C/21442/2013

ACJC/736/2014 du 20.06.2014 sur JTPI/2172/2014 ( SCC ) , CONFIRME

Descripteurs : CAS CLAIR
Normes : CPC.257
Pdf
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21442/2013 ACJC/736/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 20 JUIN 2014

 

Entre

A______, sise ______ (GE), appelante d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 11 février 2014, comparant par Me Giorgio Campa, avocat, avenue Pictet-de-Rochemont 8, 1207 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, domiciliée ______ (GE), intimée, comparant par Me Roger Mock, avocat, rue des Eaux-Vives 15, 1211 Genève 6, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.            Par jugement du 11 février 2014, expédié pour notification aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a déclaré irrecevable l'action en exécution déposée le 30 septembre 2013 par A______ à l'encontre de B______, a arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., compensés avec l'avance fournie et laissée à charge de la société, condamnée en outre à verser à B______ 700 fr. à titre de dépens.![endif]>![if>

En substance, le Tribunal a retenu que le véhicule était propriété du donneur de leasing, que C______ avait vraisemblablement la maîtrise de la société, de sorte que ses actes étaient potentiellement opposables à celle-ci, que les circonstances de la mise à disposition du véhicule à B______ n'étaient pas connues, qu'en particulier la figure du prêt à usage soutenue par la société n'était pas établie, que dès lors la situation n'était pas claire, ce qui rendait irrecevable la requête.

B.            Par acte du 24 février 2014, A______ a formé appel contre le jugement précité. Elle a conclu à son annulation, cela fait à ce qu'il soit ordonné à B______ de lui restituer immédiatement la voiture Ferrari ______, immatriculée GE 1______, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, et la condamne à une amende de 1'000 fr. par jour d'inexécution, avec suite de frais et dépens.![endif]>![if>

Par mémoire-réponse du 28 mars 2014, B______ a conclu au déboutement de A______.

Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant dans les conclusions prises antérieurement.

Elles ont été avisées le 15 mars 2014 de ce que la cause était gardée à juger.

C.            Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :![endif]>![if>

a) A______ est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2008, qui a pour but l'exploitation d'un café-restaurant à ______ (GE).

C______ en est l'administrateur unique. Sa femme, B______, a bénéficié d'une procuration individuelle, radiée en mars 2012.

b) Les 28 avril et 6 mai 2010, A______ a conclu un contrat de leasing avec la société allemande D______, portant sur un véhicule Ferrari ______. Ce contrat était conclu pour 48 mois, le donneur de leasing restant propriétaire du véhicule, également après l'achèvement ou la résiliation de l'accord, le preneur de leasing n'étant pas autorisé à acheter le véhicule.

Le véhicule a été immatriculé GE 1______. Le permis de circulation, daté du 6 mai 2010, porte la mention "changement de détenteur interdit".

c) Selon A______, la jouissance du véhicule a été laissée gratuitement à B______, dès une date indéterminée. Aucun allégué n'a été formulé sur la raison de cette mise à disposition.

B______ affirme, pour sa part, que son mari, C______, avait décidé de lui offrir en cadeau d'anniversaire un véhicule Ferrari. Celui-ci lui avait été remis lors d'une cérémonie au siège de la firme éponyme en Italie, les 2 et 3 mai 2010, en présence de son mari et de tiers. Elle a produit des photographies représentant, selon elle, cet événement et offert des témoignages en preuve à cet égard.

d) Par jugement du 15 février 2013, le Tribunal de première instance, statuant sur requête de mesures protectrices de l'union conjugale dirigée par B______ contre C______, a autorisé les époux à vivre séparés (ch. 1), attribué le domicile conjugal (ch. 2), condamné C______ au paiement d'une contribution à l'entretien de B______ (ch. 3), donné acte à C______ de son engagement de prendre à sa charge le paiement des intérêts et de l'amortissement hypothécaires d'immeubles dont les époux étaient copropriétaires (ch. 4), arrêté et réparti les frais (ch. 7), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

Dans sa requête, B______ avait notamment conclu à ce que la jouissance exclusive du véhicule Ferrari ______ (GE 1______), représentant un cadeau de son mari, lui soit attribuée et que les redevances de leasing soient supportées par lui, ce à quoi C______ s'était opposé.

Dans le corps de sa décision, le Tribunal a retenu que cette conclusion devait être rejetée dans la mesure où le véhicule n'était pas enregistré au nom des époux, mais à celui d'une société faisant partie du "groupe" ______.

L'appel contre ce jugement, formé par B______, n'a porté que sur le chiffre 3 du dispositif.

e) Par lettre du 25 juin 2013, A______ a informé B______ de ce qu'elle entendait résilier le contrat de leasing portant sur la voiture dont la jouissance lui avait été laissée gratuitement et à bien plaire.

Par courrier du 28 juin 2013, B______ a répondu que le véhicule lui avait été donné par son mari, les frais de leasing étant comptabilisés dans le "compte courant actionnaire" de celui-ci au sein de la société.

Par lettre du 17 juillet 2013, A______ a mis en demeure B______ de lui restituer le véhicule sans délai.

f) Le 30 septembre 2013, A______ a saisi le Tribunal d'une action en exécution, au sens de l'art. 257 CPC, dirigée contre B______, concluant à ce que celle-ci soit condamnée à lui restituer immédiatement la Ferrari ______ immatriculée GE 1______, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP, ainsi qu'au paiement d'une amende de 1'000 fr. par jour d'inexécution.

