C/21394/2017

ACJC/804/2018 du 20.06.2018 sur JTPI/3885/2018 ( SML ) , JUGE

Normes : LP.82; CO.404
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21394/2017 ACJC/804/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 20 JUIN 2018

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (GE), recourant contre un jugement rendu par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 mars 2018, comparant par Me Laurence Weber, avocate, rue Sautter 29, case postale 244, 1211 Genève 12, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

B______ SA (anciennement C______ SA), succursale de Genève, sise ______ (GE), intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 9 mars 2018, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition faite au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 200 fr. et les a compensés avec l'avance de frais fournie par C_______ SA (ch. 2), condamné A______ à rembourser à C______ SA 200 fr. "à titre de dépens" (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 23 mars 2018, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et au déboutement de B______ SA, succursale de Genève (anciennement C______ SA) des fins de sa requête de mainlevée provisoire du 12 septembre 2017, avec suite de frais. Il a préalablement conclu à l'octroi de l'effet suspensif à son recours.

b. B______ SA a répondu à la requête d'effet suspensif le 10 avril 2018, concluant à son rejet, mais pas au recours.

c. La requête tendant à la suspension du caractère exécutoire du jugement attaqué a été rejetée par arrêt du 11 avril 2018.

d. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 2 mai 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. B______ SA et A______ ont signé le 11 avril 2017 un contrat intitulé "contrat de cours de langue" portant sur des cours d'allemand sur un cursus de trois mois, débutant le 18 avril 2017.

Selon ledit contrat, le montant total de l'écolage s'élevait à 4'406 fr., payable le 29 avril 2017.

Le chiffre 4, point 8 dudit contrat précise que "l'élève prend note que le présent contrat vaut reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 de la loi sur la Poursuite pour dettes et Faillite".

b. A______ a suivi une leçon d'introduction le 18 avril 2017.

c. A la suite de cette leçon, A______ a résilié le contrat par courrier recommandé daté par erreur du 8 février 2018. Il a indiqué que le premier cours d'essai lui avait permis de voir que l'organisation des cours et la disponibilité des professeurs ne correspondaient pas à ses attentes.

d. B______ SA a accusé réception de ce courrier par courriel du 8 mai 2017, invitant A______ à prendre contact avec son auteur pour organiser des cours correspondant à ses objectifs, le contrat devant être respecté jusqu'à la fin.

e. A la réquisition de B______ SA, un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 4'406 fr. avec intérêts à 5% dès le 11 juillet 2017 a été notifié le 5 septembre 2017 à A______. Le contrat du 11 avril 2017 était invoqué comme titre de créance.

A______ y a formé opposition.

f. Par requête adressée au Tribunal le 12 septembre 2017, B______ SA a sollicité, avec suite de frais, la mainlevée provisoire de ladite opposition à concurrence de 4'406 fr. avec intérêts à 5% dès le 11 juillet 2017.

g. Lors de l'audience devant le Tribunal du 19 février 2018, B______ SA a persisté dans ses conclusions.

A______ a conclu au rejet de la requête, avec suite de frais. Il a invoqué que le contrat conclu était un contrat de mandat qui pouvait être "interrompu" en tout temps. Même si le contrat valait reconnaissance de dette, celle-ci ne valait que si le mandat avait été exécuté en entier ce qui n'était pas le cas en espèce.

B______ SA a soutenu quant à elle que le contrat était un contrat de vente et qu'il n'y avait pas eu de résiliation. Elle a en outre produit des pièces selon lesquelles A______ n'avait assisté qu'au premier cours d'introduction.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

h. Dans son jugement du 9 mars 2018, le Tribunal a considéré que les parties avaient signé un contrat d'enseignement qui valait reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP pour le montant indiqué. A______ avait signifié qu'il renonçait aux cours de langue, invoquant sa non-satisfaction. Toutefois, au vu de la réponse qui lui avait été adressée, B______ SA était disposée à intervenir pour répondre à ses objectifs. A______ n'avait ainsi pas rendu vraisemblable l'exception invoquée. Par conséquent, la mainlevée provisoire serait prononcée.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce, interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi, le recours est recevable.

1.2 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'instance de recours examine les questions de droit avec le même pouvoir d'examen que l'instance précédente (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841 ss., p. 6984; cf. également ATF 130 II 449 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_303/2011 du 27 septembre 2011 consid. 2).

2. Le recourant invoque qu'il a résilié le contrat qui le liait à l'intimée, comme l'y autorisait l'art. 404 al. 2 CO. La mainlevée aurait ainsi pu être accordée, tout au plus, pour les frais engagés par l'intimée jusqu'à la résiliation. De tels frais n'avaient toutefois été ni prouvés, ni même allégués.

2.1
2.1.1
Par reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant (ATF 130 III 87 consid. 3.1) -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 136 III 624 consid. 4.2.2; 627 consid. 2).

Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi si les conditions d'exigibilité de la dette sont établies (arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/201420 août 2014 consid. 7.2.1.2 et les références citées). Le contrat de mandat constitue ainsi en principe une reconnaissance de dette pour la rétribution du mandataire.

