C/25777/2015

ACJC/1320/2016 du 07.10.2016 sur JTPI/7649/2016 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : OBLIGATION D'ENTRETIEN ; MAINLEVÉE DÉFINITIVE ; EXTINCTION DE L'OBLIGATION ; COMPENSATION DE CRÉANCES
Normes : LP.80; LP.81; CO.125; CO.120;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25777/2015 ACJC/1320/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 7 octobre 2016

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, ______ (GE), recourant contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 juin 2016, comparant en personne,

et

Madame B______, domiciliée ______, Genève, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 10 juin 2016, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, qui lui a été notifié par l'Office des Poursuites de Genève, à concurrence de (ch. 1 du dispositif) :

1.      3'039 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2015, sous imputation de 1'090 fr. versés par le débiteur le 24 juillet 2015;![endif]>![if>

2.      3'039 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er août 2015, sous imputation de 2'613 fr. versés par le débiteur le 25 août 2015;![endif]>![if>

3.      3'039 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2015, sous imputation de 3'091 fr. versés par le débiteur le 28 septembre 2015.![endif]>![if>

Il a pour le surplus arrêté les frais judiciaires à 200 fr. et les a compensés avec l'avance reçue de B______ (ch. 2), les a mis à charge de A______ à concurrence de 100 fr. et à charge de B______ à concurrence de 100 fr. (ch. 3), a condamné A______ à rembourser 100 fr. à B______ au titre de frais judiciaires (ch. 4) et à lui verser la somme de 58 fr. TTC au titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a. Par courrier adressé au greffe de la Cour le 27 juin 2016, A______ forme recours contre ce jugement. Il indique qu'il souhaiterait que le jugement attaqué "soit revu et changé".

b. B______ a répondu au recours en concluant à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais et dépens.

c. En l'absence de réplique, les parties ont été informées par avis de la Cour du 15 août 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. Par jugement du 16 janvier 2014, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a donné acte à A______ de ce qu'il s'engageait à verser à B______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, dès que la séparation des parties serait effective, à titre de contribution à l'entretien de la famille, la somme de 2'000 fr. ainsi que la somme de 1'039 fr. par mois qu'il perçoit de son employeur à titre d'allocations familiales pour enfants.

Ce jugement est exécutoire.

b. Le 23 octobre 2015, B______ a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur les sommes de 3'060 fr. plus intérêts à 5% dès le 1er juillet 2015 (1), 3'060 fr. plus intérêts à 5% dès le 1er août 2015 (2), 3'060 fr. plus intérêts à 5% dès le 1er septembre 2015, sous imputation de deux versements à la créancière de 1'090 fr. le 24 juillet 2015 et de 2'613 fr. le 25 août 2015 (3). Ces sommes étaient dues, à teneur du commandement de payer, à titre de «solde de contribution d'entretien dû selon jugement du Tribunal de première instance du 16 janvier 2014».

A______ a formé opposition totale à ce commandement de payer.

c. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 décembre 2015, B______ a sollicité le prononcé de la mainlevée définitive de cette opposition, avec suite de frais et dépens. Elle a exposé que les sommes réclamées, dues en vertu du jugement du 16 janvier 2014, représentaient en réalité un total de 3'039 fr. par mois, composé d'une part du versement de la contribution d'entretien de 2'000 fr. et d'autre part des allocations familiales de 1'039 fr.

Elle a ainsi reconnu que c'était à tort que le commandement de payer faisait état à ses chiffres 1 à 3 d'une contribution totale de 3'060 fr. puisque pour la période considérée, c'était un montant mensuel avant imputation de 3'039 fr. qui était dû. L'arriéré réel réclamé en poursuite n'était que de 2'323 fr. plus intérêts, compte tenu des divers paiements effectués par le débiteur pour les périodes en cause.

d. A______ a conclu dans sa réponse écrite du 11 avril 2016 au déboutement de la créancière requérante avec suite de frais et dépens.

