C/26564/2015

ACJC/1044/2016 du 03.08.2016 sur JTPI/5029/2016 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE PROVISOIRE ; CÉDULE HYPOTHÉCAIRE SUR PAPIER; TITRE AU PORTEUR ; CRÉANCE GARANTIE PAR GAGE ; BENEFICIUM EXCUSSIONIS REALIS ; RECONNAISSANCE DE DETTE
Normes : LP.82;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26564/2015 ACJC/1044/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MErcredi 3 aoÛt 2016

Entre

Madame A______, domiciliée ______ Genève, recourante et intimée contre un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 avril 2016, comparant par Me Rocco Rondi, avocat, avenue de Champel 8C, case postale 385, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé et recourant du susdit jugement, comparant par Me Mitra Sohrabi, avocate, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 6090, 1211 Genève 6, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par jugement du 19 avril 2016, reçu par les parties le 27 avril 2016, le Tribunal de première instance a prononcé, à hauteur de 350'000 fr. plus intérêts à 5% dès le 16 mai 2013, la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______(ch. 1 du dispositif), arrêté à 750 fr. les frais judiciaires, compensés avec l'avance fournie et condamné A______ à verser 500 fr. à ce titre à B______ (ch. 2 et 3) ainsi que 3'000 fr. à titre de dépens (ch. 4).

B. a. Par actes expédiés à la Cour de justice le 9 mai 2015, les deux parties ont formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation.

B______ a conclu à ce que la Cour prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______, avec suite de frais et dépens.

A______ a pour sa part conclu à ce que la Cour rejette la requête de mainlevée provisoire de l'opposition déposée par sa partie adverse, avec suite de frais et dépens.

b. Par arrêt du 19 mai 2016, la Cour a admis la requête de suspension de l'effet exécutoire du jugement entrepris formée par A______ et a renvoyé à l'arrêt au fond la décision sur les frais.

c. Chacune des parties a conclu au rejet du recours formé par sa partie adverse.

d. Elles ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

e. Les parties ont été informées le 27 juin 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Le 10 mai 2011, B______ et A______ ont signé un document intitulé "contrat de prêt" par lequel le premier s'engageait à octroyer à la seconde un prêt de 500'000 fr. sans intérêts (art. 1 et 2 du contrat).

Sur ce montant, A______ déclarait avoir déjà reçu 150'000 fr. de la part du prêteur. Le solde du prêt en 350'000 fr. devait être délivré le 15 mai 2011 en échange de la remise par A______ à B______, à titre de garantie, d'une cédule hypothécaire de 500'000 fr. grevant sa part de copropriété du bien immobilier sis C______ (art. 3 à 5).

Le prêt devait être remboursé au plus tard le 15 mai 2012. Après cette date, A______ était en droit de prolonger la durée du prêt d'une année, soit jusqu'au 15 mai 2013, sous réserve du paiement d'intérêts fixés à 10% dès le 15 mai 2011 et payables à l'échéance du prêt (art. 6).

b. Le 10 mai 2011 également, A______ a signé deux documents indiquant qu'elle accusait réception des montants de 350'000 fr. et 150'000 fr. de la part de B______.

A______ allègue que, nonobstant la lettre des documents précités, le montant convenu du prêt n'était pas de 500'000 fr. mais de 350'000 fr. et que seul ce dernier montant lui a été transféré. Selon elle, B______ lui avait demandé de signer des documents portant sur un montant plus élevé que celui prêté afin d'avoir une garantie supplémentaire. Elle avait accepté en raison de son besoin pressant de liquidités.

B______ conteste ces allégations.

c. Le 25 mai 2011, D______, notaire, a adressé au Registre foncier une réquisition de création d'une cédule hypothécaire au porteur grevant en premier rang les immeubles n° 2______ et 3______ de la Commune de E______. Le montant de la cédule était de 500'000 fr. et les intérêts conventionnels de 12%.

La réquisition précise qu'elle concerne A______ et B______.

d. La cédule hypothécaire a été établie le jour même.

