C/23710/2017

ACJC/266/2018 du 05.03.2018 sur JTPI/16245/2017 ( SFC ) , CONFIRME

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE ; POURSUITE POUR DETTES ; INSOLVABILITÉ
Normes : LP.174
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23710/2017 ACJC/266/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du lundi 5 mars 2018

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (GE), recourant contre un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 décembre 2017, comparant en personne,

et

B______, sise ______ (VS), intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 4 décembre 2017, le Tribunal de première instance a déclaré A______ en état de faillite dès le jour même à 14:15 heures (ch. 1 du dispositif) et mis à la charge de ce dernier les frais judicaires, arrêtés à 120 fr. (ch. 2 et 3).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour le 15 décembre 2017, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a allégué avoir payé la dette pour laquelle il était poursuivi et être solvable. Il a produit une quittance de l'Office des poursuites attestant que la poursuite no 1______ était soldée, y compris les intérêts et frais.

b. Invité par la Cour à fournir les pièces justifiant de sa solvabilité et à se prononcer sur la liste des poursuites en cours et actes de défauts de biens qui était annexée, A______ a expliqué qu'il essayait de faire en sorte que ses enfants et lui soient assurés par la même caisse maladie, et pas deux. En raison d'un litige qui était "retiré", il avait dû vivre avec ses comptes bloqués pendant cinq ans, ce qui expliquait les poursuites à son encontre et les actes de défaut de biens dont il avait fait l'objet.

Selon sa déclaration fiscale, A______ est actif dans le domaine des "services financiers". Il a produit une liste de "mandats" pour janvier 2018, rédigée sur un papier sans aucune en-tête ni signature, lesquels représenteraient 119'330 fr., une évaluation de sa maison effectuée en 2016 par une agence immobilière pour un prix compris entre 2'050'000 fr. et 2'100'000 fr. et un avis d'échéance d'intérêts hypothécaires d'un montant de 14'968 fr. pour une dette de plus de 800'000 fr. Il a également produit sa déclaration fiscale 2015 qui fait notamment état d'un bénéfice net de 76'944 fr. ainsi que d'une fortune imposable de 660'730 fr.

La liste des poursuites dirigées contre A______ révèle que celui-ci a fait l'objet de 49 actes de défaut de biens, entre 1998 et 2017, pour des montants à partir de 76 fr. et représentant un montant total de plus de 300'000 fr. De plus, depuis 2010, il a fait l'objet de 32 poursuites qui ont été payées à l'Office des poursuites pour des montants à partir de 131 fr. 10 et, outre la poursuite faisant l'objet de la présente procédure, quatre comminations de faillite lui ont été notifiées dans des poursuites récentes, dont l'une pour une poursuite d'un montant de 412 fr.

c. B______ n'a pas déposé de réponse au recours dans le délai qui lui avait été imparti.

d. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 22 janvier 2017 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).

Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1
et 2 CPC), le recours est recevable.

1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo nova"; Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta, op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).

En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par le recourant sont recevables dans la mesure où elles ont été produites dans le délai de recours ou dans le délai qui lui avait été imparti par la Cour et servent à établir que la dette a été payée ainsi que la solvabilité du recourant.

2. Le recourant sollicite l'annulation du jugement prononçant sa faillite.

2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine; 5A_126/2010 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1, 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1, 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25). Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1 et 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).

Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, traduit et publié in SJ 2012 I 25; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).

2.2 En l'espèce, le recourant a payé la dette pour laquelle il était poursuivi par l'intimée, de sorte que la première condition pour annuler le jugement de faillite est remplie.

Concernant sa solvabilité, de nombreux actes de défaut de biens ont été délivrés aux créanciers du recourant et cela, en 2017 encore. Le recourant a par ailleurs régulièrement fait l'objet de poursuites depuis plusieurs années, de sorte que ses difficultés ne peuvent être qualifiées de passagères. Il a expliqué avoir fait l'objet de poursuites car ses comptes avaient été bloqués pendant plus de cinq ans en raison d'un litige qui était "retiré", sans toutefois fournir aucun élément supplémentaire permettant d'attester ou d'expliquer ses dires. Lesdites poursuites concernaient parfois des montants dérisoires (131 fr.), ce qui tend à démontrer l'importance des difficultés financières du recourant qui n'est pas en mesure de solder de faibles montants avant de faire l'objet de poursuites.

Le recourant a par ailleurs attendu d'être déclaré en faillite pour payer la poursuite qui fait l'objet de la présente procédure, d'un montant de 770 fr. et quatre autres comminations de faillite lui ont été notifiées récemment.

Concernant ses perspectives de revenus, le recourant a uniquement déposé une liste de "mandats", rédigée a priori par lui mais ne portant aucune signature ou indication de son auteur. Cette liste n'est cependant corroborée par aucun contrat signé et faisant état d'une rémunération due au recourant du montant indiqué de 119'330 fr. Elle n'est donc pas apte à rendre vraisemblable que celui-ci peut compter sur le versement d'une telle somme. Quant à la déclaration fiscale 2015, elle ne fournit aucun renseignement sur les perspectives de gain actuelles du recourant. Le fait que le recourant soit propriétaire, ou copropriétaire, d'un bien immobilier estimé, en 2016, à deux millions de francs, mais grevé d'une dette hypothécaire, ne contredit pas ce qui précède. Le recourant n'allègue d'ailleurs pas qu'il chercherait à vendre ledit bien et qu'il serait ainsi en mesure de rembourser l'ensemble de ses créanciers dans un avenir proche.

En définitive, il ne peut être retenu que les difficultés de paiement du recourant ne sont que passagères. Aucun indice ne permet d'envisager une amélioration de sa situation financière. Il ne peut donc être considéré, au vu des éléments apportés par l'intéressé, que celui-ci a rendu vraisemblable qu'il était solvable. Une des conditions posées par l'art. 174 al. 2 LP fait ainsi défaut.

Le recours n'est dès lors pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de son recours, arrêtés à 220 fr., couverts par l'avance de frais déjà opérée qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 61 al. 1 OELP, art. 105 al. 1 et 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée qui n'a pas répondu au recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/16245/2017 rendu le 4 décembre 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23710/2017-22 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 220 fr., les met à la charge de A______et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.