C/22667/2015

ACJC/1318/2016 du 07.10.2016 sur JTPI/4049/2016 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : DIVORCE ; OBLIGATION D'ENTRETIEN ; CONDITION RÉSOLUTOIRE ; RETRAITE ANTICIPÉE ; ACTION EN CONSTATATION
Normes : LP.80; LP.81; CPC.65;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22667/2015 ACJC/1318/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 7 OCTOBRE 2016

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, ______ (GE), recourante contre un jugement rendu par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 avril 2016, comparant par Me Ninon Pulver, avocate, route de Florissant 64, 1206 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, ______ (GE), intimé, comparant par Me Jacques Roulet, avocat, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/650/2010 du 4 février 2010, le Tribunal de première instance, homologuant l'accord conclu par les époux A______ et B______, a prononcé leur divorce et donné acte à B______ de son engagement à verser jusqu'à la prise de sa retraite, en mains de A______, par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, la somme de 1'900 fr., l'y condamnant en tant que de besoin.

Ce jugement est définitif et exécutoire.

b. Par courrier du 25 septembre 2013, la caisse de pension de C______, ancien employeur de B______, a indiqué à celui-ci qu'à partir du 1er novembre 2013, date de sa retraite anticipée, il recevrait une rente de 1'047 fr. par mois ainsi qu'un complément temporaire de 1'805 fr., soit un montant total de 2'852 fr. par mois. Dès l'âge de 65 ans, à savoir dès le 1er juillet 2016, la rente versée par la caisse de pension serait réduite à 1'047 fr. par mois, montant auquel s'ajouterait une rente AVS dont le montant n'était pas encore connu. Selon la demande de B______, un paiement unique de son fonds capital de 215'967 fr. serait versé à la date de sa retraite. Il avait en outre droit à une indemnité de 5'621 fr., payable le 1er novembre 2013.

c. Le 7 mai 2014, B______ a introduit par-devant le Tribunal une "action en constatation de droit" à l'encontre de A______, enregistrée sous n° C/1______. Il a conclu, en dernier lieu, à ce que le Tribunal constate qu'aucune contribution d'entretien n'était due à A______ à compter de sa retraite anticipée le 1er novembre 2013, subsidiairement, à la modification du jugement de divorce en ce sens qu'aucune contribution d'entretien n'est due à A______ à partir de la retraite anticipée de B______.

A______, qui a conclu au déboutement de B______, a fait valoir que lors de la conclusion de la convention de divorce, les époux avaient visé l'âge de la retraite légale de l'intimé, soit 65 ans.

d. Le 12 juin 2014, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 2______, pour le paiement de 13'300 fr. (7 x 1'900 fr.) - correspondant aux contributions d'entretien de novembre 2013 à avril 2014 -, auquel B______ a fait opposition.

e. Par acte du 4 août 2014, A______ a requis la mainlevée définitive de cette opposition, se prévalant du jugement du 4 février 2010.

f. Par jugement JTPI/15471/2014 du 2 décembre 2014, le Tribunal a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer susmentionné.

g. Par arrêt ACJC/349/2015 du 27 mars 2015, la Cour de justice a annulé ledit jugement et a débouté A______ de sa requête en mainlevée définitive. Elle a considéré que la prise de retraite de B______ le 1er novembre 2013 réalisait la condition résolutoire prévue par le jugement du 4 février 2010 et que retenir que la contribution ne devait être supprimée qu'à la condition que la retraite intervienne au moment de l'âge légal de celle-ci, reviendrait à introduire une condition supplémentaire non prévue par le dispositif du jugement, lequel ne prévoyait aucune restriction sur ce point. La lettre du dispositif du jugement de divorce était claire et, à tout le moins, compte tenu du pouvoir d'examen restreint du juge de mainlevée, la signification de ce dispositif n'était pas douteuse.

h. Le 27 mai 2015, B______ a retiré son action en constatation enregistrée sous n° C/1______. A______ s'y est opposée.

i. Le 28 août 2015, A______ a fait notifier à B______ un nouveau commandement de payer, poursuite n° 3______, pour le paiement de 39'900 fr. (21 x 1'900 fr.) - correspondant aux contributions d'entretien de novembre 2013 à juillet 2015 - plus intérêts à 5% dès le 1er de chaque mois pour lequel les contributions d'entretien en souffrance étaient dues.

