C/17868/2013

ACJC/732/2014 du 20.06.2014 sur OTPI/193/2014 ( SP ) , CONFIRME

Descripteurs : HYPOTHÈQUE LÉGALE DES ARTISANS ET ENTREPRENEURS
Normes : CC.839.2
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17868/2013 ACJC/732/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 20 juin 2014

 

Entre

A______SA, sise ______, appelante d'une ordonnance rendue par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 janvier 2014, comparant par Me David Parisod, avocat, avenue du Théâtre 7, case postale 5716, 1002 Lausanne, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

1) Madame B______, domiciliée ______,

2) Monsieur C______ et Madame D______, domiciliés ______,

3) Monsieur E______ et Madame F______, domiciliés ______,

4) Monsieur G______ et Madame H______, domiciliés ______,

5) Monsieur I______ et Madame J______, domiciliés ______,

intimés, comparant tous par Me Philippe Bonnefous, avocat, rue Kléberg 25, case postale 1173, 1211 Genève 1, en l'étude duquel ils font élection de domicile.

 

 

 

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 23.06.2014.

 


EN FAIT

A. a. Par ordonnance OTPI/193/2014 du 29 janvier 2014, communiquée pour notification aux parties le même jour, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté la requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs formée par A______SA à l'encontre de B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______ et J______ (ci-après également les intimés; ch. 1 du dispositif) et a révoqué en conséquence l'ordonnance provisoire rendue le 30 août 2013 ordonnant, à titre superprovisionnel, l'inscription de l'hypothèque légale requise (ch. 2). Il a mis les frais judiciaires, arrêtés à 1'800 fr. et compensés avec l'avance de frais fournie par A______SA, à la charge de cette dernière (ch. 3 et 4) et l'a condamnée à verser aux intimés la somme de 5'300 fr. à titre de dépens (ch. 5). Enfin, il a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

En substance, le Tribunal de première instance a retenu que le contrat de sous-traitance conclu entre K______SA, société mandatée par les intimés pour effectuer des travaux sur leurs parcelles, et A______SA était a priori valide et que celle-ci avait rendu vraisemblable sa qualité d'entrepreneur, la fourniture de travaux ainsi que la créance invoquée à hauteur de 674'669 fr. 45, la somme de 1'905 fr. facturée pour le démontage de la grue devant être écartée, cette activité ne s'inscrivant pas dans le cadre de l'exécution du contrat de sous-traitance confié. A______SA n'avait en revanche pas rendu vraisemblable que le délai de quatre mois pour procéder à l'inscription de l'hypothèque légale avait été respecté, les travaux relatifs au contrat de sous-traitance confié ayant vraisemblablement été achevés le 8 avril 2013. La requête de A______SA, reçue par la poste le 26 août 2013, était donc tardive et devait être rejetée.

b. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 4 février 2014, A______SA a formé appel contre l'ordonnance précitée, sollicitant son annulation. Elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instance, à l'admission de sa requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale, à la confirmation de l'ordonnance provisoire du 30 août 2013, à ce qu'il soit dit que l'inscription au Registre foncier demeurerait valable jusqu'à l'échéance d'un délai de trois mois après droit connu sur le fond du litige et à ce qu'un délai lui soit imparti pour ouvrir action au fond. Elle a également requis que l'effet suspensif soit accordé à son appel.

A l'appui de son acte, A______SA a déposé une pièce nouvelle, soit un extrait actualisé du Registre du commerce relatif à K______SA (pièce no 3).