Il a fait valoir que le solde réclamé par B______ pour les contributions de juillet à septembre 2015 n'était pas exact, car il excipait de compensation à due concurrence avec divers paiements qu'il avait effectués, à savoir le paiement d'un loyer de juin 2015 à concurrence de 1'910 fr. que son épouse n'avait pas réglé, de l'assurance-maladie de son épouse (310 fr.) pour deux mois consécutifs, des factures de cablecom (420 fr.), des SIG (130 fr.), pour une clef perdue qu'il avait dû refaire faire (72 fr.), ainsi que le paiement des assurances des enfants (147 fr.) pour deux mois.

Il ne lui devait ainsi plus rien pour la période déduite en poursuite, puisque ses paiements éteignaient totalement sa dette pour les mois correspondants compte tenu de la compensation à laquelle il avait procédé.

e. Dans son jugement du 10 juin 2016, le Tribunal a considéré que, bien que A______ invoquait la compensation avec une contre-créance en sa faveur, d'un montant correspondant aux frais relatifs à son épouse et à ses filles qu'il aurait payés en lieu et place de B______, il n'apportait ni la preuve stricte de l'existence de cette contre-créance (la preuve du paiement effectif à des tiers n'emportant pas celle de l'existence d'une contre-créance car le versement du montant à titre de prestations d'entretien en faveur de son épouse et de ses filles, telle que prévue par le jugement, exclut en principe des contributions supplémentaires), ni celle de l'accord de B______ quant au fait qu'elle aurait accepté une compensation à due concurrence avec les contributions et allocations dues pour la période de la poursuite. Le seul document signé par cette dernière le 27 juin 2015 avait un autre objet, à savoir le versement d'un montant de 4'000 fr. par A______ à son épouse couvrant les frais de reprise de l'appartement sis ______, cette somme valant paiement de la quote-part de la caution revenant à B______ ainsi que du partage du mobilier, soit une liquidation partielle de leur régime matrimonial relatif à l'ancien appartement conjugal, question qui était sans rapport avec le versement de la contribution d'entretien pour la période déduite en poursuite. Les documents produits ne valaient ainsi pas titre général de la reconnaissance de la prétendue créance compensante à hauteur des montants invoqués, pas plus qu'ils ne permettaient d'inférer que B______ aurait été d'accord que A______ continue unilatéralement à s'acquitter de telle ou telle dépense pour sa famille en sus de sa contribution d'entretien, pour déduire ensuite à due concurrence les montants ainsi dépensés sur sa dette d'aliments. A______ n'avait pas apporté la preuve stricte exigée par la jurisprudence du Tribunal fédéral dans le cadre de l'article 81 LP de l'extinction de la créance de la requérante, pas plus qu'il n'avait établi l'existence d'une contre-créance compensante en sa faveur et l'accord de la requérante quant à la compensation. La mainlevée devait donc être accordée à concurrence des montants rectifiés dans leur quotité après imputations.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours doit, en procédure sommaire, être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise, compte tenu d'une interprétation large des exigences en matière de motivation et de conclusions à l'égard d'un plaideur en personne, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les pièces produites par le recourant sont donc irrecevables en tant qu'elles n'ont pas été produites devant le Tribunal.

2. L'appelant se prévaut de l'existence d'un accord oral avec son épouse portant sur la compensation des montants dont il s'acquittait en faveur de la famille avec les contributions d'entretien dues.

2.1
2.1.1
Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP). Sont assimilées à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2
ch. 2 LP).

En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement de la Confédération ou du canton dans lequel la poursuite a lieu, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que, notamment, le poursuivi ne prouve par titre que la dette a été éteinte postérieurement au jugement.

Par extinction de la dette, la loi ne vise pas seulement le paiement, mais aussi toute autre cause de droit civil, en particulier la compensation (ATF 124 III 501 consid. 3b p. 503 et les références citées). Un tel moyen ne peut toutefois être retenu que si la créance compensante résulte elle-même d'un titre exécutoire ou qu'elle est admise sans réserve par le poursuivant (ATF 115 III 97 consid. 4 p. 100 et les références citées). Contrairement à ce qui vaut pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), le poursuivi ne peut se borner à rendre sa libération vraisemblable; il doit, au contraire, en apporter la preuve stricte (ATF 125 III 42 consid. 2b p. 44 in fine; ATF 124 III 501 consid. 3a p. 503 et les références). Le titre de mainlevée au sens de l'art. 81 al. 1 LP créant la présomption que la dette existe, cette présomption ne peut être renversée que par la preuve stricte du contraire (cf. ATF 124 III 501 consid. 3b p. 504). Or, cette preuve n'est pas apportée si la créance compensante est contestée (ATF 136 III 624 consid. 4.2.3).

