C/22083/2016

ACJC/651/2017 du 09.06.2017 sur OTPI/25/2017 ( SP ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE PROVISIONNELLE ; CONCURRENCE DÉLOYALE ; LABEL DE QUALITÉ ; PROTECTION DES MARQUES ; RISQUE DE CONFUSION
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22083/2016 ACJC/651/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 9 juin 2017

 

Entre

A______, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 janvier 2017, comparant par Me Carole Van de Sandt, avocate, boulevard du Théâtre 5, 1204 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______, intimée, comparant par Me Guillaume Ruff, avocat, chemin du Pré de la Blonde 15, 1253 Vandoeuvres, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/25/2017 du 26 janvier 2017, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a fait interdiction à A______ de publier sur son site internet des textes attentatoires à la réputation commerciale de B______ ou donnant une description défavorable des produits commercialisés ou distribués par B______ (ch. 1 du dispositif), prononcé cette interdiction sous la menace de la peine de l'article 292 CP qui dispose : "Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni de l'amende" (ch. 2), imparti à B______ un délai de 30 jours dès la notification de l'ordonnance pour faire valoir son droit en justice (ch. 3), dit que l'ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 800 fr., compensés avec l'avance de frais fournie par B______, mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune et condamné en conséquence A______ à verser à B______ la somme de 400 fr. au titre de sa part des frais judiciaires dont celle-ci avait fait l'avance (ch. 5), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

En substance, le Tribunal a retenu que A______ avait échoué à rendre vraisemblable que B______ avait usé de manière illicite du label C______ afin d'obtenir un marché auquel elle n'avait en réalité pas droit. Il était hautement vraisemblable que les propos tenus par A______ sur son site internet étaient de nature à causer un préjudice à B______, en tant qu'ils pouvaient ébranler la confiance du consommateur dans cette société. Un motif justificatif ne pouvait être retenu à ce stade, A______ n'ayant pas rendu vraisemblable l'exactitude des informations diffusées.

B. a. Par acte du 10 février 2017, A______ forme appel de cette ordonnance, dont elle sollicite l'annulation. Cela fait, elle conclut au déboutement de B______ des fins de sa requête de mesures provisionnelles du 9 novembre 2016, sous suite de frais et dépens, et au déboutement de celle-ci de toutes autres ou contraires conclusions.

Elle produit une pièce nouvelle (pièce 26, courrier de Me VAN DE SANDT du 2 février 2017).

b. Par mémoire réponse du 13 mars 2017, B______ conclut au rejet de l'appel, avec suite de frais.

c. Par réplique du 30 mars 2017, A______ allègue des faits nouveaux, produit de pièces nouvelles (pièces 28 à 33) et persiste dans ses conclusions.

d. Par duplique du 10 avril 2017, B______ conclut à l'irrecevabilité des faits nouveaux allégués par l'appelante et persiste également dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 11 avril 2017 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivant ressortent du dossier :

a. B______ est une société anonyme de siège à Genève, dont le but est notamment l'achat, la vente, l'importation et la représentation de machines, mobilier et articles de bureau.

b. "D______" est une association de droit suisse non immatriculée au Registre du commerce, dont le but est notamment d'assurer la promotion du E______ en Suisse. "

Selon l'article 3 de ses statuts, "en tant que Groupe de travail A______ officiel, l'association se fixe comme but de réaliser sur le plan suisse la mission de E______ International pour la promotion d'une exploitation des forêts économiquement supportable, tenant compte des aspects environnementaux et sociaux".

E______ est un label environnemental attestant que la production de bois ou d'un article à base de bois respecte les procédures garantissant la gestion durable des forêts définies au Sommet de la Terre de Rio en juillet 1992. La certification E______ assure la traçabilité du bois de sa source au consommateur final.

Selon les indications figurant sur le site internet ______, il existe trois types différents de labels E______ en fonction de la composition du produit certifié: le label E______ 100%, le label E______ Mixte et le label E______ Recyclé.

La marque E______, son logo et la marque sont enregistrés auprès de l'Institut fédéral de la Propriété Intellectuelle (IFPI). Leur titulaire est F______ au Mexique.

