C/3292/2014

ACJC/1135/2014 du 26.09.2014 sur JTPI/6830/2014 ( SFC ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 04.11.2014, rendu le 02.01.2015, IRRECEVABLE, 5A_865/2014
Descripteurs : POURSUITE PAR VOIE DE FAILLITE; INSOLVABILITÉ
Normes : LP.190
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3292/2014 ACJC/1135/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 26 septembre 2014

 

Entre

A______, ayant son siège ______ Genève, recourante contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 mai 2014, comparant en personne,

et

B______, sise ______ Yverdon, intimée, représentée par M. Christophe Savoy, agent d'affaire breveté, case postale 218, 1401 Yverdon-les-Bains, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.           Par jugement du 28 mai 2014, expédié pour notification aux parties le 2 juin 2014, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a prononcé la faillite sans poursuite préalable de A______ le ______à______, a mis les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., à charge de celle-ci, condamnée à les rembourser à B______ qui en avait fait l'avance, et à payer à celle-ci 800 fr. à titre de dépens, et débouté les parties de toutes autres conclusions.![endif]>![if>

En substance, le Tribunal a retenu que les conditions prévues par l'art. 190 LP étaient réalisées, en particulier celle de la suspension de paiements. L'extrait des poursuites montrait quatre poursuites au stade de la commination de faillite, dont le règlement d'une seule avait été démontré, aucune paiement n'avait été fait en faveur de B______ en dépit de l'arrangement de paiement conclu, le montant des paiements récents (par 19'000 fr.) demeurait très faible en regard du total des poursuites en cours, qui avait augmenté de 23'000 fr. environ à 220'000 fr. environ entre juillet 2013 et février 2014. La société avait en outre fait l'objet d'actes de défauts de biens, ses comptes 2013 n'étaient pas encore disponibles, et l'encaissement de produits selon l'avis bancaire était largement inférieur au chiffre d'affaires, l'état de charges demeurant inconnu.

B.            Le 20 juin 2014, A______ a formé recours (intitulé "appel") contre le jugement précité, dont il a requis l'annulation, cela fait le rejet de la requête de faillite.![endif]>![if>

Elle a nouvellement produit un contrat de bail datant de décembre 2013, conclu avec sa "société de gestion" (à laquelle ses employés ont été transférés), un tableau de chiffre d'affaires prévisionnel non documenté, un projet de bilan (faisant état d'actifs pour 4'021'017 fr. et de fonds étrangers pour environ 3'700'000 fr.) et de comptes de pertes et profits 2013 (dont il résulte un bénéfice de l'ordre de 330 fr.) et une liste des poursuites en cours au 16 juin 2014, annotée.

Statuant à la requête de A______, la Cour a suspendu l'effet exécutoire du jugement entrepris, par décision du 24 juin 2014.

Par réponse du 21 juillet 2014, B______ a conclu au rejet du recours.

Par réplique du 2 août 2014, A______ a conclu à l'irrecevabilité de la réponse au recours, et a persisté dans ses propres conclusions. Elle a produit une pièce nouvelle, à savoir un courrier, daté du 11 juillet 2014, reçu du mandataire de B______ qui proposait d'acquiescer aux conclusions du recours, moyennant paiement d'un acompte en faveur de sa cliente sous quatre jours.

Par duplique du 6 août 2014, B______ a conclu à l'irrecevabilité de la pièce nouvelle.

Par avis du 7 août 2014, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a. A______ est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois depuis le 2 mai 2013 (auparavant son siège était à______). Elle a pour but l'exploitation d'une agence immobilière, d'un bureau d'assurance, la fourniture de prestations de services et de conseils ainsi que différentes activités.

b. En septembre 2011, A______ a passé commande d'articles auprès de B______. Trois factures ont été émises entre septembre et novembre 2011, pour un montant total de 48'910 fr., lesquelles n'ont pas été acquittées.

c. Après que B______ avait déposé une première requête de faillite sans poursuite préalable contre A______, celle-ci s'est engagée, par courrier du 20 novembre 2013, à dette sa créance par acomptes et à remettre une cédule hypothécaire en garantie. Dès lors, B______ a retiré sa requête.

Seul un acompte en 10'000 fr. a été versé par B______ à la suite de cet accord.

d. Le 20 février 2014, B______ a saisi le Tribunal d'une nouvelle requête de faillite sans poursuite préalable. Elle a allégué que A______ était en situation de suspension de paiements.

A l'audience du Tribunal du 22 mai 2014, A______ s'est opposée à la requête. Elle n'a pas contesté la créance de B______, tout en se prévalant du manque de qualité des travaux effectués par celle-ci. Elle a pour le surplus fait valoir qu'elle connaissait des difficultés passagères, qu'elle n'avait pas d'employé, et que son activité se déroulait à ______ (VS). Au sujet d'un extrait de poursuites en cours qui lui était soumis, elle a déclaré que nombreuses d'entre elles avaient été réglées et que d'autres étaient injustifiées.

Elle a produit diverses pièces, dont un relevé bancaire dont il résulte qu'elle a reçu des versements d'un montant total de 192'144 fr. entre le 1er septembre 2013 et le 28 février 2014.

