C/2585/2016

ACJC/1237/2016 du 23.09.2016 sur OTPI/268/2016 ( SP ) , MODIFIE

Descripteurs : HYPOTHÈQUE LÉGALE DES ARTISANS ET ENTREPRENEURS ; DÉLAI
Normes : CO.837; CO.839;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2585/2016 ACJC/1237/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 23 septembre 2016

Entre

Monsieur A_____ et Madame B_____, domiciliés X_____, appelants d'une ordonnance rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 mai 2016, comparant tous deux par Me Alexandre Böhler, avocat, rue des Battoirs 7, case postale 284, 1211 Genève 4, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

et

1) C_____, sise _____, intimée, comparant par Me Patrice Genoud, avocat, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

2) Monsieur D_____ et Madame E_____, domiciliés _____, autres intimés, comparant tous deux par Me Andreas Fabjan, avocat, rue Ferdinand-Hodler 13, 1207 Genève, en l'étude duquel ils font élection de domicile.


EN FAIT

A. Par ordonnance du 24 mai 2016, reçue par B_____ et A_____ le 31 mai 2016, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire a ordonné, aux frais, risques et périls de C_____, au Conservateur du Registre foncier de Genève, de procéder à l'inscription provisoire au profit de C_____ de deux hypothèques légales des artisans et entrepreneurs à concurrence de 44'104 fr. 15 avec intérêts à 5% dès le 21 novembre 2015 et autres accessoires légaux, à savoir l'une sur la parcelle n° 1_____ plan 2_____ de la commune de _____, dont D_____ et E_____ sont propriétaires (ch. 1 du dispositif) et l'autre sur la parcelle n° 3_____, plan 2_____, de la commune de _____, dont B_____ et A_____ sont propriétaires (ch. 2), a imparti à C_____ un délai de 90 jours pour faire valoir son droit en justice (ch. 3), dit que l'ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties (ch. 4), condamné D_____, E_____, B_____ et A_____ à verser à C_____ les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr. (ch. 5), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 10 juin 2016, B_____ et A_____ ont formé appel contre cette ordonnance dont ils ont requis l'annulation, concluant à ce que l'hypothèque légale provisoirement inscrite sur leur parcelle soit radiée et à ce que C_____ soit condamnée au paiement des frais d'inscription et de radiation de l'hypothèque ainsi que des droits d'enregistrement, le tout avec suite de frais et dépens.

Ils ont produit une pièce nouvelle.

b. Le 29 juin 2016, C_____ a conclu à la confirmation du jugement querellé, avec suite de frais et dépens.

c. Le 30 juin 2016, D_____ et E_____ se sont rapportés à justice sur l'issue de l'appel.

d. B_____ et A_____ ont répliqué le 18 juillet 2016 et C_____ a renoncé à dupliquer.

e. Les parties ont été informées le 10 août 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. Le 18 août 2013, B_____ et A_____, agissant en tant que maîtres de l'ouvrage, ont conclu avec F_____ (anciennement _____), en tant qu'entreprise générale, un contrat à prix forfaitaire portant sur la construction d'une villa située au X_____ (GE).

Cette villa ("villa B", située sur la parcelle n° 3_____, dont les époux A_____ et B_____ sont propriétaires) est jumelée par le toit avec une autre villa ("villa A", située sur la parcelle n° 1_____), propriété de D_____ et E_____.

Le prix forfaitaire de vente convenu était de 1'150'000 fr., payable en six acomptes, le premier, dans les dix jours de la signature du contrat, le deuxième dès la fin du sous-sol et avant le début des murs du rez-de-chaussée, le troisième dès la mise hors-d'eau (pose de la charpente, préalable à la couverture), le quatrième dès le début de la pose des chapes de sols et avant la pose des finitions, le cinquième dès le début de la pose des finitions des murs et le sixième à la séance de réception de la villa.

Le troisième acompte, dû dès la mise hors-d'eau, a été payé par B_____ et A_____ le 9 mars 2015.

