C/27568/2017

ACJC/1299/2018 du 26.09.2018 sur JTPI/8004/2018 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE
Normes : LP.80; LP.81
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27568/2017 ACJC/1299/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2018

 

Entre

ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE, Service du contentieux, rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3, recourant contre un jugement rendu par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 mai 2018, comparant en personne,

et

Monsieur A______, domicilié _____, intimé, comparant par Me Nicola Meier, avocat, rue de la Fontaine 2, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Le 5 décembre 2016, l'Office des poursuites a notifié à A______, à la requête de l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE (ci-après: l'AFC), un commandement de payer, poursuite
n° 1______, portant sur la somme de 5'576 fr. 15, fondée sur un acte de défaut de biens n° 2______ du 17 janvier 1994, relatif à un bordereau de taxation du
19 décembre 1991.

A______ y a formé opposition.

b. Par requête déposée devant le Tribunal le 23 novembre 2017, l'AFC a requis la mainlevée définitive de cette opposition.

Elle a déposé à l'appui de sa requête un bordereau de taxation du 19 décembre 1991 pour les impôts cantonaux et communaux 1991, d'un montant de
27'316 fr. 40, lequel mentionne qu'il n'y a pas été formé réclamation, une sommation du 6 février 1992 de payer le montant précité, auquel s'ajoutaient une surtaxe et des frais, soit 28'748 fr. 70 au total, un acte de défaut de biens du
17 janvier 1994 d'un montant de 7'378 fr. 25 délivré en relation avec le bordereau concernant les impôts pour l'année 1991, ainsi que le commandement de payer qui a fait l'objet de l'opposition dont la mainlevée était requise.

c. Lors de l'audience devant le Tribunal du 7 mai 2018, l'AFC n'était ni présente ni représentée.

A______ s'est opposé à la requête. Il a notamment produit deux attestations de l'Office des poursuites des 23 janvier 2006 et 14 juin 2012 indiquant qu'il ne faisait l'objet d'aucune poursuite, ni acte de défaut de biens. Il avait versé le montant réclamé.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

B. Par jugement du 22 mai 2018, le Tribunal a débouté l'AFC de ses conclusions en mainlevée définitive (ch. 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judicaires, arrêtés à 300 fr. (ch. 2 et 3) et l'a condamnée aux dépens de A______, arrêtés à 310 fr. (ch. 4).

Il a considéré que A______ avait établi par pièce ne faire l'objet d'aucune poursuite ni acte de défaut de biens selon une attestation délivrée postérieurement à l'établissement de l'acte de défaut de biens sur lequel se fondait la poursuite.

C. a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 1er juin 2018, l'AFC a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu, avec suite de frais, à son annulation et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ et à ce qu'il soit dit que la poursuite irait sa voie.

Elle a déposé des pièces nouvelles.

b. A______ a conclu au rejet du recours, avec suite de frais.

c. Par réplique du 12 juillet 2018 et duplique du 23 juillet 2018, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Les parties ont été informées par avis de la Cour du 25 juillet 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce, le recours a été interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.3 La recourante a déposé des pièces nouvelles dont elle soutient qu'elles portent sur des faits qui doivent être qualifiés de notoires.

1.3.1 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

Les faits qui peuvent être connus de tous et contrôlés par des moyens accessibles à chacun sont notoires (ATF 135 III 88 consid. 4.1 p. 89 relatif à l'art. 67 LP; ATF 134 III 224 consid. 5.2 p. 233). N'importe quel renseignement accessible à chacun n'est pas pour autant un fait notoire; lorsqu'une recherche est nécessaire, en particulier dans une bibliothèque, sur internet ou par l'interrogation de tiers, cette recherche incombe à la partie chargée du fardeau de la preuve et le fait qu'elle doit mettre en évidence n'est pas notoire (Corboz, in Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n. 13b ad art. 99 LTF cité in arrêt du Tribunal fédéral 4A_582/2016 du 6 juillet 2017 consid. 4.5).

1.3.2 Les pièces nouvelles déposées par la recourante sont un extrait du registre des poursuites concernant l'intimé du 31 mai 2018, un courrier de l'Office des poursuites à la recourante du 31 mai 2018 qui explique les motifs pour lesquels l'acte de défaut de biens concernant l'intimé ne serait pas mentionné dans les relevés déposés par ce dernier et une notice explicative de l'Office des poursuites concernant les extraits du registre des poursuites. Les deux premiers documents ne sont pas immédiatement accessibles à tout un chacun, puisqu'il est nécessaire de faire une demande pour obtenir un extrait du registre des poursuites concernant un tiers et que le courrier de l'Office des poursuites est adressé à la recourante et concerne le cas particulier de l'intimé. Il ne s'agit pas de faits qui peuvent être qualifiés de notoires et ils sont donc irrecevables. Quant au dernier document, il est accessible sur le site internet de l'Office des poursuites et des faillites et peut dès lors être considéré comme notoire et donc recevable.

