C/19215/2017

ACJC/208/2018 du 09.02.2018 sur JTPI/14413/2017 ( SFC ) , JUGE

Descripteurs : FAILLITE SANS POURSUITE PRÉALABLE ; RETRAIT(VOIE DE DROIT) ; FRAIS JUDICIAIRES ; DÉPENS
Normes : CPC.110; CPC.106.al1; CPC.107
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19215/2017 ACJC/208/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 9 FEVRIER 2018

 

Entre

A______, ayant son siège c/o ______ (GE), recourante contre un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 novembre 2017, comparant par Me Anthony Howald, avocat, rue du Collège 3, case postale 1215, 1227 Carouge, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, p.a. ______ (GE), intimée, comparant par Me Jamil Soussi, avocat, rue François-Bellot 1, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par requête datée du 16 août 2017 et reçue par le greffe du Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) le 23 août suivant, B______ a sollicité le prononcé de la faillite sans poursuite préalable de A______ en application de l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP.

b. Par convocation datée du 5 octobre 2017, le Tribunal a notifié cette requête à A______ et cité les parties à comparaître à l'audience du 6 novembre 2017.

c. Par pli déposé le 3 novembre 2017 au greffe, B______ a informé le Tribunal qu'elle se présenterait à l'audience du 6 novembre 2017 avec un témoin en mesure d'attester du bien-fondé de sa créance. Elle a en outre produit un chargé de pièces.

d. Par courrier déposé le 6 novembre 2017 au greffe, B______ a retiré la requête de mise en faillite sans poursuite préalable formée à l'encontre d'A______ le 16 août 2017.

A______ n'ayant pas reçu de copie de ce courrier, elle a été informée dudit retrait lorsqu'elle s'est rendue à l'audience prévue le même jour et qui avait été annulée.

B. Par jugement JTPI/14413/2017 prononcé le 6 novembre 2017 et notifié à A______ le 14 novembre 2017, le Tribunal de première instance a donné acte à B______ du retrait de sa requête de faillite sans poursuite préalable formée le 16 août 2017 à l'encontre de A______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais à 300 fr. (ch. 2), condamné A______ à les rembourser à B______ qui en avait fait l'avance (ch. 3) et dit qu'il n'y avait pas lieu à l'allocation de dépens (ch. 4).

C. a. Par acte expédié le 23 novembre 2017, A______ recourt contre ce jugement. Elle conclut principalement au prononcé d'une nouvelle décision constatant que le retrait de la requête de B______ constitue un désistement d'action et condamnant cette dernière au paiement des frais de justice de première instance d'un montant de 300 fr., avec suite de frais et dépens. A titre subsidiaire, elle requiert l'annulation du jugement entrepris et le renvoi de la cause à l'instance précédente.

b. Dans sa réponse, B______ indique que la condamnation d'A______ à lui rembourser l'avance de frais qu'elle a effectuée constitue manifestement une erreur de plume du Tribunal dans la mesure où elle a elle-même requis le retrait de sa requête de faillite sans poursuite préalable, par courrier du 6 novembre 2017. Elle s'en remet par conséquent à la justice s'agissant du bien-fondé du recours formé par A______.

B______ s'oppose toutefois à ce que les frais et dépens de la procédure de recours soient mis à sa charge, ledit recours ayant été engendré par une erreur de plume du Tribunal.

c. Par arrêt du 3 janvier 2018, la Cour de justice a admis la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris.

d. Les parties n'ont pas fait usage de leur droit à la réplique.

e. Les arguments juridiques des parties seront examinés ci-après dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. 1.1 Dès lors que la contestation ne porte que sur la répartition des frais opérée par le juge de première instance, seule la voie du recours est ouverte (art. 110 CPC).

1.2 Interjeté dans le délai de dix jours prévu par la loi (art. 321 al. 2 CPC) et selon la forme prescrite (art. 321 al. 1 CPC), le recours est recevable.

2. La recourante requiert que la Cour constate que le retrait de sa requête par l'intimée constituait un désistement d'action et qu'elle condamne celle-ci au paiement des frais de justice de première instance, fixés à 300 fr.

2.1 L'art. 106 al. 1 CPC prévoit que les frais sont mis à la charge de la partie succombante. La partie succombante est le demandeur lorsque le tribunal n'entre pas en matière et en cas de désistement d'action; elle est le défendeur en cas d'acquiescement.

Le désistement est l'acte par lequel le demandeur abandonne les conclusions qu'il a prises au procès. Un retrait unilatéral de la demande équivaut dès lors en principe à un désistement d'action (Bohnet, in Code de procédure civile commenté [éd: Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy], 2011 (cité ci-après "CPC Commenté"), no 2 et 4 ad art. 65 CPC).

