C/15934/2017

ACJC/259/2018 du 01.03.2018 sur JTPI/14806/2017 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE(LP) ; INSOLVABILITÉ ; MAINLEVÉE DÉFINITIVE ; SOLIDARITÉ
Normes : LP.80
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15934/2017 ACJC/259/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du jeudi 1er MARS 2018

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, ______, recourante contre un jugement rendu par la 27ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 novembre 2017, comparant en personne,

et

ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE (AFC), Direction de la perception, Service du recouvrement, rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3, intimé, comparant en personne.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/14806/2017 du 10 novembre 2017, reçu par A______ le 21 novembre 2017, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par la précitée au commandement de payer, poursuite no 1______ (ch. 1 du dispositif), et arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance effectuée et mis à la charge de A______, condamnée ainsi à verser ledit montant à l'ETAT DE GENEVE (ch. 2 et 3).

B. Par acte expédié le 27 novembre 2017 au Tribunal, communiqué par celui-ci à la Cour de justice, A______ forme "opposition" au jugement précité.

Sans prendre des conclusions formelles, elle indique qu'elle ne "souhaite pas répondre solidairement" de la créance déduite en poursuite.

Elle produit des pièces nouvelles, à savoir deux procès-verbaux de saisie datés du 14 mars 2017 et adressés à son époux, B______, valant actes de défaut de biens au sens de l'art. 115 LP délivrés à la CONFEDERATION SUISSE (IFD/2010; 1'154 fr. 05) et à l'ETAT DE GENEVE (ICC/2009; 10'001 fr. 10), ainsi qu'un échange de correspondance avec l'Administration fiscale cantonale au sujet des impôts cantonaux et communaux 2014 et d'une poursuite no 2______.

Les parties ont été informées le 20 février 2018 de ce que la cause était gardée à juger, l'ETAT DE GENEVE ayant renoncé à son droit de répondre.

C. Les faits suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Sur réquisition de l'ETAT DE GENEVE, l'Office des poursuites a notifié le 22 juin 2017 à A______ un commandement de payer, poursuite n1______, portant sur 4'632 fr. 15 plus intérêts à 5% dès le 9 juin 2017, avec la référence "3______, Bordereau 4______ exp. le 16.01.2017", et 172 fr. 95 à titre d'"intérêts moratoires au 09.06.2017".

A______ y a formé opposition.

b. Par acte déposé au Tribunal le 12 juillet 2017, l'ETAT DE GENEVE a requis la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______, avec suite de dépens.

Il a produit, outre le commandement de payer précité, les pièces suivantes :

- le bordereau du 16 janvier 2017 relatif aux impôts cantonaux et communaux 2015 des époux B______ et A______ d'un montant de 4'612 fr. 15, portant la mention "bordereau valant jugement exécutoire. Pas de réclamation dans les trente jours", apposée le 10 juillet 2017;

- une sommation recommandée du 1er mai 2017 relative aux impôts cantonaux et communaux 2015 des époux B______ et A______, portant sur la somme de 4'792 fr. 40 au 1er mai 2017, à payer dans les trente jours, comprenant 4'612 fr. 15 en capital, 20 fr. de frais de sommation et 165 fr. 25 d'intérêts.

c. Lors de l'audience du Tribunal du 10 novembre 2017, A______ a contesté la créance déduite en poursuite, en exposant que celle-ci ne la concernait pas. Elle a déclaré qu'elle était femme au foyer, à charge de son époux, avec deux enfants. Des actes de défaut de biens concernant la créance déduite en poursuite avaient déjà été délivrés à l'encontre de son époux. Enfin, un jugement en sa faveur avait été rendu dans le cadre d'une autre poursuite concernant également des impôts.

Elle a déposé un jugement JTPI/7535/2017 déboutant l'ETAT DE GENEVE de la requête en mainlevée définitive qu'il avait introduite à son encontre dans le cadre d'une poursuite no 5_____. Il résulte de ce jugement que le Tribunal a retenu que l'époux de A______ était insolvable, puisqu'il avait fait l'objet d'un acte de défaut de biens.

L'ETAT DE GENEVE n'a pas été représenté à l'audience du Tribunal, qui a gardé la cause à juger à l'issue de celle-ci.

d. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que A______ n'avait fait qu'affirmer que des actes de défaut de biens avaient été délivrés à l'encontre de son époux, sans produire aucun document pour étayer ses dires. Dans la mesure où l'ETAT DE GENEVE était au bénéfice d'un titre suffisant, la mainlevée définitive devait être prononcée.

EN DROIT

1. S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Au terme de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251
let. a CPC).

En l'espèce, la Cour comprend que la recourante - qui plaide en personne et fait valoir qu'elle ne répond pas solidairement du montant global de l'impôt faisant l'objet de la poursuite - conclut au rejet de la requête de mainlevée. Ainsi, interjeté dans le délai et selon la forme prévue par la loi, l'acte du 27 novembre 2017 est recevable en tant que recours, en dépit de sa dénomination.

2. Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours à un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (HOHL/DE PORET BORTOLASO/AGUET, Procédure civile, Tome II, 2ème éd. Berne 2010, n. 2307).

