C/3130/2015

ACJC/1226/2015 du 16.10.2015 sur JTPI/5908/2015 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : MAINLEVÉE PROVISOIRE; TITRE DE MAINLEVÉE; RECONNAISSANCE DE DETTE; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : LP.82;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3130/2015 ACJC/1226/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 16 octobre 2015

 

Entre

A______ SA, ayant son siège ______, (GE), recourante contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 18 mai 2015, comparant par Me Paul Hanna, avocat, rue de Jargonnant 2, 1211 Genève 6, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ & CIE, ayant son siège ______, Genève, intimée, représentée par ______, Genève, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. Aux termes de leur accord du 6 mars 2010, A______ SA, d'une part, et B______ & CIE, d'autre part, ont indiqué en préambule qu'elles s'appréciaient depuis qu'elles travaillaient ensemble à la promotion de la Clinique C______ et que l'objectif dudit accord était de "solder leur passé comptable commun, afin de pouvoir reprendre une étroite collaboration sur des bases assainies et claires"; l'accord n'était "en rien lié" à tout autre, en vigueur ou à venir, impliquant D______ SA, A______ SA et B______ & CIE.

Il était prévu, concernant les honoraires et frais que B______ & CIE comptait facturer à A______ SA, que les parties s'accordaient à en arrêter le montant total à 50'000 fr. pour les prestations fournies entre septembre 2009 et mars 2010; toute somme se référant à l'accord et payée par A______ SA à B______ & CIE ne pourrait, en aucun cas, venir en déduction des engagements pris solidairement par D______ et A______ SA dans le cadre d'un autre accord, quand bien même celui-ci devait porter sur des activités identiques ou comparables, réalisées au cours de la même période ou non (clause n° 1). Le compte de B______ & CIE devait être crédité de 10'000 fr. le 5 de chaque mois au plus tard, dès le 5 avril 2010 et jusqu'au 5 août 2010 (clause n° 2). B______ & CIE devait faire parvenir à A______ SA, dans les quinze jours, une ou plusieurs factures dont le cumul correspondrait aux montants devant être perçus par elle entre le 5 avril et le 5 août 2010 (clause n° 5). En cas de non-respect de l'accord, B______ & CIE pourrait exiger que la totalité des mensualités qui lui restaient dues lui soient créditées (clause n° 10).

B______ & CIE a établi une facture le 15 mars 2010 pour un montant de
55'125 fr., ramenée à 50'000 fr., payable à raison de 10'000 fr. chaque mois. Ladite facture indique qu'elle concerne strictement des travaux réalisés pour A______ SA de septembre 2009 à février 2010 et qu'elle est totalement indépendante de celles qui concernent D______, qui a participé à la création de la Clinique C______.

b. Le 27 janvier 2015, un commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié à A______ SA, sur requête de B______ & CIE, pour un montant de 50'000 fr. selon la facture du 15 mars 2010.

A______ SA y a formé opposition.

c. Par requête déposée au Tribunal de première instance le 17 février 2015, B______ & CIE a requis la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Elle a expliqué dans sa requête qu'après de nombreuses négociations ayant abouti à une réduction de ses factures, A______ SA s'était portée garante du paiement d'un montant arrêté à 50'000 fr. Cet accord était clair et faisait expressément mention qu'en cas de non-paiement, A______ SA pourrait être priée de payer, par voie de poursuite, sans autre sommation. Malgré de nombreuses promesses, A______ SA n'avait jamais payé le moindre franc, ni contesté les factures.

d. Lors de l'audience devant le Tribunal du 18 mai 2015, A______ SA a fait valoir qu'à la lecture de la requête de mainlevée, elle s'était engagée par le biais d'un cautionnement.

B______ & CIE a contesté qu'un accord de "garantie indirecte" avait été conclu. Le contrat du 6 mars 2010 était un engagement direct d'A______ SA de régler le montant convenu de 50'000 fr.

B. Par jugement du 18 mai 2015, le Tribunal a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif) et mis les frais judiciaires, arrêtés à 400 fr., à la charge d'A______ SA (ch. 2 et 3).

Le Tribunal a considéré que l'art. 1 du contrat du 6 mars 2010 entre les parties constituait une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP. Le fait que, dans la requête de mainlevée, B______ & CIE avait utilisé le terme de garantie ne changeait pas cette conclusion dans la mesure où le représentant de cette dernière avait indiqué lors de l'audience du 18 mai 2015 que l'engagement contenu dans l'accord était une obligation directe de payer le montant réclamé de 50'000 fr.

C. a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 11 juin 2015, A______ SA a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation et au rejet de la requête de mainlevée, avec suite de frais et dépens.

