C/23180/2014

ACJC/949/2015 du 28.08.2015 sur JTPI/4365/2015 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : MAINLEVÉE PROVISOIRE; PRÊT À USAGE; SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF; SOLIDARITÉ
Normes : LP.82; CO.143
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23180/2014 ACJC/949/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 28 aoÛT 2015

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ Genève, recourant contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 14 avril 2015, comparant par
Me François Membrez, avocat, rue Verdaine 12, case postale 3647, 1211 Genève 3, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ (GE), intimée, comparant par Me Nicolas Wyss, avocat, place Edouard-Claparède 5, case postale 292, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A. a. En date du 1er avril 2008, B______, ex-épouse C______, d'une part et C______ et A______, d'autre part, ont signé un document intitulé "contrat de prêt", prévoyant que les seconds avaient souscrit auprès de la première un prêt de 200'000 fr. à titre de financement du fonds de commerce de la maison de vente D______, active dans la vente aux enchères de biens mobiliers.

Le contrat prévoit que C______ et A______ sont solidairement responsables du prêt envers B______.

Le prêt était remboursable sur cinq ans, suivant la marche des affaires de la société, selon les modalités suivantes : 20% du bénéfice net lié aux ventes aux enchères de la société D______ devait être alloué au remboursement du prêt, mais au minimum 10'000 fr. par an.

Le fonds de commerce de la société D______ constituait la garantie du prêt.

b. Les 22 janvier et 29 avril 2008, B______ a fait verser les sommes de 80'000 fr. et 140'000 fr. sur le compte bancaire de C______.

c. Le ______ 2011, la Société en nom collectif " C______ & A______" a été inscrite au Registre du commerce.

C______ et A______ sont tous deux associés de cette société.

Le Registre du commerce indique qu'il s'agit d'une inscription d'office, faite en application de l'art. 152 ORC.

d. Par courrier du 25 février 2013, B______ a fait savoir à A______ que seule la somme de 33'734 fr. avait été remboursée, de sorte qu'un montant de 166'266 fr. lui restait dû au titre du prêt du 1er avril 2008. A______ était invité à s'acquitter de cette somme au plus tard le 2 avril 2013, date d'exigibilité du prêt.

e. Le 21 novembre 2013, B______ a fait notifier à A______ un commandement de payer poursuite n° 1______ portant sur la somme de 166'266 fr. avec intérêts à 5% dès le 2 avril 2013 au titre du contrat de prêt du 1er avril 2008. Opposition a été formée à ce commandement de payer.

f. Par acte déposé au Tribunal de première instance le 13 novembre 2014, B______ a requis la mainlevée provisoire de cette opposition.

g. Lors de l'audience du Tribunal du 27 février 2015, A______ a conclu au rejet de la requête, relevant qu'il n'avait pas reçu la somme réclamée, laquelle avait été versée à l'ex-époux de B______. Celle-ci devait poursuivre en priorité la société avant de s'en prendre à lui.

B______ a pour sa part persisté dans ses conclusions.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

B. a. Par jugement du 14 avril 2015, communiqué pour notification aux parties le
24 avril 2015, le Tribunal a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ (chiffre 1 du dispositif), mis à la charge de A______ les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr. et compensés avec l'avance versée par B______ (ch. 2 et 3) et condamné A______ à verser à cette dernière 6'000 fr. à titre de dépens (ch. 4).

Le Tribunal a retenu que, en tant que débiteurs solidaires, A______ et C______ étaient chacun responsable de la dette pour le tout. Il ne ressortait pas des pièces produites que le prêt avait été consenti à une société en nom collectif formée de A______ et C______ de sorte que le contrat de prêt du 1er avril 2008 valait reconnaissance de dette.

b. Par acte déposé à la Cour de justice le 6 mai 2015, A______ a formé recours contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation. Il a conclu à ce que la Cour rejette la requête de mainlevée provisoire de l'opposition, avec suite de frais et dépens.

c. Par arrêt du 15 mai 2015, la Cour a rejeté la requête de suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement querellé formée par A______.

d. Par écriture en réponse du 21 mai 2015, B______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement du 14 avril 2015, avec suite de frais et dépens.

e. Le 5 juin 2015, A______ a déposé une réplique et des pièces nouvelles, persistant dans ses précédentes conclusions.

f. Dans sa duplique du 19 juin 2015, B______ a également persisté dans ses conclusions.

g. Les parties ont été informées le 19 juin 2015 de ce que la cause était gardée à juger.

h. Les arguments des parties devant la Cour seront examinés ci-après en tant que de besoin.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique
(art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

1.2 En l'espèce le recours a été interjeté dans le délai et selon les formes prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n° 2307).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 lit. a a contrario et 58 al. 1 CPC).