En substance, elle fait grief au premier juge d'avoir retenu que le démontage de la grue ne s'inscrivait pas dans le cadre de l'exécution du contrat de sous-traitance confié et que le délai légal de quatre mois pour l'inscription de l'hypothèque requise n'avait pas été respecté. Elle ne remet en revanche pas en cause le raisonnement opéré par ce magistrat au sujet de la réalisation des autres conditions à l'inscription.

c. Par arrêt présidentiel du 11 février 2014, la Cour de céans a suspendu le caractère exécutoire de l'ordonnance attaquée, en ce sens que l'inscription opérée à titre provisoire par ordonnance du 30 août 2013 devait demeurer en vigueur jusqu'à droit jugé sur l'appel.

d. Dans leur mémoire de réponse déposé le 3 mars 2014 au greffe de la Cour de justice, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______ et J______ ont conclu à la confirmation de l'ordonnance attaquée et à la condamnation de A______SA aux frais judiciaires et dépens. Etait jointe à cet acte une pièce nouvelle, soit un courrier adressé au Registre foncier en date du 14 novembre 2013 (pièce no 112).

Les intéressés se sont ralliés au raisonnement du premier juge en ce qui concerne la nature des travaux de démontage de la grue et le non-respect du délai légal de quatre mois pour l'inscription de l'hypothèque légale requise, tout en persistant à contester la validité du contrat de sous-traitance conclu entre K______SA et A______SA, la qualité d'entrepreneur de cette dernière ainsi que la créance invoquée. A l'appui de certains de leurs allégués de fait, ils ont proposé l'administration de moyens de preuve, à savoir leur propre audition, celle de tiers ainsi que la production de divers documents.

e. Par acte expédié le 14 mars 2014 au greffe de la Cour de justice, A______SA a répliqué, persistant dans les conclusions de son appel.

f. Le 27 mars 2014, les intimés ont déposé leur mémoire de duplique et ont également persisté dans les conclusions de leur mémoire de réponse.

g. Par plis séparés du 1er avril 2014, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______SA, société anonyme sise dans le canton de Vaud, est active dans la réalisation de travaux de construction en tous genre, le génie civil, le bâtiment, la démolition, l'exécution de commandes d'entreprise générale et les opérations immobilières.

L______ a été le directeur de cette société entre mars 2005 et juillet 2013.

b. B______ est propriétaire de la parcelle no 1______ de la commune d'Onex.

C______ et D______ sont propriétaires de la parcelle no 2______ de la commune d'Onex.

E______ et F______ sont propriétaires de la parcelle no 3______ de la commune d'Onex.

G______ et H______ sont propriétaires de la parcelle no 4______ de la commune d'Onex.

Enfin, I______ et J______ sont propriétaires de la parcelle no 5______ de la commune d'Onex.

c. En été 2011, la société K______SA a conclu un contrat d'entreprise générale avec chacun des propriétaires précités portant sur la réalisation, sur les parcelles susmentionnées, de cinq villas mitoyennes, de parties communes, de routes, d'accès et d'espaces communs.

K______SA était alors représentée par M______ et L______, respectivement administrateur et actionnaire de la société.

d. Le 3 octobre 2011, A______SA a conclu avec la société K______SA un "contrat d'adjudication sous-traitant entrepreneur" pour des travaux de "défrichage, terrassement, béton et béton armé, maçonnerie", à effectuer sur les cinq villas objets du contrat d'entreprise générale susmentionné, pour un montant total de 425'000 fr.

Le contrat a été signé, pour le compte de A______SA, par L______ en sa qualité de directeur de la société.

A______SA a expliqué que le montant de 425'000 fr. était une évaluation.

e. Le premier procès-verbal de chantier, daté du 1er novembre 2011, mentionne A______SA comme l'entreprise en charge de la "démolition". Les procès-verbaux subséquents la désignent comme étant responsable du "terrassement" et de la "maçonnerie".

Le dernier procès-verbal produit, daté du 1er novembre 2012, liste différents travaux encore à exécuter par A______SA.

Depuis la mi-décembre 2012, le chantier est arrêté en raison de problèmes financiers rencontrés par K______SA.

f. A la fin de l'année 2012, A______SA a cessé toute activité opérationnelle. Elle a toutefois continué à employer deux personnes jusqu'à fin mars 2013, respectivement fin avril 2013. Les autres employés ont été repris au 31 décembre 2012 par la société N______SA, créée par L______.