G______, membre du comité de l'association, a précisé devant le Tribunal que E______ [SUISSE] était responsable de contrôler que les critères des règlements d'usage de la marque étaient respectés. Elle avait le devoir, en tant que représentante de E______ INTERNATIONAL, de surveiller le processus de fabrication et d'assurer une traçabilité de l'arbre, de la coupe jusqu'au consommateur ainsi que d'informer le public consommateur si des irrégularités étaient constatées.

c. En février 2016, la Centrale commune d'achats de l'Etat de Genève a lancé un appel d'offres public pour l'acquisition de mobilier, lequel portait sur trois lots, à savoir du mobilier administratif, des armoires métalliques et des bureaux "assis debout" électriques.

Il était notamment exigé que les meubles proposés répondent à des principes écologiques, en particulier que ceux stratifiés ou en mélamine soient labellisés E______ Recyclé ou E______ 100%.

Un questionnaire écologique était annexé à cet appel d'offres, dans lequel figurait notamment, s'agissant du mobilier administratif, sous la rubrique "éléments en bois/critères obligatoires et éliminatoires", la question suivante "veuillez confirmer que le stratifié ou la mélamine proposés sont labellisés E______ Recyclé ou E______ 100%".

d. B______ a soumis une offre à la Centrale commune des achats le 29 mars 2016.

Y était annexé le questionnaire écologique précité, B______ ayant coché la case "oui" s'agissant des labels E______ Recyclé ou E______ 100% pour le stratifié ou la mélamine composant le mobilier administratif proposé.

B______ a également joint à son offre deux attestations de H______ du 25 mars 2016. Selon la première, le stratifié proposé était labellisé E______ Recyclé ou 100%; d'après la seconde, H______ utilisait, pour la fabrication des plateaux, des panneaux agglomérés produits par la société I______, labellisés E______ 100% Recyclé, selon certificat "J______" annexé.

A______ soutient que ni B______ ni H______ ne peuvent revendiquer le bénéfice du certificat E______ et que I______ ne peut en aucun transférer son label à un tiers qui ne serait pas lui-même certifié.

B______ admet que H______ n'est pas certifiée E______ et ne prétend pas l'être.

e. Par courrier du 18 avril 2016, la Centrale commune d'achats a accusé réception de l'offre de B______ et sollicité la mise à disposition d'échantillons notamment pour les meubles avec finition mélaminé ou stratifié.

f. Le 18 mai 2016, elle a demandé à B______ des informations complémentaires sur la question du label E______ applicable au mobilier proposé dans son offre, soit E______ 100%, E______ Recyclé ou E______ Mix et la garantie que tous les meubles proposés seraient fabriqués avec des matériaux E______ 100% ou E______ Recyclé et proviendraient du fournisseur pour lequel la certification E______ avait été remise dans le cadre de l'offre.

g. En réponse à ce courrier, B______ a confirmé le lendemain 19 mai 2016 qu'elle s'engageait à "commander les meubles proposés dans l'appel d'offres avec des matériaux E______ Recyclé et provenant du fabricant pour lequel la certification E______ Recyclé a été remise dans le cadre de notre offre (i______) (…) pour les lots n° 1 H______ et n° 2 H______". Par ailleurs, les panneaux en aggloméré étaient fabriqués à partir de bois certifié E______ Recyclé, comme cela ressortait d'un tableau transmis par A______ annexé.

Elle a joint à sa réponse une attestation de H______ du même jour garantissant que celle-ci utilisait pour la fabrication des meubles mentionnés dans l'appel d'offres des panneaux en aggloméré provenant de I______, laquelle possédait la certification E______ Recyclé et une autre attestation de I______ confirmant ce qui précède, certificats "J______ " à l'appui.

A______ affirme que ces garanties n'ont aucune valeur.

h. Le 1er juin 2016, la Centrale d'achat a informé B______ de ce qu'elle éliminait son offre s'agissant du mobilier de la gamme K______, dans la mesure où celui-ci était labellisé E______ Mix au lieu de E______ 100% ou E______ Recyclé, comme exigé.

En revanche, par courrier du 21 juillet 2016, elle a informé B______ de ce que son offre était retenue s'agissant des lots n° 1 et 2 fabriqués par H______.

L'adjudication a été publiée sur le site de la Confédération ______ (système d'information sur les marchés publics en Suisse).

i. Par courrier de son conseil du 9 août 2016, L______, société de siège à Genève, ayant pour but notamment la vente de mobilier de bureau, a reproché à B______ d'avoir allégué de manière fallacieuse être au bénéfice du label E______ Recyclé pour les marchandises proposées dans son offre concernant les lots n° 1 et 2, comportement tombant sous le coup de l'art. 3 de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD).

