C/19372/2017

ACJC/857/2018 du 29.06.2018 sur JTPI/3848/2018 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE; TITRE DE MAINLEVÉE ; RECONNAISSANCE DE DETTE
Normes : LP.82.al1; LP.82.al2
Pdf
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19372/2017 ACJC/857/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 29 juin 2018

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, p.a. G______ SA [régie], ______ [VD], recourants contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 mars 2018, comparant tous deux par Monsieur C______, agent d'affaires, ______, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

et

Madame D______, domiciliée ______ Genève, intimée, comparant par Me Razi Abderrahim, avocat, rond-point de Plainpalais 2, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/3848/2018 du 8 mars 2018, expédié pour notification aux parties le 13 mars suivant, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête de mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ déposée par A______ et B______ (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 300 fr., compensés avec l'avance de frais fournie par eux, laissés à leur charge (ch. 2), a condamné A______ et B______, pris conjointement et solidairement, à payer à D______ la somme de 430 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

En substance, le Tribunal a retenu que le contrat de bail conclu par les parties valait reconnaissance de dette. Toutefois, D______ avait rendu vraisemblable sa libération, dès lors qu'elle avait fait part à la régie représentant A______ et B______ de sa volonté de quitter le logement au 1er novembre 2015, ce que celle-ci avait accepté.

B. a. Par acte expédié le 26 mars 2018 au greffe de la Cour de justice, A______ et B______ ont formé recours contre ce jugement. Ils ont conclu à ce que la Cour prononce la mainlevée provisoire.

Ils ont contesté avoir donné leur accord écrit de libérer D______ de ses obligations contractuelles. Ils ont fait valoir que, par analogie avec les règles relatives au transfert de locaux commerciaux, un accord écrit était nécessaire.

b. Dans sa réponse du 3 mai 2018, D______ a conclu au déboutement de A______ et B______ de toutes leurs conclusions, avec suite de dépens.

c. Par réplique du 17 mai 2018, A______ et B______ ont persisté dans leurs conclusions.

d. D______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique, les parties ont été avisées par pli du greffe du 12 juin 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Le 27 mai 2014, A______ et B______ ont remis à bail à D______ et E______ un appartement de 5 pièces sis ______ à ______, pour un loyer mensuel de 3'200 fr.

Une garantie de loyer de 7'860 fr. a été constituée auprès de F______.

b. Par courrier électronique du 10 novembre 2015, les locataires ont fait part à la régie en charge de l'appartement de ce qu'à la suite de leur séparation, le contrat serait repris par E______ seul. Les documents originaux complétés par ce dernier étaient envoyés par courrier.

Le même jour, la régie a indiqué rester dans l'attente desdits documents par la poste avant qu'une décision ne soit prise.

c. Le 13 novembre 2015, D______ a rappelé à la régie être dans l'attente d'une réponse. Elle a précisé que le 1er décembre 2015, elle quitterait le logement.

d. Par e-mail du 20 novembre 2015, la régie a indiqué à D______ qu'un avenant lui serait adressé, "Tout ok pour nous".

e. Le 29 mars 2016, E______ a signé une convention de sortie de l'appartement, attestant de ce que le montant de l'arriéré de loyer s'élevait à 16'000 fr.

f. Par pli du 20 juillet 2016, la régie a mis en demeure D______ de lui verser la somme de 8'136 fr. 35 correspondant au solde des loyers impayés de janvier à mars 2016, déduction faite de la garantie de loyer.

D______ a répondu, le 26 juillet 2016, qu'elle avait résilié le contrat de bail, de sorte que la régie devait s'adresser exclusivement à E______.

g. Le 14 août 2017, A______ et B______ ont fait notifier à D______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur le montant de 8'136 fr. 35 avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2017.

Dans la rubrique "Titre et date de la créance ou cause de l'obligation", ils ont mentionné "Solde ouvert sur les loyers des mois de janvier et mars 2016 pour un ancien appartement sis ______ à ______ suite à la libération de la garantie. Tous droits réservés".

La poursuivie a formé opposition.

h. Par requête expédiée le 23 août 2017, A______ et B______ ont saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée provisoire de l'opposition.

Ils ont produit, outre le commandement de payer, le contrat de bail, la garantie de loyer et la convention de sortie conclue avec E______.

i. Par réponse du 19 janvier 2018, D______ a conclu, sous suite de dépens, au rejet de la demande et à ce qu'il soit dit que la poursuite n'irait pas sa voie.

 

 

 

EN DROIT

1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 lit. a CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

En l'espèce, le recours, écrit et motivé (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC), adressé à la Cour de justice dans un délai de dix jours dès la notification de la décision entreprise (art. 142F al. 1 et 3, 251 let. a, 321 al. 2 CPC), est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2307).