B______ a fait opposition au commandement de payer précité.

j. Par acte du 28 octobre 2015, A______ a requis la mainlevée définitive de l'opposition, faisant valoir que B______ avait retiré l'action enregistrée sous n° C/1______, de sorte que les conclusions qu'il avait prises dans le cadre de cette action devaient être considérées comme rejetées sur le fond. Le jugement du 4 février 2010 était exécutoire et constituait un titre de mainlevée.

k. Lors de l'audience du Tribunal du 7 mars 2016, B______ s'est opposé à la requête, arguant qu'il se trouvait à la retraite depuis le 1er novembre 2013, de sorte que la contribution d'entretien n'était plus due depuis cette date, ce que la Cour avait d'ailleurs déjà constaté dans l'arrêt ACJC/349/2015 du 27 mars 2015. Il avait retiré son action constatatoire pour éviter des frais vu que la Cour avait déjà tranché la question dans l'arrêt précité.

A______ a indiqué que, même si B______, dont la retraite légale interviendrait en juin 2016, avait pris une pré-retraite, il exerçait toujours une activité accessoire rémunérée.

l. Par jugement JTPI/4049/2016 du 4 avril 2016, le Tribunal a débouté A______ des fins de sa requête (chiffre 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judiciaires, arrêtés à 400 fr. et compensés avec l'avance de frais de même montant qu'elle avait fournie (ch. 2), condamné A______ à payer à B______ le montant de 800 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a retenu que B______ avait pris sa retraite anticipée le 1er novembre 2013 et que cet événement réalisait la condition résolutoire prévue par le jugement du 4 février 2010, ce que la Cour avait d'ores et déjà retenu dans l'arrêt ACJC/349/2015 du 27 mars 2015. Le retrait par l'intimé de son action en constatation n'avait aucune incidence sur le raisonnement qui précède.

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour le 18 avril 2016, A______ a recouru contre ce jugement, qu'elle a reçu le 6 avril 2016. Elle conclut à l'annulation des chiffres 1 à 4 du jugement, cela fait, à la mainlevée définitive de l'opposition formée le 28 août 2015 par B______ au commandement de payer, poursuite n° 3______, à ce qu'il soit dit que la poursuite précitée ira sa voie à concurrence de 39'000 fr. et au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

b. B______ n'a pas produit de réponse.

c. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par courrier du 23 mai 2016.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

Le recours ayant été interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi
(art. 31 LP; art. 130, 131 et 142 al. 1 et 3 CPC), il est par conséquent recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

1.3 La procédure de mainlevée est régie par la maxime des débats (art. 55
al. 1 CPC). La preuve est apportée par titre (art. 254 al. 1 CPC). En outre, la maxime de disposition s'applique (art. 58 al. 1 CPC).

2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir retenu que la condition résolutoire du jugement de divorce était réalisée du fait que l'intimé avait pris sa retraite le 1er novembre 2013 et, de ce fait, de ne pas avoir ordonné la mainlevée définitive de l'opposition. Elle soutient qu'en retirant son action "en modification du jugement de divorce", l'intimé a succombé, de sorte qu'il doit être admis que la pension est due jusqu'à l'âge légal de la retraite.

2.1 Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP).

Est exécutoire la décision qui a non seulement force exécutoire, mais également force de chose jugée, c'est-à-dire qui est devenue définitive parce qu'elle ne peut plus être attaquée par une voie de recours ordinaire qui, de par loi, à un effet suspensif (gillieron, Poursuites pour dettes, faillite et concordat, 4ème éd., 2012, n. 750).

2.2 Le juge doit ordonner la mainlevée définitive de l'opposition, à moins, notamment, que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte (art. 81
al. 1 LP).

Par "extinction de la dette", l'art. 81 al. 1 LP ne vise pas seulement le paiement, mais aussi toute autre cause de droit civil, comme, par exemple, l'accomplissement d'une condition résolutoire (ATF 124 III 501 consid. 3b et les réf. citées; ACJC/1429/2015 du 20 novembre 2015 consid. 2.3).

Dans la procédure de mainlevée définitive, le juge n'a ni à revoir ni à interpréter le titre de mainlevée qui lui est produit. La loi elle-même (art. 81 al. 1 LP) imposant au débiteur le fardeau de la preuve et fixant le mode de preuve, le juge ne peut admettre que les moyens de défense du débiteur - étroitement limités - que celui-ci prouve par titre. Il n'incombe pas au juge de la mainlevée de trancher des questions de droit matériel délicat ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation du juge joue un rôle important; ces questions relèvent exclusivement de la compétence du juge du fond (ATF 124 III 501 consid. 3a; 115 III 97 consid. 4b, JdT 1991 II 47).