Copie de ce courrier était adressée à A______.

L______ affirme disposer d'un certificat E______.

B______ soutient que l'offre de cette société a été écartée par la Centrale d'achat car les produits que celle-ci proposait étaient certifiés E______ Mix et non E______ 100% ou E______ Recyclé.

j. Le 27 septembre 2016, la Centrale d'achat a répondu au conseil de L______ que sa demande relative à une éventuelle révocation de l'adjudication du lot n° 1 à B______ était infondée, dans la mesure où c'étaient les panneaux de bois eux-mêmes qui devaient être certifiés E______ Recyclé ou E______ 100% et non le meuble entier, et que la soumission de B______ était conforme à cette exigence.

 

k. Dans ce contexte, A______ a publié sur son site internet l'information suivante:

"B______: ABUSE DE LA MARQUE E______

B______, propose des meubles de bureau non certifiés du fabricant italien M______ comme étant certifiés E______. M______ n'est pas certifié E______.

Quelles que soient les confirmations d'un sous-traitant de M______, celles-ci ne sont pas valables et ne remplacent pas la propre certification. B______ joint aux livraisons de produits non certifiés, de telles confirmations comme preuve de certification E______. Ceci est clairement en contradiction avec les règles E______. Les meubles fabriqués par M______ et commercialisés par B______ ne sont pas certifiés E______ ".

l. Par pli du 20 septembre 2016, B______ a sommé A______ de retirer de son site internet les allégations précitées qui portaient gravement atteinte à sa réputation commerciale.

D. a. Par acte du 11 novembre 2016, B______ a notamment conclu, sur mesures provisionnelles et sous suite de frais et dépens, à ce que le Tribunal, sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP, ordonne à A______ de supprimer immédiatement de son site internet l'indication de la raison sociale de B______, et toute référence ou indication permettant de la reconnaître ainsi que toute référence aux produits commercialisés par elle, y compris les meubles fabriqués par la société M______, et fasse interdiction à A______, jusqu'à droit jugé définitif, de publier sur son site internet des textes attentatoires à sa réputation commerciale, ou donnant une description défavorable des produits commercialisés ou distribués par elle.

Elle a fait valoir que la publication sur le site internet de A______ portait atteinte à sa réputation et à sa liberté économique en laissant sous-entendre que son comportement commercial serait incorrect et qu'elle transgresserait des normes juridiques, en l'occurrence le droit des marques. Elle n'avait en réalité pas fait usage du label E______ au sens de l'article 13 LCD, en tant qu'elle n'avait notamment pas affirmé être elle-même certifiée E______ ni n'avait apposé le signe "labellisé E______ " sur des produits ou des emballages. Les informations communiquées à la Centrale commune d'achats reflétaient la stricte vérité et son comportement était irréprochable. Le dommage découlant de la publication litigieuse correspondait à la perte de la marge brute afférente au chiffre d'affaires ne pouvant être réalisé du fait de l'atteinte à sa réputation. Il ne pourrait être réparé, étant impossible de déterminer quelles personnes ou entreprises auraient renoncé à traiter avec elle en raison de la publication litigieuse.

b. Par courriel du 23 décembre 2016 à B______, A______ a informé cette dernière qu'elle avait retiré le contenu litigieux de son site internet, en vue de faciliter une solution amiable. Elle proposait notamment à B______ et/ou son fabricant italien de s'affilier volontairement à la certification E______ et joignait à son courrier une convention à signer.

c. Le 4 janvier 2017, B______ a informé E______ qu'elle n'entendait pas demander de certification E______, cette mesure n'étant en l'état pas nécessaire pour répondre aux appels d'offres publiques ou privées qui n'exigeaient pas que les entreprises soumissionnaires soient elles-mêmes certifiées. Elle n'a donc pas signé la convention proposée.