Le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP; ATF 96 I 4 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_577/2013 du 7 octobre 2013 consid. 4.3.1; 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.2). Il peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette, notamment l'inexistence ou l'extinction de la dette (ATF 131 III 268 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/201420 août 2014 consid. 7.2.1.3).

2.1.2 Le Tribunal fédéral qualifie le contrat d'enseignement de contrat mixte auquel les règles du mandat sont en principe applicables, et en particulier
l'art. 404 CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_601/2015 du 19 avril 2016
consid. 1.2.1; 4A_141/2011 du 6 juillet 2011 consid. 2.2; 4A_237/2008 du
29 juillet 2008 consid. 3.2).

D'après l'art. 404 al. 1 CO, le mandat peut être révoqué ou répudié en tout temps. Le droit de mettre fin au contrat est impératif; il ne peut pas être exclu ni limité par des clauses contractuelles. La résiliation en tout temps existe également lorsque le mandat a été conclu pour une durée fixe ou lorsque le mandat est atypique (ATF 104 II 108 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_284/2013 du 13 février 2014 consid. 3.5.1). Le droit de résilier existe indépendamment de tout motif (Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux, 5ème éd., 2016, n. 4648 p. 668).

L'art. 404 al. 2 CO prévoit que la partie qui révoque ou répudie le contrat en temps inopportun doit indemniser l'autre du dommage qu'elle lui cause. Pour que cette disposition soit applicable, il faut en particulier que le mandataire n'ait fourni à son cocontractant aucun motif sérieux de résilier. La résiliation intervient sans motif sérieux si l'on ne discerne pas de circonstances qui soient de nature, d'un point de vue objectif, à rendre insupportable la continuation du contrat, en particulier à rompre le rapport de confiance avec le cocontractant (ATF 134 II 297 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_36/2013 du 4 juin 2013 consid. 2.5).

2.2. En l'espèce, les parties ont conclu un contrat par lequel l'intimée devait fournir des cours de langue. Un tel contrat doit être qualifié de contrat d'enseignement, auquel les règles du mandat s'appliquent. Il ne peut être qualifié de contrat de vente, comme l'intimée l'avait soutenu devant le Tribunal, puisque l'intimée ne s'est pas principalement obligée à livrer une chose (cf. art. 184 al. 1 CO), les prestations de l'intimée ne se limitant pas à la fourniture de matériel d'enseignement.

Le recourant a résilié le contrat à la suite de la leçon d'introduction du 18 avril 2017, comme le lui permettait l'art. 404 al. 1 CO. Compte tenu du droit impératif du recourant de mettre fin au contrat, le fait que l'intimée était, quant à elle, prête à organiser des cours correspondant à ses objectifs, comme le relève le Tribunal, n'est pas déterminant.

Le contrat ayant été résilié, l'intimée ne peut se fonder sur ce dernier pour réclamer le montant convenu aux termes dudit contrat, lequel ne constitue plus, à la suite de sa résiliation, un titre de mainlevée de l'opposition dont l'intimée peut se prévaloir.

L'intimée pourrait, le cas échéant, réclamer, en application de l'art. 404 al. 2 CO, une indemnisation pour le dommage que l'appelant lui aurait causé. Elle n'a toutefois pas invoqué un tel dommage comme cause du montant réclamé selon le commandement de payer, poursuite n° 1_____, et elle ne disposerait, en tout état de cause, d'aucun titre de mainlevée à cet égard.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et le jugement attaqué annulé. Cela fait, la requête de mainlevée adressée au Tribunal le 12 septembre 2017 par l'intimée sera rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si, en sa qualité de succursale, l'intimé pouvait poursuivre l'appelant.

3. Au vu de l'issue du litige, l'intimée, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), sera condamnée aux frais judiciaires de première instance, arrêtés à 200 fr., et de seconde instance, arrêtés à 300 fr. (art. 48 et 61 OELP). Elle sera condamnée à verser à ce titre le montant de 300 fr. à la recourante.

Elle sera également condamnée à verser au recourant les sommes de 500 fr. (art. 85, 88 et 89 RTFMC) et 400 fr. à titre de dépens de première et de seconde instance, débours et TVA compris (art. 85, 88, 89 et 90 RTFMC; art. 25
et 26 LaCC).

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/3885/2018 rendu le 9 mars 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21394/2017–24 SML.

Au fond :

Admet ce recours et annule le jugement attaqué.

Cela fait, statuant à nouveau :

Rejette la requête formée le 12 septembre 2017 par B______ SA (anciennement C______ SA), succursale de Genève, dans la cause C/21394/2017.

Arrête les frais judiciaires à 200 fr., les met à la charge de B______ SA, succursale de Genève, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ SA, succursale de Genève, à verser la somme de 500 fr. à A______ à titre de dépens.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 300 fr., les met à la charge de B______ SA, succursale de Genève, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ SA, succursale de Genève, à verser la somme de 300 fr. à A______ à titre de frais judiciaires de recours.

Condamne B______ SA, succursale de Genève, à verser la somme de 400 fr. à A______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, juge; Monsieur Louis PEILA, juge suppléant; Madame Céline FERREIRA, greffière.

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.