Par mémoire-réponse du 15 janvier 2014, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. Elle a notamment produit copie de photographies qui la montre prenant possession d'une voiture Ferrari, en compagnie de son mari et de tiers.

EN DROIT

1. L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC; JEANDIN, in Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy (éd.), Bâle, 2011, n. 13 ad art. 308 CPC). Ces conditions valent aussi en procédure de cas clair (HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 1684 s.). En l'espèce, la valeur litigieuse dépasse largement le seuil de 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte. Le recours déposé sera en conséquence traité comme un appel.

Les décisions rendues en matière de cas clairs sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let b et 257 al. 1 CPC). Qu'elle accorde la protection ou déclare la requête irrecevable, la décision peut être attaquée dans les dix jours à compter de sa notification (art. 314 al. 1 CPC).

Déposé dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que les conditions de
l'art. 257 CPC n'étaient pas réalisées. Elle affirme que l'intimée a toujours su que le véhicule faisait l'objet d'un contrat de leasing, de sorte qu'elle n'est pas de bonne foi lorsqu'elle soutient avoir acquis ce véhicule par donation de la part de son mari, qui ne bénéficiait pas d'un pouvoir de disposition de celui-ci.

2.1 La procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC est une alternative aux procédures ordinaire ou simplifiée normalement disponibles, destinée à offrir à la partie demanderesse, dans les cas dits clairs, une voie particulièrement simple et rapide. Selon l'art. 257 al. 1 let. a et b CPC, cette voie suppose que l'état de fait ne soit pas litigieux ou qu'il soit susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a), et que la situation juridique soit claire (let. b). Selon l'art. 257 al. 3 CPC, le juge n'entre pas en matière si l'une ou l'autre de ces hypothèses n'est pas vérifiée; en l'espèce, c'est ce qu'ont fait les juges d'appel.

Le cas n'est pas clair, et la procédure sommaire ne peut donc pas aboutir, lorsqu'en fait ou en droit, la partie défenderesse oppose à l'action des objections ou exceptions motivées sur lesquelles le juge n'est pas en mesure de statuer incontinent. L'échec de la procédure sommaire ne suppose pas que la partie défenderesse rende vraisemblable l'inexistence, l'inexigibilité ou l'extinction de la prétention élevée contre elle; il suffit que les moyens de cette partie soient aptes à entraîner le rejet de l'action, qu'ils n'apparaissent pas d'emblée inconsistants et qu'ils ne se prêtent pas à un examen en procédure sommaire (ATF 138 III 623 consid. 5).

2.2 En l'espèce, il est constant que le véhicule Ferrari a été remis en leasing à l'appelante, aux termes d'un contrat aujourd'hui arrivé à échéance, lequel stipulait que l'objet remis en leasing demeurait propriété du donneur de leasing.

Il n'est pas contesté que ce véhicule a été utilisé par l'intimée tout au long de la période du leasing, et non par l'appelante, dont on peine au demeurant à entrevoir, au vu de son but social, en quoi cette voiture aurait pu lui être utile.

Les parties divergent sur la cause de cet usage, l'appelante affirmant qu'elle a concédé celui-ci dans le cadre d'un contrat de prêt, l'intimée soutenant pour sa part que cet usage est inhérent à la donation du véhicule, qui lui a été faite par son mari, au travers de la société appelante dont il est administrateur unique et actionnaire.

La thèse du prêt soutenue par l'appelante ne se fonde sur aucune pièce. Celle de la donation, défendue par l'intimée, repose sur des photographies produites en première instance, qui paraissent, conformément aux allégués de la précitée (laquelle situe l'événement avant la date d'acceptation du leasing par D______ et la date d'établissement du permis de circulation) mettre en scène la réception d'un cadeau que lui faisait son mari. L'intimée a offert des témoignages en preuve, à cet égard.

Dans ce cadre, ni le fait que le véhicule a en définitive été immatriculé au nom de la société, ni la mention de l'impossibilité de changement de propriétaire contenue dans le permis de circulation, ni encore les allégués formés dans la procédure de mesures protectrices (allant au demeurant aussi dans le sens d'un cadeau) n'apparaissent de nature à ruiner la thèse de l'intimée, en l'absence d'autres éléments, contrairement à l'avis de l'appelante.

Il n'est en effet pas contesté que l'appelante, dont le mari de l'intimée est administrateur unique et actionnaire, assurait en définitive le financement de la voiture par le biais du leasing.

Dans ces circonstances, la cause de l'usage par l'intimée du véhicule objet du contrat de leasing souscrit par l'appelante n'est pas claire, ce qui ne permet pas, dans le cadre de la procédure sommaire, de déterminer si l'intimée est ou non tenue vis-à-vis de l'appelante à une obligation de restitution. Partant, les conditions de l'art. 257 CPC ne sont pas réalisées, ainsi que l'a retenu le premier juge.

Le jugement, qui a déclaré irrecevable la requête de cas clair, sera dès lors confirmé.

3. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de son appel (art 106 al. 1 CPC), arrêtés à 2'000 fr. (art. 26, 35 RTFMC).

Elle versera en outre à l'intimée 800 fr. à titre de dépens, débours et TVA compris (art. 84, 85, 88, 90 RTFMC et art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 février 2014 par A______ contre le jugement JTPI/2172/2014 rendu le 11 février 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21442/2013-13 SCC.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais à 2'000 fr., correspondant à l'avance déjà opérée, acquise à l'Etat de Genève.

Les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à B______ 800 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 










Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.