Elle indique que l'immeuble est grevé de droits de rang antérieur à hauteur de 4'000'000 fr. et que le préavis de dénonciation au remboursement est de six mois.

e. Le 24 février 2014, B______ a fait savoir à A______ qu'il lui réclamait le remboursement de l'entier de sa dette, soit le capital de 500'000 fr., plus les intérêts à 10% jusqu'au 15 mai 2013, en 100'000 fr, soit 600'000 fr. Ce dernier montant portait intérêts moratoires à 5% dès le 15 mai 2013, date de son exigibilité.

A______ était priée de s'acquitter de sa dette au plus tard le 30 juin 2014.

f. Le 21 juillet 2014 B______ a dénoncé au remboursement la cédule hypothécaire en 500'000 fr, relevant que le délai de préavis était de six mois.

g. Le 19 novembre 2015, un commandement de payer poursuite en réalisation de gage n° 1______a été notifié par B______ à A______, laquelle y a fait opposition.

Cette poursuite portait sur un montant de 500'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 16 mai 2013. La rubrique "Titre et date de la créance" du commandement de payer indique "Contrat de prêt du 10 mai 2011 conclu entre Monsieur B______ et Madame A______. Cédule hypothécaire au porteur n° 4______ d'une valeur de 500'000 fr. grevant la part de copropriété du bien immobilier sis au C______".

L'objet du gage, à savoir les parts de copropriété des parcelles n° 2______ et 3______, figure également dans le commandement de payer.

h. Parallèlement, B______ a également introduit contre A______ une poursuite ordinaire visant au recouvrement d'une part des intérêts conventionnels afférents au contrat de prêt du 10 mai 2011 et, d'autre part, d'un autre prêt octroyé postérieurement à cette date, en 20'000 fr.

La mainlevée provisoire de l'opposition formée à cette poursuite par A______ a été prononcée par jugement du 1er juin 2015 et les parties s'opposent dans le cadre d'une action en libération de dette actuellement pendante par devant le Tribunal.

i. Le 9 décembre 2015, B______ a déposé au Tribunal une requête en mainlevée de l'opposition formée par A______ au commandement de payer poursuite en réalisation de gage n° 1______.

A______ a conclu à la suspension de cette procédure de mainlevée dans l'attente de l'issue de l'action en libération de dette portant sur les intérêts du prêt et, subsidiairement, au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions.

Lors de l'audience du 15 avril 2016, B______ s'est opposé à la suspension.

L'avocat de A______ a précisé que, "vu la nature de l'affaire", une nouvelle audience devait être convoquée pour plaider.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience.

D. Les arguments des parties devant la Cour seront traités ci-après en tant que de besoin.

EN DROIT

1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).

La décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) doit être attaquée dans un délai de dix jours dès sa notification (art. 142 al. 3 et 321 al. 2 CPC) par un recours, écrit et motivé, conforme aux articles 130 et 131 CPC, adressé à la Cour de justice.

Interjetés dans le délai et les formes prévus par la loi, les deux recours sont recevables.

1.2 Selon l'art. 320 CPC, le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits.

1.3 La procédure de mainlevée étant instruite en procédure sommaire, la maxime des débats s'applique (art. 55 al. 1 et art. 255 let. a a contrario CPC) et la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC).

2. A______ fait valoir que le libellé du titre de la créance mentionné dans le commandement de payer ne permet pas de déterminer si l'objet de la poursuite est le contrat de prêt ou la cédule hypothécaire, de sorte que la mainlevée ne pouvait pas être prononcée.

2.1 Le droit de la cédule hypothécaire a été modifié lors de la révision du 11 décembre 2009, entrée en vigueur le 1er janvier 2012 (RO 2011 4637 ss, 4657). Dès lors que la cédule hypothécaire a, en l'espèce, été remise en garantie avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, le présent recours sera examiné sous l'angle de l'ancien droit (art. 1 al. 1 et 26 al. 1 Tit. fin. CC; ATF 140 III 180 consid. 3).