1.3 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

1.4 Le contentieux de la mainlevée de l'opposition (art. 80 ss LP), soumis à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), est un "  Urkundenprozess " (art. 254 al. 1 CPC), dont le but n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire; le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les références). Le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites (ATF 100 III 48 consid. 3) et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res iudicata) quant à l'existence de la créance (ATF 136 III 583 consid. 2.3). La décision du juge de la mainlevée ne prive donc pas les parties du droit de soumettre à nouveau la question litigieuse au juge ordinaire (art. 79 et 83 al. 2 LP; ATF 136 III 528 consid. 3.2; arrêt 5A_577/2013 du 7 octobre 2013 consid. 4.1).

2. Les recourants reprochent au Tribunal de ne pas avoir prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition.

2.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP).

Le juge de la mainlevée provisoire doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1, et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_40/2013 du 29 octobre 2013 consid. 2.2), l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 73ss ad art. 82 LP).

Par reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 136 III 624 consid. 4.2.2; 136 III 627 consid. 2).

La reconnaissance de dette peut découler du rapprochement de plusieurs pièces, pour autant que les éléments nécessaires en résultent (ATF 122 II 126 = JdT 1998 II 82 consid. 2; SJ 2004 I 209 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5P.290/2006 du 12 octobre 2006 consid. 3.1.2 et 5A_652/2011 du 28 février 2012 consid. 3.21) et que celle qui est signée se réfère directement à celle qui comporte un montant déterminé (ATF 132 III 480 consid. 4.1); autrement dit, la signature doit figurer sur celui des documents qui impose une obligation au poursuivi et qui a un caractère décisif (Gilliéron, op. cit, n. 33 ad art. 82 LP).

Lorsque le juge doit statuer selon la simple vraisemblance, il doit, en se basant sur des éléments objectifs, avoir l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1; 130 III 321 consid. 3.3; 104 Ia 408 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_413/2014 du 20 juin 2014 consid 4.1).

Dans le cadre d'une procédure sommaire, le rôle du juge de la mainlevée n'est pas d'interpréter des contrats ou d'autres documents, mais d'accorder rapidement, après examen sommaire des faits et du droit, une protection provisoire au requérant dont la situation juridique paraît claire (ACJC/658/2012 du 11 mai 2012, consid 5.2; ACJC/1211/1999 du 25 novembre 1999, consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral du 10 mai 1968, résumé in JdT 1969 II 32).

2.2 Selon l'art. 82 al. 2 LP, le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération.

2.3 Dans le présent cas, il n'est pas contesté qu'en 2014, les parties se sont liées par un contrat de bail, lequel vaut reconnaissance de dettes s'agissant des loyers. Dans la rubrique relative au titre et à la date de la créance, les recourants ont indiqué ce qui suit : "Solde ouvert sur les loyers des mois de janvier et mars 2016 pour un ancien appartement sis ______ à ______ suite à la libération de la garantie. Tous droits réservés". Ils ne se sont ainsi pas fondés sur le contrat de bail, lequel n'est pas mentionné dans ladite rubrique. Quant à la convention de sortie signée par l'ancien compagnon de l'intimée, elle ne figure pas non plus comme titre. Par ailleurs, l'intimée n'est pas liée par cette convention. Il s'ensuit que les recourants ne disposent pas d'une reconnaissance de dette dès lors qu'il n'y a pas identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue dans le contrat de bail ou la convention de sortie.

De plus, la poursuite porte sur un montant de 8'136 fr. 35 hors intérêts. Les recourants ont allégué, sans produire de titre à cet égard, que le montant encaissé à la suite de la libération de la garantie de loyer serait de 7'863 fr. 65. Ainsi, le montant de la dette ne peut être établi, sur le vu des pièces versées à la procédure.

Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner si l'intimée a démontré sa libération.

Le recours sera, partant, rejeté.

3. Les frais judiciaires du recours, fixés à 450 fr. (art. 61 OELP), seront mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC), compensés avec l'avance de même montant fournie par eux, et qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les recourants seront condamnés, pris conjointement, à verser à l'intimée la somme de 500 fr. à titre de dépens du recours, débours et TVA compris (art. 85, 88 et 89 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 [RTFMC - E 1 05.10]; art. 25 et 26 de la loi d'application du code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile du 28 novembre 2010
[LaCC - E 1 05]).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 26 mars 2018 par A______ et B______ contre le jugement JTPI/3848/2018 rendu le 8 mars 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19372/2017-19-SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 450 fr., les met à la charge de A______ et B______, solidairement entre eux, et les compense avec l'avance de frais, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ et B______, solidairement entre eux, à verser 500 fr. à D______ à titre de dépens du recours.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Fatina SCHAERER, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Fatina SCHAERER

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF:
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

La valeur litigieuse, au sens de l'art. 51 LTF, est inférieure à 30'000 fr.