Entre le 21 janvier et le 8 avril 2013, A______SA a, selon les rapports journaliers produits par ses soins, procédé, sur le chantier concerné, à des travaux de coffrage et de décoffrage, de nettoyage ainsi que de rangement et d'évacuation du matériel.

A______SA a expliqué que ces travaux avaient été effectués par N______SA
- mandatée par ses soins en qualité de sous-sous-traitante - avec le renfort de ses propres employés.

Le 2 mai 2013, A______SA a également, toujours selon les rapports journaliers qu'elle a produits, apporté son aide à l'entreprise O______ pour procéder au démontage de la grue du chantier, qui avait été louée à cette dernière entreprise. Elle a expliqué avoir bénéficié de l'assistance de N______SA pour l'exécution de cette tâche.

Depuis lors, elle n'est plus intervenue sur le chantier.

g. Par jugement du 8 avril 2013, le Tribunal de première instance a mis K______SA au bénéfice d'un sursis concordataire.

Dans le cadre de la procédure de sursis concordataire, les propriétaires des parcelles concernées ont mandaté un expert afin de déterminer la valeur des travaux exécutés sur le chantier selon le contrat d'entreprise générale qu'ils avaient conclu avec K______SA. Le rapport de cet expert, établi le 2 mai 2013, mentionnait que le chantier était, lors de la visite du site le 27 avril 2013, "au stade de l'achèvement du gros œuvre". En particulier, la maçonnerie intérieure ainsi que les travaux de terrassement n'avaient pas été terminés et les finitions de maçonnerie devaient être commencées. Seuls 65% des travaux de terrassement et 80% des travaux de maçonnerie et de béton armé avaient été réalisés. Le montant total des travaux exécutés s'élevait à 1'000'952 fr., incluant 708'435 fr. pour les travaux de terrassement et de maçonnerie. Ce rapport précisait par ailleurs que les propriétaires avaient payé un montant de 330'044 fr. pour des travaux de plus-values, lesquels avaient été "demandés et acceptés" par ces derniers.

h. Entre le 13 février et le 31 mai 2012, A______SA a adressé à K______SA plusieurs factures relatives à son activité jusqu'au 31 mars 2012 pour un montant total de 167'700 fr., sans spécification des travaux exécutés.

Ces factures ont été acquittées par K______SA.

i. Entre le 5 octobre 2012 et le 3 juin 2013, A______SA a facturé à K______SA un montant total de 676'574 fr. 45, montant qui n'a pas été honoré.

A______SA a indiqué que la différence entre ce montant et celui de 425'000 fr. prévu dans le contrat de sous-traitance s'expliquait notamment par le fait qu'elle avait effectué des travaux supplémentaires.

j.a Les factures émises entre le 5 octobre et le 31 décembre 2012 ne spécifient pas les travaux effectués. Seule la mention "en accord avec la DT" figure sur ces documents.

Les factures des 5, 10 et 15 octobre, 30 novembre, 11 et 31 décembre 2012 (factures nos12.1076/3057, D 12.1077/3057, D 12.1078/3057, D 12.1089/3057, D 12.1090/3057 et D 12.1109/3057) concernent des travaux effectués entre le 1er avril et le 30 novembre 2012. La facture no D 12.1110/3057 du 31 décembre 2012 concerne quant à elle des travaux exécutés au 15 décembre 2012.

j.b Aucune facture n'a été émise entre le 31 décembre 2012 et le 3 juin 2013.

j.c Le 3 juin 2013, A______SA a adressé trois factures à K______SA, soit:

- facture no D 13.1002/3057 relative aux "travaux au 31.01.2013" effectués "en accord avec la DT". A teneur des rapports journaliers produits par A______SA, ces travaux, exécutés entre le 21 et le 31 janvier 2013, ont principalement consisté dans le décoffrage de dalles, le rangement et le nettoyage du matériel.

- facture no D 13.1003/3057 relative aux "travaux au 28.02.2013" effectués "en accord avec la DT". Le rapport journalier produit par A______SA pour la période concernée fait mention de travaux de coffrage.

