C/2304/2018

ACJC/232/2018 du 27.02.2018 ( SP ) , CONFIRME

Normes : CPC.265; CC.839
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2304/2018 ACJC/232/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 27 fevrier 2018

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante de deux ordonnances de mesures superprovisionnelles rendues par le Tribunal de première instance de ce canton les
2 et 5 février 2018, comparant par Me Pierre Gabus, avocat, boulevard des
Tranchées 46, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Mark Saporta, avocat,
chemin des Gandoles 2, 1222 La Capite, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Le 2 février 2018, A______ a requis du Tribunal de première instance, par voie de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, l'inscription provisoire à son profit d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence de 424'627 fr. 21 avec intérêts à 5% l'an dès le 19 décembre 2017 sur la parcelle
n° 1______ plan 2______ de la commune de ______ [GE], dont B______ est propriétaire.

Elle a notamment allégué avoir effectué des travaux sur cette parcelle en tant que sous-traitante de la société C______ SA, entrepreneur général, pour un montant total de 424'627 fr. 21. C______ s'était acquittée de 269'675 fr. 95 à titre de paiement des travaux concernés. Ce montant avait cependant été versé au moyen d'un crédit de construction afférent à un autre chantier et sur la base de fausses factures émises par C______ sur papier à en-tête de A______.

A______ a produit a l'appui de sa requête une lettre qu'elle a adressée à B______, dans laquelle elle explique que le montant de 269'675 fr. 95 versé par C______ au titre de paiement des factures de travaux effectués sur la parcelle de B______ avait été imputé sur des dettes plus anciennes détenues par A______ envers C______.

b. Par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 2 février 2018, le Tribunal a ordonné l'inscription provisoire requise à concurrence de 154'951 fr. 26. Le Tribunal a considéré que A______ admettait avoir reçu 269'675 fr. 95 en paiement des factures concernées et que le fondement des paiements reçus, selon la requérante, sur la base de fausses factures émises par C______, n'apparaissait pas pertinent à ce stade.

c. Par ordonnance du 5 février 2018, rendue suite à une requête de reconsidération déposée par A______, le Tribunal a confirmé les termes de son ordonnance précédente.

Il a en outre notifié une seconde fois l'ordonnance du 2 février 2018, en y indiquant la voie de recours, ce qu'il n'avait pas fait dans sa décision du 2 février 2018. Les deux ordonnances ont été reçues par A______ le 7 février 2018.

B. a. Le 8 février 2018, A______ a formé appel contre ces deux ordonnances, concluant à ce que la Cour les modifie et ordonne l'inscription provisoire de l'hypothèque légale à concurrence de 424'627 fr. 21 avec intérêts à 5% l'an dès le 19 décembre 2017.

b. Le 26 février 2018, B______ a déposé des observations spontanées.

EN DROIT

1. La voie de l'appel est ouverte contre une ordonnance de refus d'inscription d'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs prononcée sur mesures superprovisionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2012 du 28 août 2012, consid. 3.1; ATF 140 III 289, consid. 1.1).

L'appel a en outre été déposé dans le délai et selon la forme prévue par la loi de sorte qu'il est recevable (art. 314 al. 1 CPC).

2. La procédure de mesures superprovisionnelles se déroule de manière unilatérale, de sorte que les observations spontanées déposées par l'intimée sont irrecevables.

3. L'appelante fait valoir que la situation de fait et de droit est complexe puisque le montant de 294'564 fr. 50 imputé sur les factures litigieuses "a été acquitté au moyen de fausses factures émises par C______, dans le seul but d'utiliser un crédit de construction afférant à un autre chantier sis à ______, dans le canton de Vaud". Ces actes relevaient de la justice pénale et "cette question ne" pourrait "être tranchée que dans le cadre d'une procédure au fond".

