C/3626/2013

ACJC/1507/2014 du 12.12.2014 sur ACJC/1339/2013 ( SML ) , RENVOYE

Descripteurs : MAINLEVÉE PROVISOIRE; CONSTATATION DU DROIT ÉTRANGER
Normes : CPC.251; LDIP.16; LDIP.166
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3626/2013 ACJC/1507/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 12 decembre 2014

 

Entre

B._______ LTD, IN LIQUIDATION, sise ______ (ILE MAURICE), recourante contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 juillet 2013, comparant par Me J. Potter Van Loon, avocat, rue de la Scie 4, 1207 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

C._______ SA, sise______ (GE), intimée, comparant par Me Blaise Stucki, avocat, rue des Alpes 15 bis, 1211 Genève 1, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 24 juillet 2013, notifié aux parties le 2 août 2013, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a déclaré irrecevable la requête de mainlevée définitive formée par B.______ LTD (ci-après : B.______), a arrêté les frais judiciaires à 2'000 fr., compensés avec l'avance effectuée, et laissés à la charge de la précitée, et condamnée à verser en outre 13'653 fr. TTC à titre de dépens à C._______ SA (ci-après :C.______).

En substance, le premier juge a retenu, en se référant à une pièce produite par C._______ le 3 juillet 2013, qu'une procédure de liquidation judiciaire avait été ouverte en février 2007 à l'égard de B._______ à l'étranger, que cette procédure était assimilable à une procédure de faillite, que celle-ci n'avait pas fait l'objet d'une reconnaissance en Suisse, et que par conséquent B._______ n'avait pas qualité pour intenter la requête de mainlevée définitive, ce qui rendait celle-ci irrecevable.

B. Par acte posté le 16 août 2013 (selon attestation d'huissier judiciaire), B._______ a formé recours contre le jugement précité, concluant à son annulation, cela fait au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal, avec suite de dépens.

Elle a formé des allégués nouveaux et produit des pièces nouvelles, dont un avis de droit.

Par mémoire-réponse du 20 septembre 2013, C._______ a conclu au rejet du recours, avec suite de frais et dépens. Elle a déposé des pièces nouvelles.

Par avis du 24 septembre 2013, les parties ont été avisées de la mise en délibération de la cause.

C. Par arrêt du 8 novembre 2013, la Cour a annulé le jugement attaqué, cela fait, statuant à nouveau, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par C._______ SA au commandement de payer poursuite n° 1_______ à concurrence de 3'128'671 fr. 60 avec intérêts moratoires à 5% dès le 19 avril 2002, 37'348 fr. 51 avec intérêts moratoires à 5% dès le 19 avril 2002, 100'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% dès le 3 février 2011, 39'538 fr. 25 avec intérêts à 5% dès le 3 février 2011, 15'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 13 avril 2012, 22'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 octobre 2012, 2'450 fr. et 15'334 fr., et débouté les parties de toutes autres conclusions. Elle a pour le surplus statué sur les frais et dépens.

Statuant sur le recours de C._______ par arrêt du 25 juillet 2014, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt précité et renvoyé la cause à la Cour pour nouvelle décision.

Il a notamment retenu que les constatations de la Cour ne permettaient pas de déterminer avec précision le motif qui avait entraîné la "mise en liquidation" de l'intimée. La Cour devait donc, pour autant que la procédure applicable le lui permette, compléter ses constatations et statuer à nouveau.

D. La cause a été réinscrite au rôle de la Cour.

Par actes respectifs du 13 octobre 2014, les parties se sont déterminées.

B._______ a repris les conclusions de son recours, alternativement requis, après l'annulation du jugement, le retour de la cause au Tribunal pour nouvelle décision, tandis que C._______ a persisté dans ses conclusions du 20 septembre 2013.

Chacune des parties a déposé un avis de droit, soutenant sa propre position.

Par avis du 16 octobre 2014, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

E. Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants :

a) Par arrêt du 13 avril 2012 de la Cour (procédure C/3_______), confirmant un jugement du Tribunal du 3 février 2011 - qui avait mis à charge de C._______ les frais, taxés à 39'538 fr. 25 et arrêtant le montant des dépens à 15'000 fr. - C._______ a été condamnée à verser à B._______ 3'235'441,12 USD et 38'623,07 USD avec intérêts moratoires à 5% dès le 19 avril 2002, ainsi qu'une indemnité de procédure de 100'000 fr.