- facture no D 13.1004/3057 relative aux "travaux exécutés du 01.04.2013 au 05.05.2013" consistant dans le "démontage [de la] grue", activité facturée 1'905 fr., et le "rangement, chargement et évacuation du matériel". A teneur des rapports journaliers produits par A______SA, ces prestations ont été fournies les 2, 3, 4, 5, 8 avril et 2 mai 2013. La seule activité déployée le 2 mai 2013 est une "aide à démontage grue O______".

L'entreprise O______ a, pour sa part, facturé à K______SA une somme de 5'940 fr. pour le démontage et le transport de la grue.

C. a. Par acte du 26 août 2013, A______SA a requis du Tribunal de première instance, à titre de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, l'inscription provisoire en sa faveur d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à hauteur de 142'080 fr. 65, avec intérêts à 5% dès le 5 mai 2013, sur chacune des parcelles no 1______, no 2______, no 3______, no 4______ et no 5______ de la commune d'Onex.

A______SA a notamment exposé avoir une créance de 676'574 fr. 45 envers K______SA, cette dernière ayant cessé de payer les factures relatives au chantier depuis le mois d'octobre 2012. Ce montant devait être réparti à raison d'un cinquième sur chacune des parcelles susmentionnées compte tenu du fait que les travaux avaient été effectués en bloc et en commun. De plus, les montants à inscrire devaient être majorés de 5%, des variations dans ces montants pouvant apparaître après établissement de décomptes séparés pour chaque parcelle.

b. Par ordonnance provisoire du 30 août 2013, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures superprovisionnelles, a ordonné l’inscription de l’hypothèque légale requise jusqu’à l’exécution de sa prochaine décision. Cette inscription a été opérée provisoirement par le Registre foncier le 2 septembre 2013 selon l'allégué non contesté de A______SA.

c. Invités à se déterminer sur la requête déposée par A______SA, les intimés ont conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, au déboutement de cette dernière de toutes ses conclusions.

d. Lors de l'audience qui s'est tenue devant le Tribunal de première instance le 18 novembre 2013, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

A l'issue de cette audience, le Tribunal de première instance a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 10 jours (art. 248 let. d et 314
al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) à l'encontre d'une décision sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse est, compte tenu du montant de chacune des hypothèques légales requises, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC).

Il en va de même du mémoire de réponse des intimés, lequel a été déposé en temps utile et respecte les exigences de forme prescrites par la loi (art. 248 let. d, 312 al. 1 et 314 al. 1 CPC), de la réplique de l'appelante, le droit d'une partie de répliquer dans le cadre d'une procédure judiciaire constituant un élément du droit d'être entendu et les écritures concernées étant intervenues dans un délai raisonnable après la notification du mémoire de réponse (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3; 137 I 195 consid. 2.3.1 = SJ 2011 I p. 345; 133 I 98 consid. 2.1
et 2.2 = JdT 2007 I 379; 133 I 100 consid. 4.8) et de la duplique des intimés, intervenue dans le délai fixé par la Chambre de céans.

1.2 L'autorité d'appel revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale étant soumise à la procédure sommaire (art. 248 let. d et 249 let. d
ch. 5 CPC), elle peut toutefois s'en tenir à la vraisemblance des faits allégués et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb = JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 2.2).

1.3 En règle générale, dans les causes soumises comme en l'espèce à la procédure sommaire au sens propre (simple vraisemblance des faits, examen sommaire du droit et décision provisoire), la preuve doit être apportée par titres (art. 254
al. 1 CPC). D'autres moyens de preuve sont toutefois admissibles si leur administration ne retarde pas sensiblement la procédure (art. 254 al. 2 let. a CPC). Leur administration doit pouvoir intervenir immédiatement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1; ATF 138 III 636 consid. 4.3.2).