2.3 La décision de mainlevée ne produit des effets que sur le plan du droit des poursuites et non sur le plan du droit matériel. Le prononcé qui rejette une demande de mainlevée n'acquiert pas force de chose jugée quant à l'existence ou l'exigibilité de la créance litigieuse; il n'empêche pas le requérant d'introduire une nouvelle poursuite et, en cas d'opposition, de former une nouvelle requête de mainlevée; le poursuivi ne peut alors opposer l'exception de chose jugée (Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 2012, n. 742 et les réf. citées).

2.4 Le demandeur qui retire son action devant le tribunal compétent ne peut la réintroduire contre la même partie et sur le même objet que si le tribunal n'a pas notifié sa demande au défendeur ou si celui-ci en a accepté le retrait (art. 65 CPC).

Le retrait d'une demande de modification du jugement de divorce, effectué sans réserve et sans l'accord de la partie adverse, constitue une renonciation irrévocable à l'examen des circonstances qui ont changé et doit être assimilé à un rejet (ATF 141 III 376 consid. 3.4 concernant le retrait d'une requête de modification de mesures provisionnelles de divorce).

Le désistement d'action revêt les mêmes effets qu'une décision entrée en force (Tappy, in Bohnet et al. [éd.], CPC commenté, 2011, n. 28 ad art. 241 CPC). L'autorité de chose jugée porte sur les conclusions prises (Bohnet, in Bohnet et al. [éd.], CPC commenté, 2011, n. 3 ad art. 65 CPC).

2.5 Le dispositif qui rejette une action constatatoire négative de droit ne contient aucune condamnation du demandeur. Ainsi, lorsqu'une action en constatation négatoire de droit, qui ne s'inscrit pas dans le cadre d'une procédure de poursuite, est rejetée, le jugement ne peut valoir titre de mainlevée définitive dans une poursuite ultérieure (sous réserve de l'action en libération de dette qui constitue une exception à ce principe : ATF 134 III 656, JdT 2008 II 94; göksu, Negative Festellungsklage: auswewählte Aspekte und neuere Entwicklung, in ZZZ 2009 175, 191).

2.6 En l'espèce, le jugement de divorce du 4 février 2010, qui est exécutoire et constitue un titre de mainlevée définitive, condamne le recourant à verser mensuellement une contribution d'entretien à son ex-épouse "jusqu'à la prise de sa retraite".

La Cour a déjà jugé que la lettre du dispositif de ce jugement était claire: la prise de retraite de B______ le 1er novembre 2013 réalisait la condition résolutoire prévue par le jugement, de sorte qu'aucune contribution d'entretien n'était due au-delà de cette date.

L'action intentée le 7 mai 2014 par l'intimé, puis retirée sans l'accord de la recourante le 27 mai 2015, ne permet pas de revenir sur ce qui précède.

En effet, contrairement à ce que soutient la recourante, il ne s'agit pas d'une action en modification du jugement de divorce, mais d'une action constatatoire négative de droit. Son retrait, sans l'accord de la recourante, n'emporte dès lors pas condamnation de l'intimé à payer un montant quelconque, en particulier une contribution d'entretien au-delà de la prise de retraite anticipée jusqu'à l'âge légal de la retraite.

Le grief est infondé et le jugement querellé sera confirmé.

3. Les frais de recours, arrêtés à 600 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP), seront mis à charge de la recourante, qui succombe entièrement (art. 106 al. 1 CPC).

Ils seront compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat.

La recourante sera en outre condamnée à verser au recourant un montant de 500 fr. au titre de dépens de recours, eu égard à la valeur litigieuse de 39'900 fr. et au travail d'avocat modique que le mémoire de recours de sept pages a nécessité (art. 85, 89 et 90 RTFMC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/4049/2016 rendu le 4 avril 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22667/2015-2 SML.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête à 600 fr. les frais judiciaires de recours.

Dit que ces frais sont compensés avec l'avance fournie, laquelle reste acquise à l'Etat.

Met les frais judiciaires de recours à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à B______ 500 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.