C/22451/2016

ACJC/1213/2017 du 26.09.2017 sur OTPI/79/2017 ( SP ) , CONFIRME

Descripteurs : CONSEIL D'ADMINISTRATION ; MEMBRE ; PROVISOIRE ; LÉGITIMATION ACTIVE ET PASSIVE
Normes : CL.33; CL.32; CPC.60;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22451/2016 ACJC/1213/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 26 septembre 2017

 

Entre

A______ LTD, sise ______ (Chypre), appelante et intimée sur appel joint d'une ordonnance rendue par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 février 2017, comparant par Me François Besse, avocat, chemin d'Eysins 47, case postale 2325, 1260 Nyon 2, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

1) A______ SARL, sise ______ (Luxembourg), intimée et appelante sur appel joint, comparant par Me Dan Bally, avocat, rue J.-J. Cart 8, case postale 221, 1001 Lausanne, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

2) BANQUE B______ (anciennement C______ SA), sise ______ Genève, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. A______ SARL est une société à responsabilité limitée inscrite au Registre du commerce et des sociétés de Luxembourg, active dans la prise de participations dans d'autres sociétés ou entreprises sous quelque forme que ce soit et la gestion de ces participations.

D______, fondateur de cette société, a souscrit l'intégralité des 500 parts sociales de celle-ci lors de sa constitution. Le 24 avril 2009, il a cédé la moitié de ses parts sociales, soit 250 parts, à E______ SA.

D______ a toujours été l'unique gérant de A______ SARL.

b. A______ SARL détient (100%) une filiale à Chypre baptisée A______ LTD, cette dernière ayant pour vocation d'exploiter les médicaments dont A______ SARL détient les brevets, contre le paiement des redevances contractuellement convenues auprès de A______ SARL.

D______ est le dirigeant de A______ LTD avec deux autres administrateurs « fiduciaires ».

c. A______ LTD est titulaire d'une relation bancaire auprès de la succursale genevoise de C______ SA, devenue depuis BANQUE B______.

d. Un conflit a éclaté entre D______ et E______ SA faisant l'objet de plusieurs procès pendants au Luxembourg. D______ a notamment ouvert une action visant à annuler la cession des parts sociales par laquelle E______ SA est devenue propriétaire de 50% de A______ SARL. Pour sa part, E______ SA reproche à D______ une gestion irrégulière, voire frauduleuse de la société. D______ et E______ SA étant représentés en parfaite parité lors des assemblées générales de A______ SARL, toute révocation de D______ était impossible par E______ SA.

e. Par assignation du 22 juin 2016, E______ SA a sollicité du Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg la révocation de D______ de ses fonctions de gérant de A______ SARL et son remplacement par F______.

f. Le 7 septembre 2016, E______ SA a également formé auprès du Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg une requête en désignation d'un administrateur provisoire ayant pour mission de gérer et d'administrer A______ SARL.

g. Par ordonnance ex parte du 9 septembre 2016, le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg a désigné G______ en qualité d'administrateur provisoire de A______ SARL, lui donnant notamment pour mission de gérer et administrer A______ SARL, suivant les lois et usages du commerce, en conformité avec son objet social, et plus précisément de prendre les mesures permettant de sauvegarder les intérêts de la société, de prendre toutes les mesures utiles concernant la filiale A______ LTD et exiger la production de toutes informations nécessaires ainsi que de prendre toutes mesures utiles pour sauvegarder le patrimoine de la société. Le Tribunal a nommé l'administrateur provisoire pour une année, renouvelable en fonction des circonstances de l'espèce.

h. Par décision du 13 janvier 2017, rendue après audition des parties, les autorités luxembourgeoises ont rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance présidentielle du 9 septembre 2016 sollicitée par D______, décidant de maintenir G______ en qualité d'administrateur provisoire de A______ SARL jusqu'à ce qu'une décision au fond ayant acquis l'autorité de chose jugée intervienne dans le cadre de l'instance introduite suivant assignation du 22 juin 2016, tendant à la révocation de D______ et à la nomination d'un nouveau gérant.

i. Par décision du 19 janvier 2017, le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, statuant contradictoirement, a révoqué D______ de sa fonction de gérant de A______ SARL. En revanche, il a déclaré irrecevable la demande en remplacement du gérant de la société, estimant qu'il appartenait à l'assemblée générale des associés de nommer un nouveau gérant. Le Tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire sans caution de son jugement
(art. 567 du Nouveau code de procédure civile luxembourgeois). G______ a représenté A______ SARL devant le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg en sa qualité d'administrateur provisoire dans le cadre de cette procédure.