En conséquence, la Cour de céans n'entrera pas en matière sur les différentes mesures probatoires proposées par les intimés à l'appui de leur mémoire de réponse, dès lors que leur administration retarderait sensiblement la procédure. La mise en œuvre de ces moyens de preuve, pour autant qu'ils soient de nature à influer sur l'issue de litige, devra, le cas échéant, intervenir dans le cadre de la procédure au fond.

1.4

1.4.1 Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, qui régit de manière complète et autonome l'admission d'allégations et d'offres de preuve nouvelles en appel (ATF 138 III 625 consid. 2.2), de tels faits et moyens probatoires ne sont pris en considération que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient l'être devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Il appartient au plaideur qui entend invoquer en appel un moyen de preuve qui existait déjà lors de la procédure de première instance de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit devant l'autorité précédente (arrêts du Tribunal fédéral 5A_739/2012 du 17 mai 2013 consid. 9.2.2 et 4A_334/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1; JEANDIN, Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy [éd.], 2011, n. 8 ad art. 317 CPC; REETZ/HILBER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.], 2010, n. 61 ad art. 317 CPC).

Les moyens de preuve nouveaux présentés tardivement doivent être déclarés irrecevables (JEANDIN, op. cit., n. 3 ad art. 317 CPC).

Les faits notoires ne doivent être ni allégués ni prouvés. Constituent notamment des tels faits les inscriptions au Registre du commerce, accessibles au public par internet (art. 151 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_645/2011 du 27 janvier 2012, consid. 3.4.2).

1.4.2 En l'espèce, la pièce nouvelle produite par les intimés avec leur mémoire de réponse, consistant en un courrier adressé au Registre foncier le 14 novembre 2013 (pièce no 112), a été établie antérieurement à la date à laquelle le premier juge a gardé la cause à juger. Dans la mesure où les intimés n'allèguent, respectivement ne démontrent pas, qu'ils auraient été empêchés de la produire en première instance, cette pièce sera déclarée irrecevable.

En revanche, l'extrait du Registre du commerce relatif à la société K______SA produit par l'appelante à l'appui de son mémoire d'appel (pièce no 3) est un fait notoire, de sorte qu'il est recevable.

2. 2.1 L'appelante fait grief au premier juge d'avoir retenu que le délai légal de quatre mois pour procéder à l'inscription de l'hypothèque légale n'avait pas été respecté. Elle soutient que ce délai n'a pas commencé à courir, les travaux à sa charge n'ayant jamais pu être achevés en raison de l'arrêt du chantier consécutivement aux difficultés financières rencontrées par K______SA. Par ailleurs, le contrat de sous-traitance la liant à cette dernière société n'avait été résilié ni par celle-ci ni par elle-même et serait donc toujours en vigueur. Il était en effet prévu qu'elle reprenne les travaux dès que la situation financière de K______SA se serait stabilisée ou que les droits et obligations de cette dernière auraient été repris par un tiers et que ses factures auraient été acquittées. En tout état, le délai légal de quatre mois avait commencé à courir au plus tôt le 2 mai 2013, date à laquelle elle était intervenue pour la dernière fois sur le chantier afin d'aider au démontage de la grue posée par une entreprise tierce, de sorte que sa requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale n'était pas tardive.

Les intimés, pour leur part, soutiennent que le délai légal de quatre mois a commencé à courir au plus tard le 8 avril 2013, de sorte qu'il était échu à la date du dépôt de la requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale le 26 août 2013. Selon eux, l'appelante ayant, entre la fin de l'année 2012 et le 8 avril 2013, uniquement procédé à des travaux de débarras et d'évacuation du matériel, il devait être considéré qu'elle avait quitté le chantier au plus tard à cette dernière date, manifestant ainsi sa volonté de renoncer au contrat la liant avec K______SA.

2.2

2.2.1 L'inscription de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs doit être obtenue au plus tard dans les quatre mois qui suivent l'achèvement des travaux (art. 839 al. 2 CC), à savoir qu'elle doit être opérée dans ce délai au journal du Registre foncier (ATF 119 II 429 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5P.344/2005 du 23 décembre 2005 consid. 3.1).