Le recours interjeté au Tribunal fédéral par C._______ contre cet arrêt a été rejeté le 30 octobre 2012, les dépens étant arrêtés à 22'000 fr.

b) Statuant le 30 novembre 2012 à la requête de B._______, le Tribunal a ordonné le séquestre des avoirs de C._______ à concurrence de 5'022'745 fr. 78, avec suite de frais par 2'450 fr. et de dépens par 15'334 fr.

B._______ a ensuite fait notifier à C._______ un commandement de payer, poursuite n° 2_______. Les créances et titres invoqués étaient mentionnés ainsi : (1) 4'789'040 fr. 17 et (2) 57'167 fr. 36 plus intérêts moratoires à 5% dès le 19 avril 2002 représentant la contre-valeur de montants résultant du jugement du 3 février 2011 précité (intérêts compris jusqu'au 30 novembre 2012, au taux de change dollars américains/francs suisses 0,967 du jour précité), (3) 100'000 fr. plus intérêts moratoires à 5% dès le 3 février 2011 représentant les dépens dus selon le même jugement, (4) 39'538 fr. 25 avec intérêts à 5% dès le 3 février 2011 représentant l'état de frais taxé par le Tribunal en relation avec ledit jugement, (5) 15'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 13 avril 2012 représentant les dépens dus selon l'arrêt de la Cour du 13 avril 2012, (6) 22'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 octobre 2012 représentant les dépens dus selon arrêt du Tribunal fédéral précité, (7) 2'450 fr. et (8) 15'334 fr. représentant les frais et dépens dus selon ordonnance de séquestre précitée.

Le 14 février 2013, B._______ a reçu en retour ce commandement de payer, frappé d'opposition.

c) Le 25 février 2013, B._______ a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 2_______, avec suite de dépens, à concurrence de 4'789'040 fr. 17 et 57'167 fr. 36 plus intérêts à 5% dès le 19 avril 2002, 100'000 fr. et 39'538 fr. 25 avec intérêts à 5% dès le 3 février 2011, 15'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 13 avril 2012, 22'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 octobre 2012, 2'450 fr., 15'334 fr. et 400 fr.

Lors de l'audience du Tribunal de 1er juillet 2013, C._______ a conclu au déboutement de B._______, invoquant l'absence de qualité pour agir à Genève de la précitée, en raison de sa mise en liquidation judiciaire à l'étranger, soit une mise en faillite requérant d'être reconnue en Suisse avant toute procédure de recouvrement de créance ou poursuite; elle a encore relevé que des intérêts étaient réclamés au sujet d'une créance, tant dans le montant en capital (issu de la conversion des dollars américains en francs suisses) qu'à titre d'accessoire de la créance. Elle a déposé un chargé de trois pièces, parmi lesquelles une requête de "winding up" soumise le 28 juin 2002 par B._______ à la "Bankruptcy Division" de la Cour suprême de l'Ile Maurice (pièce 2).

B._______ a contesté que sa mise en liquidation vaille faillite, soutenu que C._______ ne faisait pas la démonstration de cette mise en faillite, de sorte que les arguments fondés par celle-ci sur les principes applicables aux faillites étrangères étaient irrelevants, et a persisté dans ses conclusions.

Elle a produit des pièces.

Les parties ont ensuite respectivement répliqué - C._______ se référant à la requête de "winding up" soumise à un tribunal des faillites - et dupliqué - B._______ relevant que la "Bankruptcy Division" mauricienne ne traitait pas que de faillites puisque sa mise en liquidation dite "receivership" en mars 2002 (qui ne l'avait pas empêchée de procéder dans la cause C/3_______) avait été prononcée par la même autorité.

Sur quoi, le Tribunal a requis la production de traductions des pièces déposées, avec délai au 20 juillet suivant, puis a indiqué garder la cause à juger.

Le 3 juillet 2013, C._______ a fourni la traduction requise, et a déposé deux nouvelles pièces, assorties de traductions, dont une ordonnance rendue par la "Bankruptcy Division" de la Cour suprême de l'Ile Maurice le 25 février 2007 nommant un liquidateur à B._______.

Le 22 juillet 2013, B._______ a déposé les traductions de ses pièces, et a requis que les pièces nouvelles de C._______ soient écartées des débats.