Les explications nouvelles fournies par la recourante à l'appui de sa réplique et concernant le contenu des différentes bases de données B______, C______ et D______ sont également nouvelles et, partant, irrecevables.

2. La recourante soutient qu'elle est toujours en possession de l'acte de défaut de biens et qu'il ressort de l'attestation de l'Office des poursuites que celui-ci existe toujours dans son registre. Par ailleurs, selon l'extrait du registre des poursuites au 31 mai 2018, la poursuite n'avait pas été payée alors que l'intimé avait affirmé le contraire lors de l'audience devant le Tribunal.

2.1 Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP). Les décisions des autorités administratives suisses sont assimilées à des jugements (art. 80 al. 2
ch. 2 LP).

En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur une décision exécutoire rendue par une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que le poursuivi ne prouve par titre, notamment, que sa dette a été éteinte, ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 80 al. 1 et 81 al. 1 LP). Le titre de mainlevée au sens de l'art. 81 al. 1 LP créant la présomption que la dette existe, cette présomption ne peut être renversée que par la preuve stricte du contraire (cf. ATF 124 III 501 consid. 3b p. 504).

2.2 La recourante a invoqué comme titre de mainlevée une décision de taxation qui a fait l'objet d'un acte de défaut de biens.

L'intimé s'est opposé à la poursuite en alléguant avoir réglé sa dette. Il a produit à cet égard deux attestations de l'Office des poursuites datant de 2006 et 2012 selon lesquelles il ne faisait pas l'objet d'acte de défaut de biens. De telles attestations sont de nature à établir en l'espèce le paiement de la dette de l'intimé. En effet, aucun élément ne permet de retenir que l'absence de mention de l'acte de défaut de biens pourrait avoir une autre cause que le paiement de la dette, ce que la recourante n'a pas soutenu devant le Tribunal. Aucun élément ne permet par ailleurs de retenir que les attestations seraient incomplètes ou erronées, étant relevé qu'il est peu vraisemblable que deux attestations établies à plusieurs années d'intervalle contiennent la même erreur. De plus, la première attestation selon laquelle l'intimé ne fait pas l'objet d'un acte de défaut de biens date de 2006, soit il y a douze ans. Compte tenu de ce laps de temps, il est compréhensible que l'intimé n'ait pas été en mesure de produire un autre document qui établirait de manière directe le paiement de la dette, telle une quittance de l'Office des poursuites. Le délai usuel de conservation des pièces comptables est de dix ans (cf. à cet égard l'art. 957f CO) et il ne saurait dès lors être reproché à l'intimé de ne pas avoir conservé un justificatif de paiement.

C'est dès lors, au vu de ces circonstances, à bon droit que le Tribunal a débouté la recourante de ses conclusions.

Il convient encore de relever que les explications fournies par la recourante devant la Cour sur la base de faits nouveaux et de pièces nouvelles irrecevables ne permettraient pas d'aboutir à un autre résultat.

En effet, l'Office des poursuites a expliqué dans son courrier à la recourante du 31 mai 2018 que l'acte de défaut de biens n° 2______ était toujours inscrit, mais qu'il n'apparaissait pas dans les nouveaux relevés étant donné qu'il se trouvait dans une ancienne base de données (B______) qui n'avait pu être reprise dans la nouvelle base de données (D______) lors de la migration effectuée en 2016. Les attestations produites par l'intimé ont toutefois été établies antérieurement, de sorte que ladite migration ne permet pas d'expliquer l'absence de mention de l'acte de défaut de biens dans les attestations de 2006 et 2012. Les allégations de la recourante dans sa réplique sur les différentes bases de données ne sont par ailleurs étayées d'aucune manière de sorte qu'elles ne sont pas rendues vraisemblables.

La recourante ne peut en outre être suivie lorsqu'elle affirme que l'extrait du registre des poursuites du 31 mai 2018 atteste que la poursuite n'a été payée ni en ses mains ni en celle de l'Office des poursuites. En effet, l'inscription de la poursuite litigieuse dans l'extrait du registre des poursuites concernant l'intimé, qui mentionne l'opposition formée par ce dernier, ne permet pas de retenir que le montant réclamé par voie de poursuite n'a pas déjà été payé et qu'il est dû, étant rappelé, en tant que de besoin, qu'une poursuite ne suffit pas, en elle-même, à établir la qualité de créancier du poursuivant et celle de débiteur du poursuivi.

Au vu de ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires (art. 106
al. 1 CPC), arrêtés à 450 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance de frais du même montant opérée par ses soins, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Elle sera également condamnée aux dépens de l'intimé, arrêtés à 500 fr., débours et TVA compris (art. 85, 88, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE contre le jugement JTPI/8004/2018 rendu le 22 mai 2018 par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance dans la cause C/27568/2017-24 SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 450 fr., les met à la charge de l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE à verser à A______ la somme de 500 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Eleanor McGREGOR, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.