B. a. Parallèlement à ces procédures, par acte expédié au greffe du Tribunal de première instance le 14 novembre 2016, A______ SARL, représentée par G______, a formé une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles à l'encontre de A______ LTD tendant à ce qu'il soit ordonné à C______ SA, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, de bloquer le compte de la société A______ LTD, et à ce qu'il soit fait interdiction à A______ LTD, sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP, d'effectuer une quelconque transaction financière en relation avec le compte C______ SA de la société A______ LTD.

b. Par ordonnance du 17 novembre 2016, le Tribunal de première instance a fait droit à la requête sur mesures superprovisionnelles, astreignant toutefois A______ SARL à fournir des sûretés d'un montant de 50'000 fr., lesquelles ont été versées le 24 novembre 2016.

c. Par courrier du 15 décembre 2016, A______ SARL a complété ses conclusions, en ce sens qu'ordre soit donné à C______ SA, sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP, de lui communiquer l'historique des opérations effectuées sur le compte de A______ LTD depuis son ouverture.

d. Le 23 janvier 2017, A______ LTD a conclu à l'irrecevabilité de la requête, subsidiairement à son rejet, faisant notamment valoir qu'en raison de son caractère ex parte, l'ordonnance du 9 septembre 2016 ne pouvait être reconnue en Suisse, de sorte que G______ n'était pas légitimé à agir en qualité d'administrateur provisoire de A______ SARL en Suisse. En tout état de cause, ladite ordonnance faisait l'objet d'un recours pendant.

e. C______ SA s'en est rapportée à justice.

f. Lors de l'audience qui s'est tenue le 30 janvier 2017, A______ SARL a complété sa conclusion supplémentaire telle que communiquée au Tribunal le 15 décembre 2016, en ce sens qu'ordre soit donné à C______ SA et à D______, sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP, de lui communiquer l'historique des opérations effectuées sur le compte de A______ LTD depuis son ouverture.

Elle a produit des pièces complémentaires, au nombre desquelles le jugement rendu le 19 janvier 2017 par le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg.

A l'issue de cette audience, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives et le Tribunal de première instance a gardé la cause à juger.

C. Par ordonnance sur mesures provisionnelles OTPI/79/2017 du 21 février 2017, le Tribunal de première instance a ordonné à C______ SA de bloquer le compte de A______ LTD (ch. 1 du dispositif), a fait interdiction à A______ LTD d'effectuer une quelconque transaction financière en relation avec le compte à la C______ SA de A______ LTD (ch. 2), a prononcé les chiffres 1 et 2 du dispositif sous la menace de la peine prévue par l'article 292 CP (ch. 3), a rejeté la requête pour le surplus (ch. 4), a ordonné le maintien des sûretés fournies par A______ SARL à hauteur de 50'000 fr. (ch. 5), a dit que l'ordonnance déploiera ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties (ch. 6), a mis les frais à la charge de A______ LTD (ch. 7), a arrêté les frais judicaires à 1'800 fr., qu'il a compensés avec l'avance fournie par A______ SARL et a condamné A______ LTD à verser à A______ SARL la somme de 1'800 fr. (ch. 8), a condamné A______ LTD à verser à A______ SARL la somme de 1'000 fr. à titre de dépens (ch. 9) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 10).

Le Tribunal a retenu que les pièces déposées par A______ SARL à l'audience du 30 janvier 2017 étaient recevables, qu'il ressortait de l'ordonnance rendue contradictoirement par le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg le 19 janvier 2017 que la révocation de D______ et, partant, la validité de la nomination de G______ en qualité d'administrateur provisoire de la requérante avait été confirmée après audition des parties, de sorte que la requête de mesures provisionnelles avait été valablement formée par A______ SARL.

En outre, compte tenu de l'importance du différend opposant E______ SA et D______ - le fond de ce litige étant actuellement pendant devant les juridictions luxembourgeoises -, le risque que ce dernier dispose de tout ou partie des avoirs en compte de A______ LTD avant de se voir démis de ses fonctions d'administrateur, apparaissait vraisemblable. L'urgence était réalisée, la tenue d'une assemblée générale de A______ LTD étant prévue à brève échéance, et le risque de préjudice irréparable était également vraisemblable, compte tenu du risque pour A______ SARL de perdre son unique source de revenus.