Les villas A et B ne sont pas identiques, la villa B étant en particulier plus grande que l'autre et disposant d'une piscine.

b. Par contrat du 31 octobre 2013, F_____ a confié à C_____ les travaux de béton et béton armé sur les deux parcelles précitées pour un montant total de 475'000 fr., prix "bloqué".

Des travaux complémentaires ont en outre été effectués par C_____, la plupart sur la base de devis complémentaires. Selon cette dernière, le montant de ces travaux a été de 154'244 fr. 75 pour les deux villas.

c. Les travaux d'C_____ sur la villa B ont débuté en novembre 2013. Ils ont été interrompus de mars à octobre 2014, le temps pour les époux A_____ et B_____ d'obtenir l'autorisation nécessaire pour agrandir leur maison. Cette autorisation a été délivrée le 21 août 2014.

d. Entre le 19 décembre 2013 et le 21 octobre 2015, C_____ a transmis à F_____ neuf factures ("situations"), portant sur les deux villas. Ces documents n'indiquent pas sur laquelle des villas les travaux mentionnés ont été effectués.

A l'exception de la première, toutes ces factures concernaient des travaux déjà exécutés au moment de leur établissement.

Ces facture ont toutes été honorées, à l'exception de la dernière ("situation n° 9"), datée du 21 octobre 2015, portant sur 42'000 fr. TTC, après déduction de la retenue de garantie de 5% en 31'157 fr. 38 HT.

Ce document précise que le total des travaux exécutés à cette date était de 639'349 fr. 51 TTC et qu'un montant de 597'000 fr. TTV avait déjà été versé.

Il ressort d'une comparaison entre cette facture et la précédente ("situation n° 8"), datée du 21 juillet 2015, que la facture du 21 octobre 2015 concerne des travaux exécutés suite à des devis complémentaires datés des 15 février, 13 mai, 7 septembre et 28 septembre 2015, ainsi que la création d'un saut de loup "selon demande de la direction des travaux".

e. Sur la base des factures émises par C_____, F_____ a adressé aux propriétaires de chacune des villas, après ventilation du montant des travaux effectués sur chaque villa, des bons de paiement en faveur d'C_____.

Le dernier bon de paiement adressé aux époux A_____ et B_____, daté du 7 septembre 2015, et fondé sur la facture d'C_____ du 21 juillet 2015, concerne des travaux de maçonnerie, béton armé et échafaudages.

Il indique que le total hors taxes des travaux adjugés pour cette villa est de 280'555 fr. 56 et que les prestations exécutées équivalent à ce montant, lequel correspond, TVA comprise, à 303'000 fr. Sous déduction des acomptes déjà versés, en 297'000 fr. TTC, le solde à payer était de 6'000 fr.

Ce montant a été payé par B_____ et A_____.

f. Il n'est pas contesté que la villa A, appartenant à D_____ et E_____ n'est pas achevée.

La villa B, appartenant à B_____ et A_____, est quant à elle terminée depuis plusieurs mois. Ces derniers ont indiqué, sans que cela ne soit contesté, avoir emménagé à mi-novembre 2015. G_____, architecte employé par F_____, a pour sa part déclaré que la villa B avait été livrée en décembre 2015.

C_____ a allégué avoir procédé à d'importants travaux pendant le mois d'octobre 2015 et être intervenue "sur le chantier" le 21 janvier 2016, pour l'installation d'une porte provisoire, la pose d'un saut de loup et des travaux en relation avec la fermeture du garage, travaux qu'elle qualifie d'indispensables. Elle a ajouté que quelques travaux mineurs restaient à effectuer, ainsi que le démontage des échafaudages. Elle n'a cependant pas précisé si les travaux précités avaient concerné les deux villas ou uniquement la villa A.

A l'appui de ses allégations, elle a produit un relevé manuscrit et non signé indiquant que trois ouvriers avaient travaillé du 13 au 16 octobre 2015, ainsi que les 19, 20, 27 et 28 octobre 2015 sur le chantier X_____ ainsi que le 21 janvier 2016 (pièces 8 et 10), un message SMS non daté de l'architecte de F_____ demandant quand la porte provisoire serait posée, un SMS adressé à l'architecte le 1er décembre indiquant que la grille du saut de loup "villa B X_____" avait été posée et un message du 18 janvier de l'architecte lui demandant de ne pas oublier la "fermeture porte garage a X_____ urgent" (pièce 9).

