C/21152/2016

ACJC/972/2017 du 03.08.2017 sur JTPI/6193/2017 ( SCC ) , CONFIRME

Descripteurs : CAS CLAIR ; CONDITION DE RECEVABILITÉ ; MAINLEVÉE PROVISOIRE
Normes : CPC.257;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21152/2016 ACJC/972/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du jeudi 3 AOÛT 2017

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ (VD), appelante d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 mai 2017, comparant par Me Stéphane Voisard, avocat, place des Eaux-Vives 3, 1207 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (GE), intimé, comparant par Me Diego Bischof, avocat, place de la Palud 13, case postale 5331, 1002 Lausanne (VD), en l'étude duquel il fait élection de domicile.

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 17 août 2017.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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EN FAIT

A. Par jugement JTPI/6193/2017 du 10 mai 2017, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable la requête en protection de cas clair formée par A______ à l'encontre de B______ (chiffre 1 du dispositif), a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 2), a arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr, compensés avec l'avance fournie, les a mis à la charge de B______, l'a condamné à les verser à A______ (ch. 3), a condamné B______ à verser à A______ la somme de 1'750 fr. à titre de dépens (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Le 6 juin 2017, A______ a formé recours contre le jugement du 10 mai 2017, reçu le 24 mai. Elle a conclu à l'annulation des chiffres 1 et 5 du dispositif du jugement attaqué, à la condamnation de B______ à lui payer la somme de 60'000 fr. plus intérêts à 5% à compter du 10 novembre 2015 et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 60'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 10 novembre 2015.

Subsidiairement, elle a conclu à la confirmation des chiffres 2, 3 et 4 du dispositif du jugement querellé, la poursuite en cause devant, dans tous les cas, aller sa voie, avec suite de frais et dépens à la charge de B______.

b. L'intimé n'a pas répondu au recours dans le délai qui lui avait été imparti pour ce faire.

c. Par avis du 7 juillet 2017, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivants ressortent de la procédure:

a. Le 27 octobre 2016, A______ a formé devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) une requête en cas clair, subsidiairement en mainlevée provisoire, à l'encontre de B______, concluant à la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 60'000 fr. plus intérêts à 5% dès le 10 novembre 2015 et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ à due concurrence. Subsidiairement, A______ a conclu au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, la poursuite devant aller sa voie, avec suite de frais et dépens à la charge de sa partie adverse.

b.a A______ a exposé avoir noué, en 1997, une relation avec B______, actionnaire unique et président du conseil d'administration de la société C______ (ci-après : C______), dont le siège se trouve à D______ (Vaud). La relation entre les parties a pris fin, selon A______, au mois de septembre 2014.

Le 1er décembre 2007, C______ et A______ ont conclu un contrat de travail, la seconde étant engagée en qualité de secrétaire à raison de trente heures par semaine, pour "un salaire fixe annuel (sic) brut de 3'500 fr. payable en treize mensualités".

Le 6 août 2004, A______ et B______ ont pris à bail un logement sis à E______ (Vaud), dont le loyer s'élevait à 2'510 fr. par mois.

b.b Dans un document dont une photocopie de mauvaise qualité a été versée à la procédure et qui mentionne la date du 28 septembre 2012, B______ indique avoir le projet de mettre la moitié des parts de C______ au nom de A______, afin d'assurer l'avenir de cette dernière après sa propre mort. Le document précisait que ce projet serait mis en œuvre seulement s'il était "faisable sans dommage" juridiquement et financièrement.

b.c A______ a par ailleurs produit, à l'appui de la créance alléguée, un document portant la date du 29 septembre 2012, rédigé comme suit :

"Je reconnais à A______ une dette totale de 60'000 fr. provenant de :

septembre-décembre 20'000 fr. (2012)

pas cad. Noël 4'000 fr. (2012)

12 mois 2013 36'000 fr.

60'000 fr.

et dès ces problèmes sous contrôle, ferai vérifier juridiquement mon projet de céder 50% de C______ à A______.