Selon son bilan non audité, au 30 juin 2012, les actifs atteignaient 4'565'997 fr., les fonds étrangers 4'463'822 fr. Le compte de pertes et profits révélait un chiffre d'affaires de 875'741 fr. et des charges d'exploitation de 873'566 fr. soit un bénéfice de 2'175 fr.

e. Il ressort de l'extrait des poursuites de l'Office des poursuites de ______ (VS) produit par B______ que A______ faisait l'objet au 11 juillet 2013 de neuf poursuites pendantes, introduites entre août 2012 et avril 2013, pour un montant total de 230'18 fr., y compris une poursuite engagée par B______ pour 58'662 fr. 90. Ces poursuites, de créanciers de droit privé, sous réserve de l'une d'entre elles, se trouvaient au stade de l'opposition au commandement de payer à l'exception d'une poursuite en 41'885 fr. déposée par une société C______, laquelle se trouvait au stade de la commination de faillite. A______ a produit lors de l'audience du Tribunal une copie d'un arrangement conclu avec ce créancier le 24 avril 2014 portant sur le règlement de la dette par le biais de neuf acomptes entre le 29 avril et le 20 décembre 2014 et sur la remise d'une cédule hypothécaire de 70'000 fr.

Selon l'extrait du Registre des poursuites de Genève au 24 février 2014, A______ faisait l'objet à cette date de trente-cinq poursuites engagées entre 2013 et 2014. Deux en étaient au stade de l'acte de défaut de biens pour un montant total de 9'457 fr.. Les autres poursuites portaient sur un montant total de plus de 220'090 fr. (montants variant entre 177 fr. 45 et 55'402 fr.). Quatre de ces poursuites en étaient au stade de la commination de faillite et les autres au stade de l'opposition au commandement de payer. Vingt-deux poursuites pendantes concernaient des créanciers de droit public.

Lors de l'audience du Tribunal, A______ a produit la preuve du paiement d'une des poursuites au stade de la commination de faillite, à savoir celle engagée par la société D______, pour un montant de 8'487 fr. 30. S'agissant des autres comminations de faillite, elle a indiqué qu'une des créances était contestée (E______pour 2'230 fr.) et que les deux autres poursuites avaient été payées (F______, pour un montant total de 1'970 fr.).

Elle a également déposé lors de l'audience deux quittances de l'Office des poursuites de ______ (VS) attestant l'une du versement par A______ de 5'000 fr. le 13 mai 2014 et l'autre du versement par G______, société proche, du montant de 1'341 fr. également le 13 mai 2014.

EN DROIT

1. Selon l'art. 309 let. b ch. 7 CPC, l'appel n'est pas recevable contre les décisions pour lesquelles le Tribunal de la faillite ou du concordat est compétent en vertu de la LP. L'art. 174 al. 1 LP prévoit que la décision du juge de faillite peut faire l'objet d'un recours au sens du CPC dans les dix jours. Seule la voie du recours est ainsi ouverte (art. 319 let. a CPC). A teneur de l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable en matière de faillite.

La Cour est l'autorité compétente pour statuer sur les recours contre la décision du juge de la faillite (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Selon l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce, le recours respecte les dispositions précitées, de sorte qu'il est recevable.

2. Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Les parties peuvent faire valoir des faits nouveaux lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance (art. 174 al. 1 et 194 LP), mais non portés à la connaissance du juge de la faillite, pourvu que le requérant les fasse valoir dans le délai de recours (DALLEVES/FOEX/JEANDIN, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également se fonder sur de vrais nova, soit des faits et moyens de preuve qui se sont réalisés seulement après la déclaration de faillite (DALLEVES/FOEX/JEANDIN, op. cit. n. 6 ad
art. 174 LP).

En matière de faillite, la maxime inquisitoire s'applique (art. 225 let. a CPC) et la preuve des faits allégués doit être apportée par titre (art. 254 al. 1 CPC). D'autres moyens de preuve sont toutefois admissibles (art. 254 al. 2 let. c CPC).

Les pièces nouvelles produites par la recourante sont ainsi recevables.

3. La recourante reproche au Tribunal d'avoir retenu qu'elle était en état de suspension de paiements, alors qu'elle affirme avoir pris des mesures d'assainissement depuis 2012, notamment en faisant reprendre ses salariés par une société tierce, avoir de nombreuses commandes, et attendre l'aboutissement de travaux en cours, qui généreraient entre 250'000 et 300'000 fr. De la sorte, elle pourrait régler la plus grande partie de ses créances vers fin 2014, étant précisé qu'elle a déclaré contester certaines poursuites figurant dans un extrait au 16 juin 2014 qu'elle a produit, ou en désigner d'autres comme en voie d'arrangement, sans preuves à l'appui.

3.1 Selon l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP, le créancier peut requérir la faillite sans poursuite préalable si le débiteur sujet à la poursuite par voie de faillite a suspendu ses paiements.