L'intérêt pratique à une constatation de droit fait normalement défaut pour le titulaire du droit lorsque celui-ci dispose d'une action en exécution, en interdiction ou d'une action formatrice, immédiatement ouverte, qui lui permettrait d'obtenir directement le respect de son droit ou l'exécution de l'obligation. Dans ce sens, l'action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à une action condamnatoire ou une action formatrice. Seules des circonstances exceptionnelles peuvent conduire à admettre l'existence d'un intérêt à la constatation de droit bien qu'une voie d'exécution soit ouverte, ce qu'il appartient au demandeur de démontrer (ATF 135 III 378 consid. 2.2; ATF 114 II 253 consid. 2 = JdT 1989 I 333 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_280/2015 du 20 octobre 2015 consid. 6.2.2 s.).

2.2 En l'espèce, il résulte du dossier que l'intimée a retiré unilatéralement sa requête tendant à la mise en faillite de la recourante, sans solliciter préalablement l'accord de cette dernière à ce sujet, ce qu'elle ne conteste du reste pas. Conformément à l'art. 106 al. 1 CPC, il incombait dès lors à l'intimée, et non à la recourante, de supporter les frais judiciaires de première instance.

Les frais en question, dont le montant n'est pas critiqué par les parties, seront par conséquent mis à la charge de l'intimée et compensés avec l'avance fournie par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

La recourante sera en revanche déboutée de sa conclusion tendant à ce qu'il soit constaté que le retrait de la requête de l'intimée constituait un désistement d'action. Dans la mesure où elle ne décrit pas en quoi elle aurait intérêt à cette constatation et qu'elle obtient gain de cause s'agissant de la répartition des frais judiciaires de première instance, force est en effet de retenir que l'intérêt nécessaire à un tel prononcé fait défaut.

3. La recourante conclut à la condamnation de l'intimée aux frais et aux dépens de la procédure de recours. L'intimée s'y oppose au motif que le recours a été rendu nécessaire par une erreur de plume du Tribunal.

3.1 L'art. 107 CPC permet de déroger à la règle générale de l'art. 106 CPC attribuant les frais à la partie qui succombe au profit d'une répartition des frais et dépens selon la libre appréciation du juge dans différentes hypothèses où cette règle pourrait s'avérer inappropriée. L'alinéa 1 distingue, sous la lettre a à e, de manière exemplative et dispositive, cinq cas particuliers et, sous la lettre f, une clause générale dans l'hypothèse où des circonstances particulières rendraient une répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (Message du Conseil fédéral relatif à l'adoption du CPC, FF 2006 p. 6908; Tappy, in CPC Commenté, no 1 ad art. 107 CPC).

L'art. 107 al. 1 CPC représentant une exception au principe de l'art. 106 al. 1 CPC, il doit être appliqué restrictivement (ATF 143 III 261 consid. 4.2.5).

L'art. 107 al. 2 CPC permet par ailleurs de mettre exceptionnellement les frais judiciaires à la charge du canton lorsqu'ils ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers et que l'équité l'exige. Cette disposition s'applique notamment lorsqu'un recours a été nécessaire pour corriger une erreur du juge assimilable à une véritable "panne de la justice" dont on ne saurait tenir l'autre partie pour responsable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_364/2013, 4A_394/2013 et 4A_396/2013 du 5 mars 2014 consid. 15.4 s.; Tappy, op. cit., no 37 ad
art. 107 CPC).

La règlementation de l'art. 107 al. 2 CPC ne laisse en revanche pas de place à la condamnation du canton à verser des dépens à une partie en cas de décision de première instance viciée. Lorsque le recourant obtient gain de cause en raison d'une erreur de procédure du premier juge et que l'intimé ne s'associe pas à la décision attaquée, la juridiction de recours peut cependant, en vertu du large pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 107 al. 1 let. f CPC, libérer l'intimé des dépens et laisser le recourant ayant obtenu gain de cause supporter ses propres frais d'avocat (arrêt du Tribunal fédéral 5A_932/2016 du 24 juillet 2017 consid. 2.2.4, commenté par Bastons Bulletti, CPC Online, Newsletter du 5 octobre 2017).

3.2 En l'espèce, le recours a été rendu nécessaire par l'erreur du Tribunal ayant consisté à imputer les frais judicaires de première instance à la recourante au lieu de les faire supporter à l'intimée conformément à l'art. 106 al. 1 CPC. Il se justifie dès lors de mettre les frais de la procédure de recours à la charge de l'Etat de Genève et de restituer à la recourante l'avance qu'elle a versée.

Il ne sera en revanche pas alloué de dépens à la recourante, l'équité empêchant que ceux-ci soient mis à la charge de l'intimée qui ne s'est pas opposée au recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 23 novembre 2017 par A______ contre le jugement JTPI/14413/2017 rendu le 6 novembre 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19215/2017-22 SFC.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris.

Cela fait, statuant à nouveau :

Met les frais judiciaires de la procédure de première instance, arrêtés à 300 fr., à la charge de B______.

Dit qu'ils sont compensés par l'avance de frais de 300 fr. fournie par B______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de recours :

Arrête les frais judiciaires de la procédure de recours à 450 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser un montant de 450 fr. à A______ au titre de restitution de l'avance de frais.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Eleanor McGREGOR, juges; Monsieur David VAZQUEZ, commis-greffier.

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

Le commis-greffier :

David VAZQUEZ

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.