En revanche, la conclusion tendant à la communication par C______ SA et D______ de l'historique des opérations effectuées sur le compte de A______ LTD depuis son ouverture a été rejetée. Le Tribunal a considéré qu'il ne pouvait prononcer une injonction à l'encontre de D______ dès lors que ce dernier n'était pas partie à la procédure et que A______ SARL n'alléguait ni ne rendait vraisemblable les motifs qui justifieraient une quelconque urgence à se voir communiquer ces documents par C______ SA.

D. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 6 mars 2017, A______ LTD a appelé de cette ordonnance, reçue le 22 février 2017. Elle a conclu à son annulation, à ce que la requête de mesures provisionnelles formée par A______ SARL soit déclarée irrecevable et à ce que l'ordonnance sur mesures superprovisionnelles du 17 novembre 2016 soit révoquée, avec suite de frais et dépens.

b. A______ SARL a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais et dépens. Elle a en outre formé un appel joint, concluant, à ce qu'il soit ordonné à C______ SA et à D______, en tant qu'administrateur de A______ LTD, de lui communiquer l'historique des opérations qui ont été effectuées sur le compte de la société A______ LTD depuis son ouverture, ce sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, et donne un délai de 30 jours dès l'entrée en force de l'ordonnance à A______ LTD pour introduire une action en dommages-intérêts à défaut de quoi les sûretés de 50'000 fr. seront libérées conformément à l'art. 264 al. 3 CPC.

Elle a produit quatre pièces nouvelles, soit un extrait du Journal des Tribunaux du Luxembourg 2015, une ordonnance rendue par le juge des déférés luxembourgeois le 13 janvier 2017, un échange de courriels datés du 31 janvier 2017 et un courrier daté du 31 janvier 2017.

Elle a indiqué n'avoir reçu l'ordonnance du 13 janvier 2017 que le 30 janvier 2017 vers 17 heures de sorte qu'elle n'avait pu la produire devant le Tribunal, fournissant un échange de courrier du 31 janviers 2017 à l'appui de cette affirmation.

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions, A______ LTD concluant en outre à l'irrecevabilité de l'appel joint.

A______ LTD a produit une pièce nouvelle, soit un courrier du 16 janvier 2017 par lequel le conseil luxembourgeois de D______ a informé ce dernier du dispositif de l'ordonnance du 13 janvier 2017, tout en lui indiquant ignorer quels étaient les motifs ayant mené le juge à statuer ainsi, et qu'il lui ferait parvenir une copie de la décision dès qu'il serait en possession de la version écrite de cette ordonnance.

d. BANQUE B______ - qui a fusionné avec la C______ SA - a renoncé à s'exprimer dès lors que le litige entre les parties ne la concernait en aucune façon, si ce n'est que A______ LTD détenait un compte au sein de sa succursale.

e. Les parties ont été avisées par courrier du 2 mai 2017 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 10 jours (art. 142 al. 3, 248 let. d, 271 let. a, 276 al. 1 et 3 et 314 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) à l'encontre d'une décision sur mesures provisionnelles, qui statue sur des conclusions pécuniaires (art. 308 al. 1 let. b CPC) dont la valeur litigieuse - qui correspond aux avoirs déposés sur le compte bancaire dont le blocage est requis - est vraisemblablement supérieure à 10'000 fr. dès lors que l'intimée a accepté de verser des sûretés à hauteur de 50'000 fr.

L'appel joint est irrecevable en procédure sommaire (art. 314 al. 2 CPC) de sorte que les conclusions d'appel de l'intimée sont irrecevables.

1.2 En raison de sa fusion avec BANQUE B______, la raison sociale de C______ SA est devenue BANQUE B______ de sorte que la qualité des parties à la présente procédure sera rectifiée en ce sens.

2. 2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, in Code de procédure civile commenté, 2011, n. 6 ad art. 317).