Selon B_____ et A_____, les travaux d'octobre 2015 et janvier 2016 ont concerné uniquement la villa A. Concernant leur villa, les travaux de béton s'étaient achevés au printemps 2015. Seule une grille sur un saut de loup avait encore été posée fin novembre ou début décembre 2015.

D_____ et E_____ ont quant à eux allégué que les travaux précités, effectués en janvier 2016, concernaient la villa de B_____ et A_____.

g. Par acte déposé au Tribunal de première instance le 10 février 2016, C_____ a requis à l'encontre de B_____ et A_____, d'une part, et de D_____ et E_____, d'autre part, l'inscription provisoire de deux hypothèques légales des artisans et entrepreneurs sur leurs parcelles respectives, à hauteur de 44'104 fr. 15 en capital.

Elle a notamment allégué que le montant qui lui était encore dû au titre des travaux exécutés était de 73'506 fr. 89, correspondant au solde de 42'000 fr. ouvert selon la dernière facture du 21 octobre 2015, augmenté de la retenue de garantie en 31'157 fr. 38.

Elle a ajouté que les travaux concernés portaient sur des "travaux communs" aux deux villas. S'agissant de villas mitoyennes et de conception identique, la plus-value justifiant l'inscription de l'hypothèque légale pouvait être répartie par moitié sur chaque villa.

h. B_____ et A_____ ont conclu au déboutement d'C_____ de ses conclusions.

D_____ et E_____ en ont fait de même.

i. La cause a été gardée à juger le 20 avril 2016.

Par courrier du 25 avril 2016, B_____ et A_____ ont fait parvenir au Tribunal le procès-verbal de l'audience du Ministère public du 15 avril 2016, reçu le 22 avril 2016.

Cette pièce a été déclarée irrecevable par le Tribunal au motif qu'elle avait été produite après le début des délibérations.

D. Les arguments des parties devant la Cour seront traités ci-après en tant que de besoin.

EN DROIT

1. 1.1 L'ordonnance querellée a été rendue sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Le délai d'appel est de dix jours dès lors que la procédure sommaire est applicable (art. 248 let. d, 249 let. d ch. 5 et 314 al. 1 CPC). L'acte doit être écrit et motivé (art. 130, 131, 252 et 311 CPC).

En l'espèce, l'appel a été déposé dans le délai et les formes prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.3 L'autorité d'appel revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale étant soumise à la procédure sommaire, l'autorité peut toutefois s'en tenir à la vraisemblance des faits allégués et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb = JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 2.2).

2. Les appelants ont produit en appel la pièce déclarée irrecevable par le Tribunal pour cause de tardiveté, à savoir le procès-verbal de l'audience d'instruction pénale du 15 avril 2016, qu'ils ont reçu le 22 avril 2016 et communiqué au Tribunal le 25 avril 2016.

2.1 Les faits et les moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel aux conditions de l'art. 317 CPC. La Cour examine, en principe, d'office la recevabilité des faits et des moyens de preuve nouveaux (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2013, n. 26
ad art. 317 CPC).

Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, in Code de procédure civile commenté, 2011, n. 6 ad art. 317).

2.2 En l'espèce, le procès-verbal précité a été reçu par les appelants après le 20 avril 2016, date à laquelle la cause a été gardée à juger, de sorte qu'il est recevable.

3. Le Tribunal a considéré que l'allégation des appelants selon laquelle les travaux de l'intimée sur leur parcelle étaient terminés au printemps 2015 était contredite par les allégations de D_____ et E_____ qui soutenaient que l'intervention de l'intimée en janvier 2016 avait concerné la villa B. La détermination du délai d'achèvement des travaux nécessitait des investigations complémentaires à mener par le juge du fond. Le respect du délai devait "par conséquent" être admis au stade de la vraisemblance. Cela valait également pour les questions du montant de la créance et de la répartition de celle-ci sur les parcelles concernées. En effet, les pièces produites ne permettaient pas d'établir précisément le montant des plus-values réalisées sur chaque villa, tâche incombant au juge du fond.