EN DROIT

1.                  La Cour a précédemment admis que le recours était recevable à la forme, ce qui n'a pas été contesté devant le Tribunal fédéral, ni n'a fait l'objet de critiques de la part de celui-ci, de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur cette question.![endif]>![if>

2.             Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (HOHL/DE PORET/BORTOLASO/AGUET, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n. 2307).![endif]>![if>

Les conclusions, les allégations de fait et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Cela concerne également les faits survenus après la clôture des débats devant le premier juge, dès lors que la juridiction de recours doit statuer sur un état de fait identique à celui soumis à celui-ci (CHAIX, L'apport des faits au procès, in BOHNET, Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, p. 132-133; HOFMANN/LUSCHER, Le Code de procédure civile, 2009, p. 202).

Il s'ensuit que les allégués de fait et pièces nouveaux joints au recours sont irrecevables, de même que les nouvelles pièces déposées par l'intimée en annexe à son recours, à l'exception des avis de droit (comme cela sera examiné ci-dessous).

3.             En cas de renvoi de la cause par le Tribunal fédéral conformément à l'art. 107 al. 2 LTF, l'autorité inférieure doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants en droit de l'arrêt de renvoi. Le juge auquel la cause est renvoyée voit ainsi sa cognition limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'il est lié par ce qui a été tranché définitivement par le Tribunal fédéral (ATF 133 III 201 consid. 4.2; 131 III 91 consid, 5.2).![endif]>![if>

Cela signifie que l'autorité cantonale doit limiter son examen aux points sur lesquels sa première décision a été annulée et que, pour autant que cela implique qu'elle revienne sur d'autres points, elle doit se conformer au raisonnement juridique de l'arrêt de renvoi. En revanche, les points qui n'ont pas ou pas valablement été remis en cause, qui ont été écartés ou dont il avait été fait abstraction lors de la procédure fédérale de recours ne peuvent plus être réexaminés par l'autorité cantonale, même si, sur le plan formel, la décision a été attaquée dans son intégralité (ATF 135 III 334 consid. 2.1; 131 III 91 consid, 5.2).

4.             La recourante reproche au premier juge d'avoir considéré, sur la base d'une pièce produite par l'intimée après que la cause avait été gardée à juger, qu'une procédure étrangère assimilée à une procédure de faillite suisse au sens de l'art. 166 LDIP avait été ouverte.![endif]>![if>

4.1 L'art. 253 CPC prévoit que lorsque la requête ne paraît pas manifestement irrecevable ou infondée, le tribunal donne à la partie adverse l'occasion de se déterminer oralement ou par écrit.

Le principe selon lequel le tribunal ne peut fonder sa décision sur des allégués de parties sur lesquelles la partie adverse n'a pas eu l'occasion de se prononcer vaut aussi en procédure sommaire (CHEVALIER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), 2013, n. 12 ad art. 253 CPC, et les références citées).

Lorsqu'une faillite est ouverte à l'étranger, l'admission de la qualité pour conduire le procès de l'administration de la masse en faillite dépend de la reconnaissance préalable en Suisse du jugement de faillite. Une solution inverse contournerait le système instauré par les art. 166 ss LDIP (ATF 139 III 236 consid. 4.2).

Selon l'art. 166 al. 1 LDIP, une décision de faillite étrangère rendue dans l'Etat du domicile du débiteur est reconnue en Suisse à la réquisition de l'administration de la faillite ou d'un créancier: a. si la décision est exécutoire dans l'Etat où elle a été rendue; b. s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'art. 27; et c. si la réciprocité est accordée dans l'Etat où la décision a été rendue.

La doctrine interprète largement la notion de décision de faillite; elle y inclut, par exemple la confirmation de l'ouverture de la faillite par l'administrateur ou l'acte de nomination de celui-ci. Le Tribunal fédéral s'est rallié à cette conception dans un arrêt (5P.284/2008 du 19 octobre 2004 consid. 2. 2), critiqué par un auteur, qui préconise à juste titre la production du jugement lui-même afin que le juge puisse se convaincre de l'existence d'une décision de faillite (BRACONI, CR-LDIP, 2011, n. 3 ad art. 166).

4.2 Le droit de prendre connaissance des pièces du dossier est déduit du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst (ATF 126 I 15).

4.3 En l'espèce, le premier juge a assis sa motivation selon laquelle la recourante se trouvait dans une situation assimilée à une procédure de faillite sur la décision rendue par la Cour mauricienne en février 2007.

