C/2226/2014

ACJC/1524/2015 du 11.12.2015 sur JTPI/11315/2015 ( SFC ) , JUGE

Descripteurs : LIQUIDATION SOMMAIRE DE LA FAILLITE; SUSPENSION DE LA FAILLITE FAUTE D'ACTIFS; REPRISE; REGISTRE DU COMMERCE; RÉINSCRIPTION
Normes : LP.230; ORC.164.1.d
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2226/2014 ACJC/1524/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 11 DECEMBRE 2015

 

OFFICE DES FAILLITES, recourant contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 septembre 2015, comparant par
Me Nicolas Jeandin, avocat, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

 

en rapport avec

A______, p.a. _______, (GE).

 


EN FAIT

A.           a. Par jugement JTPI/1______ du 12 mars 2014 le Tribunal de première instance a déclaré la faillite de la société A______.![endif]>![if>

Le 26 mars 2014, l'Office des faillites a procédé à l'interrogatoire de la faillie, en la personne de B______, administrateur. Au titre des dettes, celui-ci a mentionné des factures impayées chez C______ pour environ 45'000 fr., montant dont D______ s'était reconnue débitrice. Il n'a pas mentionné l'existence de créances de la société.

A été portée à l'inventaire une prétention litigieuse contre D______, pour un montant de 35'672 fr. 52 plus intérêts à 5% dès le 26 janvier 2009.

b. Par requête du 16 juillet 2014, l'Office des faillites a conclu à ce que soit ordonnée la suspension de la liquidation de la faillite de A______, motif pris de l'insuffisance d'actifs, ceux-ci ne permettant pas de garantir les frais de liquidation sommaire.

c. Par jugement JTPI/2______ du 27 août 2014, le Tribunal a prononcé la suspension de la liquidation de la faillite de A______.

Aucun créancier n'ayant effectué l'avance de frais dans le délai imparti par l'Office et n'ayant requis la liquidation sommaire, le Tribunal a prononcé la clôture de la faillite, par jugement JTPI/3______ du 15 octobre 2014.

La société a été radiée le 3 décembre 2014.

d. En décembre 2014, l'Office a encaissé pour A______ des montants de respectivement 2'754 fr. 30 et 7'462 fr. 55, de E______ et F______.

Au vu de ces nouveaux actifs, l'Office a complété l'inventaire, y portant en outre un montant de 406 fr. encaissé le 14 août 2014, soit des actifs totalisant
10'622 fr. 85, et saisi le Tribunal d'une requête en liquidation sommaire le
6 janvier 2015, concluant à ce que soit ordonnée la liquidation sommaire de la faillite de A______ et à ce qu'il soit ordonné au Registre du commerce la réinscription de la société.

e. Par jugement JTPI/11315/2015 du 28 septembre 2015, le Tribunal a rejeté dans la mesure de sa recevabilité la requête en réouverture de la liquidation de la société A______ formée par l'Office des faillites (ch. 1 du dispositif), déclaré irrecevable la requête conjointe en réinscription par le Registre du commerce de la société A______ formée par l'Office des faillites (ch. 2), dit qu'il était statué sans frais (ch. 3), dit qu'il n'y avait pas lieu à l'allocation de dépens (ch. 4) et débouté l'Office des faillites de toutes autres conclusions (ch. 5).

En substance, le juge a retenu que la jurisprudence selon laquelle le juge pouvait ordonner la réouverture de la liquidation d'une faillite suspendue faute d'actif en cas de découverte de biens après la clôture de la faillite n'était plus applicable depuis l'entrée en vigueur le 1er juillet 2011 du Code de Procédure Civile (CPC) de sorte que la requête formée par l'Office des faillites devait être rejetée. Les conditions d'une demande en révision n'étaient pas non plus réalisées. L'Office aurait dû porter à l'inventaire les créances contre E______ et F______. Le règlement par celles-ci de dettes antérieures à la faillite ne constituait pas un nouvel actif. Les manquements de l'Office ne pouvaient être corrigés par une demande en révision. S'agissant de la requête de réinscription de la société en application de l'art. 164 ORC, l'Office des faillites ne pouvait prétendre agir au nom et pour le compte de la masse en faillite, puisque la liquidation était clôturée et non réouverte. Le fait que la liquidation de la faillite ne soit pas achevée ne constituait pas en soi un motif de réinscription. Si la réouverture de la liquidation était ordonnée, la réinscription de l'entité radiée surviendrait d'office.

B.            a. Par acte du 12 octobre 2015, l'Office des faillites forme recours contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Cela fait, il conclut à ce que soit ordonnée la liquidation sommaire de la faillite de A______, à ce que soit ordonnée au Registre du commerce la réinscription de la société A______, à ce que les frais soient mis à la charge de l'Etat et au déboutement de tout opposant de toutes autres ou contraire conclusions.![endif]>![if>

Il produit une pièce nouvelle (pièce 3).

b. Le recourant a été informé par courrier du greffe de la Cour du 23 octobre 2015, de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte.

