C/23103/2013

ACJC/1335/2014 du 07.11.2014 sur JTPI/7759/2014 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : MAINLEVÉE PROVISOIRE; RECONNAISSANCE DE DETTE
Normes : CPC.319; LP.82
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23103/2013 ACJC/1335/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 7 NOVEMBRE 2014

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (VD), recourant contre un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 juin 2014, comparant par Me Caroline Ferrero Menut, avocate, rue François-Bellot 2, 1206 Genève, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ Genève, intimée, comparant par Me Efstratios Sideris, avocat, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement du 17 juin 2014, reçu par A______ le 23 du même mois, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté A______ de ses conclusions en mainlevée provisoire, a arrêté les frais judiciaires à 750 fr., compensés avec l'avance de frais déjà effectuée et laissés à la charge du précité et a condamné ce dernier à verser 2'178 fr. à titre de dépens à B______ SA.

Le Tribunal a retenu que, par courrier du 3 avril 2008, B______ SA avait garanti à A______ un avoir minimum de 286'600 fr. à une date déterminée, soit le 30 janvier 2009, sur le compte C______ dont A______ est le titulaire et l'ayant droit économique, mais qu'il ne ressortait pas de ce courrier une volonté d'B______ SA de lui payer ce montant, de sorte qu'il ne constituait pas une reconnaissance de dette. Il apparaissait plutôt que B______ SA, gérante de fortune, avait garanti, en exécution du mandat confié, un rendement permettant à son mandant d'obtenir un avoir minimum de 286'600 fr. sur le compte. Par ailleurs, le retrait de 123'000 fr. du compte C______ et le versement de 50'000 fr. par D______ sur le compte de A______ ne permettaient pas de retenir qu'il s'agissait d'un règlement par acomptes d'une dette convenue.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 3 juillet 2014, A______ recourt contre la décision précitée. Il conclut à son annulation et cela fait, au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée par B______ SA au commandement de payer notifié le 22 août 2013, poursuite n° 1______, à concurrence de 136'572 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2011, avec suite de frais et dépens.

Il a produit une pièce nouvelle (extrait du dictionnaire des synonymes relatifs au mot "garantir").

b. Dans son mémoire de réponse du 31 juillet 2014, B______ SA conclut à l'irrecevabilité de la pièce et des allégations nouvelles de A______ et au déboutement de ce dernier de toutes ses conclusions, le jugement devant être confirmé, avec suite de frais et dépens.

c. Dans leurs réplique et duplique des 18 août et 1er septembre 2014, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du 4 septembre 2014, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants :

a. Le 11 juin 1990, A______ a ouvert auprès la banque E______ à Genève, devenue F______ SA, un compte courant numérique 2______, intitulé "C______", dont il a reconnu être l'ayant droit économique.

b. A______ a conféré à D______, puis à la société créée par ce dernier en 1991, B______ SA, le mandat de le représenter dans ses relations avec la banque.

c. Par pli recommandé du 7 mars 2005, le conseil de A______ a reproché à B______ SA de ne pas avoir respecté les obligations incombant aux gérants de fortune, soit notamment l'obligation de fidélité, d'information et de présenter des comptes, l'a invitée à lui remettre un extrait de son compte faisant apparaître le type d'investissements réalisés ainsi que le solde dudit compte et a sollicité un entretien afin de trouver une solution amiable visant à le dédommager des pertes subies.

d. Le 3 avril 2008, B______ SA a établi et signé un document intitulé "C______" dont le contenu est le suivant :

"Monsieur,

Par la présente, B______ SA, confirme qu'elle garantit un avoir minimum (titres et comptant) de :

CHF 286'600.- au 31 janvier 2009 dans le compte C______ auprès de la Banque F______, Genève.

Toute performance dépassant au 31/01/2009 ce montant, va être distribuée de la façon suivante : 60 % - 40 % B______ Genève.

Ceci toutefois à condition qu'il n'y ait pas de retraits en titres ou en liquide."