Elle a également indiqué qu'elle avait déposé plainte pénale pour diffamation à l'encontre du responsable de A______.

d. Le 6 janvier 2017, A______ a indiqué à B______ que sauf nouvel usage indû du label E______ auprès de tiers, elle ne rediffuserait pas le signalement retiré de son site internet par gain de paix. Elle a confirmé ce qui précède lors de l'audience du Tribunal du 19 janvier 2017.

e. Dans sa réponse du 9 janvier 2017, A______ a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que le Tribunal, à la forme, déclare irrecevables les conclusions de la requête de mesures provisionnelles en tant qu'elles visaient H______, préalablement, dise et constate que B______ n'était pas titulaire du label E______ et/ou du code de licence E______ et que A______ n'avait pas violé les droits de la personnalité de B______, au fond, déboute B______ des fins de sa requête.

Elle a fait valoir que B______ et H______ ne pouvaient revendiquer le bénéfice du certificat E______, n'ayant pas reçu un tel label de l'organisme de certification compétent. I______, titulaire de certificats E______ 100% et E______ Recyclé, ne pouvait en aucun cas transférer son label à un tiers non-certifié. En conséquence, le contenu de son site internet était parfaitement conforme à la vérité, de sorte que B______ ne pouvait se prévaloir d'une atteinte illicite à sa personnalité. Une éventuelle atteinte à la personnalité de cette dernière serait en tout état justifiée par des intérêts privés et publics prépondérants. Enfin, B______ ne subissait pas de dommage en lien avec la publication litigieuse, le marché public qui lui avait été adjugé n'ayant en définitive pas été révoqué.

f. Le Tribunal a entendu les parties lors de l'audience du 16 janvier 2017. Leurs déclarations ont été reprises dans l'état de fait ci-dessus dans la mesure utile. Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives et le Tribunal a gardé à la cause à juger à l'issue de l'audience.

g. Le 20 janvier 2017, le Conseil de A______ a établi une note d'honoraires de 5'400 fr. pour l'activité déployée du 6 au 16 janvier 2017, soit 13 heures, plus TVA.

h. Par courrier du 2 février 2017, A______ a demandé à B______ de lui indiquer si son fournisseur italien H______ serait prêt à engager une procédure de certification auprès de E______ Italie, afin de trouver une solution amiable au litige.

i. Selon note de frais du 30 mars 2017, les honoraires du Conseil de A______ totalisent 7'506 fr. pour l'activité du 2 février au 30 mars 2017, soit 15 heures à 450 fr., frais et TVA en sus.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans les délai et forme utiles (art. 130, 131 et 314 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision rendue sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1
let. b CPC) qui statue sur des prétentions tendant à la protection de la personnalité, droits de nature non pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_641/2011 du 23 février 2012 consid. 1.1), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen
(art. 310 CPC).

Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 lit. d CPC), avec administration restreinte des moyens de preuve (la preuve étant généralement apportée par titre, art. 254 CPC), la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1). Ainsi, il n'est pas nécessaire que le juge soit persuadé de l'existence des faits; il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, il acquière l'impression d'une certaine vraisemblance de l'existence des faits pertinents, sans pour autant qu'il doive exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.3, cité par Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, p. 325 n. 1773).

2. L'appelante a produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu'aux conditions suivantes : ils sont invoqués ou produits sans retard (lit. a) et ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (lit. b).

2.2 En l'espèce, les pièces 26 et 31 produites par l'appelante, bien que non pertinentes pour l'issue du litige, sont recevables, car postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

Les pièces 28 et 29, également non pertinentes, sont irrecevables, car antérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger, sans que l'appelante n'explique pour quelle raison elle ne les a pas produites à temps.

La pièce 30 n'est pas datée, et non pertinente, de sorte que sa recevabilité peut rester indécise.

Les pièces 32 et 33 (notes d'honoraires) sont recevables.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir apprécié arbitrairement les preuves, violé son droit à la preuve ainsi que les art. 261 ss CPC, 13 LPM et 2 et 3 LCD en retenant qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable que les propos contenus sur son site internet étaient conformes à la vérité. De l'aveu même de l'intimée, les meubles offerts et vendus n'étaient pas labellisés E______. Le procédé d'appréciation des preuves était arbitraire dans son résultat, puisqu'il avait amené le Tribunal à écarter l'existence d'un fait justificatif.

3.1.1 Les mesures provisionnelles ou provisoires sont les mesures qu'une partie peut requérir pour la protection provisoire de son droit pendant la durée du procès au fond et, dans certains cas, avant même l'ouverture de celui-ci (ATF 136 III 200 consid. 2.3.2). Elles aménagent une situation provisoire pour la période précédant le prononcé d'un jugement dans la cause principale. Le requérant doit faire trancher dans la procédure principale la prétention de droit matériel sur laquelle reposent les mesures provisionnelles (Güngerich, Schweizerische Zivilprozessordnung, Berner Kommentar, Berne 2013, n. 1-3 ad art. 261).

Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire remplit les conditions suivantes : a. elle est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être; b. cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable.

Il s'agit là de conditions cumulatives, comme cela ressort des textes allemand et italien de la loi (Bohnet, in CPC, Code de procédure civile commenté, Bâle 2011, n. 3 ad art. 261).

L'octroi de mesures provisionnelles suppose ainsi la vraisemblance du droit invoqué. Le requérant doit ainsi rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès (arrêts du Tribunal fédéral 5A_931/2014 du 1er mai 2015 consid. 4; 5A_791/2008 du 10 juin 2009 consid. 3.1; Bohnet, op. cit., n. 7 ad art. 261). L'examen du droit est sommaire en ce sens surtout qu'il n'est pas définitif et qu'il ne préjuge pas du fond (Stucki/Pahud, Le régime des décisions superprovisionnelles et provisionnelles du Code de procédure civile, SJ 2015 II 1 ss, p. 3).

La vraisemblance requise doit en outre porter sur un préjudice difficilement réparable, qui peut être patrimonial ou immatériel; il peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès (ATF 138 III 378 consid. 6.3; Bohnet, op. cit., n. 11 ad art. 261; Kofmel Ehrenzeller, KuKo-ZPO, 2010, n° 8 ad art. 261; Huber, Kommentar zur schweizerischen Zivilprozessordnung, 2010, n. 20 ad art. 261). Un préjudice n'est pas aisément réparable du fait qu'il peut être réparé par équivalent, notamment en argent (Stucki/Pahud, op. cit., p. 4; Hohl, Procédure civile, tome 2, 2e éd., 2010, p. 323).

Le préjudice difficilement réparable suppose l'urgence (Bohnet, op. cit., n° 12 ad art. 261), qui y est implicitement contenue (Huber, op. cit., n° 22 ad art. 261). Celle-ci est en principe admise lorsque le demandeur pourrait subir un dommage économique ou immatériel s'il devait attendre qu'une décision au fond soit rendue dans une procédure ordinaire (ATF 116 Ia 446 consid. 2 = JdT 1992 I p. 122; Bohnet, op. cit., n° 12 ad art. 261).

La mesure ordonnée doit enfin respecter le principe de proportionnalité, ce qui signifie qu'elle doit être à la fois apte à atteindre le but visé, nécessaire, en ce sens que toute autre mesure se révèlerait inapte à sauvegarder les intérêts de la partie requérante, et proportionnée, en ce sens qu'il ne doit pas exister d'alternatives moins incisives (Hohl, op. cit., p. 323 s.).

3.1.2 Selon l'art. 28 CC, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe (al. 1).

La loi sur la concurrence déloyale est une législation spéciale par rapport aux art. 28 ss CC, complétant la protection de la personnalité, car elle a pour but de protéger la liberté économique qui est comprise dans le droit de la personnalité (ATF 123 III 354, JdT 1998 I 333, consid. 1b, p. 334). Il en va spécialement ainsi de la prohibition du dénigrement, qui apparaît comme la concrétisation, dans le jeu de la concurrence, de la protection de la personnalité (ATF 121 III 168, JdT 1996 I 52, consid. 3a, p. 55).

Agit de façon déloyale celui qui, notamment, dénigre autrui, ses marchandises, ses œuvres, ses prestations, ses prix ou ses affaires par des allégations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes (art. 3 al. 1 let. a LCD).

Dénigrer signifie s'efforcer de noircir, de faire mépriser (quelqu'un ou quelque chose) en disant du mal, en attaquant, en niant les qualités. Un propos est dénigrant lorsqu'il rend méprisable le concurrent et ses marchandises, notamment. Tout propos négatif ne suffit pas : il doit revêtir un certain caractère de gravité.

Une allégation n'est pas déjà illicite au sens de l'art. 3 al. 1 let. a LCD du seul fait qu'elle dénigre un concurrent; il faut encore qu'elle soit inexacte - c'est-à-dire contraire à la réalité, fallacieuse - soit exacte en elle-même, mais susceptible, par la manière dont elle est présentée ou en raison de l'ensemble des circonstances, d'éveiller chez le destinataire une impression fausse - ou encore inutilement blessante - à savoir qu'elle donne du concurrent, respectivement de ses prestations au sens large, une image négative, outrancière, que la lutte économique ne saurait justifier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_585/2010 du 15 juin 2011 consid. 7.2; ATF 124 III 72 consid. 2b/aa).