Il appartient au plaideur qui entend se prévaloir en appel d'un fait ou d'un moyen de preuve qui existait déjà lors de la procédure en première instance, de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le fait ou le moyen de preuve n'a pas pu être invoqué devant l'autorité précédente (arrêts du Tribunal fédéral 5A_445/2014 du 28 août 2014 consid. 2.1, 5A_739/2012 du 17 mai 2013 consid. 9.2.2 et 4A_334/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, l'intimée a produit un échange de courrier daté du 31 janvier 2017 à teneur duquel elle n'a reçu l'ordonnance du 13 janvier 2017 dans sa version écrite que le 30 janvier 2017 dans l'après-midi; il n'existe aucun élément justifiant de mettre en doute cette affirmation. Dès lors, l'intimée n'était pas en mesure de produire cette ordonnance devant le Tribunal lors de l'audience du 30 janvier 2017. On ne saurait suivre l'appelante lorsqu'elle prétend que l'intimée n'a pas fait preuve de la diligence requise. Certes, l'intimée aurait pu, tout comme l'admet avoir fait l'appelante, téléphoner au greffe du Tribunal luxembourgeois afin de connaître le contenu du dispositif de la décision. Cela étant, une simple information orale n'aurait pas été probante. On ne saurait enfin reprocher au conseil de l'intimée de n'avoir relevé sa case - ou sont déposés les actes - qu'en fin d'après-midi au lieu du matin.

Les autres pièces produites sont postérieures à la décision querellée ou consistent dans de la jurisprudence notoire.

Au vu de ce qui précède, les pièces nouvelles produites par l'intimée en appel sont recevables.

Il en va de même de la pièce produite par l'appelante dès lors qu'elle a pour vocation à répondre à un nouvel argument de l'intimée en appel.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir tenu pour établi que G______ était légitimé à représenter l'intimée alors que seule une ordonnance rendue ex parte, qui ne pouvait être reconnue en Suisse, l'instituait en qualité d'administrateur provisoire.

3.1.1 Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

Selon les principes généraux de la procédure civile, les conditions de recevabilité du procès doivent être réunies au moment du jugement au fond. En d'autres termes, il suffit qu'elles se réalisent jusqu'à ce terme (ATF 133 III 539 consid. 4.3; 116 II 9 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_15/2009 du 2 juin 2009 consid. 4.1).

Par conséquent, s'il se révèle au moment du jugement que toutes les conditions de recevabilité n'étaient pas encore remplies au début de la litispendance, mais qu'elles se sont réalisées en cours d'instance, le juge doit entrer en matière sur l'action (ATF 133 III 539 consid. 4.3 citant Hohl, Procédure civile, t. I, n. 321; arrêt du Tribunal fédéral 5A_15/2009 du 2 juin 2009 consid. 4.1).

3.1.2 Selon l'art. 33 al. 1 CL, les décisions rendues dans un Etat lié par la Convention de Lugano sont reconnues dans les autres Etats liés par cette convention, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

Lorsque la reconnaissance d'une décision est invoquée à titre incident dans un procès dont l'objet au principal est différent, la juridiction saisie est également compétente pour en connaître (art. 33 al. 3 CL), même si l'action principale échappe au domaine d'application de la Convention. Il faut cependant que la décision étrangère soit susceptible d'influencer le sort de l'action principale. Lorsque la reconnaissance est admise, elle ne l'est qu'à titre incident, sans participer à l'autorité de chose jugée de la décision au principal (Bucher, in Commentaire romand, LDIP/CO, 2011, n. 5 ad art. 33 CL).

La CL entend par décision, toute décision rendue par une juridiction d'un Etat lié par la convention quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, telle qu'arrêt, jugement, ordonnance ou mandat d'exécution, ainsi que la fixation par le greffier du montant des frais du procès (art. 32 CL).

Les décisions judiciaires rendues sans que la partie contre laquelle elles sont dirigées ait été appelée à comparaître et destinées à être exécutées sans avoir été préalablement signifiées ne bénéficient pas du régime de reconnaissance et d'exécution prévu par la Convention de Lugano (cf. Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 juillet 1995 C-474/93 Hengst Import BV;
ATF 139 III 232 consid. 2).

Selon la Cour de justice des Communautés européennes, les décisions visées sont celles qui, avant le moment où leur reconnaissance et leur exécution sont demandées dans un Etat autre que l'Etat d'origine, ont fait, ou étaient susceptibles de faire, dans cet Etat d'origine, l'objet, sous des modalités diverses, d'une instruction contradictoire. Cela n'exclut pas, cependant, qu'une première phase de la procédure soit non contradictoire, mais il faut qu'un débat contradictoire ait pu avoir lieu avant que soit posée la question de la reconnaissance ou de l'exécution de la décision au titre de la Convention (Bucher, op. cit., n. 9 ad art. 32 CL).

3.2 En l'espèce, il est exact que lors du dépôt de la requête de mesures provisionnelles G______ avait été nommé administrateur provisoire de A______ SARL en vertu d'une ordonnance ex parte rendue sans que D______ n'ai pu s'exprimer à ce sujet.