Une mention manuscrite sur ce document précise, à côté du montant de
286'600 fr. au 31 janvier 2009, "soit un rendement de 5 % min".

e. Le 19 février 2010, un montant de 123'000 fr. a été débité du compte C______ et crédité sur le compte de A______ auprès de la Banque cantonale vaudoise, valeur 22 février 2010.

Un second montant de 50'000 fr. a été crédité sur le même compte de A______ auprès de la Banque cantonale vaudoise par D______ et/ou G______, valeur 22 juillet 2010.

f. Par pli recommandé du 12 avril 2011, A______ a mis B______ SA en demeure de lui verser 136'570 fr. au 30 avril 2011, correspondant au montant de 286'600 fr. garanti sur le compte C______ par courrier du 3 avril 2008, plus intérêts à 5% du 31 janvier 2010 au 30 avril 2011, soit 22'972 fr., sous déduction de 123'000 fr. versés le 22 février 2010 et 50'000 fr. versés le 22 juillet 2010.

g. Le 7 septembre 2011, A______ a fait notifier à B______ SA un commandement de payer, poursuite n° 3______, portant sur la somme de 136'572 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mai 2011, indiquant comme titre de la créance la reconnaissance de dette du 3 avril 2008.

Cette poursuite a été frappée d'opposition.

h. Le 31 août 2012 puis le 22 août 2013, A______ a fait notifier à B______ SA deux nouveaux commandements de payer, poursuites nos 4______ et 1______, identiques au premier, qui ont tous deux été frappés d'opposition.

i. Par acte adressé au Tribunal le 5 novembre 2013, A______ a requis, avec suite de frais et dépens, le prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______, à concurrence de 136'572 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mai 2011.

Selon A______, le courrier d'B______ SA du 3 avril 2008 constitue une reconnaissance de dette dès lors que celle-ci s'est engagée à garantir un avoir minimum de 286'600 fr. à une date donnée, soit le 31 janvier 2009, en faveur d'une personne déterminée. Deux acomptes ayant été réglés par B______ SA, le solde dû était de 136'572 fr. au 30 avril 2011.

j. Lors de l'audience du 14 février 2013 devant le Tribunal, B______ SA a fait valoir que le courrier du 3 avril 2008 ne constituait pas une reconnaissance de dettes, dès lors qu'il garantissait uniquement un avoir sur un compte à un moment donné et non la volonté de payer le montant indiqué.

A______ a soutenu qu'il s'agissait d'une reconnaissance de dettes dans la mesure où l'auteur était identifiable, que le terme "garantir" signifiait bien reconnaître et que deux versements avaient d'ores et déjà été effectués sans contestation.

EN DROIT

1. En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 lit. b ch. 3 et 319 lit. a CPC).

En l'espèce, le recours, écrit et motivé (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC), adressé à la Cour de justice dans un délai de dix jours dès la notification de la décision entreprise (art. 142 al. 1 et 3, 251 let. a, 321 al. 2 CPC), est recevable.

2. 2.1 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n° 2307).

Le recours est instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués devant être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2.2 Les allégations de faits et la pièce nouvelles du recourant ne sont pas recevables (art. 326 al. 1 CPC), étant relevé qu'elles ne seraient, en tout état, pas déterminantes pour l'issue du litige.

3. Le recourant reproche au Tribunal de ne pas avoir admis qu'au vu du complexe de faits entourant le courrier du 3 avril 2008 celui-ci constitue une reconnaissance de dette.

3.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP). Le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

La procédure de mainlevée provisoire, comme la procédure de mainlevée définitive, est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire : le créancier ne peut motiver sa requête qu'en produisant le titre et la production de cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de son origine et des caractéristiques extérieures comme un tel titre, suffit pour que la mainlevée soit prononcée si le débiteur n'oppose pas et ne rend pas immédiatement vraisemblables des exceptions. Le juge de la mainlevée provisoire examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la validité de la créance déduite en poursuite - et lui attribue force exécutoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1). Il doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette, l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_40/2013 du 29 octobre 2013 consid. 2.2).