Cette pièce a été produite par l'intimée le 3 juillet 2013, soit après que le Tribunal avait gardé la cause à juger comme il l'avait indiqué à l'issue de l'audience du 1er juillet 2013, sous la réserve de dépôt ultérieur de traductions. La recourante, qui avait expressément requis que cette pièce soit écartée, et par conséquent ne s'était pas prononcée à son sujet, n'avait pas à attendre qu'elle soit prise en compte, alors que les débats avaient été clos, conformément aux principes de l'art. 253 CPC.

Dans la mesure où le droit d'être entendu de la recourante a été violé, la décision attaquée doit être annulée.

5. Selon ce qu'a retenu le Tribunal fédéral, la question décisive in casu est celle de savoir si la "requête en liquidation", de 2002, a entraîné l'ouverture d'une "faillite" à l'étranger.

Cette question ne peut être résolue qu'à la lumière du droit mauricien.

5.1 Aux termes de l'art. 16 LDIP, le contenu du droit étranger est établi d'office; à cet effet, la collaboration des parties peut être requise; en matière patrimoniale, la preuve peut être mise à la charge des parties (al. 1). Le droit suisse s'applique si le contenu du droit étranger ne peut pas être établi (al. 2).

L'art. 16 al. 1 LDIP consacre l'obligation pour le juge cantonal d'établir d'office le droit étranger (ATF 118 II 83 consid. 2a), sans s'en remettre au bon vouloir des parties, auxquelles il doit toutefois donner la possibilité de s'exprimer quant au droit applicable à un stade de la procédure qui précède l'application de ce droit (ATF 121 III 436 consid. 5a). Le juge cantonal doit ainsi déterminer le contenu du droit étranger en s'inspirant des sources de celui-ci, c'est-à-dire la législation, la jurisprudence et éventuellement la doctrine; ce devoir vaut aussi lorsqu'il s'agit d'établir le droit d'un pays non voisin, en recourant à l'assistance que peuvent fournir les instituts et services spécialisés compétents, tel que l'Institut suisse de droit comparé (ATF 121 III 436 consid. 5b). Le juge cantonal doit d'abord chercher à établir lui-même le droit étranger (art. 16 al. 1 1ère phrase LDIP). Il a plusieurs possibilités pour associer les parties à l'établissement du droit applicable. Il peut, dans tous les cas, exiger que celles-ci collaborent à l'établissement de ce droit (art. 16 al. 1 2ème phrase LDIP), par exemple en invitant une partie qui est proche d'un ordre juridique étranger à lui apporter, en raison de cette proximité, des informations sur le droit applicable. Il peut également, dans les affaires patrimoniales, mettre la preuve du droit étranger à la charge des parties (art. 16 al. 1 3ème phrase LDIP). Même si les parties n'établissent pas le contenu du droit étranger, le juge doit, en vertu du principe "iura novit curia", chercher à déterminer ce droit, dans la mesure où cela n'est ni intolérable ni disproportionné. Ce n'est que lorsque les efforts entrepris n'aboutissent pas à un résultat fiable, ou qu'il existe de sérieux doutes quant au résultat obtenu (ATF 128 III 346 consid. 3.2.1), que le droit suisse peut être appliqué en lieu et place du droit étranger normalement applicable (art. 16 al. 2 LDIP).

L'application de la disposition précitée aux litiges soumis à la procédure sommaire (art. 248 ss CPC), en particulier aux mesures provisionnelles (art. 261 ss CPC), fait l'objet de controverses (cf. notamment: KNOEPFLER et al., Droit international privé suisse, 3e éd., 2005, n° 468; MÄCHLER-ERNE/WOLF-METTIER, in : Basler Kommentar, IPRG, 3e éd., 2013, nos 16 et 20 ad art. 16 LDIP). En matière de séquestre (art. 271 ss LP), à savoir dans un domaine où le juge procède à un examen sommaire du bien-fondé de la créance alléguée (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1), le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'est pas arbitraire (art. 9 Cst.), vu l'urgence qu'une telle mesure implique (ATF 107 III 29 consid. 3), "de renoncer à établir le contenu du droit étranger et d'appliquer directement le droit suisse" (arrêt du Tribunal fédéral 5A_60/2013 du 27 mai 2013 consid. 3.2.1.2). Pour la mainlevée d'opposition, une ancienne jurisprudence vaudoise affirme que, lorsque le droit étranger est applicable, le juge peut "exiger des parties qu'elles établissent l'existence des règles légales invoquées et, à ce défaut, s'en tenir au droit suisse" (arrêt du 12 janvier 1937, cité in : PANCHAUD/CAPREZ, La mainlevée d'opposition, 1939, § 151).