Sous l'ancien droit, comme sous le nouveau droit, la cédule hypothécaire est une créance personnelle garantie par un gage immobilier (ancien art. 842 CC et art. 842 al. 1 CC; Message du 27 juin 2007 concernant la révision du Code civil suisse [Cédule hypothécaire de registre et autres modifications des droits réels], FF 2007 5015 ss, 5053 ch. 2.2.2.3 [ci-après : Message]). Il s'agit d'un papier-valeur qui incorpore à la fois la créance et le droit de gage immobilier, qui en est l'accessoire (ATF 140 III 180 consid. 5.1). La créance abstraite incorporée dans la cédule hypothécaire et garantie par le gage immobilier doit faire l'objet d'une poursuite en réalisation de gage immobilier tandis que la créance causale doit faire l'objet d'une poursuite ordinaire (ATF 140 III 180 consid. 5.2; 136 III 288 consid. 3.1 et les arrêts cités; 134 III 71 consid. 3 = JdT 2007 II 51).

L'identification de la créance en poursuite (créance causale ou abstraite ?) est indispensable car une poursuite en réalisation de gage immobilier doit nécessairement porter sur une créance garantie par un tel gage. Or seule la créance cédulaire est assortie d'un droit de gage immobilier et elle seule peut faire l'objet d'une poursuite en réalisation de gage immobilier, à l'exclusion de la créance causale (Denys, Cédule hypothécaire et mainlevée, in JdT 2008 II p. 4)

La cause de la créance doit être reconnaissable pour le poursuivi en vertu du principe de la bonne foi (Denys, op. cit., p. 7).

2.2 En l'espèce, en application du principe de la bonne foi, A______ pouvait et devait comprendre que l'objet de la poursuite était la créance incorporée dans la cédule hypothécaire.

En effet, le commandement de payer indique que le titre de créance est la cédule hypothécaire. Le fait que le contrat de prêt soit également mentionné ne permettait pas à A______ de conclure que la poursuite litigieuse portait sur la créance causale puisque le commandement de payer comporte la mention expresse selon laquelle il est émis dans le cadre d'une poursuite en réalisation d'un gage immobilier, les références de l'immeuble objet du gage étant qui plus est indiquées. Or, une telle poursuite ne peut pas être entamée sur la base d'un simple contrat de contrat de prêt non assorti d'un droit de gage.

A cela s'ajoute le fait que, depuis la dénonciation au remboursement de la cédule hypothécaire intervenue en juillet 2014, A______ devait s'attendre à faire l'objet d'une poursuite en réalisation de gage fondée sur cette cédule, puisqu'aucun montant n'avait été versé par ses soins.

Le grief de A______ relatif à l'indication prétendument confuse dans le commandement de payer du titre de la créance est ainsi infondé.

En outre, contrairement à ce qu'elle fait valoir, l'on ne discerne aucune "violation du principe beneficium excussionis realis" puisqu'elle a bien été poursuivie par la voie d'une poursuite en réalisation de gage et non d'une poursuite ordinaire.

3. A______ soutient que la cédule hypothécaire ne constitue pas une reconnaissance de dette en l'espèce car elle ne mentionne par l'identité de B______ comme créancier. Elle ajoute que sa partie adverse n'a pas démontré que la créance cédulaire était exigible au jour du dépôt de la réquisition de poursuite.

3.1 La cédule hypothécaire au porteur est une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP et vaut titre de mainlevée pour la créance incorporée à l'encontre du débiteur figurant dans ce titre - de sorte que le créancier n'a pas à produire une reconnaissance de dette pour la créance causale (ATF 140 III 180 consid. 5.1.2) -, mais seulement dans la mesure où le débiteur est inscrit (ATF 134 III 71 consid. 3 = JdT 2007 II 51 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_398/2010 du 31 août 2010 consid. 3.1; 5A_226/2007 du 20 novembre 2007 consid. 5.1).

