C/23268/2017

ACJC/1183/2018 du 03.09.2018 sur JTPI/6804/2018 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : MAINLEVÉE PROVISOIRE ; RECONNAISSANCE DE DETTE ; CONTRAT DE GÉRANCE D'IMMEUBLES
Normes : LP.82
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23268/2017 ACJC/1183/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du lundi 3 septembre 2018

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 2 mai 2018, comparant par Me Pierre-Bernard Petitat, avocat, rue Patru 2, case postale, 1211 Genève 4, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Jean Orso, avocat, chemin des Papillons 4, 1216 Cointrin, en l'étude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/6804/2018 du 2 mai 2018, communiqué pour notification aux parties le 4 mai 2018, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 20'000 fr. avec intérêts dès le 20 juin 2016 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 400 fr. en les laissant à la charge de l'Etat, sous réserve d'une décision de l'assistance judiciaire (ch. 2), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à B______ le montant de 400 fr. (ch. 3), condamné A______ à verser à ce dernier 970 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 14 mai 2018, A______ forme un recours contre ce jugement. Au fond, il conclut à son annulation et à ce que B______ soit débouté de toutes ses conclusions en mainlevée prises à son encontre dans le cadre de la poursuite n° 1______, avec suite de frais et dépens de première instance et de recours.

b. Dans sa réponse, B______ conclut à la confirmation du jugement attaqué.

c. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par avis du greffe de la Cour du 6 juillet 2018, A______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. Par contrat du 21 octobre 2013, B______ a confié à A______ la gérance de son établissement « C______» situé ______ à Genève, dès le 1er novembre 2013 pour une durée d'un an.

Selon l'art. 3 al. 1 du contrat, en contrepartie de la mise à disposition de l'établissement, A______, en sa qualité de gérant, s'engageait à payer à B______, en tant que propriétaire, une redevance mensuelle de 6'000 fr., payable par mois et d'avance, mais au plus tard le 5 du mois suivant. La première mensualité relative au mois de novembre 2013 était toutefois réduite à 3'000 fr., la redevance passant à 6'000 fr. dès le 1er décembre 2013 (art. 3. al. 2).

b. Le 28 octobre 2013, la fiduciaire D______ SA, agissant pour le compte de B______, a informé la régie E______ de la mise en gérance de l'établissement "C______" à A______ en précisant que celui-ci avait l'intention d'en changer le nom par "F______" et qu'il allait procéder aux demandes d'autorisations auprès des services concernés.

c. Les parties ont convenu, d'un commun accord, que A______ cesserait d'exploiter l'établissement "F______", avec effet au 31 mars 2014.

Par courrier des 24 et 27 mars 2014, A______ a confirmé la cessation de l'exploitation et a annoncé à B______ qu'il libérerait les locaux et remettrait les clés à la date convenue.

Dans son courrier du 27 mars 2014, il a donné décharge à B______ de toutes les prétentions concernant l'exploitation du 1er novembre 2013 au 31 mars 2014 et il a indiqué qu'il prendrait à sa charge tous les dépenses et frais pour la période d'exploitation qui pourraient intervenir après le 31 mars 2014.

Ce courrier est signé pour accord par B______.

d. Par courrier du 5 décembre 2015, B______ a informé A______ que celui-ci lui était toujours redevable des frais inhérents à l'exploitation du bar créé sous l'enseigne "F______".

Il a précisé que A______ avait réglé les sommes de 3'000 fr. le 13 novembre 2013, 2'000 fr. le 11 décembre 2013, 2'000 fr. le 24  février 2013 et qu'il restait lui devoir 20'000 fr. sur la durée d'exploitation jusqu'au 31 mars 2014 ainsi que la différence de stock calculée sur celui cédé à l'entrée et celui existant à la sortie, soit 380 fr. 71 (3'296 fr. 28 – 2'915 fr. 57).

Il l'a ainsi mis en demeure de procéder au paiement du solde de la créance de 20'380 fr. 70 dans un délai de 15 jours.

Aucun paiement n'est intervenu dans ce délai.

e. Par courrier recommandé du 20 juin 2016, B______ a mis en demeure A______ de procéder au versement du solde de 20'380 fr. 70, sous peine d'agir en recouvrement de la créance par toute voie de droit.

Aucun paiement n'est intervenu.

f. Le 29 novembre 2016, B______ a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour les montants de 20'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 20 juin 2016 pour les frais d'exploitation du bar "F______" de novembre 2013 à fin mars 2014 (poste 1), de 380 fr. 70 pour le stock cédé (poste 2), de 200 fr. de frais de poursuite (poste 3), et de 1'700 fr. d'honoraires d'avocat (poste 4), invoquant pour fondement le contrat de gérance du 21 octobre 2013.

A______ y a formé opposition.

g. Par acte du 28 septembre 2017, B______ a saisi le Tribunal d'une requête tendant au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______ le 29 novembre 2016 au commandement de payer poursuite n° 1______, avec suite de frais et dépens.

h. Lors de l'audience du 2 mars 2018 du Tribunal, B______ a persisté dans sa requête et dans ses conclusions.