Toutefois, cette décision a été confirmée à l'issue d'une procédure contradictoire par une ordonnance du 13 janvier 2017, soit avant que le Tribunal de première instance ne rende sa décision le 21 février 2017. Certes, le premier juge n'avait pas connaissance de cette décision, toutefois celle-ci a été valablement portée à la connaissance de la Cour dans le cadre du présent appel. En outre, cette ordonnance prévoyait que G______ resterait administrateur provisoire de A______ SARL tant qu'une décision au fond ayant acquis l'autorité de chose jugée n'interviendrait pas dans le cadre de l'instance introduite tendant à la révocation de D______ et à la nomination d'un nouveau gérant. Au jour du prononcé des mesures provisionnelles par le Tribunal de première instance, soit le 21 février 2017, la décision du 19 janvier 2017 prononçant la révocation de D______ n'était pas encore entrée en force puisque puisqu'elle n'a pas été prononcée exécutoire nonobstant appel. Elle ne l'a été qu'à l'épuisement du délai d'appel de quarante jours (art. 571 du Nouveau code de procédure civile luxembourgeois), soit au plus tôt le 28 février 2017. Par conséquent, l'ordonnance du 13 janvier 2017 nommant G______ administrateur provisoire déployait encore ses effets lorsque le Tribunal de première instance a rendu son jugement sur mesures provisionnelles.

Le jugement du 19 janvier 2017 n'a par ailleurs pas prononcé la levée de l'administration provisoire. Puisqu'une société ne peut fonctionner sans administrateur et que D______ a été révoqué de cette fonction, l'administration provisoire ne pouvait que se poursuivre jusqu'à la nomination d'un nouvel administrateur.

Par conséquent, les conditions de recevabilité de la requête de mesures provisionnelles étaient réalisées.

Sur ce point, on relèvera que l'appelante avait eu connaissance de la décision du 13 janvier 2017 lorsqu'elle s'est présentée à l'audience du 30 janvier 2017 - alors que l'intimée n'avait pas encore reçu cette décision - et qu'elle s'est gardée d'en faire état devant le premier juge, maintenant de manière contraire à la bonne foi que G______ n'était pas légitimé à représenter l'intimée.

Pour le surplus, l'appelante ne conteste pas que les conditions de fond de
l'art. 261 CPC sont remplies s'agissant de l'interdiction de disposer des comptes bancaires.

Au vu de ce qui précède, la décision querellée sera confirmée.

4. 4.1 Les frais judiciaires de l'appel principal seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 26
et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais fournie par celle-ci, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Dès lors que la valeur litigieuse n'a pas été indiquée par les parties mais qu'elle est à tout le moins égale à 50'000 fr. (cf. supra ch. 1.), l'appelante sera condamnée à verser à A______ SARL 1'500 fr. à titre de dépens d'appel, débours et TVA incluse (art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

4.2 Les frais judicaires de l'appel joint - irrecevable - seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 7 RTFMC) et mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Elle sera en conséquence condamnée à verser ce montant à l'Etat de Genève.

Dès lors que l'appelante s'est limitée à soulever l'irrecevabilité de l'appel joint, sans autre développement, il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

4.3 De même, il ne sera pas alloué de dépens à BANQUE B______ qui n'a pas conclu à leur allocation.

5. L'arrêt de la Cour, qui statue sur mesures provisionnelles, est susceptible d'un recours en matière civile, les moyens étant limités en application de l'art. 98 LTF (arrêt du Tribunal fédéral 5A_599/2015 du 6 octobre 2015 consid. 2).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 6 mars 2017 par A______ LTD contre l'ordonnance OTPI/79/2017 rendue le 21 février 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22451/2016-2 SP.

Déclare irrecevable l'appel interjeté le 30 mars 2017 par A______ SARL contre ladite l'ordonnance.

Préalablement :

Rectifie la qualité de C______ SA en BANQUE B______.

Au fond :

Confirme cette ordonnance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel principal à 2'000 fr., les met à la charge de A______ LTD et les compense avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ LTD à verser à A______ SARL la somme de 1'500 fr. à titre de dépens d'appel.

Arrête les frais judiciaires de l'appel joint à 1'000 fr. et les met à la charge de A______ SARL.

Condamne A______ SARL à verser 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens à BANQUE B______ et à A______ LTD.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Céline FERREIRA

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF : cf. considérant 4.1