Cette exigence de la mention du débiteur vise en particulier à éviter que soit prononcée la mainlevée provisoire à l'encontre du propriétaire de l'immeuble grevé qui n'est pas le débiteur de la créance incorporée dans le titre
(ATF 129 III 12 consid. 2.5).

Si la cédule hypothécaire ne comporte pas l'indication du débiteur, le créancier ne pourra obtenir la mainlevée provisoire que s'il produit une copie légalisée de l'acte constitutif dans lequel la dette est reconnue. Dans le cas d'une cédule hypothécaire qui a été créée au nom du propriétaire lui-même ou dont celui-ci a été le premier porteur, la réquisition écrite par laquelle il a demandé l'inscription de la cédule doit être considérée comme contenant une reconnaissance de dette implicite
(ATF 129 III 12 consid. 2.5).

3.2 Selon l'art. 847 al. 1 CC, sauf convention contraire, la cédule hypothécaire peut être dénoncée par le créancier ou le débiteur pour la fin d'un mois moyennant un préavis de six mois (art. 847 al. 1 CC).

Il suffit que le délai de six mois soit écoulé au jour de la notification du commandement de payer (Favre/ Liniger, Cédules hypothécaires et procédure de mainlevée, SJ 1995, p. 107; ATF 84 II 645, JT 1959 I 493).

3.3 En l'espèce, la cédule hypothécaire a été créée pour la première fois par A______. B______ a produit la réquisition écrite par laquelle le notaire mandaté par celle-ci a demandé l'inscription de la cédule, réquisition qui mentionne spécifiquement le nom des parties.

Conformément à la jurisprudence précitée, cette réquisition doit être considérée comme contenant une reconnaissance de dette implicite de sorte que la cédule hypothécaire constitue bien un titre de mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer.

En outre, le délai de six mois prévu pour la dénonciation de la cédule a été respecté. Celle-ci est intervenue le 21 juillet 2014 et le commandement de payer a été notifié le 19 novembre 2015, soit environ seize mois plus tard, étant précisé que c'est la date de notification du commandement de payer qui fait foi.

En tout état de cause, au regard du temps particulièrement long qui s'est écoulé entre la dénonciation de la cédule et la notification du commandement de payer, le délai de six mois était certainement écoulé à la date du dépôt de la réquisition de poursuite.

B______ est par conséquent bien au bénéfice d'une reconnaissance de dette portant sur une créance exigible.

4. Enfin, contrairement à ce qu'elle fait valoir, le droit d'être entendu de A______ n'a pas été violé au motif que le Tribunal n'a pas donné suite à sa demande de convoquer une seconde audience de plaidoirie.

Ses allégations selon lesquelles le Tribunal s'y était engagé ne sont corroborées par aucun élément du dossier. En outre, s'agissant d'une procédure sommaire dans le cadre de laquelle les preuves sont rapportées essentiellement par titre, l'exigence de célérité s'oppose à la multiplication des audiences.

5. Reste à déterminer le montant à hauteur duquel la mainlevée doit être prononcée.

5.1 Lorsque le créancier est en possession d'une reconnaissance de dette, le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire : le créancier ne peut motiver sa requête qu'en produisant le titre et la production de cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de son origine et des caractéristiques extérieures comme un tel titre, suffit pour que la mainlevée soit prononcée si le débiteur n'oppose pas et ne rend pas immédiatement vraisemblable des exceptions. Le juge de la mainlevée provisoire examine donc seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la validité de la créance - et lui attribue force exécutoire (ATF 132 III 140 consid. 4.1).

Le juge de la mainlevée doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette, l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_236/2013 du 12 août 2013, consid. 4.1.1).

Conformément à l'art. 82 al. 2 LP, le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable ses moyens libératoires (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.1), ce que celui-ci doit établir en principe par titre (cf. art. 254 al. 1 CPC). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables (arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.2). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 132 III 140 consid. 4.1.2). Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 131 III 268 consid. 3.2).