A______ a indiqué que les pièces produites par sa partie adverse ne valaient pas titre de mainlevée provisoire et que selon toute vraisemblance, la régie n'avait pas accepté le contrat de sous-location. En outre, il a précisé que le montant de
20'000 fr. réclamé n'était pas prouvé et a contesté devoir le montant de 380 fr. 70 relatif au stock cédé, de même que les frais de poursuite et les honoraires d'avocat.

i. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le contrat de gérance du 21 octobre 2013 ainsi que le courrier du 27 mars 2014 valaient reconnaissance de dette s'agissant du solde des frais d'exploitation en 20'000 fr. dus jusqu'au 31 mars 2014 et que A______ n'avait pas apporté la preuve de sa libération. En revanche, le montant de 380 fr. 80 concernant le stock cédé n'était pas spécifié dans le contrat et aucune pièce ne justifiait ce montant. Il n'y avait dès lors pas de titre de mainlevée pour ce poste, de même que pour les honoraires d'avocat réclamés.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce, interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi, le recours est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n° 2307).

1.3 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués devant être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir établi les faits de manière manifestement inexacte et d'avoir violé le droit fédéral en prononçant la mainlevée de l'opposition sur la base du contrat conclu entre les parties le 21 octobre 2013.

2.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP).

Par reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant (ATF 130 III 87 consid. 3.1) -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 136 III 624 consid. 4.2.2; 136 III 627 consid. 2).

Le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite. Le but de la procédure n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les références).

Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi si les conditions d'exigibilité de la dette sont établies, ce qui implique notamment la preuve par le créancier de l'exécution de sa propre prestation en cas de contrat bilatéral ou synallagmatique, le débiteur devant pour sa part rendre vraisemblable - et non se contenter d'alléguer - une éventuelle exception fondée sur une inexécution ou un défaut d'exécution de la prestation du créancier (arrêts du Tribunal fédéral 5A_1008/2014 du 1er juin 2015 consid. 5.4.3.2; 5A_465/2014 du 20 août 2014 consid. 7.2.1.2 et les références citées).

Le contrat de bail signé constitue une reconnaissance de dette dans la poursuite en recouvrement du loyer (art. 257 CO) et des frais accessoires (art. 257a ss CO) dûment convenus et chiffrés (Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2017, p. 155 et les références citées).

Le contrat de gérance libre doit être considéré comme un contrat de bail à ferme non agricole (ATF 128 III 419).

Le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_577/2013 du 7 octobre 2013 consid. 4.3.1; 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.2; ATF 96 I 4 consid. 2), en se prévalant de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 131 III 268 consid. 3.2), notamment l'inexistence ou l'extinction de la dette (arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/2014 du 20 août 2014 consid. 7.2.1.3). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.2).

2.2 En l'espèce, les parties sont liées par un contrat, que le Tribunal a qualifié à juste titre de contrat de gérance, en vertu duquel l'intimé a mis à disposition la gérance de son établissement au recourant en contrepartie d'une redevance mensuelle, pour une durée déterminée d'un an.

Sous couvert d'une constatation manifestement inexacte des faits, le recourant soutient qu'il s'agit d'un contrat de nature mixte, au libellé contesté, qui en réalité est un contrat de gérance combiné avec un contrat de sous-location. Il prétend en outre que ledit contrat est léonin et n'a vraisemblablement pas été approuvé par le bailleur principal.

Que le contrat soit qualifié de "contrat de gérance" ou de "contrat de sous-location" demeure sans incidence sur l'issue du litige, dès lors que le recourant a reçu la gérance de l'établissement appartenant à l'intimé et qu'il s'est engagé, en contrepartie, à verser à ce dernier une redevance mensuelle de 3'000 fr. pour le premier mois, puis de 6'000 fr., sans autre réserve ni condition. Ce faisant, il a manifesté sa volonté de payer à l'intimé une somme d'argent aisément déterminable pour la durée de leur relation contractuelle, soit 27'000 fr. au total (3'000 fr. + [6'000 fr. × 4 mois]), dont 7'000 fr. ont déjà été payés.

Les griefs soulevés par le recourant ne lui sont d'aucun secours, dans la mesure où il ne revient pas au juge de la mainlevée de revoir le bien-fondé de la créance à la base de la poursuite, son pouvoir d'examen étant limité à la force probante du titre produit par le créancier poursuivant. La question de la validité du contrat relève par ailleurs du droit de fond et échappe ainsi au pouvoir de cognition du juge de la mainlevée. Le recourant ne fait en outre qu'opposer sa propre version des faits à celle retenue par le premier juge s'agissant du caractère léonin du contrat ou de l'absence vraisemblance de l'accord de la régie concernant la sous-location, sans pour autant apporter le moindre élément susceptible d'étayer ses allégations.

Au vu de ce qui précède, le recours est infondé et, partant, il sera rejeté.

3. Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 600 fr. (art. 48 et 61 OELP) et mis à la charge du recourant qui succombe (art. 106 CPC). Le recourant plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, ils seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat (art. 122 al. 1 let. b et 123 CPC).

L'intimé n'ayant pas sollicité de dépens, il ne lui en sera pas alloué (art. 95 al. 3 let. c CPC; ATF 139 III 334 consid. 4.3).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 14 mai 2018 par A______ contre le jugement JTPI/6804/2018 rendu le 2 mai 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23268/2017-3 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 600 fr. et les met à la charge de A______.

Dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.