Il y a achèvement des travaux lorsque tous les travaux qui constituent l'objet du contrat d'entreprise ont été exécutés - y compris ceux qu'implique la levée du chantier (ATF 120 II 389 consid. 1c) - et que l'ouvrage est livrable. Ainsi, ne sont considérés comme travaux d'achèvement que ceux qui doivent être exécutés en vertu du contrat d'entreprise et du descriptif, non les prestations commandées en surplus sans qu'on puisse les considérer comme entrant dans le cadre élargi du contrat (ATF 102 II 206 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_475/2010 du 15 septembre 2010 consid. 3.1.1).

Lorsque, avant l'achèvement des travaux, ceux-ci sont retirés à l'entrepreneur, c'est la date de ce retrait, et non celle du dernier travail exécuté, qui constitue le point de départ du délai de l'art. 839 al. 2 CC (ATF 39 II 210). Il en va de même quand l'entrepreneur refuse de poursuivre les travaux et se retire du contrat; dans ce dernier cas, il est constant, lors de la résiliation, que l'entrepreneur n'a plus à fournir de matériel ni de travail sur l'immeuble et que, à ce moment, il peut établir le décompte de sa prétention pour le travail exécuté avec autant de précision qu'il aurait pu le faire, normalement, dès l'achèvement des travaux (ATF 102 II 206 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_682/2010 du 24 octobre 2011 consid. 4.1). Le délai ne commence à courir qu'à partir du moment où l'entrepreneur manifeste clairement sa volonté d'arrêter les travaux de façon définitive et irrévocable. Le fait que l'entrepreneur présente une facture pour son travail, s'il ne constitue pas le point de départ du délai (ATF 102 II 206 consid. 1b/aa), donne toutefois à penser, en règle générale, qu'il n'entend plus fournir d'autres prestations (ATF 101 II 253; arrêt du Tribunal fédéral 5A_682/2010 du 24 octobre 2011 consid. 4.1).

2.2.2 Vu la brièveté et l'effet péremptoire du délai de l'art. 839 al. 2 CC, l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne peut être refusée que si l'existence du droit à l'inscription définitive du gage immobilier paraît exclue ou hautement invraisemblable. À moins que le droit à la constitution de l'hypothèque n'existe manifestement pas, le juge qui en est requis doit ordonner l'inscription provisoire. Le juge tombe dans l'arbitraire lorsqu'il refuse l'inscription provisoire de l'hypothèque légale en présence d'une situation de fait ou de droit mal élucidée, qui mérite un examen plus ample que celui auquel il peut procéder dans le cadre d'une instruction sommaire; en cas de doute, lorsque les conditions de l'inscription sont incertaines, le juge doit donc ordonner l'inscription provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_475/2010 du 15 septembre 2010 consid. 3.1.2).

2.2.3 En l'espèce, les intimés ne soutiennent pas que les travaux, dont l'appelante avait la charge, auraient été achevés.

L'absence d'achèvement des travaux litigieux est par ailleurs rendue vraisemblable par les éléments figurant au dossier. En effet, l'appelante devait, à teneur du contrat de sous-traitance conclu avec K______SA, notamment procéder à des travaux de terrassement, de béton armé et de maçonnerie. Or, l'expert mandaté par les intimés dans le cadre de la procédure concordataire relative à K______SA a constaté, lorsqu'il s'est rendu sur le chantier le 27 avril 2013, que seuls 65% des travaux de terrassement et 80% des travaux de maçonnerie et de béton armé avaient été exécutés. Certes, il n'est pas possible de déterminer s'il s'agit des mêmes travaux que ceux dont l'appelante avait la charge, ni le rapport d'expertise ni le contrat de sous-traitance ne détaillant précisément le type de travaux concernés. Dans la mesure où ces travaux sont de même nature, l'élucidation de cette question de fait nécessiterait qu'il soit procédé à des investigations qui ne peuvent être menées dans le cadre d'une instruction sommaire. Il n'apparaît ainsi pas exclu ni hautement invraisemblable, à ce stade de la procédure, que les prestations que devait fournir l'appelante n'aient pas été achevées.