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité verse dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsqu'elle tire des conclusions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 et 136 III 552 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_71/2014 du 30 avril 2014 consid. 2).

3.2 Par reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 136 III 624 consid. 4.2.2 et 627 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_741/2013 du 3 avril 2014 consid. 3.1.1).

La reconnaissance de dette peut découler du rapprochement de plusieurs pièces, pour autant que les éléments nécessaires en résultent (ATF 122 II 126 = JdT 1998 II 82 consid. 2; SJ 2004 I 209 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5P.290/2006 du 12 octobre 2006 consid. 3.1.2 et 5A_652/2011 du 28 février 2012 consid. 3.21) et que celle qui est signée se réfère directement à celle qui comporte un montant déterminé (ATF 132 III 480 consid. 4.1).

Si le sens ou l'interprétation du titre de mainlevée invoqué est source de doutes ou si la reconnaissance de dette ne ressort que d'actes concluants, la mainlevée provisoire doit être refusée. La volonté du poursuivi doit ressortir clairement des pièces produites, à défaut de quoi elle ne peut être déterminée que par un jugement au fond (arrêt du Tribunal fédéral 5P.449/2002 du 20 février 2003 consid. 3; Staehlin, in Basler Kommentar, SchKG I, 2010, n° 21 ad art. 82 LP).

Un contrat écrit stipulant une peine conventionnelle (art. 160 CO) peut constituer, si la preuve de l'inexécution de la prestation promise est rapportée par titre, une reconnaissance de dette (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 56 ad art. 82 LP).

3.3 En l'espèce, l'intimée a contractuellement garanti au recourant un rendement de ses avoirs lui procurant un avoir minimum de 286'000 fr. en "titres et comptant" au 31 janvier 2009. En revanche, elle ne s'est pas engagée à verser un tel montant au recourant, par exemple à titre de peine conventionnelle, pour le cas où elle ne réaliserait pas le rendement promis. Par ailleurs, des avoirs en titres ne peuvent donner lieu à un paiement en tant que tel. Dès lors, le courrier du 3 avril 2008 ne comporte pas de reconnaissance de dette.

Le recourant fait valoir que, compte tenu de l'historique entre les parties, "il est évident" que l'accord conclu avec l'intimée visait à ce qu'il reçoive la somme de 286'000 fr. au 31 janvier 2009 au plus tard pour solde de tout compte et de toute prétention. Or, l'interprétation de la volonté des parties ne peut être menée dans la cadre de la procédure de mainlevée provisoire.

Enfin, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que les motifs des versements de 136'572 fr. et 50'000 fr. au recourant ne sont pas établis et que ces versements ne peuvent, dès lors, être considérés comme des acomptes sur une dette reconnue. L'historique des relations des parties et son interprétation ne trouvant pas leur place dans le cadre de la présente procédure, qui est limitée à l'examen des pièces.

Partant, c'est à juste titre que le premier juge a refusé de prononcer la mainlevée provisoire de l'opposition formée par l'intimée au commandement de payer litigieux. Le recourant pourra faire valoir ses droits dans le cadre d'une procédure au fond, s'il s'y estime fondé.

Le recours sera dès lors être rejeté.

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais du recours (art. 106
al. 1 CPC), qui seront arrêtés à 800 fr. (art. 48, 61 OELP), couverts par l'avance de frais fournie par le recourant, acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC). Le solde de l'avance de frais, soit 325 fr., sera remboursé au recourant.

Il sera également condamné aux dépens de l'intimée assistée d'un conseil devant la Cour, arrêtés à 2'000 fr., débours et TVA compris (art. 96 et 105 al. 2 CPC;
art. 20 LaCC, art. 85, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC; art. 25 LTVA).

5. La valeur litigieuse au sens de l'art. 51 LTF est supérieure à 30'000 fr.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 3 juillet 2014 par A______ contre le jugement JTPI/7759/2014 rendu le 17 juin 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23103/2013-3 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 800 fr., les met à charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais opérée par ce dernier, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de l'avance de frais de 325 fr.

Condamne A______ à verser à B______ SA 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 30'000 fr.