Les appelants font valoir que les travaux effectués en janvier 2016, étaient des travaux accessoires ne devant pas être pris en compte pour le calcul du délai de l'inscription provisoire de l'hypothèque légale, à savoir la pose d'une porte provisoire, des finitions relatives à la fermeture de la porte du garage et la pose d'une grille de saut de loup. Les éléments du dossier établissaient que les travaux principaux sur leur villa étaient terminés au printemps 2015. Par ailleurs, il incombait à l'intimée de chiffrer précisément quel était le montant de sa créance pour les travaux effectués sur leur villa, ce qu'elle n'avait pas fait.

3.1 Aux termes de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, les artisans et entrepreneurs employés à la construction ou à la destruction de bâtiments ou d'autres ouvrages, au montage d'échafaudages, à la sécurisation d'une excavation ou à d'autres travaux semblables, peuvent requérir l'inscription d'une hypothèque légale sur l'immeuble pour lequel ils ont fourni des matériaux et du travail ou du travail seulement, que leur débiteur soit le propriétaire foncier, un artisan ou un entrepreneur, un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l'immeuble. L'inscription peut être requise dès le moment de la conclusion du contrat (art. 839 al. 1 CC) et doit être obtenue, à savoir opérée au registre foncier, au plus tard dans les quatre mois qui suivent l'achèvement des travaux (art. 839 al. 2 CC); il s'agit d'un délai de péremption, qui peut être sauvegardé par l'annotation d'une inscription provisoire (art. 48 al. 2 let. b et 76 al. 3 ORF) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_420/2014 du 27 novembre 2014, consid. 3.1).

3.2 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, dans le cas d'un lotissement de plusieurs maisons, le délai légal d'inscription commence à courir pour chaque maison de manière indépendante dès son achèvement. Tel est également le cas lorsque les travaux sont exécutés par un même entrepreneur sur plusieurs ouvrages édifiés sur une même parcelle (ATF 111 II 343 consid. 2a, JdT 1986 I 170).

Cependant, lorsque plusieurs bâtiments sont construits successivement sur un seul bien-fonds par des prestations de construction qui forment un tout, par le même entrepreneur, en exécution d'un seul contrat d'entreprise, on est en présence d'une prestation unique, qui est soumise à un délai d'inscription unique (ATF 125 III 113 consid. 3b, JdT 2000 I 22). Le critère décisif est de savoir si, en l'espèce, les deux constructions représentent deux ouvrages ou constituent une unité. L'existence d'une unité a en particulier été retenue s'agissant de livraisons successives de béton frais pour une maison et un garage fonctionnellement interdépendants, construits d'un seul trait sur le même fonds (ATF 111 II 343 consid. 2c et 2 d, JdT 1986 I 170).

3.3 Il y a achèvement des travaux quand tous les travaux qui constituent l'objet du contrat d'entreprise ont été exécutés et que l'ouvrage est livrable; ne sont des travaux d'achèvement que ceux qui doivent être exécutés en vertu du contrat d'entreprise et du descriptif, et non les prestations commandées en surplus sans qu'on puisse les considérer comme entrant dans le cadre élargi du contrat; des travaux de peu d'importance ou accessoires, différés intentionnellement par l'artisan ou l'entrepreneur, ou encore des retouches (remplacement de parties livrées, mais défectueuses; correction de quelques autres défauts) ne constituent pas des travaux d'achèvement (ATF 102 II 206 consid. 1a).

Lorsque des travaux indispensables, même d'importance secondaire, n'ont pas été exécutés, l'ouvrage ne peut être tenu pour achevé; des travaux nécessaires, notamment pour des raisons de sécurité, même de peu d'importance, constituent donc des travaux d'achèvement; les travaux sont ainsi appréciés selon un point de vue qualitatif plutôt que quantitatif (ATF 125 III 113 consid. 2b).