3. Les conclusions, les allégations de fait et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Partant, pour examiner si la loi a été violée, la Cour doit se placer dans la situation où se trouvait le premier juge lorsqu'il a rendu la décision attaquée.

Les pièces nouvelles de la recourante sont donc irrecevables, comme les faits qu'elles visent.

4. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir retenu qu'elle n'avait pas établi l'insolvabilité de son époux et d'avoir ainsi prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée à une poursuite portant sur le montant global des impôts cantonaux et communaux 2015 des époux.

4.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Sont assimilées à des jugements, les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2 ch. 2 LP).

4.2 Il y a solidarité entre plusieurs débiteurs lorsqu'ils déclarent s'obliger de manière qu'à l'égard du créancier chacun d'eux soit tenu pour le tout (art. 143
al. 1 CO). A défaut d'une semblable déclaration, la solidarité n'existe que dans les cas prévus par la loi (art. 143 al. 2 CO).

Les époux qui vivent en ménage commun répondent solidairement du montant global de l'impôt. Toutefois, chaque époux répond du montant correspondant à sa part de l'impôt total lorsque l'un d'eux est insolvable (art. 12 al. 1 de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes physiques,
D 3 08; ci-après : LIPP).

L'insolvabilité est une notion de droit fédéral. Selon la jurisprudence constante de la Chambre administrative de la Cour de justice, le débiteur est insolvable lorsqu'il ne dispose pas de moyens liquides suffisants pour s'acquitter de ses dettes exigibles. Cet état ne doit toutefois pas être passager. Il y aura insolvabilité notamment en cas de faillite, concordat ou saisie infructueuse. Seul celui dont l'insolvabilité s'est étendue sur certaines périodes sans qu'il ait pu redresser sa situation financière et amortir régulièrement ses dettes doit être considéré comme insolvable (ATA/1458/2017 du 31 octobre 2017 consid. 3a et les références citées).

4.3 Les faits immédiatement connus du Tribunal, notamment parce qu'ils ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties, peuvent être pris en considération, même en l'absence d'allégation ou d'offre de preuve correspondante, dès lors qu'il s'agit de faits notoires (arrêt du Tribunal fédéral 5A_610/2016 du 3 mai 2017 consid. 3.1 et les réf.).

4.4 En l'espèce, l'intimé dispose d'un titre de mainlevée définitive à l'encontre de la recourante et de l'époux de celle-ci. Il n'est pas contesté que ce titre vise une créance d'impôts dont sont débiteurs des époux vivant en ménage commun. Lors de l'audience du Tribunal du 2 juin 2017, la recourante a allégué, sans être contredite, que "des actes de défaut de biens" avaient été délivrés à l'encontre de son époux en relation avec des créances d'impôts. A l'appui de ses allégations, elle a produit un jugement du 8 juin 2017, par lequel le Tribunal avait rejeté une requête de mainlevée définitive de l'intimé concernant une dette d'impôts de la recourante et de son mari, au motif que celui-ci était insolvable, puisqu'il avait fait l'objet d'un acte de défaut de biens. La délivrance d'au moins un acte de défaut de biens, qui suffit pour admettre que le débiteur concerné est insolvable, peut ainsi être considérée comme établie. D'ailleurs, l'intimé, qui ne s'est pas présenté à l'audience du Tribunal et n'a pas répondu au recours, ne conteste pas que des actes de défaut de biens lui ont été délivrés dans le cadre de poursuites en recouvrement d'impôts dirigés contre l'époux de la recourante.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne répond pas solidairement de la dette d'impôts faisant l'objet de la poursuite. Elle ne doit que le montant correspondant à sa part d'impôt. Dans la mesure où l'intimé n'a pas fourni les éléments nécessaires à calculer cette part, la mainlevée définitive ne pouvait être prononcée.

Dès lors, le jugement attaqué sera annulé et la requête en mainlevée du 12 juillet 2017 sera rejetée (art. 327 al. 3 let. b CPC).

5. L'intimé, qui succombe, supportera les frais de première instance et de recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront fixés à 500 fr. au total (200 fr. pour la première instance et 300 fr. pour l'instance de recours; art. 48 et 61 al. 1 OELP). Ils seront compensés avec les avances de frais effectuées par les parties, qui restent acquises à l'Etat de Genève, Services financiers du Pouvoir judiciaire (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimé sera ainsi condamné à payer à la recourante la somme de 300 fr. que celle-ci a versée à titre d'avance de frais du recours (art. 111 al. 2 CPC).

La recourante, qui n'a pas de représentant professionnel, ne sollicite pas d'indemnité pour les démarches effectuées (cf. art. 95 al. 3 let. c CPC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 27 novembre 2017 par A______ contre le jugement JTPI/14806/2017 rendu le 10 novembre 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15934/2017-27 SML.

Au fond :

Annule le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

Rejette la requête de mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite no 1______, formée le 12 juillet 2017 par l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale, à l'encontre de A______.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de première instance et de recours à 500 fr., les met à la charge de l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale, et les compense avec les avances fournies par les parties, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève, Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale, à verser à A______ la somme de 300 fr. à titre de frais judiciaires du recours.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours:

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF: RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.