La notion de suspension de paiements est une notion imprécise qui confère au juge de la faillite un ample pouvoir d'appréciation. La suspension de paiements a été préférée par le législateur à l'insolvabilité parce qu'elle est perceptible extérieurement et, dès lors, plus aisée à constater que l'insolvabilité proprement dite; il s'agit ainsi de faciliter au requérant la preuve de l'insolvabilité. Pour qu'il y ait suspension de paiements, il faut que le débiteur ne paie pas des dettes incontestées ou exigibles, laisse les poursuites se multiplier contre lui, tout en faisant systématiquement opposition, ou omette de s'acquitter même de dettes minimes. Par ce comportement, le débiteur démontre qu'il ne dispose pas de liquidités suffisantes pour honorer ses engagements. Il n'est toutefois pas nécessaire que le débiteur interrompe tous ses paiements; il suffit que le refus de payer porte sur une partie essentielle de ses activités commerciales. Même une dette unique n'empêche pas, si elle est importante et que le refus de payer est durable, d'admettre une suspension de paiements; tel peut être le cas lorsque le débiteur refuse de désintéresser son principal créancier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_439/2010 du 11 novembre 2010, consid. 4 = SJ 2011 I 175 et les réf. citées).

Le non-paiement de créances de droit public peut constituer un indice de suspension de paiements (arrêt du Tribunal fédéral précité, même consid.).

Il n'est en tout cas pas arbitraire de conclure à la suspension des paiements lorsqu'il est établi que le débiteur a, sur une certaine durée, effectué ses paiements quasi exclusivement en faveur de ses créanciers privés et qu'il a ainsi suspendu ses paiements vis-à-vis d'une certaine catégorie de créanciers, à savoir ceux qui ne peuvent requérir la faillite par la voie ordinaire (art. 43 ch. 1 LP). Le but de la loi n'est en effet pas de permettre à un débiteur d'échapper indéfiniment à la faillite uniquement grâce à la favorisation permanente des créanciers privés au détriment de ceux de droit public (arrêt du Tribunal fédéral 5A_720/2008 du 3 décembre 2008, consid.4; arrêt 5P.412/1999 consid. 2b du 17 décembre 1999; SJ 2000 I p. 250 et les références).

Pour juger de l'existence d'une suspension de paiements, l'autorité judiciaire supérieure doit tenir compte des faits nouveaux (art. 174 LP applicable par renvoi de l'art. 194 LP) et donc de la situation financière du débiteur à l'échéance du délai de recours cantonal (ATF 136 III 294 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_439/2010 du 11 novembre 2010 déjà cité).

3.2 En l'occurrence, la recourante, bien qu'elle évoque la qualité insatisfaisante des prestations de l'intimée, ne conteste pas sa qualité de débitrice, par ailleurs manifestement sujette à la poursuite par voie de faillite.

Elle n'a pas remis en cause la constatation, pertinente, du premier juge, selon laquelle trois poursuites au stade de la commination de faillite n'avaient pas été réglées, ce qui représente un indice de suspension de paiements.

De surcroît, aucun paiement autre que l'acompte de 10'000 fr. n'a été effectué à l'intimée, en dépit de la reconnaissance de dette établie en novembre 2013. En particulier, le délai de recours n'a pas été mis à profit pour un tel versement.

Pour le surplus, la Cour fait également siens les développements du premier juge relatifs au montant global des poursuites, qui reste très élevé, et qui a largement augmenté entre juillet 2013 et février 2014, au fait que la recourante a fait l'objet d'actes de défaut de biens par le passé, ce qui démontre que les difficultés ne sont pas passagères, contrairement à ce qu'elle soutient, et que l'absence de comptes postérieurs à 2012 est inquiétante. A cet égard, l'ébauche de bilan et de compte de pertes et profits (lesquels révèlent un bénéfice de l'ordre de 330 fr., et des actifs et fonds étrangers qui diffèrent peu des chiffres de l'années précédente) au 30 juin 2013 n'est pas de nature à modifier l'appréciation fondée sur les comptes 2012.

Enfin, les expectatives de commandes ne sont pas documentées, si ce n'est par un tableau dont on ignore qui l'a dressé, et les contestations des poursuites en cours ne sont pas plus étayées.

En définitive, sur la base de ces éléments, il apparaît que la recourante se trouve bien en état de suspension de paiements. Par conséquent, le recours sera rejeté.

Compte tenu de l'effet suspensif accordé par la Cour, la faillite de A______ sera prononcée le ______ 2014 à ______h.

4. La recourante, qui succombe, supportera les frais de son recours (art. 106
al. 1 CPC), arrêtés à 800 fr. (art. 48, 61 OELP), et couverts par l'avance déjà effectuée, acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Elle versera 800 fr. à l'intimée à titre de dépens, débours et TVA compris (art. 84, 85, 88, 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 20 juin 2014 par A______ contre le jugement JTPI/6830/2014 rendu le 28 mai 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3292/2014-8 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Confirme le jugement entrepris, la faillite de A______ prenant effet le ______ 2014 à ______h.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais du recours à 800 fr., couverts par l'avance déjà opérée, acquise à l'Etat de Genève.

Les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à B______ 800 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 



Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indifférente.