Le délai légal commence à courir dès l'achèvement des travaux, et non pas dès l'établissement de la facture, même si cet élément peut constituer un indice de la fin des travaux (ATF 101 II 253 p. 256); il s'ensuit que, lorsque des travaux déterminants sont encore effectués après la facturation et ne constituent pas des travaux de réparation ou de réfection consécutifs à un défaut de l'ouvrage, ils doivent être pris en compte pour le dies a quo du délai (arrêt du Tribunal fédéral 5A_420/2014 du 27 novembre 2014, consid. 3.1).

3.4 L'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs a pour justification la plus-value que les travaux ont apportée à l'immeuble sur lequel ils ont été entrepris. Le privilège qui y est attaché ne peut exister que pour les travaux effectués et les matériaux fournis à un immeuble déterminé. Il découle de ce principe que l'inscription du gage légal ne peut porter que sur l'immeuble qui a bénéficié des travaux et dans la mesure de la plus-value qui en résulte. Cela vaut notamment lorsque les travaux ont porté sur plusieurs immeubles (ATF 119 II 421 consid. 3b). Le fait que les immeubles concernés soient contigus et que les travaux aient fait l'objet d'un seul contrat d'entreprise ne permet pas de faire exception à ce principe (ATF 102 Ia 81 consid. 2/b/aa).

En cas de travaux portant sur plusieurs immeubles, l'hypothèque doit en conséquence être demandée sous la forme de droits de gage partiels, grevant chaque immeuble pour la partie de la créance dont répond son propriétaire (art. 798 al. 2 CC), et ce indépendamment du fait que l'artisan ou l'entrepreneur a effectué les travaux sur la base d'un seul ou de plusieurs contrats, par exemple un contrat par immeuble. Il appartient donc en principe aux artisans et entrepreneurs de tenir un décompte séparé de leurs travaux pour chaque immeuble et de les facturer aussi séparément dès qu'ils sont achevés sur l'un d'eux. En effet, le montant de la créance que le gage garantit doit être chiffré de manière précise. En principe, l'artisan ou l'entrepreneur ne peut, de manière abstraite, fractionner la totalité des coûts de construction entre les différents immeubles, ni répartir l'ensemble de ses prestations en fonction, par exemple du nombre de mètres cubes respectif de ceux-ci. Il doit bien plutôt établir quelles prestations concrètes, en travail et en matériaux, il a effectuées, et à quel prix, pour chaque bien-fonds. Des prix globaux ou forfaitaires ne le dispensent pas de cette obligation souvent conséquente (arrêt du Tribunal fédéral 5A_924/2014 du 7 mai 2015 consid. 4.1.3.1).

3.5 Selon l'art. 961 al. 3 CC, le juge statue sur la requête et autorise l'inscription provisoire si le droit allégué lui paraît exister. Vu la brièveté et la nature péremptoire du délai de l'art. 839 al. 2 CC, l'inscription provisoire de l'hypothèque légale ne peut être refusée que si l'existence du droit à l'inscription définitive du droit de gage paraît exclue ou hautement invraisemblable Le juge tombe dans l'arbitraire lorsqu'il rejette la requête en présence d'une situation de fait ou de droit mal élucidée, qui mérite un examen plus ample que celui auquel il peut procéder dans le cadre d'une instruction sommaire; en cas de doute, lorsque les conditions de l'inscription sont incertaines, il doit ordonner l'inscription provisoire (ATF 102 Ia 81 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5D_116/2014 du 13 octobre 2014 consid. 5.3 et la jurisprudence citée).

3.6 En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'intimée, l'on ne peut pas retenir que la construction des deux villas litigieuses constitue une prestation unique, soumise à un délai d'inscription unique pour l'hypothèse légale. En effet, même si les prestations de l'intimée ont été fournies sur la base d'un seul contrat, conclu avec F_____ pour les deux villas, celles-ci sont édifiées sur des parcelles différentes, appartenant à des propriétaires différents. Les deux villas ne sont en outre pas exactement les mêmes, de sorte que les prestations fournies par l'intimée pour chacune des villas sont différentes.

