C/17416/2017

ACJC/1404/2018 du 12.10.2018 sur JTPI/11655/2018 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE
Normes : LP.80
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17416/2017 ACJC/1404/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 12 octobre 2018

 

Entre

ETAT DU VALAIS, Office cantonal du contentieux financier, rue des Vergers 2, 1951 Sion (Valais), recourant contre un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 août 2018, comparant en personne,

et

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11655/2018 du 2 août 2018, reçu le lendemain par l'ETAT DU VALAIS, le Tribunal de première instance a débouté celui-ci de ses conclusions en mainlevée définitive dirigées contre A______ (chiffre 1 du dispositif), et arrêté les frais judiciaires à 200 fr., laissés à la charge de l'ETAT DU VALAIS et compensés avec l'avance effectuée (ch. 2 et 3).

Le Tribunal a considéré que les pièces produites ne valaient pas titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP.

B. a. Par acte expédié le 6 août 2018, l'ETAT DU VALAIS a "retourné" la décision précitée à la Cour de justice, en la priant "de bien vouloir en établir une nouvelle pour la totalité de la créance de CHF 1'050.25, de CHF 30.00 (pour un total de CHF 1'080.25)".

Il indique dans son acte qu'il pense "qu'une erreur de considérant s'est produite lors de l'établissement" de la décision du 2 août 2018. Il relève que selon l'art. 135 ch. 2 CO, la prescription était interrompue, vu la réquisition de poursuite établie le 16 décembre 2016.

Il produit une pièce nouvelle, à savoir la réquisition de poursuite objet du litige, datée du 16 décembre 2016.

b. A______ n'a pas retiré le pli recommandé par lequel la Cour lui a imparti un délai pour répondre au recours et n'a pas déposé de réponse.

c. Les parties ont été informées le 21 septembre 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

Cet avis a été reçu par A______ le 25 septembre 2018.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Sur réquisition de l'ETAT DU VALAIS, représenté par l'Office cantonal du contentieux financier (ci-après : OCCF), l'Office des poursuites de Genève a notifié le 8 mars 2017 à A______ un commandement de payer, poursuite
no 1______, portant sur une créance de 1'050 fr. 25, dont la cause était rédigée comme suit : "Objet no 2______/Reprise créances féd. selon ADB" (poste 1), ainsi que sur une créance de 30 fr. à titre de "Frais de sommation, émolument de poursuite" (poste 2).

Le poursuivi y a formé opposition.

b. Par acte expédié le 27 juillet 2017 au Tribunal, l'ETAT DU VALAIS a requis le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition précitée, avec suite de dépens.

Il s'est borné à se référer à l'art. 80 LP, en produisant, outre le commandement de payer précité, les documents suivants :

- le duplicata d'un avis de taxation ordinaire du 1er mars 1984 concernant l'impôt fédéral direct 1983-84 dû par A______ portant sur 872 fr. 10 au total et mentionnant que la décision n'avait pas fait l'objet d'une réclamation;

- un acte de défaut de biens après saisie délivré le 6 novembre 1990 à l'Administration valaisanne de l'impôt fédéral direct à l'encontre de A______ portant sur 1'050 fr. 25;

- une facture no 2______ établie le 15 décembre 2016 et adressée à A______, portant sur 1'050 fr. 25 dus à titre de "Reprise créances fédérales" et "impôt fédéral direct 1983", dont l'échéance était fixée au 16 janvier 2017;

- un extrait de compte du 25 juillet 2017, établi par le Service valaisan des contributions, OCCF, dont il résulte que A______ restait devoir la somme de 1'153 fr. 55, comprenant 1'050 fr. 25 sur la base de la facture précitée, 73 fr. 30 à titre de frais avancés à l'Office des poursuites et 30 fr. à titre de "Frais de poursuite-Emolument"; ledit extrait fait référence à la loi fiscale valaisanne du 10 mars 1976 (LF) et indique : "la taxation n'a pas fait l'objet d'une réclamation dans les 30 jours (art. 139 LF). Elle est donc entrée en force et, au sens de l'art. 165 LF, assimilée à un jugement exécutoire";

- l'ordonnance valaisanne du 28 juin 2006 concernant les procédures d'encaissement et de recouvrement (611.104).

c. Valablement citées par le Tribunal, les parties n'étaient ni présentes ni représentées à l'audience du 11 décembre 2017.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Le recours doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 2 CPC).

Il incombe au recourant de motiver son recours (art. 321 al. 1 CPC), c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit pas de renvoyer à une écriture antérieure, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée; sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5D_65/2014 du 9 septembre 2014 consid. 5.4.1).

