C/16804/2016

ACJC/577/2017 du 19.05.2017 sur JTPI/167/2017 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : MAINLEVÉE(LP) ; CONTRAT INDIVIDUEL DE TRAVAIL ; OBLIGATION DE COTISER
Normes : LP.80;
Pdf
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16804/2016 ACJC/577/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 19 mai 2017

 

Entre

Monsieur A_______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 janvier 2017, comparant en personne,

et

B_______ SÀRL, sise ______, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. A_______ a travaillé en qualité de ferrailleur au service de B_______ SÀRL d'octobre 2009 à décembre 2013.

b. Sur la base d'un arrêt de la Cour de justice CAPH/1______ du _____ 2015, annulant partiellement le jugement JTPH/2______ du ______ 2015 du Tribunal des prud'hommes, B_______ SÀRL doit à A_______ les sommes brutes de 11'302 fr. 65 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2010, 40'566 fr. 90 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2011, 59'323 fr. 95 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2012, 55'076 fr. 40 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2013 et 51'508 fr. 50 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 17 décembre 2013, ainsi que les sommes nettes de 842 fr. 40 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2010, 3'110 fr. 40 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2011, 4'622 fr. 40 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2012, 4'060 fr. 80 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2013 et 4'101 fr. 20 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 17 décembre 2013.

La somme nette de 179'696 fr., déjà perçue par A_______, devait être déduite des montants susmentionnés.

Par ailleurs, la partie qui en avait la charge était invitée à opérer les déductions sociales, légales et usuelles.

Par arrêt du 23 février 2016, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par B_______ SÀRL contre l'arrêt de la Cour du 15 décembre 2015.

c. Sur réquisition de A_______, l'Office des poursuites a fait notifier le 17 août 2016 à B_______ SÀRL un commandement de payer, poursuite n° 3_______ portant sur la somme de 54'809 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 15 décembre 2015.

Selon les indications fournies par le poursuivant, ce montant se décompose comme suit : 12'145 fr. 05 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2010, 43'667 fr. 30 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2011, 63'946 fr. 35 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2012, 59'137 fr. 20 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2013 et 55'609 fr. 70 avec intérêts à 5% dès le 17 décembre 2013, sous déduction de 179'696 fr. déjà versés.

Le commandement de payer indique comme titre de la créance les décisions du Tribunal des prud'hommes et de la Cour précitées.

B_______ SÀRL a formé opposition au commandement de payer.

d. Par requête déposée le 30 août 2016, A_______ a requis du Tribunal de première instance la mainlevée définitive de l'opposition à concurrence de 54'809 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 15 décembre 2015.

e. Par acte expédié au Tribunal le 5 décembre 2016, B_______ SÀRL a conclu au rejet de la requête de mainlevée.

Elle a contesté les montants calculés par les autorités saisies du litige de droit du travail et a allégué devoir à A_______, sur la base des décisions précitées, la somme nette de 12'959 fr. 30.

Elle a cependant invoqué en compensation des créances à l'encontre de son ex-employé "nettement supérieures à toute somme due". En particulier, elle a allégué que A_______ avait provoqué un accident avec le véhicule de la société en lui causant un préjudice de 6'919 fr. 35. En outre, suite à son départ sans préavis, elle avait perdu des "mandats de régie" pour un total de 300'000 fr. pour les années 2014 et 2015.

Elle a déposé 51 bulletins de salaire tous établis le 15 mars 2015 au nom d'A_______ pour les mois d'octobre 2009 à décembre 2013. Ces bulletins mentionnent diverses déductions relatives aux charges sociales et légales.

f. Lors de l'audience du Tribunal du 9 décembre 2016, B_______ SÀRL a persisté dans ses allégations et conclusions.

A_______ a contesté le calcul de B_______ SÀRL s'agissant des sommes déduites à titre de cotisations sociales. Il a déposé un extrait de son compte individuel auprès de la Caisse de compensation C_______, les certificats de salaire établis par B_______ SÀRL de 2009 à 2013, ainsi que deux décomptes de salaire, relatifs aux années 2012 et 2013, comprenant, pour chaque mois, le salaire brut, diverses déductions, ainsi que le salaire net.

A_______ a persisté dans ses conclusions.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

B. Par jugement JTPI/167/2017 du 9 janvier 2017, communiqué aux parties pour notification le lendemain, le Tribunal a débouté A_______ de ses conclusions en mainlevée définitive (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 500 fr., mis à la charge de celui-ci et compensés avec l'avance de frais fournie (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a considéré qu'il n'y avait pas identité entre la créance déduite en poursuites et celle visée dans le titre.

C. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 19 janvier 2017, A_______ recourt contre le jugement précité. Il conclut, principalement, avec suite de frais et dépens, à ce que la Cour prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée par B_______ SÀRL au commandement de payer qui lui a été notifié le 17 août 2016 et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal afin que celui-ci "se prononce" sur ladite mainlevée définitive.

b. B_______ SÀRL conclut à la confirmation du jugement.

c. A_______ a répliqué, en persistant dans ses conclusions.

d. Les parties ont été informées le 30 mars 2017 de ce que la cause était gardée à juger, B_______ SÀRL n'ayant pas fait usage de son droit de dupliquer.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique
(art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours doit, en procédure sommaire, être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

Interjeté dans le délai et la forme prescrits, le recours est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait (art. 320 CPC; HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

2. Le recourant fait grief au Tribunal de ne pas avoir accordé la mainlevée définitive requise, alors que, selon lui, les conditions légales au prononcé de celle-ci étaient réalisées. Il soutient que le résultat auquel est parvenu le premier juge revient à "privilégier injustement l'employeur qui n'a pas effectué les déductions sociales" et à imposer à l'employé d'effectuer celles-ci.