La jurisprudence mentionnée par l'intimée sur ce point concerne au demeurant le cas d'une propriété par étage et n'est par conséquent pas applicable au cas d'espèce.

Le respect du délai pour l'inscription de l'hypothèque légale provisoire doit par conséquent être calculé de manière séparée pour chacune des villas.

Il résulte des allégations de l'intimée que sa seule facture encore ouverte est celle du 21 octobre 2015. Il ressort de la comparaison de cette facture avec la précédente, datée du 21 juillet 2015, que les travaux concernés, dont la nature n'est pas précisée, ont été exécutés sur la base de quatre devis émis entre le 15 février et le 18 septembre 2015 pour des montants variant entre 2'232 fr. et 6'861 fr. 50. Cette facture mentionne en outre la création d'un saut de loup "selon demande de la direction des travaux".

Les appelants allèguent que ces travaux n'ont pas été exécutés sur leur villa mais sur la villa voisine.

A cet égard, il convient de relever que l'affirmation de l'intimée selon laquelle les travaux précités porteraient sur des "travaux communs" aux deux villas n'est étayée par aucun élément du dossier. L'intimée ne précise pas quels travaux pourraient être "communs" aux deux villas. L'existence de tels travaux est d'autant moins vraisemblable compte tenu du fait que les villas ne sont jumelées que par le toit, qu'elles sont différentes et que les travaux les concernant n'ont pas suivi le même rythme.

L'intimée n'a d'ailleurs produit aucun des devis susmentionnés, ce qu'elle aurait pu faire aisément. Elle n'a pas non plus fourni la demande de la direction des travaux relative à la création du saut de loup dont elle se prévaut.

Il résulte en outre du dernier bon de paiement adressé aux appelants le 7 septembre 2015 par F_____, sur la base de la situation de l'intimée du 21 juillet 2015, qu'à cette date-là, les appelants s'étaient acquittés de l'intégralité des travaux adjugés à C_____, à l'exception d'un montant de 6'000 fr., dont il n'est pas contesté qu'il a été réglé par la suite.

Les documents produits corroborent ainsi la thèse des appelants selon laquelle les travaux commandés par leurs soins ont été effectués et payés au plus tard à fin juillet 2015. Au regard de la teneur des pièces précitées, il incombait à l'intimée d'exposer précisément, documents à l'appui, quels travaux d'achèvement, non accessoires et impayés, elle avait effectués postérieurement à cette date sur la villa des intimés. Or, elle n'en a rien fait.

Elle n'a donné aucune précision sur la nature des "importants travaux" qu'elle dit avoir effectué en octobre 2015. La pose d'une porte provisoire et les travaux en relation avec la fermeture de la porte du garage sont quant à eux en soi des travaux de nature accessoire, dont on ne saurait tenir pour vraisemblable, sans autre explication supplémentaire, qu'ils seraient indispensables pour l'achèvement de l'ouvrage.

Les relevés d'heures manuscrits et non signés produits par l'intimée ne sont pas probants car ils ne mentionnent pas la villa concernée. Le SMS de l'architecte du 1er décembre - dont on peut déduire qu'il s'agit de l'année 2015, même si cela n'est pas mentionné sur la pièce produite - confirme quant à lui les allégations des appelants selon lesquelles seule une grille de saut de loup a été posée pour leur villa à cette période.

Le fait que les appelants aient réglé à F_____ le troisième acompte, dû "dès la mise hors d'eau (pose de la charpente, préalable à la couverture)" le 9 mars 2015 confirme également qu'à cette date les travaux de béton et béton armé était terminés. Il en va de même du fait que les appelants ont emménagé dans leur villa à mi-novembre 2015 et que celle-ci a été livrée dans le courant du mois de décembre de la même année. En effet, il est peu vraisemblable que leur villa ait pu être habitable en novembre 2015 si d'importants travaux de béton prévus par le contrat de base ont encore été effectués en octobre 2015.

