C/444/2014

ACJC/1064/2014 du 12.09.2014 sur JTPI/5823/2014 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE; TITRE EXÉCUTOIRE; ORDONNANCE DE CONDAMNATION
Normes : LP.80; LP.68
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/444/2014 ACJC/1064/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 12 SEPTEMBRE 2014

 

Entre

CANTON DE LUCERNE - STAATSANWALTSCHAFT, Zentralstrasse 28
PF 3439, 6002 Lucerne, recourant contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 mai 2014, comparant en personne,

et

Monsieur A______, domicilié ______, intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.            Par jugement du 12 mai 2014, expédié pour notification aux parties le 16 mai 2014, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a débouté le CANTON DE LUCERNE, STAATSANWALTSCHAFT (ci-après : Ministère public du canton de Lucerne) de ses conclusions en mainlevée définitive, arrêté les frais judiciaires à 100 fr., compensés avec l'avance déjà effectuée, et mis à la charge du précité.![endif]>![if>

Le Tribunal a relevé que le Ministère public du canton de Lucerne n'avait pas produit le jugement du ______ 2013 dont il se prévalait, et que pour le surplus les pièces déposées ne valaient pas titre de mainlevée définitive au sens de
l'art. 80 LP.

B.            Par acte du 28 mai 2014 (rédigé en allemand, et traduit en français, à la requête de la Cour, en date du 13 juin 2014), le Ministère public du canton de Lucerne a formé recours contre le jugement précité. Il n'a pas formellement conclu à l'annulation de la décision attaquée, mais a rappelé sa requête de première instance. ![endif]>![if>

Il a produit des pièces, dont l'ordonnance pénale qu'il avait rendue le ______ 2013 dans la procédure ZDI 1______, portant condamnation de A______ au paiement d'une amende et de frais par 160 fr., et sur laquelle un timbre "Rechtskraft" avait été apposé.

A______ n'a pas déposé de réponse.

Par avis du 21 juillet 2014, les parties ont été informées de ce que la cause avait été gardée à juger.

C.            Il résulte du dossier de première instance les faits pertinents suivants :![endif]>![if>

a. Le 14 janvier 2014, le Ministère public du canton de Lucerne a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 2______, pour un total de 193 fr., soit 160 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 9 septembre 2013 et 33 fr. de frais dudit commandement de payer.

Il a indiqué, au pied de cette requête, que les pièces annexées consistaient dans les copies d'une ordonnance pénale du ______ 2013, de la confirmation de réception [de celle-ci], d'une lettre de rappel du 9 septembre 2013, de "l'identité du conducteur responsable du 8 mai 2013", d'une lettre du 12 décembre 2013 et du commandement de payer, poursuite n° 2______.

Le premier des documents visés ci-dessus ne figure pas dans le dossier du Tribunal, à la différence des autres titres, soit :

-         le commandement de payer n° 2______ (notifié à la requête du Ministère public lucernois à A______, qui y a formé opposition) portant sur 160 fr., avec intérêts à 5% dès le 9 septembre 2013, et mentionnant comme cause de l'obligation : "Geldstrafe, Busse und/oder Untersuchungskosten Akten-Nr ZDI 1______ Urteilsdatum: ______ 2013)",![endif]>![if>

-         une attestation de suivi postal d'un pli expédié le 11 juillet 2013 à A______, non retiré par le destinataire,![endif]>![if>

-         un rappel de paiement de la créance se référant à la décision ZDI 1______ du ______ 2013,![endif]>![if>

-         un courrier du 12 décembre 2013, prenant note de l'opposition formée au commandement de payer par A______.![endif]>![if>

b. A l'audience du Tribunal du 5 mai 2014, le Ministère public lucernois n'était ni présent ni représenté. A______ n'a pas pris de conclusions; il a déclaré qu'il maintenait son opposition formée au commandement de payer et a allégué qu'il avait fait opposition, à une date qu'il ignorait, à l'ordonnance pénale du Ministère public lucernois, procédure dont il ne connaissait pas l'issue. Il n'a produit aucune pièce.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

A Genève, la Chambre civile de la Cour de justice est l'instance compétente pour connaître d'un recours (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Le présent recours, qui respecte les dispositions précitées, est recevable.