2.1.2 L'art. 125 ch. 2 CO exclut, sauf accord du créancier, la compensation des créances dont la nature spéciale exige le paiement effectif entre les mains du créancier, telles que les aliments absolument nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille.

Les contributions d'entretien sont dues à l'enfant et sont versées durant sa minorité à son représentant légal ou au parent qui en assume la garde (art. 289 al. 1 CC). Le créancier de l'entretien est donc l'enfant lui-même (arrêts du Tribunal fédéral 5D_103/2009 du 20 août 2009 consid. 1.3; 5C.314/2001 du 20 juin 2002 consid. 9 non publié aux ATF 128 III 305), même si, durant sa minorité, son représentant légal est en droit de les réclamer en son propre nom et à la place de l'intéressé ("Prozessstandschaft"; ATF 136 III 365 consid. 2.2).

Aux termes de l'art. 120 al. 1 CO, lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent ou d'autres prestations de même espèce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles. L'une des conditions préalables à la compensation consiste donc dans la réciprocité des créances, en ce sens que les intéressés doivent être à la fois débiteurs et créanciers l'un de l'autre (notamment: ATF 134 III 643 consid. 5.5.1; 132 III 342 consid. 4.3 et les références).

Un parent ne peut ainsi invoquer la compensation des contributions d'entretien qu'il doit à son enfant avec les créances dont il dispose à l'encontre de l'autre parent, quand bien même les pensions alimentaires devraient être versées en mains de celui-ci, en tant que représentant légal de l'enfant (arrêt du Tribunal fédéral 5A_445/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.3.2et les références citées).

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que le jugement du Tribunal sur lequel l'intimée a fondé sa poursuite constitue un titre de mainlevée définitive. Le recourant invoque toutefois l'extinction de sa dette par compensation puisqu'il a payé divers montants pour le compte de l'intimée et de ses enfants.

Le recourant se prévaut d'un accord verbal avec l'intimée portant sur la compensation des sommes dues avec des sommes qu'il avait payées à titre d'assurance maladie et à divers autres titres. La procédure de mainlevée est cependant régie par la procédure sommaire dans laquelle la preuve est rapportée par titres (art. 254 al. 1 CPC) et la compensation ne peut intervenir, dans le cadre de la mainlevée définitive, que si la créance compensante résulte elle-même d'un titre exécutoire ou qu'elle est admise sans réserve par le poursuivant. Or, aucun accord écrit conclu avec l'intimée relatif à la compensation des montants payés par le recourant n'a été produit en l'espèce.

En tout état de cause, le recourant ne pourrait invoquer l'existence d'un prétendu accord conclu avec son épouse pour compenser des créances de ses enfants envers lui avec des créances qu'il détiendrait à l'encontre de ces derniers, aucun élément ne rendant vraisemblable que ledit accord aurait également porté sur les créances dont les enfants sont titulaires. Il ne pourrait davantage prétendre à compenser les créances d'entretien dont ses enfants sont bénéficiaires avec la créance qu'il soutient détenir à l'encontre de l'intimée, en l'absence de réciprocité des créances.

En définitive, le seul fait que le recourant a payé divers frais en faveur de son épouse ou des enfants ne constitue pas, dans le cadre de la présente procédure de mainlevée définitive, un motif d'extinction par compensation de la dette réclamée en poursuite.

Le recours sera rejeté.

3. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais du recours (art. 106
al. 1 CPC), arrêtés à 300 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP) et compensés avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant ne sera en revanche pas condamné aux dépens de l'intimée, comme elle le réclame, dans la mesure où elle comparaît en personne et ne fait pas valoir de motif justificatif (art. 95 al. 3 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/7649/2016 rendu le 10 juin 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25777/2015-10 SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 300 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.