Enfin, la réalité de l'allégation de D_____ et E_____ selon laquelle l'intervention de l'intimée en janvier 2016 a concerné la parcelle des appelants et non la leur n'est pas corroborée par les pièces du dossier. Une telle affirmation, émanant de parties au litige, n'a en tant que telle pas de force probante particulière.

Au regard de ce qui précède, la Cour retiendra que l'intimée n'a pas rendu vraisemblable avoir effectué sur la villa des appelants des travaux d'achèvement justifiant l'inscription d'une hypothèque légale postérieurement à ceux figurant dans sa facture du 21 juillet 2015 et qui étaient terminés à cette date.

La demande d'inscription provisoire de l'hypothèque légale déposée le 10 février 2016 est par conséquent tardive.

A cela s'ajoute le fait que, en tout état de cause, même dans l'hypothèse où le délai prévu par l'art 839 al. 2 CC aurait été respecté, l'intimée n'a pas établi le montant de sa créance. En effet, comme cela ressort de la jurisprudence citée ci-dessus, s'agissant de deux immeubles qui ne forment pas une unité, elle ne pouvait se limiter à requérir l'inscription sur chaque immeuble d'une hypothèque correspondant à la moitié de sa créance.

Dans la mesure où l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs a pour justification la plus-value que les travaux ont apportée à l'immeuble sur lequel ils ont été entrepris, il lui incombait au contraire de tenir un décompte séparé de ses travaux pour chaque immeuble et de les facturer aussi séparément dès leur achèvement afin d'établir quelles prestations concrètes, en travail et en matériaux, elle avait effectuées, et à quel prix, pour chaque bien-fonds, ce qu'elle n'a pas fait.

Compte tenu de ces éléments, le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance querellée sera annulé, et l'intimée déboutée des conclusions prises à l'encontre des appelants.

4. Les appelants concluent en outre à ce que l'intimée soit condamnée au paiement des frais d'inscription et de radiation de l'hypothèque provisoire, et des droits d'enregistrement. Ils n'ont cependant pas motivé cette conclusion, omettant en particulier d'indiquer quel a été le montant des frais en question.

Ils seront par conséquent déboutés de leurs prétentions sur ce point.

5. Au regard de l'issue de la cause, la moitié des frais de première instance et l'intégralité de ceux de l'appel doivent être mis à charge de l'intimée qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront fixés à 1'200 fr. pour la procédure de première instance, montant arrêté par le Tribunal et qui n'a pas été contesté en appel. La moitié à charge de l'intimée est ainsi de 600 fr., le solde étant à charge de D_____ et E_____. Les frais d'appel seront quant à eux fixés à 960 fr., l'intimée étant condamnée à payés ce montant aux appelants (art. 26 et 37 RTFMC). Les frais judiciaires seront compensés avec les avances fournies par les parties (art. 111 CPC).

Au vu de la valeur litigieuse de 44'104 fr., l'intimée sera en outre condamnée à verser aux appelants, pris solidairement, 2'500 fr. au titre des dépens de première instance et 2'000 fr. au titre de ceux d'appel, débours et TVA compris (art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par B_____ et A_____ contre l'ordonnance OTPI/268/2016 rendue le 24 mai 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2585/2016-4 SP.

Au fond :

Annule les chiffres 2, 5 et 6 du dispositif de cette ordonnance.

Déboute C_____ de ses conclusions en inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs sur la parcelle n° 3_____, plan 2_____, de la Commune de _____ (GE), prises à l'encontre de B_____ et A_____.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 1'200 fr. et les compense avec l'avance fournie par C_____.

Les met à la charge d'C_____ à hauteur de 600 fr. et à celle de D_____ et E_____ à hauteur de 600 fr.

Condamne solidairement D_____ et E_____ à verser 600 fr. à C_____.

Condamne C_____ à verser à B_____ et A_____ 2'500 fr. à titre de dépens de première instance.

Confirme l'ordonnance querellée pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 960 fr. et les compense avec l'avance versée par B_____ et A_____.

Condamne C_____ à verser à B_____ et A_____, pris solidairement, 960 fr. au titre des frais judiciaires.

La condamne en outre à leur verser solidairement 2'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.