2. Le recourant fait grief au premier juge de ne pas avoir retenu que les documents produits constituaient des titres de mainlevée, et affirme que son ordonnance pénale du ______ 2013, entrée en vigueur et exécutoire, représente un tel titre.

2.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Le jugement doit être exécutoire, c'est-à-dire qu'il ne doit plus pouvoir être remis en cause par une voie de droit ordinaire, émaner d'un tribunal au sens de l'art. 122 al. 3 Cst., rendu dans une procédure contradictoire, et condamner le poursuivi à payer une somme d'argent (SCHMIDT, Commentaire romand, LP, 2005, nos 3, 4
et 6 ad art. 80 LP).

Le juge doit vérifier d'office l'identité du poursuivant et du créancier et l'identité du poursuivi et du débiteur désignés dans le titre de mainlevée, ainsi que l'identité de la créance déduite en poursuite et de la dette constatée par jugement (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 13 ad art. 81 LP, arrêt du Tribunal fédéral 5P.174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1). La requête en mainlevée doit ainsi être rejetée lorsque la cause de l'obligation figurant sur le commandement de payer et dans le titre de mainlevée ne sont pas identiques (STAEHELIN, Commentaire bâlois, SchKG I, 2ème éd. en 2010, n. 37 ad art. 80 LP).

Est exécutoire au sens de l'art. 80 al. 1 LP le prononcé qui a non seulement force exécutoire, mais également force de chose jugée (formelle Rechtskraft) - qui se détermine exclusivement au regard du droit fédéral -, c'est-à-dire qui est devenu définitif, parce qu'il ne peut plus être attaqué par une voie de recours ordinaire qui, de par la loi, a un effet suspensif (ATF 131 III 404 consid. 3; 131 III 87 consid. 3.2).

Le juge doit ordonner la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81
al. 1 LP).

2.2 En l'occurrence, la Cour ne dispose pas de moyen de déterminer si la requête déposée devant le premier juge était ou non assortie d'une copie de l'ordonnance pénale du ______ 2013, comme indiqué dans celle-ci. Partant, il n'est pas non plus possible de qualifier le tirage de cette décision déposé en annexe au recours de pièce nouvelle ou de pièce figurant déjà au dossier.

Au vu de ces circonstances particulières, il sera retenu que ce titre est recevable.

Au demeurant, aucun élément de la procédure ne conduit à douter de l'existence de la décision exécutoire du ______ 2013, qui a été expressément visée, avec son numéro de procédure, dans les courriers du recourant des 9 septembre et 13 décembre 2013, indubitablement versés en première instance.

L'intimé lui-même n'a contesté ni l'existence de cette ordonnance pénale ni le fait qu'il en avait eu connaissance, se limitant à affirmer, sans aucune preuve à l'appui, avoir formé opposition à la décision pénale. Cet allégué est contredit par la mention "Rechtskraft" dont est assortie l'ordonnance pénale et par les deux courriers susmentionnés, qui ne s'expliqueraient pas si une procédure d'opposition avait été initiée.

Il s'ensuit que l'ordonnance pénale du ______ 2013, portant condamnation à payer 160 fr., est entrée en force. Elle représente un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP, à concurrence du montant contenu dans ce titre, auquel s'ajoutent les intérêts moratoires dus, objets du commandement de payer.

Pour le surplus, il sera rappelé que les frais de ce commandement de payer suivent le sort de la poursuite (art. 68 LP), de sorte qu'ils ne font pas l'objet de la mainlevée d'opposition.

Dès lors, le recours sera admis dans les limites de ce qui précède, le jugement attaqué annulé et il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC), dans le sens sus-indiqué.

3. L'intimé, qui succombe pour l'essentiel, supportera les frais des deux instances de la procédure (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 150 fr. pour la procédure de recours, compensés par l'avance du même montant, acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par le CANTON DE LUCERNE - STAATSANWALTSCHAFT contre le jugement JTPI/5823/2014 rendu le 12 mai 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/444/2014-8 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 2______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais des deux instances :

Arrête les frais à 250 fr., couverts par les avances déjà opérées, acquises à l'Etat de Genève.

Les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser 250 fr. au CANTON DE LUCERNE, STAATSANWALTSCHAFT.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.