C/20739/2014

ACJC/654/2015 du 05.06.2015 sur JTPI/819/2015 ( SFC ) , MODIFIE

Descripteurs : POURSUITE PAR VOIE DE FAILLITE; INSOLVABILITÉ
Normes : LP.174
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20739/2014 ACJC/654/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 5 juin 2015

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 janvier 2015, comparant par Me Karin Grobet Thorens, avocate, rue Verdaine 6, case postale 3776, 1211 Genève 3, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

B______, ______, intimée, comparant en personne.


EN FAIT

A. Par jugement du ______ 2015, reçu par A______ le 22 du même mois, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, dans le cadre de la poursuite n° 1______, déclaré A______ en état de faillite dès le ______ à 14h15 (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 120 fr., les a compensé avec l'avance effectuée par B______ (ci-après : B______) (ch. 2) et les a mis à la charge de A______, ce dernier étant condamné à les verser à B______ (ch. 3).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 23 janvier 2015, A______ a recouru contre ce jugement, concluant à sa rétractation et au rejet de la requête de faillite.

Il a préalablement sollicité la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement, qui lui a été accordée par décision présidentielle du 30 janvier 2015.

A l'appui de son recours, il a fait valoir qu'il était solvable et qu'il avait payé sa dette, intérêts et frais compris, produisant à cet égard une quittance de l'Office des poursuites attestant du règlement de la poursuite n° 1______ en capital, intérêts et frais, le 23 janvier 2015.

Le 18 février 2015, B______ a retiré la poursuite précitée.

b. La Cour a imparti à A______ un délai au 6 février 2015 pour produire les pièces justifiant de sa solvabilité.

Dans le délai imparti, le recourant a déposé des documents dont il ressort qu'il est salarié de la société C______ SARL, ce qui lui procure, selon les pièces qu'il a déposées, un revenu de 13'256 fr. 05 nets par mois. A ce montant s'ajoutent 6'370 fr. par mois versés par D______ à titre de loyer et de gérance du bar "E______" et de la discothèque "F______".

Le recourant a aussi produit un extrait des poursuites à son encontre au 30 janvier 2015, ainsi que différentes pièces dont il résulte notamment qu'il a effectué des paiements en mains de l'Office des poursuites, les 29 et 30 janvier 2015, pour un montant de plus de 12'211 fr. Il a en outre obtenu de l'administration fiscale cantonale, le 29 janvier 2015, un arrangement pour le paiement de ses impôts 2011, arrangement dont on ignore cependant les termes.

Il ressort par ailleurs de l'extrait des poursuites du recourant au 12 mai 2015, lequel tient compte des derniers paiements effectués, que celui-ci fait l'objet de sept poursuites engagées en 2014 et 2015, émanant de créanciers de droit public, dont l'administration fiscale cantonale, pour un montant total de plus de 111'679 fr. Six de ces poursuites n'ont pas dépassé le stade de l'opposition au commandement de payer, alors que la septième en est au stade de l'avis de saisie.

c. Par arrêt du 10 mars 2015, la Cour a transmis la cause à la Chambre de surveillance de la Cour de justice afin qu'elle statue sur la validité de la commination de faillite. La procédure a été suspendue jusqu'à droit jugé sur cette question.

La Chambre de surveillance a rendu sa décision le 13 avril 2014.

Elle a constaté que recourant avait été inscrit au Registre du commerce en tant qu'associé d'G______ Snc jusqu'au 20 juin 2014, date à laquelle la société avait été radiée. Il demeurait ainsi soumis à la poursuite par voie de faillite durant les six mois suivant la publication de sa radiation dans la Feuille officielle suisse du commerce. La continuation de la poursuite ayant été requise le 25 avril 2014 et la commination de faillite notifiée le 13 août 2014, cette dernière était par conséquent valable.

d. Le 16 avril 2015, A______ a indiqué à la Cour qu'il estimait que la procédure était devenue sans objet, au motif que la poursuite n° 1______ avait été radiée, de sorte que la cause pouvait être rayée du rôle.

Par arrêt du 23 avril 2015, la Cour a ordonné la reprise de l'instance et a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1. L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2. Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1
et 2 CPC), le recours est recevable.