1.4 Les conclusions, allégations de faits et preuves nouvelles sont irrecevables, sauf exception prévue par la loi (art. 326 CPC).

Aucune exception légale n'étant réalisée en l'espèce, les pièces nouvelles produites par l'appelant sont dès lors irrecevables, de même que les allégations de fait y relatives.

2. Le recourant fait valoir que le prêt a été consenti à la société en nom collectif qu'il formait avec C______ de sorte qu'il ne peut être recherché personnellement en remboursement de celui-ci. Il ajoute qu'en tout état de cause la somme prêtée a été versée à C______ et qu'il n'a pas reçu celle-ci.

2.1

2.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer (art. 82 al. 1 LP). Le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP, l'acte signé par le poursuivi - ou son représentant - duquel il ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée ou aisément déterminable et exigible au moment de la réquisition de poursuite (ATF 130 III 87 consid. 3.1 et les références citées; Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 4ème édition, 1997, n. 10 ad art. 82 LP).

La reconnaissance de dette peut découler du rapprochement de plusieurs pièces, pour autant que les éléments nécessaires en résultent (ATF 122 II 126 consid. 2; SJ 2004 I 209 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5P.290/2006 du 12 octobre 2006 consid. 3.1.2).

La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire : le créancier ne peut motiver sa requête qu'en produisant le titre et la production de cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de son origine et des caractéristiques extérieures comme un tel titre, suffit pour que la mainlevée soit prononcée si le débiteur n'oppose pas et ne rend pas immédiatement vraisemblable des exceptions. Le juge de la mainlevée provisoire examine donc seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la validité de la créance - et lui attribue force exécutoire (ATF 132 III 140 consid. 4.1).

Le juge de la mainlevée doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette, l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_236/2013 du 12 août 2013, consid. 4.1.1).

Le contrat de prêt d'une somme déterminée constitue une reconnaissance de dette pour le remboursement du prêt, pour autant, d'une part, que le débiteur ne conteste pas avoir reçu la somme prêtée ou que le créancier soit en mesure de prouver immédiatement le contraire et, d'autre part, que le remboursement soit exigible (ATF 136 III 627 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/2014 du 20 août 2014, consid. 7.2.1.2; 5A_326/2011 du 6 septembre 2011 consid. 3.2).

2.1.2 Conformément à l'art. 82 al. 2 LP, le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable ses moyens libératoires
(ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.1), ce que celui-ci doit établir en principe par titre (cf. art. 254 al. 1 CPC). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables (arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.2). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 132 III 140 consid. 4.1.2). Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil – exceptions ou objections – qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 131 III 268
consid. 3.2).

2.1.3 Selon l'art. 143 al. 1 CO, il y a solidarité entre plusieurs débiteurs lorsqu'ils déclarent s'obliger de manière qu'à l'égard du créancier chacun soit tenu pour le tout.

Le créancier peut, à son choix, exiger de tous les débiteurs solidaires ou de l'un deux l'exécution intégrale ou partielle de l'obligation (art. 144 al. 1 CO).

2.2 En l'espèce, contrairement à ce qu'allègue le recourant, il ne ressort pas du contrat de prêt que celui-ci a été octroyé à la société en nom collectif " C______ & A______".

En effet, le contrat prévoit que le prêt est souscrit par C______ et A______ personnellement et qu'ils en sont solidairement responsables.

Il ne ressort au demeurant pas du dossier que la société en nom collectif précitée existait déjà à la date de conclusion du contrat, étant souligné qu'elle n'a été inscrite au Registre du commerce que le 14 janvier 2011.

Par ailleurs, il résulte des pièces produites que le montant prêté a été versé les 22 janvier et 29 avril 2008 sur le compte de C______. Cela suffit à établir que l'intimée s'est acquittée de son obligation de fournir la somme prêtée.

Le fait de savoir si C______ a, par la suite, remis tout ou partie de ce montant au recourant n'est pas pertinent dans le cadre du présent litige.

Dans la mesure où l'intimée a bien fourni sa prestation et que le prêt est exigible, le contrat du 1er avril 2008 constitue dès lors une reconnaissance de dette.

Conformément à l'article 144 al. 1 CO, l'intimée est en droit de poursuivre le recourant pour l'intégralité de la dette, puisque celui-ci s'est engagé en tant que débiteur solidaire.

Le jugement entrepris doit par conséquent être confirmé.

3. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais du recours (art. 106
al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'125 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance versée par le recourant, laquelle restera acquise à l'Etat de Genève.

Un montant de 2'500 fr., TVA et débours inclus, sera en outre alloué à l'intimée à titre de dépens (art. 85, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/4365/2015 rendu le 14 avril 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause
C/23180/2014-JS SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 1'125 fr.

Les met à charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie par ce dernier, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ 2'500 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.