C/24006/2015

ACJC/696/2016 du 20.05.2016 sur JTPI/1812/2016 ( SML ) , MODIFIE

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE; TITRE DE MAINLEVÉE; DÉCISION DE TAXATION; TAXE DE SÉJOUR
Normes : LP.80.1; LTour.8
Pdf
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24006/2015 ACJC/696/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREdi 20 MAI 2016

 

Entre

L'ETAT DE GENEVE, soit pour lui la PERCEPTION DE L'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE, Service du contentieux, rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3, recourant contre un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 février 2016, comparant en personne,

et

A______, sise ______, (GE), intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/1812/2016 du 8 février 2016, expédié pour notification aux parties le 19 février suivant, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance effectuée par l'ETAT DE GENEVE (ch. 2), mis à la charge de A______ et condamnée cette dernière à les verser à l'ETAT DE GENEVE qui en avait fait l'avance (ch. 3).

En substance, le Tribunal a retenu que les pièces produites par l'ETAT DE GENEVE valaient reconnaissance de dette, de sorte que la mainlevée provisoire devait être prononcée.

B. a. Par acte déposé le 1er mars 2016 au greffe de la Cour de justice, l'ETAT DE GENEVE a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu, avec suite de frais et dépens de première instance et de recours, au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer et à ce que la Cour dise que la poursuite irait sa voie.

Elle a fait valoir que la taxation d'office adressée le 22 janvier 2015, devenue définitive et exécutoire le 21 février 2015, à A______ constituait un jugement, soit un titre de mainlevée définitive.

b. A______ n'a pas répondu dans le délai imparti par la Cour, ni ultérieurement.

c. Les parties ont été avisées par pli du greffe du 7 avril 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. A______, inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le 3 mai 2011, a pour but l'exploitation d'une entreprise de sécurité (la protection des personnes et de leurs biens, service de détectives privés), des prestations de services tels que fourniture de renseignements commerciaux, mise à disposition de limousines, l'intervention d'urgence dans le domaine de la sécurité et de la surveillance d'immeubles (maisons particulières, commerces, exploitations industrielles, entrepôts de marchandises, hangars) et de biens mobiliers.

b. Le 22 janvier 2015, l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale, a notifié à A______ un bordereau de taxation d'office relatif à la taxe de promotion du tourisme 2014, pour un montant de 1'000 fr., ainsi que 20 fr de frais de rappel et 400 fr. d'émolument, soit un total de 1'420 fr.

Le 17 novembre 2015, un timbre humide "Bordereau valant jugement exécutoire, pas de réclamation dans les 30 jours" a été apposé sur ladite taxation.

c. Le 27 avril 2015, l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale, a adressé une sommation à A______ de payer la taxe de promotion du tourisme 2014, telle que fixée dans le bordereau susmentionné, soit 1'420 fr., à laquelle s'ajoutaient des frais de sommation de 20 fr. et des intérêts de 9 fr. 40, soit une somme totale de 1'449 fr. 40.

d. Le 2 septembre 2015, l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale, a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n°1______, pour un montant de 1'440 fr. avec intérêts à 5% dès le 19 juin 2015 (poste 1 du commandement de payer), fondé sur le bordereau du 22 janvier 2015, et 15 fr. 65 (poste 2), soit les intérêts moratoires au 19 juin 2015.

La poursuivie a formé opposition à la poursuite.

e. Par requête déposée le 17 novembre 2015 au Tribunal, l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale, a requis le prononcé de la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, avec suite de dépens.

f. A l'audience du Tribunal du 8 février 2016, aucune des parties ne s'est présentée ou fait représenter.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

A Genève, la Chambre civile de la Cour de justice est l'instance compétente pour connaître d'un recours (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Le recours ayant été interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi, il est par conséquent recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret/Bortolaso/Aguet, Procédure civile, T. II, 2e éd., Berne 2010, n. 2307).

1.3 La procédure de mainlevée est régie par la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC). La preuve est apportée par titre (art. 254 al. 1 CPC).

2. 2.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Sont assimilés à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2 ch. 2 LP).

Le jugement doit être exécutoire, c'est-à-dire qu'il ne doit plus pouvoir être remis en cause par une voie de droit ordinaire, émaner d'un tribunal au sens de l'art. 122 al. 3 Cst., rendu dans une procédure contradictoire, et condamner le poursuivi à payer une somme d'argent (Schmidt, Commentaire romand, LP, 2005, n. 3, 4 et 6 ad art. 80 LP).