2.2.4 Comme l'appelante a rendu vraisemblable que les travaux qui lui ont été confiés n'ont pas été achevés, seule une résiliation prématurée du contrat de sous-traitance la liant à K______SA pouvait faire courir le délai légal de quatre mois.

Le chantier litigieux a été arrêté mi-décembre 2012 en raison des difficultés financières rencontrées par K______SA, laquelle ne parvenait plus à honorer ses factures, notamment celles que lui avait adressées l'appelante depuis le mois d'octobre 2012. Il ne ressort toutefois pas du dossier - et cela n'est pas allégué - que cette société aurait, à la suite de cet événement, décidé de résilier le contrat de sous-traitance conclu avec l'appelante. Est en revanche litigieuse la question de savoir si cette dernière a, de son côté, mis un terme à sa relation contractuelle avec K______SA.

En l'absence de documents écrits sur ce point, il convient d'examiner s'il peut être inféré du comportement de l'appelante postérieurement à l'arrêt du chantier qu'elle aurait clairement manifesté sa volonté d'arrêter les travaux de manière définitive et irrévocable.

Peu après l'arrêt du chantier, soit à la fin de l'année 2012, l'appelante a cessé toute activité opérationnelle et a licencié ses employés. Seuls deux d'entre eux ont continué à travailler pour son compte, le premier jusqu'à la fin du mois de mars 2013 et le second jusqu'à la fin du mois d'avril 2013. Entre la fin du mois de décembre 2012 et le 8 avril 2013, l'intervention de l'appelante sur le chantier s'est limitée à la réalisation de travaux de coffrage, respectivement de décoffrage, ainsi qu'au nettoyage, au rangement et à l'évacuation du matériel. Elle est ensuite encore intervenue à une reprise, le 2 mai 2013, pour aider l'entreprise O______ au démontage d'une grue. Après cette date, elle ne s'est plus jamais rendue sur le chantier. Le 3 juin 2013, elle a facturé à K______SA l'ensemble des interventions susmentionnées.

L'activité accomplie par l'appelante le 2 mai 2013 ne saurait toutefois être prise en considération pour déterminer s'il peut être inféré de son comportement une volonté claire et définitive de se départir du contrat de sous-traitance conclu avec K______SA. La Cour considère en effet, à l'instar du Tribunal de première instance, qu'il ne peut être retenu que les travaux de démontage de la grue entraient dans le cadre de ce contrat. D'une part, ce document ne mentionne pas que le mandat de l'appelante s'étendait au démontage de la grue. D'autre part, il n'existe aucun indice permettant de retenir que cette prestation s'inscrivait dans l'exécution du contrat de sous-traitance. En effet, l'entreprise O______ a adressé sa facture pour sa participation au démontage et au transport de la grue à K______SA, de sorte qu'il est hautement vraisemblable que cette grue n'a pas été louée par l'appelante pour la réalisation des travaux confiés mais par K______SA. Par ailleurs, l'essentiel des travaux de démontage de la grue ont été effectués par l'entreprise O______, celle-ci ayant facturé 5'940 fr. pour sa prestation et l'appelante 1'905 fr. Cette dernière s'est donc limitée à apporter son aide à l'entreprise O______ ainsi qu'elle l'indique d'ailleurs expressément dans son rapport journalier du 2 mai 2013. Il apparaît ainsi exclu que l'exécution des travaux concernés ait pu incomber à l'appelante dans le cadre du contrat de sous-traitance, contrat auquel l'entreprise O______ n'était pas partie.

2.2.5 Reste à déterminer si les autres comportements sus-décrits permettent de tenir pour hautement vraisemblable que l'appelante a clairement manifesté son intention d'arrêter les travaux de façon définitive et irrévocable, ou si, au contraire, cette dernière aurait manifesté de manière concluante vouloir poursuivre ceux-ci.

