cantonaux déterminer les cas dans lesquels la prescription est suspendue ou interrompue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1098/2014 du 1er décembre 2015 consid. 6).

Selon l'art. 170 al. 3 let. a LI vaudoise, un nouveau délai de prescription commence à courir lorsque l'autorité prend une mesure tenant à fixer ou faire valoir la créance d'impôt et en informe le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui.

L'autorité fiscale adresse une sommation fixant un dernier délai au contribuable qui n'a pas acquitté sa dette fiscale dans le délai de paiement (art. 228 LI vaudoise).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, toutes les mesures des autorités portées à la connaissance du contribuable et tendant à recouvrer la créance fiscale, de même que de simples lettres ou injonctions interrompent le délai de prescription (ATF 139 I 64 consid. 3.3; 137 I 273 consid. 3.4.3; 126 II 1 consid. 2c). Il s'agit plus généralement de tout acte officiel, c'est-à-dire également de réquisitions de poursuite et de toute autre mesure du droit des poursuites (arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2015 et 2C_59/2015 du 23 octobre 2015 consid. 6.2).

4.3 En l'espèce, il est incontesté que le recourant est au bénéfice d'un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP.

Pour le surplus, il est établi qu'il a, le 9 septembre 2010, notifié à l'intimé une sommation relative à la créance d'impôts impayée, laquelle est entrée en force. Cette sommation, tant selon la loi cantonale que selon la LHID, a pour conséquence qu'au moment de la notification du commandement de payer en mai 2015, la créance susmentionnée n'était pas prescrite.

Le recours est ainsi fondé. Le jugement attaqué sera annulé, et, la cause étant en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. b CPC), il sera statué dans le sens que la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer
n° 1______ sera prononcée.

5. L'intimé, qui succombe, supportera les frais des deux instances, arrêtés à 1'000 fr. (art. 48, 61 OELP), acquis à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Il remboursera le recourant qui en a fait l'avance.

Il ne sera pas alloué de dépens au recourant qui comparaît en personne, les démarches effectuées ne le justifiant pas (art. 95 al. 3 let. c CPC a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 1er décembre 2015 par A______ contre le jugement JTPI/13742/2015 rendu le 17 novembre 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15740/2015-14 SML.

Au fond :

Annule ce jugement et, statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de première instance et de recours à 1'000 fr., les met à la charge de C______ et les compense avec l'avance de frais du même montant, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne C______ à rembourser 1'000 fr. à l'A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.