C/22073/2016

ACJC/1654/2017 du 07.12.2017 sur JTPI/3018/2017 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : FRAIS JUDICIAIRES ; DÉPENS
Normes : CPC.107;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22073/2016 ACJC/1654/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du jeudi 7 DECEMBRE 2017

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 septembre 2017, comparant par Me Nicolas Wyss, avocat, place Claparède 5, case postale 292, 1211 Genève 12, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

B_____, sise ______, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/11424/2017 du 15 septembre 2017, reçu le 26 septembre 2017 par A______, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr. et compensé ceux-ci avec l'avance effectuée par la B______ (ch. 2), mis à la charge de A______ et condamné celui-ci à les verser à la B______ qui en avait fait l'avance (ch. 3) et condamné A______ à verser à la B______ 9'305 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 5 octobre 2017 à la Cour, A______ forme recours contre le chiffre 4 du dispositif de ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Cela fait, il conclut à la mise à la charge de l'Etat de Genève de tous les frais et dépens de la procédure et au déboutement de "l'autorité intimée" ainsi que de toutes autres personnes de toutes autres ou contraires conclusions.

b. Par réponse du 9 novembre 2017, la B______ s'en rapporte à justice sur les dépens octroyés.

c. Par arrêt présidentiel du 10 novembre 2017, la Cour a rejeté la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au chiffre 4 du jugement querellé et dit qu'il serait statué sur les frais liés à la décision avec l'arrêt rendu sur le fond.

d. Les parties ont été informées par courrier du greffe du 15 novembre 2017 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivants ressortent du dossier soumis au Tribunal.

a. En date du 31 mars 2000, l'Office des poursuites de l'Oberland bernois a délivré à la B______ un acte de défaut de biens de 2'051'233 fr. 65 à l'encontre de A______.

b. Le 16 octobre 2016, la B______ a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour le montant figurant sur l'acte de défaut de biens précité.

Opposition totale y a été formée le 24 octobre 2016.

c. Par requête adressée au Tribunal le 9 novembre 2016, la B______ a sollicité la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, avec suite de frais et dépens. Cette requête comporte quatre points de faits et des conclusions, le tout sur une page et demie.

d. Lors de l'audience devant le Tribunal du 10 février 2017, la B______ n'était ni présente ni représentée.

Le conseil de A______ a sollicité la suspension de la procédure de mainlevée jusqu'à droit jugé dans la procédure de plainte LP intentée contre le commandement de payer, poursuite n° 1______ (procédure 2______). Il a déposé une détermination écrite et des pièces. Sur le fond, il a conclu au rejet de la requête de mainlevée.

e. Par jugement JTPI/3______ du 3 mars 2017, le Tribunal a prononcé la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé par la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans la procédure 2______.

f. Par courrier d'une page du 30 mai 2017, la B______ a sollicité la reprise de l'instance, la Chambre de surveillance de la Cour de justice ayant rejeté la plainte formée par A______, par arrêt du 9 février 2017, entré en force.

g. Par décision du 15 août 2017, le Tribunal a ordonné la reprise de la procédure et cité les parties à comparaître à une audience le 15 septembre 2017.

h. Lors de l'audience du 15 septembre 2017 devant le Tribunal, la B______ n'était ni présente ni représentée. Le conseil de A______ a persisté dans ses précédentes conclusions en rejet de la requête.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. La décision sur les frais ne peut être attaquée séparément que par un recours (art. 110 et 319 let. a CPC).

Le recours doit être écrit et motivé; le délai de recours, pour les décisions prises en procédure sommaire, telles celles rendues en matière de mainlevée (art. 251 let. a CPC), est de dix jours (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

Le recours a été formé selon la forme prescrite et dans le délai fixé. Il est dès lors recevable.

2. Le recourantexpose que les démarches effectuées dans le cadre de la procédure par la B______, qui n'était pas représentée par un avocat, se sont limitées à la rédaction d'une requête de mainlevée d'une page et demie et d'un bref courrier, et qu'elle n'était pas présente aux audiences. Sa condamnation à lui verser un montant de 9'305 fr. à titre de dépens violerait ainsi l'art. 95 al. 3 CPC.

2.1 Les frais - soit les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) - sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC).

Les dépens comprennent, lorsqu'une partie n'a pas de représentant professionnel, une indemnité équitable pour les démarches effectuées, dans les cas où cela se justifie (art. 95 al. 3 let. c CPC; cf. également art. 24 LaCC). Des dépens doivent être alloués lorsque les démarches liées au procès ont pris une certaine ampleur, qui dépasse les procédés administratifs courants que tout un chacun doit, compte tenu des circonstances et de sa situation personnelle, accomplir sans être indemnisé (Tappy, in CPC, Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/ Jeandin/Schweizer/Tappy [éd.], 2011, n. 34 ad art. 95 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_355 du 22 octobre 2013 consid. 4.2). Le Message du Conseil fédéral relatif au code de procédure civile suisse mentionne à cet égard le cas de la personne indépendante qui doit être indemnisée du chef de sa perte de gain (FF 2006, p. 6905). L'allocation de dépens à une partie qui n'est pas représentée professionnellement constitue une exception (Rüegg, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2ème éd., 2013, n. 21 ad art. 95 CPC).