2.1 Aux termes de l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81
al. 1 LP).

Il n'incombe pas au juge de la mainlevée de trancher des questions de droit matériel délicates ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation du juge joue un rôle important; ces questions relèvent exclusivement de la compétence du juge du fond. Il en va de même de la question de savoir si le comportement du créancier constitue un abus de droit et s'il viole les règles de la bonne foi (ATF 124 III 501 consid. 3a; 115 III 97 consid. 4b, JdT 1991 II 47).

Un jugement exécutoire ne justifie une mainlevée définitive que s'il contient une condamnation à verser une somme d'argent déterminée ou déterminable à la suite de vérifications simples (PANCHAUD/CAPREZ, La mainlevée d'opposition, § 108 nos 3 à 7; ZR 1985 no 59 = RSJ 1986 p. 30). Le fait que le jugement dont se prévaut le poursuivant emporte condamnation à payer un montant brut, sous déduction des cotisations sociales - procédé par ailleurs courant - ne prive donc pas cette décision de son aptitude à constituer un titre de mainlevée définitive (arrêt du Tribunal fédéral 5P.364/2002 du 16 décembre 2002, consid. 2.1.2).

Lorsque le salaire alloué est un montant brut (arrêt du Tribunal fédéral 4C.319/1999, consid. 2b; BERSIER, Salaire brut ou salaire net ? La mention des cotisations d'assurances sociales dans les prétentions issues d'un contrat de travail, RSJ 1982 p. 299 ss, n. 302; SJ 1987 p. 572), il convient de déduire les charges sociales, selon un mode de répartition impérativement prévu par la législation de droit public (art. 322 al. 1 CO; ATF 107 II 430 consid. 4; JAR 1996 p. 95 consid. 2), ainsi que les impôts à la source éventuellement dus. Le fardeau de la preuve du bien-fondé et de l'importance de ces imputations incombe à l'employeur (WYLER/HEINZER, Droit du travail, 3ème éd., 2014, p. 177).

2.2 Le juge de la mainlevée doit examiner d'office non seulement l'existence d'un titre à la mainlevée définitive et son caractère exécutoire mais aussi les trois identités, en particulier que la prétention déduite en poursuite et la créance retenue dans le titre sont les mêmes (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999 p. 1220 n. 22).

Il est erroné d'additionner, respectivement de compenser (arrêt du Tribunal fédéral 5P.364/2002 du 16 décembre 2002 consid. 2.2), des sommes qui ne sont pas exprimées dans la même unité de grandeur, l'une nette et l'autre brute.

2.3 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'arrêt de la Cour du 15 décembre 2015 constitue un titre exécutoire au sens de l'art. 80 LP. Par ailleurs, la condamnation à payer des montants bruts ne prive pas cette décision de son aptitude à constituer un titre de mainlevée. En outre, l'intimée, à qui incombait le fardeau de la preuve des charges sociales et légales, n'a produit devant le Tribunal aucun décompte relatif aux divers montants bruts alloués au recourant. Le calcul des charges effectué par l'intimée ne peut être retenu, dans la mesure où il n'est pas justifié par pièces, les bulletins de salaire établis par l'ex-employeur en 2015, contestés par le recourant, n'étant pas suffisants. La part des cotisations sociales mises légalement à la charge de l'ex-employé (notamment AVS/AI/APG et AC) est facilement déterminable. En revanche, s'agissant des autres déductions dont le taux est variable (assurance-accident ou prévoyance professionnelle) ou pour d'éventuelles assurances facultatives (assurance perte de gain collective maladie ou assurance perte de gain complémentaire LAA), l'intimée n'a produit aucun justificatif permettant de calculer la somme à prélever de ce chef (cf. WYLER/HEINZER, op. cit., p. 177). Il n'appartient pas à l'ex-employé poursuivant de déterminer les charges sociales (ACJC/1107/2013 du 13 septembre 2013 consid. 2.3), de sorte que le juge de la mainlevée pourrait prononcer la mainlevée définitive également pour les montants bruts, sans déduction des charges (ACJC/1535/2011 du
25 novembre 2011 consid. 5.3).

Cela étant, dans le cas présent, comme le relève pertinemment le Tribunal, le recourant a mentionné dans la poursuite une somme nette (54'809 fr. 60), résultant de l'addition de montants bruts et de montants nets, puis de la soustraction de ce total d'une somme nette, ce qui n'est pas admissible. Le solde précité ne correspond pas aux diverses créances allouées par le titre de mainlevée (cf. ci-dessus, en fait, let. A.b). Ainsi, il n'y a pas identité entre la somme déduite en poursuite et les créances résultant du titre.

C'est donc à juste titre que le Tribunal a refusé, pour le motif précité, de prononcer la mainlevée définitive requise par le recourant. Il ne s'agit pas d'exiger du recourant qu'il déduise en poursuite uniquement des montants nets, charges sociales et légales déduites, mais qu'il reprenne dans la poursuite les sommes qui lui ont été allouées par la Cour dans son arrêt du 15 décembre 2015.

Le recours sera donc rejeté.

3. Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 750 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP), mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance de frais effectuée, laquelle demeure à l'Etat de Genève (art. 111
al. 1 CPC).

L'intimée ne sollicite pas d'indemnité pour les démarches effectuées (art. 95 al. 3 let. c et 105 al. 1 a contrario CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 19 janvier 2017 par A_______ contre le jugement JTPI/167/2017 rendu le 9 janvier 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16804/2016-5 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 750 fr., les met à la charge d'A_______ et les compense avec l'avance de frais fournie, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Monsieur David VAZQUEZ, commis-greffier.

 

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

Le commis-greffier :

David VAZQUEZ

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.