1.3. En matière de faillite et de concordat, le tribunal établit les faits d'office (art. 255 let. a CPC). Le juge a ainsi le devoir d'éclaircir les faits et de prendre en considération d'office tous les éléments qui peuvent être importants pour rendre sa décision. Il n'est lié ni par les faits allégués, ni par les faits admis, ni par les moyens de preuve invoqués par les parties; il ordonne d'office l'administration de tous les moyens de preuve propres et nécessaires à établir les faits pertinents (ATF 128 III 411, consid. 3.2.1; Bohnet, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 5 ad art. 255 CPC).

1.4. D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo-nova"). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 et 6 ad art. 174 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_899/2014 du 5 janvier 2015, consid. 3.1).

En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par le recourant sont recevables dans la mesure où elles ont été produites dans le délai de recours, ou dans le délai qui lui a été imparti par la Cour, et servent à établir sa solvabilité.

2. Le recourant sollicite l'annulation du jugement prononçant sa faillite puisqu'il s'est acquitté de sa dette auprès de l'intimée et qu'il est solvable.

2.1. En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_413/2014 du 20 juin 2014 consid. 3; 5A_965/2013 du 3 février 2014 consid. 6.2.1; 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1 et les arrêts cités). Pour l'annulation du prononcé de la faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée. Il incombe au débiteur d'offrir les moyens de preuve propres à rendre vraisemblable sa solvabilité, c'est-à-dire qu'il dispose de liquidités suffisantes pour acquitter ses dettes exigibles. En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli. Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_413/2014 du 20 juin 2014 consid. 4.1; 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1 et les références; 5A_115/2012 du 20 avril 2012 consid. 3; 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25; 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

Il incombe au débiteur de rendre vraisemblable, en déposant le recours, sa solvabilité, c'est-à-dire qu'il dispose de liquidités suffisantes pour acquitter ses dettes exigibles, et de produire à l'appui de celui-ci les pièces qui établissent les motifs d'annulation de la faillite au sens de l'art. 174 al. 2 ch. 1 à 3 LP (ATF 139 III 491 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1).

2.2. En l'espèce, le recourant a apporté la preuve que, dans le délai de recours, il avait soldé la dette, en capital, frais et intérêts, pour laquelle l'intimée avait requis sa faillite, raison pour laquelle cette dernière a retiré la poursuite.

Il reste à déterminer si le recourant a rendu vraisemblable sa solvabilité.

A cet égard, pour estimer le montant total des poursuites dont le recourant fait l'objet, la Cour se fondera sur l'extrait des poursuites du recourant au 12 mai 2015, requis par ses soins en application de la maxime inquisitoire. En effet, ce dernier extrait est plus favorable au recourant que celui qu'il a produit dans la mesure où il tient compte des derniers paiements effectués, en particulier en date des 29
et 30 janvier 2015.

A teneur de cet extrait des poursuites, le recourant fait encore l'objet de poursuites pour un montant total de plus de 111'679 fr., ce qui est élevé. Cela étant, il ressort des pièces produites d'une part que ces poursuites n'en sont qu'au stade de l'opposition et, d'autre part, qu'un arrangement de paiement a été conclu avec l'administration fiscale cantonale fin janvier 2015. A______ a en outre effectué, à la même époque, des paiements pour un montant de plus de 12'211 fr., ce qui démontre qu'il dispose de certaines liquidités.

Ses revenus totaux, rendus vraisemblables à hauteur de 19'626 fr. par mois, devraient par ailleurs lui permettre, à terme, de rembourser ses dettes.

Il convient également de tenir compte du fait que la SNC, dont il était associé, ce qui a justifié sa poursuite par voie de faillite, a maintenant cessé ses activités.

Au regard de ces éléments, la Cour retiendra que la solvabilité du débiteur peut en l'état être considérée comme plus probable que son insolvabilité, étant rappelé qu'il s'agit d'un domaine dans lequel il ne faut pas poser d'exigences trop sévères.

Le recours sera par conséquent admis et la faillite annulée.

3. Le recourant n'ayant rendu vraisemblable sa solvabilité que durant la procédure de recours, il sera condamné aux frais judiciaires et dépens de la procédure de première instance, dont les montants n'ont pas été contestés, et aux frais judiciaires de recours, fixés à 220 fr. (art. 52 et 61 OELP) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat (art. 106 et 111 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée qui n'a pas répondu au recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/819/2015 rendu le 14 janvier 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20739/2014-10 SFC.

Au fond :

Admet ce recours.

Cela fait, statuant à nouveau :

Annule le chiffre 1 du dispositif du jugement précité.

Confirme le jugement pour le surplus.

Sur les frais :

Condamne A______ aux frais du recours, arrêtés à 220 fr. et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.