2.2 En l'espèce, l'intimée a rédigé une requête de mainlevée qui comprend quatre points de faits et des conclusions, le tout sur une page et demie, ainsi qu'un bref courrier relatif à la reprise de l'instance. Elle a agi dans le cadre de ses activités commerciales courantes, dans une affaire qui ne présente aucune difficulté juridique. Elle n'était, pour le surplus, pas présente lors des audiences devant le Tribunal.

Il apparaît dès lors que la requête de mainlevée déposée par l'intimée n'outrepasse pas les démarches usuelles qui peuvent être exigées d'elle. L'intimée n'explique d'ailleurs d'aucune manière quelles dépenses particulières les démarches effectuées lui auraient causées.

Au vu de ce qui précède, il ne se justifiait pas d'accorder des dépens à l'intimée. Le recours sera dès lors admis et le chiffre 4 du dispositif du jugement querellé sera annulé et réformé en ce sens qu'il sera dit qu'il n'est pas alloué de dépens (art. 327 al. 3 let. b CPC).

3. Le recourant demande que les frais et dépens du recours soient mis à la charge de l'Etat de Genève.

3.1.1 Lorsque le défendeur ou l'intimé ne prend pas de conclusions expresses en rejet des prétentions adverses, notamment dans le cadre d'un appel ou d'un recours, et qu'il s'en remet expressément ou tacitement à justice à leur sujet, en cas d'admission de la demande, respectivement de l'appel ou du recours, il doit être considéré comme la partie succombante (Tappy, op. cit., n. 22 ad art. 106 CPC; Rüegg, op. cit., n. 5 ad art. 106 CPC).

Les frais judiciaires qui ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers peuvent être mis à la charge du canton si l'équité l'exige (art. 107 al. 2 CPC). Il s'agit d'une exception au principe selon lequel les parties supportent les frais de la procédure (Sterchi, in: Berner Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2012, n. 24 ad art. 107 CPC). L'application de cette disposition se justifie lorsque les frais judiciaires sont dus à une erreur manifeste du tribunal, qui n'est en rien imputable à l'une des parties et constitue une "panne de la justice" (Rüegg, op. cit., n. 11 ad art. 107 CPC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_364/2013 du 5 mars 2014 consid. 15.4; 5A_104/2012 du 11 mai 2012 consid. 4.4.2).

L'art. 107 al. 2 CPC permet uniquement de mettre à la charge du canton les frais judiciaires, conformément à son texte qui ne mentionne que ceux-ci, à l'exclusion des dépens (arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2014 du 14 août 2014 consid. 4.1; Rüegg, op. cit., n. 11 ad art. 107 CPC; Jenny, op. cit., n. 26 ad art. 107 CPC; Tappy, op. cit., n. 34 et n. 35 ad art. 107 CPC).

3.1.2 Le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10).

Pour les affaires pécuniaires d'une valeur litigieuse au-delà de 1 million, le défraiement prend pour base la somme de 31'400 fr. plus 1% de la valeur litigieuse dépassant 1 million de francs. Sans préjudice de l'article 23 loi d'application du code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile du 28 novembre 2010 (LaCC - E 1 05), il peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'article 84 (art. 85 RFTMC).

Pour les procédures sommaires, le défraiement est, dans la règle, réduit à deux tiers et au plus à un cinquième du tarif de l'art. 85 RFTMC.

Lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus (art. 23 al. 1 LaCC).

3.2 En l'espèce, l'intimée, qui s'en est rapportée à justice dans le cadre du recours, doit être considérée comme la partie succombante au regard des principes exposés ci-dessus.

Cependant, l'équité exige que les frais judiciaires liés au recours soient mis à la charge du canton de Genève, dans la mesure où sur le fond l'intimée obtient totalement gain de cause, où elle n'avait pas pris de conclusions chiffrées relatives aux dépens en première instance et où le premier juge a fait une application erronée des dispositions légales relatives aux dépens.

Ces frais comprennent l'émolument de décision de 300 fr. (art. 95 al. 2 let. b CPC, 48 et 61 al. 1 OELP), y compris la décision sur effet suspensif, qui est entièrement couvert par l'avance de frais effectuée par le recourant, qui lui sera restituée.

L'intimée sera condamnée à verser au recourant, représenté par un avocat, un montant de 400 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens de recours (art. 95 al. 3, 96, 105 al. 2 CPC; art. 20, 23, 25, 26 LaCC, 84, 85 al. 2, 90 RTFMC), lequel tient compte de la difficulté de la cause et de l'ampleur du travail nécessaire.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 5 octobre 2017 par A______ contre le chiffre 4 du dispositif du jugement JTPI/11424/2017 rendu le 15 septembre 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22073/2016-12 SML.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif de ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 300 fr. et les met à la charge de l'Etat de Genève.

Ordonne en conséquence aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ la somme de 300 fr. versée à titre d'avance de frais.

Condamne la B______ à verser à A______ la somme de 400 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Monsieur David VAZQUEZ, commis-greffier.

La présidente :

Pauline ERARD

 

Le commis-greffier :

David VAZQUEZ

 

Indication des voies de recours:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.