Est exécutoire au sens de l'art. 80 al. 1 LP le prononcé qui a non seulement force exécutoire, mais également force de chose jugée (formelle Rechtskraft) - qui se détermine exclusivement au regard du droit fédéral -, c'est-à-dire qui est devenu définitif, parce qu'il ne peut plus être attaqué par une voie de recours ordinaire qui, de par la loi, a un effet suspensif (ATF 131 III 404 consid. 3; 131 III 87
consid. 3.2).

2.2 La procédure de mainlevée est une pure procédure d'exécution forcée (ATF 94 I 365 consid. 6; 72 II 52 p. 54), un incident de la poursuite. Dans la procédure de mainlevée définitive, le juge se limite à examiner le jugement exécutoire ou les titres y assimilés, ainsi que les trois identités - l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre (ATF 140 III 372 consid. 3.1), l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté - et à statuer sur le droit du créancier de poursuivre le débiteur, c'est-à-dire à décider si l'opposition doit ou ne doit pas être maintenue (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1). Le juge n'a ni à revoir ni à interpréter le titre qui lui est soumis (ATF 140 III 180 consid. 5.2.1; 124 III 501 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_58/2015 du 28 avril 2015 consid. 3 non publié aux ATF 141 III 185). Il n'incombe pas au juge de la mainlevée de trancher des questions de droit matériel délicat ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation du juge joue un rôle important; ces questions relèvent exclusivement de la compétence du juge du fond (ATF 124 III 501 consid. 3a; 115 III 97 consid. 4b, JdT 1991 II 47).

La requête en mainlevée doit ainsi être rejetée lorsque la cause de l'obligation figurant sur le commandement de payer et dans le titre de mainlevée ne sont pas identiques (Staehelin, Commentaire bâlois, SchKG I, 1998, n. 37 ad art. 80 LP).

2.3 A teneur de l'art. 8 de la loi sur le tourisme (LTour – RS GE I 1 60), entrée en vigueur le 1er janvier 1994, il est perçu une taxe de séjour, dont le produit est affecté au financement de l'accueil, de l'information et de l'assistance touristiques, ainsi que de manifestations et d'installations directement liées au tourisme, créées pour les hôtes et utiles de manière prépondérante à ceux-ci.

Il est perçu une taxe de promotion du tourisme auprès des entreprises qui exercent une activité économique ou commerciale bénéficiant des retombées directes ou indirectes du tourisme (art. 25 al. 1 LTour). La taxe de base ne peut être inférieure à 100 fr. et supérieure à 5'000 fr. (art. 25 al. 3 LTour). La taxe de base est pondérée en fonction de l'importance de l'établissement concerné, sur la base du nom d'employés de celui-ci (art. 25 al. 4 LTour).

L'autorité compétente pour percevoir la taxe de promotion du tourisme est le département des finances, soit pour lui l'administration fiscale cantonale (art. 1
al. 2 du Règlement d'application de la loi sur le tourisme (RTour – RS GE I 1 60.01).

2.4 En l'occurrence, il est établi et non contesté que le bordereau du 22 janvier 2015 n'a pas fait l'objet d'une réclamation dans les trente jours, de sorte que ce bordereau est entré en force. Il s'ensuit qu'il s'agit d'un titre de mainlevée définitive, au sens de l'art. 80 LP.

C'est dès lors à tort que le premier juge a, sans autre explication, retenu que les titres produits par le recourant valaient reconnaissance de dette et partant titre de mainlevée provisoire.

L'intimée n'a, pour le surplus, fait valoir aucun moyen libératoire, au sens de
l'art. 81 LP.

2.5 Il s'ensuit que le recours sera admis, que la décision attaquée sera annulée, et qu'il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC) en ce sens que la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite
n° 1______, sera accordée.

3. Les frais de première instance, non contestés, ne seront pas revus et laissés à la charge de l'intimée.

Compte tenu des motifs conduisant à l'annulation du jugement, les frais judiciaires du recours seront laissés à la charge de l'Etat (art. 107 al. 2 CPC).

Il sera en conséquence ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer la somme de 300 fr. à l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale.

Il n'y a pas lieu à allocation de dépens (art. 95 al. 3 let. c CPC).

4. La valeur litigieuse des prétentions est inférieure à 30'000 fr.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 1er mars 2016 par l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui la PERCEPTION DE L'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE, contre le jugement JTPI/1812/2016 rendu le 8 février 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24006/2015-15 SML.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif de ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau sur ce point :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de recours :

Arrête les frais judiciaires à 300 fr.

Les laisse à la charge de l'Etat.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer la somme de 300 fr. à l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui la PERCEPTION DE L'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.