C/21465/2017

ACJC/683/2018 du 01.06.2018 sur JTPI/3175/2018 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE PROVISOIRE ; CHOSE JUGÉE ; MOTIVATION
Normes : LP.82.al2; CPC.327.al3.letb
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21465/2017 ACJC/683/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 1ER JUIN 2018

 

Entre

A______, ayant son siège ______ (GE), recourante contre un jugement rendu par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 février 2018, comparant en personne,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (GE), intimé, représenté par son curateur de gestion et de représentation Monsieur C______ p.a. Service de protection de l'adulte, boulevard Georges-Favon 28, cas postale 5011, 1211 Genève 11, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/3175/2018 du 26 février 2018, expédié pour notification aux parties le 1er mars 2018, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable la requête en mainlevée provisoire formée par la A______ (ci-après : A______) (ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance effectuée, et mis à la charge de celle-ci (ch. 2 et 3).![endif]>![if>

Le Tribunal a retenu que la requérante n'avait pas d'intérêt à agir, vu le principe ne bis in idem, un jugement déboutant la A______ de sa requête de mainlevée provisoire ayant déjà été rendu antérieurement s'agissant de la même opposition formée au commandement de payer produit.

B.            Par acte du 12 mars 2018, la A______ a formé recours contre le jugement précité. Elle a conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision, subsidiairement au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______, avec suite de frais et dépens.![endif]>![if>

B______ s'en est rapporté à justice.

Par avis du 15 mai 2018, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :![endif]>![if>

a. Le 21 juin 2010, la A______ a accordé à B______ un crédit personnel n° 2______ de 11'000 fr. en capital, portant intérêts à 9,50% l'an, remboursable en 58 mensualités à compter du 31 août 2010. B______ a, à cette occasion, signé les conditions du contrat de crédit personnel émises par la A______, lesquelles comprennent notamment une disposition (art. 9) ainsi libellée : "Le présent contrat vaut reconnaissance de dette au sens de l'article 82 LP".

b. Par courrier du 3 octobre 2011, la A______ a informé B______ de ce qu'elle dénonçait au remboursement le crédit personnel n° 2______ pour le 24 octobre 2011, celui-ci présentant un solde en capital en sa faveur de 10'106 fr. 40; elle ajoutait que le contrat de crédit personnel porterait désormais la référence n° 3______.

c. A la suite de la publication de l'ouverture de la faillite personnelle de B______, la A______ a produit une créance de 10'763 fr. 80.

Le 5 février 2013, un acte de défaut de biens après faillite, portant sur un montant de 10'234 fr. 05 et précisant "compte n° 3______ au débit" comme titre de la créance, a été établi en faveur de la A______. Cet acte précise que le failli n'a pu être consulté sur la créance.

d. Le 22 mars 2017, à la requête de la A______, l'Office des poursuites a établi un commandement de payer poursuite n° 1______ à l'adresse de B______, portant sur 4'996 fr. 45. La rubrique "titre et date de la créance ou cause de l'obligation"" était ainsi libellée : "______ du ______.2013 sous déduction de CHF 5'237.60".

Le poursuivi a formé opposition.

Le 12 mars 2017, la A______ a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée provisoire de ladite opposition, produisant outre le commandement de payer précité, l'acte de défaut de biens du 5 février 2013.

Par jugement (JTPI/10745/2017) du 23 août 2017, le Tribunal a débouté la A______ des fins de sa requête, au motif que les conditions des art. 82 et 265 al. 1 LP n'étaient pas réalisées, le failli n'ayant pas reconnu la créance objet de l'acte de défaut de biens, de sorte que la pièce produite ne valait pas titre de mainlevée au sens de l'art. 82 LP.

e. Par requête adressée au Tribunal le 19 septembre 2017 à l'encontre de B______, la A______ a conclu à ce que soit prononcée la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______, avec suite de frais et dépens. Elle a notamment produit, outre les pièces déjà déposées à l'appui de sa requête du 12 mars 2017, le contrat de crédit personnel du 21 juin 2010 et les conditions du contrat de crédit personnel.

A l'audience du Tribunal du 19 février 2018, par l'intermédiaire du représentant de son curateur de représentation et de gestion, B______ a conclu à ce que la requête soit déclarée "sans objet", motif pris du jugement rendu par le Tribunal le 23 août 2017.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).![endif]>![if>

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce, interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi, le recours est recevable.