3.1 Aux termes de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, les artisans et entrepreneurs employés à la construction ou à la destruction de bâtiments ou d'autres ouvrages, au montage d'échafaudages, à la sécurisation d'une excavation ou à d'autres travaux semblables, peuvent requérir l'inscription d'une hypothèque légale sur l'immeuble pour lequel ils ont fourni des matériaux et du travail ou du travail seulement, que leur débiteur soit le propriétaire foncier, un artisan ou un entrepreneur, un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l'immeuble. L'inscription peut être requise dès le moment de la conclusion du contrat (art. 839 al. 1 CC) et doit être obtenue, à savoir opérée au Registre foncier, au plus tard dans les quatre mois qui suivent l'achèvement des travaux (art. 839 al. 2 CC); il s'agit d'un délai de péremption, qui peut être sauvegardé par l'annotation d'une inscription provisoire (art. 48 al. 2 let. b et 76 al. 3 ORF; arrêt du Tribunal fédéral 5A_420/2014 du 27 novembre 2014, consid. 3.1).

L'inscription provisoire de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs est soumise à la procédure sommaire (art. 249 let. c. ch. 5 CPC). L'autorité peut s'en tenir à la vraisemblance des faits allégués et à un examen sommaire du droit
(ATF 127 III 474 consid. 2b/bb = JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 2.2).

Selon l'art. 961 al. 3 CC, le juge statue sur la requête et autorise l'inscription provisoire si le droit allégué lui paraît exister. Vu la brièveté et la nature péremptoire du délai de l'art. 839 al. 2 CC, l'inscription provisoire de l'hypothèque légale ne peut être refusée que si l'existence du droit à l'inscription définitive du droit de gage paraît exclue ou hautement invraisemblable Le juge tombe dans l'arbitraire lorsqu'il rejette la requête en présence d'une situation de fait ou de droit mal élucidée, qui mérite un examen plus ample que celui auquel il peut procéder dans le cadre d'une instruction sommaire; en cas de doute, lorsque les conditions de l'inscription sont incertaines, il doit ordonner l'inscription provisoire (ATF 102 Ia 81 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5D_116/2014 du 13 octobre 2014 consid. 5.3 et la jurisprudence citée).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a considéré à juste titre que l'appelante n'avait pas rendu vraisemblable que sa créance était de 424'627 fr. 21.

En effet, elle ne conteste pas avoir reçu 269'675 fr. 95 à titre de paiement des factures qu'elle a émises relativement aux travaux litigieux.

Son argumentation selon laquelle ce montant aurait été "acquitté au moyen de fausses factures" est difficilement compréhensible, dans la mesure où elle admet avoir elle-même émis 24 factures pour un montant total de 424'627 fr. 21 concernant les travaux effectués sur la parcelle appartenant à l'intimée.

Ses allégations concernant de prétendue fausses factures établies par C______ ne sont en outre rendues vraisemblables par aucun élément du dossier.

Il en va de même de celles relatives au fait que les fonds utilisés par C______ pour s'acquitter de ces factures proviendraient d'un crédit de construction afférent à un autre chantier. Comme l'a relevé à juste titre le Tribunal, cet élément est au demeurant dénué de pertinence à ce stade du litige.

Le fait que l'appelante ait unilatéralement décidé d'imputer les paiements faits par C______ sur d'autres créances, n'est pas non plus pertinent et ne saurait être invoqué au détriment de l'intimée dans le cadre de la présente procédure.

Les ordonnances du Tribunal des 2 et 5 février 2018 doivent par conséquent être confirmées.

4. L'appelante, qui succombe, sera condamnée aux frais de la procédure d'appel (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'200 fr. et compensés avec l'avance versée, laquelle restera acquise à l'Etat de Genève (art. 26 et 37 RTFMC et 111
al. 1 CPC).

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée qui n'a pas été invitée à répondre à l'appel.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre les ordonnances sur mesures superprovisionnelles rendues les 2 et 5 février 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2304/2018.

Au fond :

Confirme les ordonnances précitées.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête à 1'200 fr. les frais judiciaires d'appel, les compense avec l'avance effectuée, acquise à l'Etat de Genève, et les met à charge de A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.