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

Le recours a été formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321
al. 1 et 2 CPC).

1.2 L'Office des faillites, en sa qualité de représentant de la masse en faillite, a, à côté du débiteur, qualité pour recourir contre la décision du juge de suspendre la faillite faute d'actifs, afin de préserver les intérêts de la communauté des créanciers (arrêt du Tribunal fédéral 5A_306/2014 du 17 octobre 2013
consid. 3.3.1; Lustenberger, in: Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 2ème éd., 2010, n. 8 ad art. 230 LP; Jaeger, Bundesgesetz betreffend Schuldbetreibung und Konkurs, 1911, n. 4 ad
art. 230 LP).

Il a également qualité pour recourir, en qualité de représentant de la masse en faillite, contre une décision ordonnant la liquidation de la faillite, alors qu'il sollicitait la suspension faute d'actifs. La décision du juge n'est en effet communiquée qu'à l'office des faillites. De plus, la requête de cet office en suspension de la faillite faute d'actifs est déposée à un stade de la procédure où les créanciers ne sont pas encore connus. De toute façon, les créanciers ne sont en pratique pas en mesure de faire valoir leurs droits de manière autonome contre une telle décision. Dans la mesure où il existe un recours contre la décision du juge, l'office doit pouvoir agir, avec la seule réserve qu'il doit le faire pour sauvegarder les intérêts de la masse ou des créanciers, et non seulement en sa qualité d'autorité de poursuite (ZR 1907 Nr. 66 p. 121, cité par Jaeger, op. cit., n. 4 ad art. 230 LP).

Ces principes valent également en ce qui concerne une décision du juge de rejeter une requête tendant à la reprise de la liquidation après clôture d'une faillite suspendue faute d'actifs, au motif que des nouveaux actifs ont été découverts. Cette décision n'est en effet communiquée qu'à l'office. Les créanciers ne sont pas encore connus. L'office agit manifestement dans l'intérêt des créanciers à qui il entend distribuer les actifs découverts après la clôture de la faillite. Il a, partant, qualité pour recourir.

1.3 Les conclusions, les allégations de fait et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Partant, la pièce nouvelle produite par le recourant est irrecevable. Elle n'est au demeurant pas pertinente pour l'issue du litige.

2. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir retenu que l'entrée en vigueur du CPC remettrait en cause la jurisprudence selon laquelle il appartenait au juge de la faillite, sur requête de l'office, d'ordonner la reprise des opérations d'une faillite suspendue faute d'actifs et clôturée, en cas de découverte de nouvelles valeurs. C'est également à tort qu'il avait considéré que les art. 230a et 269 LP étaient applicables.

2.1.1 Lorsqu'il est probable que la masse ne suffira pas à couvrir les frais de liquidation sommaire, le juge qui a ordonné la faillite prononce la suspension de celle-ci à la demande de l'office. L'office publie la décision de suspension. La publication porte que la faillite sera clôturée si, dans les dix jours, les créanciers ne requièrent pas la liquidation et ne fournissent pas les sûretés exigées pour les frais qui ne seront pas couverts par la masse (art. 230 al. 1 et 2 LP).

En cas d'augmentation subséquente du patrimoine de la masse, le juge peut, à la requête de l'office, révoquer la suspension. Une faillite suspendue peut ainsi être ouverte à nouveau. Si des biens sont découverts après la suspension de la faillite, la procédure de l'art. 269 LP (biens découverts après la clôture de la faillite) ne s'applique pas. En effet, dès que le juge a prononcé la suspension de la faillite, l'office n'a plus qualité pour poursuivre la réalisation de prétendus actifs; la procédure reste alors en mains du juge. L'office indique au juge de la faillite les nouvelles valeurs découvertes, de telle sorte qu'il puisse ordonner la liquidation sommaire, respectivement la liquidation ordinaire (Vouilloz, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 7 ad art. 230 LP et les références citées).

Le juge peut ainsi reconsidérer sa décision de suspendre la liquidation de la faillite (ATF 102 III 82, JdT 1978 II 10. consid. 2b et 5; Gillieron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 2012, n. 1842).

L'office ne peut procéder de cette manière que s'il s'agit de biens nouvellement découverts. Une telle faculté est ainsi exclue en ce qui concerne les actifs dont les organes savaient ou devaient savoir qu'ils appartenaient au failli mais qu'ils ont renoncé à comprendre dans la liquidation. L'on ne doit pas être trop exigeant en ce qui concerne la preuve de la nouveauté, de la découverte. On ne saurait facilement admettre que l'administration, présumée consciencieuse, a renoncé à un droit connu. Une négligence inexcusable suffira selon les cas pour retenir une renonciation de la part de l'administration à faire valoir le droit en cause (ATF 90 III 41 consid. 1 et 3, JdT 1964 II 76; Jeandin, in Commentaire romand, Poursuite pour dettes et faillite, 2005, n. 9 ad art. 269 LP; arrêt de l'Autorité de surveillance des offices de poursuite pour dettes et faillite de Genève du 29 mars 1995 consid. 3, in SJ 1995 705).