Elle a expliqué qu'elle avait développé, aux côtés de B______ & CIE, une activité de conseil pour la société D______ dans le cadre de la création de la Clinique C______. Elles étaient chacune cocontractante de D______. Il n'existait aucun rapport de sous-traitance entre elles. B______ & CIE s'était rapprochée d'elle lorsque ses factures n'avaient pas été acquittées par la Clinique C______, pour lui demander de se porter garante pour les prestations réalisées. Le caractère subsidiaire de son engagement ressortait de la requête de mainlevée qui indiquait qu'elle s'était portée garante du paiement d'un montant de 50'000 fr. De juin 2009 à mars 2010, B______ & CIE avait reçu des montants de 43'588 fr. et 67'100 fr. de la part de D______ et de la Clinique, de sorte que c'est à juste titre qu'elle avait refusé de payer.

Elle a invoqué le caractère subsidiaire de son engagement, que B______ & CIE n'a pas produit de reconnaissance de dette de D______ ou de la Clinique et que celles-ci ont éteint la dette principale.

b. B______ & CIE a conclu à l'irrecevabilité du recours et à la confirmation du jugement attaqué. Elle a produit six pièces nouvelles.

c. Les 10 juillet 2015 et 7 août 2015, les parties ont répliqué, respectivement, dupliqué, persistant dans leurs explications et conclusions.

d. Les parties ont été informées par avis de la Cour du 12 août 2015 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours doit, en procédure sommaire, être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.

Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise par la loi, le recours est recevable.

La recourante a contesté la recevabilité de la duplique de l'intimée, qui serait tardive. L'avis informant l'intimée de son droit de dupliquer n'ayant pas été retiré à l'issue du délai de garde venant à échéance le 22 juillet 2015, la duplique adressée à la Cour le 7 août 2015 est en effet tardive. Cela étant, elle n'apporte aucun élément nouveau et n'est pas déterminante.

1.2 Les conclusions, les allégations de fait et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Il s'ensuit que les allégués de fait nouveaux et les pièces nouvelles produites par les parties devant la Cour sont irrecevables.

1.3 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 254 CPC).

2. La recourante fait valoir que son engagement était conditionné à l'absence de paiement par les débitrices principales, ce qui ressortait de la requête de mainlevée qui indiquait qu'elle s'était portée garante du paiement d'un montant arrêté à 50'000 fr.

2.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP).

Par reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi – ou son représentant
(cf. ATF
130 III 87 consid. 3.1 p. 88) –, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 136 III 624 consid. 4.2.2 p. 626, 627 consid. 2 p. 629).

Conformément à l'art. 82 al. 2 LP, le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable sa libération (ATF 96 I 4 consid. 2). Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 131 III 268
consid. 3.2). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables, en principe par titre
(art. 254 al. 1 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.2).

La procédure de mainlevée provisoire, ou définitive, est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le poursuivant, sa nature formelle, et lui attribue force exécutoire si le poursuivi ne rend pas immédiatement vraisemblable ses moyens libératoires (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les arrêts cités). Il doit notamment vérifier d'office l'existence d'une reconnaissance de dette, l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1 et les références).

2.2 En l'espèce, il ressort de l'accord du 6 mars 2010 que les parties ont convenu que le montant des honoraires de l'intimée à l'égard de la recourante était arrêté à 50'000 fr., ce qui ressort par ailleurs de la facture du 15 mars 2010 établie comme le prévoyait l'accord, laquelle précise expressément qu'elle concerne des travaux réalisés pour la recourante, et qu'elle est indépendante de celles concernant D______. Le texte de l'accord est clair et aucun élément ne permet de retenir qu'une interprétation littérale ne serait pas conforme à la volonté des parties et que la recourante se porterait uniquement garante des engagements d'un débiteur principal. Il doit donc être retenu que c'est bien le sort des dettes de la recourante que les parties entendaient régler par leur accord.

L'intimée a certes indiqué dans sa requête de mainlevée que la recourante s'était porté « garante » du paiement d'un montant de 50'000 fr. Ce terme ne figure toutefois pas dans l'accord, dont il ne ressort d'aucune manière que l'engagement de la recourante ne serait que subsidiaire. La recourante indique d'ailleurs elle-même que le caractère subsidiaire de son engagement ne ressort pas d'une interprétation littérale de l'accord, mais de la requête de mainlevée. L'imprécision du terme utilisé dans ladite requête par l'intimée, qui comparait en personne, n'est cependant pas déterminante, au vu des titres produits.

Il doit dès lors être considéré que l'accord entre les parties vaut reconnaissance de dette. La recourante ne soutient pas avoir versé un quelconque montant en exécution de l'accord du 6 mars 2010. C'est dès lors à bon droit que le Tribunal a fait droit à la requête de mainlevée.

Le recours, infondé, sera rejeté.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais (art. 106 al. 1 et 3 CPC).

L'émolument de la présente décision sera fixé à 600 fr. (art. 61 al. 1 OELP) et compensé avec l'avance de frais du même montant opérée, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui comparait en personne.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ SA contre le jugement JTPI/5908/2015 rendu le 18 mai 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3130/2015-JS SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 600 fr. et les met à la charge d'A______ SA.

Compense les frais judiciaires du recours avec l'avance de frais fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.