En l'occurrence, il y a lieu de relever que l'appelante ne s'est, à la suite du défaut de paiement de K______SA, pas limitée à suspendre ses activités, mais qu'elle a également procédé à la levée du chantier. Or, s'il peut être conçu qu'elle ne poursuive pas les travaux en raison du non-paiement de ses factures, il apparaît en revanche moins compréhensible qu'elle procède simultanément à la levée du chantier. L'appelante a expliqué que le but de cette décision était de lui permettre d'affecter son matériel à d'autres activités (pages 2 et 3 de son mémoire de réplique). Cette explication n'est toutefois pas convaincante puisque l'appelante a elle-même indiqué avoir, à la fin de l'année 2012, cessé toute activité opérationnelle. Elle n'avait donc aucune raison de récupérer son matériel, sauf à vouloir arrêter les travaux de manière définitive et irrévocable. Le comportement adopté par l'appelante après son départ du chantier renforce d'ailleurs la vraisemblance d'une volonté de ne plus poursuivre les travaux. En effet, il ne ressort pas du dossier, et cela n'est pas allégué, que l'appelante aurait, après avoir cessé toute activité sur le chantier, fait part de son intention, soit à K______SA soit aux intimés, de reprendre les travaux une fois ses factures réglées. Au contraire, elle s'est séparée de son dernier employé à la fin du mois d'avril 2013 et a, le 3 juin 2013, facturé à K______SA l'ensemble des prestations accomplies, y compris celles relatives au nettoyage, au rangement et à l'évacuation du matériel, intervenues le 8 avril 2013 en dernier lieu. Le dossier ne contient au demeurant aucun indice laissant penser que K______SA, respectivement les intimés, s'attendaient à ce que l'appelante reprenne son travail une fois ses factures acquittées.

Il doit ainsi être tenu pour hautement vraisemblable, au vu des circonstances du cas d'espèce, que l'appelante, en évacuant son matériel puis en quittant le 8 avril 2013 le chantier, a clairement manifesté sa volonté d'arrêter les travaux de manière définitive et irrévocable. L'envoi, le 3 juin 2013, des factures relatives aux travaux effectués entre le 21 janvier et le 2 mai 2013 n'est pas de nature à renverser la vraisemblance de sa manifestation de volonté préalable de mettre un terme à son activité et ne saurait ainsi, à teneur des principes sus-évoqués, constituer le point de départ du délai légal de quatre mois de l'art. 839 al. 2 CC.

Il s'ensuit que le délai légal de quatre mois pour procéder à l'inscription provisoire de l'hypothèque légale a commencé à courir le 8 avril 2013. C'est ainsi à bon droit que le premier juge a retenu que ce délai n'avait pas été respecté, l'hypothèque légale requise par l'appelante n'ayant été inscrite provisoirement au Registre foncier que le 2 septembre 2013.

Compte tenu de l'issue du litige, la Cour de céans peut se dispenser d'examiner les autres griefs formulés par les parties à l'encontre dudit jugement.

2.3 Au vu de ce qui précède, l'appel sera rejeté et le jugement entrepris confirmé.

3. Les frais judiciaires de l'appel seront arrêtés à 1'440 fr. (art. 26 et 37 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile - RTFMC) et mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais, d'un montant correspondant, opérée par cette dernière, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera par ailleurs condamnée à s'acquitter des dépens d'appel des intimés, pris solidairement, lesquels seront arrêtés à 2'000 fr., débours et TVA inclus (art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______SA contre l'ordonnance OTPI/193/2014 rendue le 29 janvier 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17868/2013-11.

Au fond :

Confirme l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 1'440 fr. et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais, d'un montant correspondant, fournie par A______SA, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Met ces frais à la charge de A______SA.

Condamne A______SA à payer à B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______ et J______, pris solidairement, la somme de 2'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Sylvie DROIN et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile. S'agissant de mesures provisionnelles (cf. consid. 1.1. supra), le recours peut être admis selon les modalités de l'art. 93 al. 1 LTF, les motifs de recours étant limités selon l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.