B______"

b.d C______ a résilié le contrat de travail de A______ pour le 31 août 2015.

b.e A______ a allégué que B______ n'avait pas respecté les engagements pris à son égard, raison pour laquelle, par courrier du 29 octobre 2015, elle l'avait mis en demeure de lui verser, au plus tard le 9 novembre 2015, la somme de 60'000 fr.

b.f Le 16 novembre 2015, le conseil de B______ a allégué que ce dernier avait payé à A______ le montant réclamé de la main à la main. Il n'avait pas de quittance des versements effectués, mais il "existait des chances" que son mandant puisse démontrer devant une autorité judiciaire que les dettes mentionnées dans la reconnaissance de dette invoquée avaient été acquittées. L'épouse de B______, désormais informée de la liaison qu'il avait entretenue avec A______, pourrait témoigner de ce que cette dernière avait été entretenue par B______. Par ailleurs et selon ce qui ressortait de la reconnaissance de dette, certaines dettes étaient constituées de prestations périodiques, de sorte qu'il apparaissait douteux que A______, laquelle n'avait aucune source de revenus en dehors des apports de B______, ait accepté de patienter durant des années pour réclamer ce qui lui était dû.

c. Dans son bordereau de pièces, A______ a produit différents documents fiscaux la concernant, portant sur les années 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, qui ne font état d'aucun élément de fortune.

d. Le Tribunal a tenu une audience le 23 février 2017, à laquelle seuls les avocats des parties étaient présents. Le conseil de A______ a indiqué que celle-ci persistait dans ses conclusions. Le conseil de B______ a conclu au rejet des conclusions de sa partie adverse avec suite de frais et dépens et a persisté dans les termes de son courrier du 16 novembre 2015.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

D. a. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que la protection du cas clair ne pouvait pas être accordée, les conditions de l'art. 257 al. 1 let. a CPC n'étant pas remplies. En revanche, A______ se trouvait au bénéfice d'un titre de mainlevée et sa partie adverse avait échoué à rendre vraisemblable sa libération, de sorte que la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer notifié à B______ devait être prononcée.

b. Dans son recours, A______ conteste le fait que les conditions de l'art. 257 al. 1 let a CPC ne soient pas remplies. Elle relève que B______ n'avait pas contesté l'existence de la dette de 60'000 fr. et n'y avait opposé que le courrier de son avocat du 16 novembre 2015. Il n'avait pas répondu par écrit et n'avait versé aucune pièce à la procédure. Elle avait par ailleurs produit ses déclarations fiscales pour les années 2012 à 2016, lesquelles ne mentionnaient aucun versement provenant de l'intimé et aucun élément de fortune; il s'agissait-là de la contre-preuve immédiate des allégations de l'intimé. Il était pour le surplus faux de prétendre qu'elle n'avait aucune source de revenus, puisqu'elle avait perçu un salaire mensuel brut de 3'500 fr. jusqu'au 31 juillet 2015.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

1.2 L'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311
al. 1 CPC). Si la décision a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l'introduction de l'appel est de dix jours (art. 314 al. 1 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

1.3 L'appel est irrecevable notamment contre les décisions de mainlevée (art. 309 let. b ch. 3 CPC).

1.4 L'intitulé erroné d'un acte de recours – au sens large – est simplement rectifié, lorsque cet acte remplit les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté (ATF 134 III 379).

1.5 Le cas d'espèce a ceci de particulier que A______ a agi devant le Tribunal de première instance à la fois en protection de cas clair et subsidiairement en mainlevée provisoire, ses conclusions principales ayant été déclarées irrecevables, alors que ses conclusions subsidiaires ont été admises.

A______ a formé un recours, alors même qu'elle conteste le fait que le Tribunal a déclaré ses conclusions en cas clair irrecevables. Elle n'a par contre soulevé aucun grief à l'encontre du prononcé de la mainlevée provisoire, ayant d'ailleurs repris ses conclusions subsidiaires sur ce point devant la Cour de justice.

Il y a dès lors lieu de considérer, au vu des conclusions prises, que la voie de l'appel et non du recours est ouverte contre le chiffre 1 du dispositif du jugement du 10 mai 2017.

En dépit de son intitulé erroné, l'acte formé par A______ doit être considéré comme un appel, dans la mesure où les conditions de recevabilité sont remplies. En effet, l'acte a été déposé dans le délai de 10 jours (compte tenu du lundi de Pentecôte, jour férié, art. 142 al. 3 CPC), selon la forme prescrite par la loi, par une partie qui y a intérêt et auprès de l'autorité compétente, de sorte qu'il est recevable.

2. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir considéré que les conditions posées par l'art. 257 CPC n'étaient pas remplies.

2.1 La procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC est une alternative aux procédures ordinaire ou simplifiée normalement disponibles, destinée à offrir à la partie demanderesse, dans les cas dits clairs, une voie particulièrement simple et rapide. Selon l'art. 257 al. 1 let. a et b CPC, cette voie suppose que l'état de fait ne soit pas litigieux ou qu'il soit susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a), et que la situation juridique soit claire (let. b). Selon l'art. 257 al. 3 CPC, le juge n'entre pas en matière si l'une ou l'autre de ces hypothèses n'est pas vérifiée. Le cas n'est pas clair, et la procédure sommaire ne peut donc pas aboutir, lorsqu'en fait ou en droit, la partie défenderesse oppose à l'action des objections ou exceptions motivées sur lesquelles le juge n'est pas en mesure de statuer incontinent. L'échec de la procédure sommaire ne suppose pas que la partie défenderesse rende vraisemblable l'inexistence, l'inexigibilité ou l'extinction de la prétention élevée contre elle; il suffit que les moyens de cette partie soient aptes à entraîner le rejet de l'action, qu'ils n'apparaissent pas d'emblée inconsistants et qu'ils ne se prêtent pas à un examen en procédure sommaire. L'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il demeure incontesté par la partie défenderesse; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans frais excessifs. La preuve est en principe apportée par titres conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée; la partie demanderesse doit au contraire apporter une preuve stricte des faits qu'elle allègue. La situation juridique est claire lorsque l'application du droit au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées. En règle générale, la situation juridique n'est pas claire s'il est nécessaire que le juge exerce un certain pouvoir d'appréciation, voire rende une décision en équité (ATF 141 III 23 consid. 3.2, 138 III 123 consid. 2.1.2, 138 III 620 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2016 du 21 mars 2016 consid. 6).

La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 p. 6959; ATF 138 III 620 consid. 5.1.1).

2.2 En l'espèce, l'état de fait, tel que présenté par l'appelante, a été contesté par l'intimé. En effet, alors que la première allègue que le second ne s'est pas acquitté des montants figurant dans le document établi le 29 septembre 2012, ce point est contesté par l'intimé, qui a prétendu au contraire les avoir versés.

L'intimé a expliqué, dans le courrier de son conseil du 16 novembre 2015, confirmé lors de l'audience devant le Tribunal du 23 février 2017, n'être en possession d'aucun reçu, mais considérer être en mesure de démontrer, devant une autorité judiciaire, que les dettes mentionnées dans la reconnaissance de dette invoquée ont été acquittées. Les arguments invoqués par l'intimé ne se prêtaient dès lors pas à être examinés dans le cadre d'une procédure sommaire, étant relevé pour le surplus que les déclarations fiscales versées à la procédure par l'appelante ne sont pas probantes, puisqu'elles ne contiennent que les éléments qu'elle a elle-même déclarés.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que les conditions de l'art. 257 CPC n'étaient pas réalisées, l'état de fait étant litigieux et ne pouvant être immédiatement prouvé et qu'il a dès lors déclaré irrecevable la requête en protection de cas clair.

Le jugement attaqué doit par conséquent être confirmé.

3. Les frais judiciaires seront arrêtés à 500 fr. (art. 26 et 35 Règlement fixant le tarif des frais en matière civile - RTFMC) et partiellement compensés avec l'avance de frais en 150 fr. versée par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat (art. 111
al. 1 CPC).

Ils seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe et qui sera condamnée à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 350 fr. à titre de solde des frais judiciaires.

Il ne sera pas alloué de dépens d'appel, l'intimé n'ayant pas déposé de réponse.

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PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 6 juin 2017 par A______ contre le jugement JTPI/6193/2017 rendu le 10 mai 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21152/2016-17 SCC.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 500 fr., les compense partiellement avec l'avance de frais versée par A______, qui reste acquise à l'Etat.

Condamne en conséquence A______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 350 fr. à titre de solde des frais.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.