3.1.3 Selon l'art. 13 al. 1 et 2 LPM, le droit à la marque confère au titulaire le droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d'en disposer, de sorte que le titulaire peut interdire à des tiers l'usage des signes dont la protection est exclue en vertu de l'art. 3 al. 1 LPM.

Selon l'art. 59 LPM, toute personne qui demande des mesures provisionnelles peut notamment requérir du juge qu'il assure à titre provisoire la prévention ou la cessation du trouble (let. d).

3.2.1 En l'espèce, la Cour retient que le message publié sur le site internet de l'appelante contient des informations à tout le moins fallacieuses. Premièrement, c'est uniquement dans la rubrique idoine de l'appel d'offres de la Centrale d'achat, qui ne laissait aucune place pour des explications complémentaires ou détaillées, que l'intimée a indiqué que les meubles qu'elle proposait étaient labellisés E______ Recyclé ou E______ 100%. Du questionnaire joint à l'appel d'offre il ressort clairement que seuls le stratifié et la mélamine proposés pour les éléments en bois composant les meubles offerts sont labellisés E______ Recyclé ou E______ 100%. Dans les échanges qu'elle a eus avec la Centrale d'achat, l'intimée a encore précisé que seul le fournisseur du bois servant à la fabrication des meubles qu'elle entendait commercialiser était titulaire du label E______. Elle n'a jamais affirmé à la Centrale d'achat que son fournisseur (ou qu'elle-même) était certifiée E______ et elle ne le prétend d'ailleurs pas non plus dans le cadre de la présente procédure.

Dès lors, en affirmant sur son site internet que l'intimée propose de manière générale des meubles non certifiés comme certifiés E______, l'appelante présente des faits particuliers - réponse à un appel d'offres, complété par un questionnaire et différents courriers - de manière trompeuse susceptible d'éveiller chez le destinataire une impression fausse. Elle donne de la sorte une image négative de l'intimée, respectivement de ses prestations au sens large.

Ainsi, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal, l'appelante n'a pas rendu vraisemblable que les informations publiées sur son site internet étaient conformes à la réalité.

Il est également vraisemblable que cette présentation, largement diffusée, est de nature à porter une atteinte grave notamment à la réputation et à la liberté économique de l'intimée, en tant qu'elle sous-entend que son attitude en affaires est irrégulière, ce qui est de nature à ébranler la confiance du consommateur en cette société et à lui causer un dommage, bien que difficile à chiffrer. L'appelante ne critique d'ailleurs pas l'ordonnance entreprise sur ces points.

Le grief tiré de la violation de l'art. 3 LCD est infondé.

3.2.2 Bien que l'appelante ne motive pas le grief tiré de la violation de
l'art. 13 LPM, la Cour relève qu'elle n'a pas non plus rendu vraisemblable que l'intimée utiliserait la marque dont elle est titulaire. Les seules indications fournies à la Centrale d'achat, selon lesquelles le producteur du bois composant les meubles fournis par un tiers et offerts par elle, ne valent pas utilisation de la marque, à tout le moins sous l'angle de la vraisemblance.

Ainsi, le grief tiré de la violation de l'art. 13 LPM doit également être rejeté.

3.2.3 Dans la mesure où la réalisation des autres conditions nécessaires à l'octroi de mesures provisionnelles ne sont pas remises en cause par l'appelante, l'ordonnance querellée sera confirmée.

4. Les frais judiciaires de l'appel, arrêtés à 800 fr. (art. 26 et 37 du règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10), seront mis à la charge de l'appelante qui succombe, et compensés avec l'avance fournie par elle, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera en outre condamnée aux dépens d'appel de l'intimée, arrêtés à 1'500 fr. débours et TVA inclus (art. 86 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC), au vu de l'importance et de la difficulté de la cause et du travail effectué.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 février 2017 par A______ contre l'ordonnance OTPI/25/2017 rendue le 26 janvier 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22083/2016-2 SP.

Au fond :

Confirme cette ordonnance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance du même montant fournie par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 1'500 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours:

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.