1.2 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'instance de recours examine les questions de droit avec le même pouvoir d'examen que l'instance précédente (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841 ss., p. 6984; cf. également ATF 130 II 449 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_303/2011 du 27 septembre 2011 consid. 2).

2.             La recourante reproche au Tribunal d'avoir fait une application erronée du principe ne bis in idem et de ne pas avoir donné droit à sa requête, fondée sur un titre de mainlevée au sens de l'art. 82 LP.![endif]>![if>

2.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP).

Constitue une reconnaissance de dette, en particulier, l'acte authentique ou sous seing privé signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 136 III 624 consid. 4.2.2, 627 consid. 2 et les arrêts cités).

Le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP). Il doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette, l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 73ss ad art. 82 LP).

La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire : le créancier ne peut motiver sa requête qu'en produisant le titre et la production de cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de son origine et des caractéristiques extérieures comme un tel titre, suffit pour que la mainlevée soit prononcée si le débiteur n'oppose pas et ne rend pas immédiatement vraisemblable des exceptions. Le juge de la mainlevée provisoire examine donc seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la validité de la créance - et lui attribue force exécutoire (ATF 132 III 140 consid. 4.1).

2.2 L'acte de défaut de biens (art. 149 et 265 LP) n'emporte par lui-même pas novation de la dette au sens de l'art. 116 CO (arrêt du Tribunal fédéral 5A_150/2015 du 4 juin 2015 consid. 4).

2.3 De jurisprudence constante, le prononcé qui rejette une requête de mainlevée n'a pas l'autorité de la chose jugée quant à l'existence de la prétention litigieuse (ATF 136 III 583 consid. 2.3) et, partant, n'empêche pas le poursuivant de requérir derechef la mainlevée, y compris dans la même poursuite (arrêt du Tribunal fédéral 5A_696/2012 du 23 janvier 2013 consid. 4.1.2 avec les citations), en produisant les documents idoines (ATF 140 III 456 consid. 2.5).

2.4 En l'espèce, la recourante produit dans la présente procédure une reconnaissance de dette, constituée par le contrat de crédit, dont les conditions souscrites par l'intimé stipulent expressément cette qualité.

La circonstance qu'un acte de défaut de biens après faillite, d'ailleurs dépourvu d'une reconnaissance de la créance par l'intimé, a été délivré à la recourante ne modifie pas cette constatation, un tel acte n'emportant pas novation.

Le commandement de payer notifié à l'intimé ne vise certes, comme titre de créance, que l'acte de défaut de biens délivré le 5 février 2013, et non pas la reconnaissance de dette contractuelle; celle-ci est toutefois aisément déterminable de par la mention, dans ledit acte de défaut de biens, de la relation bancaire concernée. La condition de l'identité de la créance est ainsi réalisée, l'intimé ne le contestant au demeurant pas.

Pour le surplus, il est sans portée, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, que la recourante se soit vu refuser le prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au même commandement de payer, mais en référence à la production d'un autre supposé titre de créance, par un jugement antérieur; cette décision est en effet dépourvue de l'autorité de la chose jugée.

Il s'ensuit que la décision attaquée sera annulée et que, la cause étant en état d'être jugée, il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC) en ce sens que la mainlevée provisoire requise sera accordée.

Les frais judiciaires de première instance, dont la quotité, conforme à
l'art. 48 OELP, sera confirmée, seront compensés avec l'avance opérée, et mis à la charge de l'intimé (art. 106 al. 1 CPC), qui en remboursera la recourante.

3.             Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 300 fr. (art. 48, 61 OELP).![endif]>![if>

4.             Compte tenu de l'issue du recours et des circonstances de la cause, soit le fait que la décision attaquée était contraire à une jurisprudence constante du Tribunal fédéral et le fait que l'intimé s'en est rapporté à justice, il se justifie de mettre ces frais à la charge de l'Etat (art. 107 al. 1 let. f CPC), qui remboursera à la recourante l'avance effectuée.![endif]>![if>

5.             Il n'y a pas lieu à allocation de dépens (art. 95 al. 3 let. c).![endif]>![if>

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 12 mars 2018 par A______ contre le jugement JTPI/3175/2018 rendu le 26 février 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21465/2017-24 SML.

Au fond :

Annule ce jugement, et statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 200 fr., compensés avec l'avance effectuée, acquise à l'Etat de Genève et les met à la charge de B______.

Condamne en conséquence B______ à verser 200 fr. à la A______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais du recours :

Arrête les frais judiciaires du recours à 300 fr., supportés par l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 300 fr. à la A______.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.