La procédure sommaire est applicable à la procédure (art. 251 al. 1 let. a CPC).

2.1.2 L'art. 230a LP est applicable aux successions répudiées faute d'actifs et aux valeurs grevées de droit de gage dans la masse en faillite d'une personne morale.

2.2 En l'espèce, aucun indice ne permet de retenir que le recourant avait connaissance des créances de la faillie contre E______ ou F______, ou n'en avait pas connaissance suite à une négligence inexcusable, au moment où il a requis la suspension de la faillite faute d'actifs. L'administrateur de la faillie, le mieux placé pour connaître d'éventuelles créances en cours, n'en avait pas fait mention. Il ne saurait non plus être reproché à l'Office de n'avoir pas renoncé à sa requête de suspension, après réception le 14 août 2014 de la modique somme de 406 fr., montant manifestement insuffisant à couvrir les frais d'une liquidation même sommaire.

Dès lors, les montants reçus postérieurement à la clôture de la faillite, en particulier ceux de 2'754 fr. 30 et 7'462 fr. 55, constituent des biens nouvellement trouvés au sens défini ci-dessus, de sorte que le recourant était fondé à saisir le juge d'une requête en liquidation sommaire, conformément à la jurisprudence précitée. L'entrée en vigueur du CPC, en particulier les dispositions sur la révision - inapplicables en l'espèce -, n'y change rien.

L'art. 230a LP est également inapplicable, puisqu'il n'est question ni de succession répudiée ni d'actifs grevés de droits de gage.

C'est ainsi à tort que le juge a refusé d'ordonner la liquidation sommaire sollicitée. Le recours doit être admis et le jugement réformé.

3. Le recourant reproche au juge de ne pas avoir ordonné la réinscription de la société.

3.1 Le tribunal peut ordonner sur demande la réinscription au Registre du commerce d'une entité juridique radiée lorsqu'il est établi de manière vraisemblable que la réinscription est nécessaire pour que la liquidation de la faillite de l'entité juridique radiée puisse être terminée (art. 164 al. 1 let. d ORC). Toute personne qui a un intérêt digne de protection à la réinscription de l'entité juridique radiée peut demander sa réinscription (art. 164 al. 2 ORC).

L'art. 164 al. 1 let. d ORC vise précisément le cas dans lequel de nouveaux actifs sont découverts postérieurement à la suspension de la faillite faute d'actifs (Rüetschi, Handelsregisterverordnung (HRegV) vom 17. Oktober 2007, Commentaire Stämpfli, 2013, n. 20 ad art. 164 ORC).

La réinscription d'une entité juridique au Registre du commerce relève de la procédure gracieuse, à laquelle le CPC est applicable (art. 1 let. b CPC). La procédure sommaire est applicable (art. 248 let. e CPC) (Rüetschi, op. cit., n. 32 et 33 ad art. 164 ORC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_412/2013 du 19 décembre 2013 consid. 1).

Le Tribunal de première instance est compétent (art. 86 LOJ).

Le demandeur peut réunir dans la même action plusieurs prétentions contre le même défendeur pour autant que le même tribunal soit compétent à raison de la matière et qu'elles soient soumises à la même procédure (art. 90 CPC).

3.2 En l'espèce, la réinscription de la société s'impose, afin de permettre sa liquidation, suite à la découverte de nouveaux actifs.

Le recourant, compétent pour requérir la liquidation (cf. consid. 2.1.1 supra) l'est manifestement également pour solliciter la réinscription de la société radiée.

Le Tribunal, compétent pour statuer sur la requête de liquidation, selon la procédure sommaire, l'est également pour ordonner la réinscription de la société radiée, selon la même procédure.

Au vu des considérations qui précèdent, c'est à tort que le Tribunal a déclaré irrecevable la requête de réinscription formée par l'Office. Le recours doit être admis et le jugement réformé dans le sens qui précède.

4. Il sera renoncé à la perception d'un émolument (art. 7 al. 2 RFTMC), le recourant obtenant entièrement gain de cause.

Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens, l'art. 107 al. 2 CPC permettant uniquement de mettre à la charge du canton les frais judiciaires, conformément à son texte qui ne mentionne que ceux-ci, à l'exclusion des dépens (arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2014 du 14 août 2014 consid. 4.1; Rüegg, op. cit., n. 11 ad art. 107 CPC; Jenny, op. cit., n. 26 ad art. 107 CPC; Tappy, op. cit., n. 34 et
n. 35 ad art. 107 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par l'Office des faillites contre le jugement JTPI/11315/2015 rendu le 28 septembre 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2226/2014-10 SFC.

Au fond :

L'admet.

Annule ledit jugement.

Cela fait, statuant à nouveau :

Ordonne la liquidation sommaire de la faillite de A______.

Ordonne la réinscription au Registre du commerce de la société A______.

Sur les frais :

Dit qu'il n'est pas perçu d'émoluments ni alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.