L'acte de recours doit, en outre, contenir des conclusions formulées de telle sorte qu'en cas d'admission de la demande, elles puissent être reprises dans le jugement sans modification (arrêt du Tribunal fédéral 5A_663/2011 du 8 décembre 2011 consid. 4.3 et 4.5).

1.2 Bien qu'il semble s'adresser à l'autorité qui a rendu la décision attaquée, qu'il soulève la question de la prescription qui n'est pas évoquée dans le jugement du 2 août 2018 et qu'il ne comporte enfin pas de conclusions expresses, l'acte du 6 août 2018 sera considéré comme recevable, puisque la volonté d'obtenir l'annulation de la décision attaquée et le prononcé de la mainlevée définitive pour les deux postes du commandement de payer, en raison de la législation cantonale, est compréhensible.

Le recours, formé dans le délai précité, est donc recevable.

2. Les conclusions, allégations de faits et preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Ainsi, la pièce nouvelle de la recourante n'est pas recevable.

3. La recourante fait grief au Tribunal de ne pas avoir prononcé la mainlevée définitive sur la base des pièces produites.

3.1 Selon l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (al. 1). Sont assimilés à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (al. 2 ch. 2).

Par décision de l'autorité administrative, la jurisprudence du Tribunal fédéral entend, de façon large, tout acte administratif imposant péremptoirement au contribuable la prestation d'une somme d'argent à la corporation publique. Une simple disposition prise par un organe administratif, revêtue de l'autorité administrative et donnant naissance à une créance de droit public suffit. Il importe que l'administré puisse voir, sans doute possible, dans la notification qui lui est faite, une décision entrant en force, faute d'opposition ou de recours. A cette condition, la sommation de payer peut être considérée comme une décision (arrêt du Tribunal fédéral 5P_113/2002 du 1er mai 2002, consid. 2c et les références citées).

Les décisions administratives visent toutes obligations de droit public telles que les impôts, les taxes, les redevances, les droits d'eau et d'égouts, la taxe d'épuration des eaux usées, les émoluments, les contributions, les primes d'assurance obligatoire en vertu du droit public (GILLIERON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5ème éd. 2012, n° 754).

En droit valaisan, de manière générale, sont assimilées à des jugements exécutoires au sens de l'art. 80 LP les décisions portant condamnation à payer une somme d'argent ou à fournir des sûretés (art. 37 al. 1 de la loi sur la procédure et la juridiction administratives du 6 octobre 1976, 172.6). Tel est en particulier le cas des taxations, décisions et prononcés définitifs des autorités d'application de la loi fiscale du 10 mars 1976 (art. 165 LF; 642.1).

Dans le canton du Valais, l'Office cantonal du contentieux financier (OCCF) est le service chargé de représenter l'Etat en sa qualité de créancier dans le cadre des procédures en matière du droit de la poursuite et de la faillite (art. 11 al. 1 de l'ordonnance du 28 juin 2006 concernant les procédures d'encaissement et de recouvrement).

3.2 En l'espèce, la cause de l'obligation indiquée dans le commandement de payer correspond à celle résultant de la décision à exécuter, à savoir la facture du 15 décembre 2016, qui impose de manière contraignante la prestation d'une somme d'argent à l'intimé, à savoir le paiement d'un impôt. L'intimé ne conteste ni avoir reçu la facture en question ni ne pas avoir déposé de réclamation à l'encontre de celle-ci. Par ailleurs, l'émolument administratif de 30 fr. pour l'envoi d'une réquisition de poursuite est prévu par l'art. 18 al. 1 de l'ordonnance précitée. C'est ainsi à tort que le Tribunal a rejeté la requête de mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer, poursuite no 1______.

Le recours se révèle ainsi fondé, de sorte que le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué sera annulé. Dans la mesure où la cause est en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. b CPC), la Cour prononcera la mainlevée définitive de l'opposition litigieuse.

4. L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires des deux instances, arrêtés à 500 fr. (art. 48 et 61 OELP), correspondant aux avances déjà opérées, acquises à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC). Il sera en conséquence condamné à verser à la somme de 500 fr. au recourant.

Vu la nature de la cause et la qualité de la partie recourante, qui procède en personne, il ne se justifie pas de lui allouer des dépens pour la première instance (art. 95 al. 3 let. c CPC). Le recourant ne sollicite pas de dépens pour la procédure de recours.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 6 août 2018 par l'ETAT DU VALAIS contre le jugement JTPI/11655/2018 rendu le 2 août 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17416/2017-12 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite no 1______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires des deux instances à 500 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec les avances effectuées, lesquelles demeurent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence A______ à verser à l'ETAT DU VALAIS la somme de
500 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

Indication des voies de recours:

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF: RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.