C/24837/2017

ACJC/1427/2018 du 16.10.2018 sur JTPI/10504/2018 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE ; TITRE DE MAINLEVÉE ; JUGEMENT DE DIVORCE ; AUTORITÉ PARENTALE CONJOINTE ; ÉCOLAGE
Normes : LP.80
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24837/2017 ACJC/1427/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 16 OCTOBRE 2018

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 juin 2018, comparant par Me Alain Berger, avocat, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Jean-François Ducrest, avocat, rue de l'Université 4, case postale 3247, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/10504/2018 du 29 juin 2018, reçu par les parties le 4 juillet 2018, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive à hauteur de 18'130 fr. 80 plus intérêts à 5% dès le 22 mars 2017 de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ notifié à A______ par B______ (ch. 1 du dispositif), arrêté à 400 fr. les frais judiciaires, compensés avec l'avance effectuée (ch. 2), les a mis à charge de A______ à hauteur des trois quart, le condamnant à payer à B______ 300 fr. à ce titre (ch. 3), ainsi que 1'000 fr. à titre de dépens (ch. 4).

B. a. Le 16 juillet 2018, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour l'annule, lui donne acte de son engagement de verser à B______ 11'044 fr. 50 correspondant à la moitié des frais d'écolage privé des enfants "impayés" pour l'année scolaire 2015/2016 et déboute sa partie adverse de toutes ses conclusions pour le surplus, avec suite de frais et dépens.

b. Par arrêt du 30 juillet 2018, la Cour a rejeté la requête d'effet suspensif formée par A______.

c. Le 6 août 2018, B______ a conclu au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

B______ a produit une pièce nouvelle.

e. Les parties ont été informées le 29 août 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Par jugement du 14 juin 2013, le Tribunal, homologuant la convention conclue par les parties, a prononcé le divorce des époux A______ et B______.

L'autorité parentale conjointe a été maintenue sur les enfants C______, né le ______ 2009 et D______, né le ______ 2011. La garde des enfants a été
attribuée à B______.

Il a été donné acte aux parties de ce qu'elles s'engageaient à se consulter avant de prendre toutes les décisions d'importance concernant C______ et D______, "en particulier s'agissant du recours éventuel à l'enseignement privé" (ch. 3 du dispositif).

A______ s'est engagé à verser pour l'entretien de chaque enfant une contribution mensuelle de 2'000 fr. jusqu'à 10 ans, de 2'400 fr. jusqu'à 12 ans et de 2'700 fr. jusqu'à la majorité, voire au-delà en cas d'études sérieuses et régulières (ch. 6).

Il a en outre été donné acte aux parties de ce qu'elles s'engageaient à assumer à parts égales les frais d'écolage privé des enfants (ch. 7).

b. Les enfants des parties ont fréquenté l'école privée depuis le début de leur scolarité.

Les parties ont chacune payé la moitié des frais y afférent jusqu'à la rentrée de septembre 2015.

c. Le 10 juillet 2016, B______ a fait savoir à A______ que les enfants étaient tous les deux inscrits à l'école E______ pour l'année 2015/2016, selon "leurs désirs respectifs de ne pas changer les enfants d'école" et suite aux réunions qui s'étaient tenues avec les thérapeutes de C______, lequel souffrait de difficultés d'apprentissage.

Elle l'invitait à lui verser 15'907 fr. 80 au titre de la moitié des frais d'écolage privé qu'elle avait payés pour l'année en question.

d. Le 5 août 2016, A______ lui a répondu qu'au vu de la péjoration de sa situation financière, il lui confirmait ce qu'il lui avait déjà annoncé, à savoir qu'il n'était plus en mesure de contribuer à l'écolage pour l'année 2015/1016. Il précisait qu'il contribuerait à nouveau à ces frais dès qu'il pourrait le faire.

Il précisait avoir néanmoins signé la demande d'inscription des enfants à l'école E______ pour l'année en question.

e. Le 22 août 2016, B______ a indiqué à A______ que le maintien en école privée de leurs enfants était dans l'intérêt de ceux-ci, en particulier de leur fils cadet. Elle l'invitait par conséquent à revoir sa position.

f. Les 16 septembre et 20 octobre 2016, A______ lui a répondu qu'il lui confirmait qu'il n'était plus en mesure de contribuer financièrement à la prise en charge de l'écolage privé des enfants et qu'il ne s'engagerait dans aucune démarche tendant à leur inscription dans une école privée.

g. Il n'est pas contesté que les deux enfants des parties ont fréquenté l'école privée de E______ pour les années 2015/2016 et 2016/2017 et que B______ s'est acquittée des frais y relatifs.

h. Le 21 février 2017, B______ a mis A______ en demeure de lui verser, au plus tard le 21 mars 2017, 24'612 fr. 55 représentant la moitié des frais d'écolage des enfants.

i. Le 23 juin 2017, elle a fait notifier à A______ un commandement de payer poursuite n° 1______ portant sur 24'612 fr. 55 avec intérêts à 5% l'an dès le
22 mars 2017 au titre de la moitié des frais d'écolage "non couverts au 21 février 2017" conformément au ch. 7 du dispositif du jugement de divorce du 14 juin 2013.

Il a été formé opposition à ce commandement de payer.

j. Le 28 octobre 2017, B______ a requis du Tribunal la mainlevée définitive de cette opposition.

A______ s'est opposé à cette requête.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 19 mars 2018.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce le recours a été interjeté dans le délai et selon les formes prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.2 Les conclusions, allégations de faits et preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

La pièce nouvelle déposée par l'intimée est par conséquent irrecevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n° 2307).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 lit. a a contrario et 58 al. 1 CPC).