L'opinion de la juridiction précédente d'après laquelle le juge de la mainlevée, qui statue en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), n'a pas l'obligation de rechercher d'office le contenu du droit étranger - en d'autres termes l'inapplication de l'art. 16 al. 1, 1 ère phrase, LDIP - reflète l'avis dominant (STAEHELIN, ibid., n° 174 et les citations); en effet, si elle ne présente certes pas le degré d'urgence consubstantiel au séquestre, la procédure de mainlevée ne postule pas moins une certaine célérité, ce que confirme l'art. 84 al. 2 LP (ATF 138 III 483 consid. 3.2.4).

Toutefois, s'il n'incombe pas au juge de la mainlevée de constater de son propre chef le contenu du droit étranger, cela ne dispense pas pour autant le poursuivant d'établir ce droit, dans la mesure où l'on peut raisonnablement l'exiger de lui (art. 16 al. 13ème phrase, LP; cf. pour le séquestre: arrêt du Tribunal fédéral 5P.422/1999 du 13 mars 2000 consid. 3b; BREITSCHMID, Übersicht zur Arrestbewilligungspraxis nach revidiertem SchKG, in : AJP 1999 p. 1009 ch. 1.3 let. b; MEIER-DIETERLE, Formelles Arrestrecht - eine Checkliste, in : AJP 2002 p. 1227 ch. 9), même sans y avoir été invité par le juge (CEF/TI, arrêt du 24 février 2000, Rep. 133/2000 p. 230). De manière générale, le juge ne peut d'ailleurs s'en remettre au bon vouloir des parties de prouver ou non le contenu du droit étranger et, si elles ne le font pas, se référer au droit suisse (ATF 121 III 436 consid. 5a, qui s'appuie sur le Message du Conseil fédéral: FF 1983 I 302; arrêt du Tribunal fédéral 5A_10/2014 du 22 août 2014 destiné à la publication, consid. 2.3 et 2.4).

5.2 L'établissement du droit étranger ne relève pas du fait mais du droit, raison pour laquelle la loi ne mentionne pas la preuve du droit mais son établissement (art. 16 al. 1 LDIP). Les éléments produits en vue d'établir le contenu du droit étranger ne sont donc pas soumis aux règles visant l'administration des preuves, en particulier l'interdiction des pièces nouvelles sur recours (ATF 138 III 232 consid. 4.2.4 net 119 II 93 consid. bb). Aussi, le dépôt d'un avis de droit échappe à l'interdiction de produire des pièces nouvelles, dans la mesure où il s'agit d'un argumentaire juridique visant à renforcer les moyens développés par une partie (ATF 132 III 83, consid. 3; arrêt du Tribunal 2C_491/2012 du 26 juillet 2012, consid. 1.4).

5.3 En l'occurrence, les parties ont produit des avis de droit, recevables, dont les conclusions divergent radicalement.

Dès lors, le contenu du droit étranger ne pourra être établi d'office que sur la base d'une expertise indépendante, émanant par exemple de l'Institut suisse de droit comparé, ce qui n'apparaît pas intolérable ou disproportionné au vu du cas d'espèce.

Afin de garantir le respect du principe du double degré de juridiction, la cause n'étant pas en état d'être jugée (art. 327 al. 3 CPC), la cause sera renvoyée au Tribunal. Celui-ci devra établir d'office le contenu du droit étranger, dans le respect du droit d'être entendu des parties, puis rendre une nouvelle décision.

6.             Les frais du recours seront arrêtés à 5'000 fr., correspondant aux avances déjà effectuées, acquises à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC). ![endif]>![if>

Les dépens seront fixés pour les deux instances à 20'000 fr., débours compris (art. 95 et 96 CPC; 84, 85, 89 et 90 RTFMC; 25 et 26 LaCC).

La répartition de ces frais et dépens sera déléguée au Tribunal (art. 104
al. 4 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 16 août 2013 par B._______ LTD, IN LIQUIDATION contre le jugement JTPI/9935/2013 rendu le 24 juillet 2013 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3626/2013-10 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait :

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

Sur les frais de première instance et de recours :

Arrête les frais judiciaires à 5'000 fr., couverts par les avances de frais déjà opérées, acquises à l'ETAT DE GENEVE.

Fixe les dépens à 20'000 fr.

Délègue au Tribunal la répartition de ces frais et dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA






Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.