5.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu que la version de A______, selon laquelle seuls 350'000 fr. et non 500'000 fr. lui avaient été remis à titre de prêt était plausible. En effet, dans la procédure parallèle en libération de dette, B______ n'avait pas produit, en dépit de l'injonction qui lui avait été faite, de relevé bancaire attestant du versement de 150'000 fr. à A______; il avait expliqué dans ce cadre qu'il détenait ce montant dans son coffre et l'avait remis en espèces à cette dernière, ce qui n'a pas convaincu le premier juge.

B______ fait valoir que l'appréciation du Tribunal est erronée car A______ n'a apporté aucun élément de preuve à l'appui de sa thèse. Elle avait au contraire signé une quittance attestant de ce qu'elle avait reçu la somme de 150'000 fr. et avait remis à B______ une cédule hypothécaire d'un montant de 500'000 fr., comprenant le montant de 150'000 fr. précité.

A cet égard, la Cour constate que, comme le relève B______, la version de A______ n'est corroborée par aucune pièce. Celle-ci a signé plusieurs documents confirmant que les 150'000 fr. litigieux lui ont été remis, dont un devant notaire, à savoir l'acte constitutif de la cédule.

Elle a en outre attendu la procédure en libération de dette intervenue plus de quatre ans après la signature du contrat de prêt pour faire état, pour la première fois, du fait que le montant nominal du prêt ne correspondait pas à son montant réel, ce qui est de nature à laisser penser que cet argument n'a été soulevé que pour les besoins de la cause.

Ses explications selon lesquelles B______ aurait exigé la signature d'un document portant sur un montant plus important que le prêt réel à titre de "garantie", de même que les raisons qu'elle invoque pour avoir accepté ce procédé sont au demeurant peu convaincantes.

Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, il n'incombait pas à B______, possesseur d'une cédule hypothécaire valant reconnaissance de dette, d'établir que les allégations de sa partie adverse étaient fausses. Il incombait au contraire à la débitrice de rendre sa libération vraisemblable, ce qu'elle n'a, au vu des considérations qui précèdent, pas fait.

En tout état de cause, les explications de B______ selon lesquelles le montant concerné a été remis en liquide à la débitrice contre quittance ne sont pas dénuées de plausibilité. Même si la remise d'un tel montant en liquide n'est pas forcément usuelle, une telle manière de procéder n'a rien d'illégal en soi.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement querellé sera annulé et la mainlevée provisoire prononcée pour le montant en capital figurant sur la cédule hypothécaire, à savoir 500'000 fr.

Les intérêts moratoires ne courront que dès le 21 janvier 2015, soit six mois après la dénonciation au remboursement de la cédule intervenue le 21 juillet 2014, et non dès le 16 mai 2013 comme indiqué dans le commandement de payer.

6. Au regard de l'issue de la cause, les frais de première instance et ceux des deux recours doivent être mis à charge de A______ qui succombe
(art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront fixés à 750 fr. pour la procédure de première instance et à 2'250 fr. pour celle de recours, soit 3'000 fr. au total (art. 48 et 61 al. 1 OELP). Ils seront compensés avec les avances fournies par les parties, soit 1'875 fr. pour B______ et 1'125 fr. pour A______, cette dernière étant condamnée à verser 1'875 fr. à sa partie adverse (art. 111 CPC).

Au vu de la valeur litigieuse de 500'000 fr., A______ sera en outre condamnée à verser à B______ 4'700 fr. au titre des dépens de première instance et 3'000 fr. au titre de ceux du recours, soit 7'700 fr. au total, débours et TVA compris (art. 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les recours interjetés par A______ et B______ contre le jugement JTPI/5029/2016 rendu le 19 avril 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/26564/2015-12 SML.

Au fond :

Annule ce jugement et, cela fait, statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______ au commandement de payer poursuite en réalisation de gage n° 1______à concurrence de 500'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 21 janvier 2015.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de première instance et de recours à 3'000 fr.

Les met à charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec les avances de frais fournies qui restent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 1'875 fr. à B______ au titre des frais judiciaires.

La condamne en outre à lui verser 7'700 fr. au titre des dépens de première instance et de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.