2. Le Tribunal a retenu que les frais d'écolage privé incombaient aux deux parties par moitié à teneur du jugement de divorce, étant rappelé que les enfants étaient déjà scolarisés dans le privé au moment du divorce. Le recourant était dès lors tenu de payer lesdits frais d'écolage, à l'exclusion cependant des autres frais, tels que par exemple les frais de repas.

Le recourant fait valoir qu'à teneur du jugement de divorce, la question de l'inscription à l'école privée des enfants doit faire l'objet d'un accord entre les parents, tous deux titulaires de l'autorité parentale. Il avait refusé son accord sur ce point pour l'année 2016/2017, de sorte qu'il ne pouvait être tenu de payer les frais d'écolage pour l'année en question. Dans la mesure où il avait accepté de signer l'inscription des enfants pour l'année 2015/2016, il reconnaissait devoir
11'044 fr. 50 correspondant à la moitié des frais d'écolage pour cette année-là.

2.1.1 Selon l'article 80 alinéa 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

A teneur de l'article 81 alinéa 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte.

2.1.2 Lorsque l'autorité parentale est conjointe, les père et mère déterminent les soins à donner à l'enfant, dirigent son éducation en vue de son bien et prennent les décisions nécessaires, sous réserve de sa propre capacité (art. 301 al. 1 CC). Conformément à l'art. 301 al. 1bis CC, le parent qui a la charge de l'enfant peut prendre seul les décisions courantes ou urgentes (ch. 1) ou d'autres décisions, si l'autre parent ne peut être atteint moyennant un effort raisonnable (ch. 2).

Certaines décisions ne sauraient d'emblée être incluses dans le champ d'application de l'art. 301 al. 1bis CC. Il en va ainsi du choix ou du changement de type de scolarisation, telle que publique ou privée. Une telle décision requiert donc en principe l'accord des deux parents détenteurs de l'autorité parentale
(arrêt du Tribunal fédéral 5A_4656/2017 du 26 octobre 2017, consid. 5.12;
ATF 136 III 353 consid. 3.2; Meier/Stettler, Droit de la filiation, 5e éd., 2014, n° 1024 p. 669).

2.2 En l'espèce, conformément à l'art. 301 CC et à la jurisprudence précitée, l'inscription des enfants des parties dans une école privée implique l'accord des deux parents, puisque tous deux sont titulaires de l'autorité parentale.

Le jugement de divorce ne déroge pas à ce principe puisqu'il prévoit au chiffre 3 de son dispositif que les parties s'engagent à se consulter avant de prendre toute décision d'importance concernant les enfants, en particulier s'agissant du recours éventuel à l'enseignement privé.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, il ne saurait être déduit de cette formulation que le recourant a accepté, au moment du divorce, que les enfants suivent l'intégralité de leur scolarité en école privée.

Il convient donc de déterminer si le recourant a accepté que ses enfants soient inscrits dans une école privée.

Pour l'année 2015/2016, le recourant a manifesté son accord, en signant le formulaire d'inscription à l'école privée, comme il le reconnaît d'ailleurs lui-même.

Il est par conséquent tenu, en application du chiffre 7 du dispositif du jugement de divorce, de contribuer à la moitié des frais y relatifs.

Pour l'année 2016/2017, le recourant a par contre fait savoir à l'intimée qu'il ne consentait pas à ce que les enfants poursuivent leur scolarité en privé, car il n'avait pas les moyens de financer l'écolage.

A défaut d'avoir accepté le principe de l'inscription des enfants à l'école privée pour l'année 2016/2017, le recourant n'est pas tenu de contribuer aux frais y relatifs.

Peu importe de savoir si, comme le soutient l'intimée, la scolarisation en école privée est conforme à l'intérêt des enfants ou si la péjoration de la situation financière du recourant n'est pas significative. En effet, ce type de considération excède le cadre du pouvoir de cognition du juge de la mainlevée de l'opposition, lequel doit statuer sur la base des pièces produites.

La mainlevée de l'opposition doit par conséquent être prononcée à concurrence de la moitié des frais d'écolage des enfants pour 2015/2016.

Ce montant est, selon le recourant, de 11'044 fr. 50, allégué qui n'est pas contesté par l'intimée.

Le jugement querellé sera dès lors annulé et la mainlevée définitive de l'opposition prononcée à hauteur du montant précité, avec intérêts à 5% l'an dès le 22 mars 2017, soit le lendemain de la date fixée dans la mise en demeure de l'intimée du 21 février 2017.

L'intimée sera déboutée de ses conclusions pour le surplus.

3. Selon l'art. 106 al. 1 CPC, les frais sont mis à la charge de la partie succombante. Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

En l'espèce, l'issue du litige commande de répartir les frais de première et seconde instance par moitié entre les parties.

Les frais judiciaires de première instance seront fixés à 400 fr. et ceux de recours à 450 fr. (art. 48 et 61 OELP). Ils seront compensés avec les avances versées par les parties, en 400 fr. pour l'intimée et 450 fr. pour le recourant, acquises à l'Etat de Genève.

L'intimée sera ainsi condamnée à verser 25 fr. au recourant au titre des frais judiciaires.

Chaque partie gardera à sa charge ses dépens de première instance et de recours.

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/10504/2018 rendu le 29 juin 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/24837/2017-12 SML.

Au fond :

Annule le jugement querellé et, statuant à nouveau :

Prononce à concurrence de 11'044 fr. 50 avec intérêts à 5% l'an dès le 22 mars 2017 la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite
n° 1______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête à 850 fr. les frais judiciaires de première instance et de recours, les compense avec les avances effectuées par les parties et les met à leur charge à raison d'une moitié chacune.

Condamne B______ à verser à A______ 25 fr. au titre des frais judicaires des deux instances.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Eleanor McGREGOR, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.