C/568/2016

ACJC/1110/2016 du 26.08.2016 sur JTPI/4366/2016 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : TITRE DE MAINLEVÉE; DÉCISION; AUTORITÉ ADMINISTRATIVE; NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE
Normes : LP.80
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/568/2016 ACJC/1110/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 26 AOÛT 2016

 

Entre

A.______ SA, sise ______, (GE), recourante contre un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 avril 2016, comparant par Me Romain Jordan, avocat, rue du Général-Dufour 15, case postale 5556, 1211 Genève 11, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

L'ETAT DE GENEVE, soit pour lui L'ADMINISTRATION______, ______, Genève, intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/4366/2016 du 5 avril 2016, expédié pour notification aux parties le 19 avril suivant, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), mis les frais à la charge d'A.______ SA (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 300 fr., compensés avec l'avance de frais fournie (ch. 3), condamné la précitée à payer à l'Etat de Genève la somme de
300 fr. à titre de restitution de l'avance fournie (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

Le Tribunal a retenu que l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration______, avait notifié une décision sur réclamation le 16 octobre 2014 à A.______ SA, de sorte que le bordereau d'impôts était exécutoire. Ladite Administration avait également adressé une sommation le 26 mai 2015 à A.______ SA. L'Etat bénéficiait d'un titre de mainlevée définitive.

B. a. Par acte expédié le 2 mai 2016 au greffe de la Cour de justice, A.______ SA a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a requis le déboutement de l'Etat de Genève de ses conclusions, avec suite de frais et dépens de première instance et de recours.

Elle a fait grief au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendue, en ne se prononçant pas sur le grief qu'elle avait invoqué, soit l'absence de preuve de la notification de la décision sur réclamation. Par ailleurs, elle a reproché au premier juge d'avoir retenu qu'elle n'avait pas allégué n'avoir pas reçu ladite décision, lors même qu'elle avait indiqué, à l'audience du Tribunal, n'avoir pas eu connaissance de celle-ci. De plus, A.______ SA a soutenu n'avoir pas reçu la sommation du
26 mai 2015 et a fait grief au Tribunal d'avoir admis le contraire.

b. Dans sa réponse du 27 mai 2015 (recte : 2016), l'Administration a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à ce qu'il soit dit que la poursuite irait sa voie, avec suite de frais et dépens de première et de seconde instances.

Elle a également conclu à la recevabilité des pièces nouvelles produites à l'appui de son écriture, soit une copie du justificatif de distribution établi par la Poste (pièce n. 1) et un extrait du Registre du commerce d'A.______ SA (pièce n. 2).

L'Administration a soutenu avoir adressé tant la décision sur réclamation que la sommation au siège social de la société, laquelle correspondait également à l'adresse privée de son administrateur. Il apparaissait peu probable que les courriers n'aient, à deux reprises, pas été acheminés correctement par la Poste.

c. Par réplique du 10 juin 2016, A.______ SA a sollicité que les pièces nouvelles soient déclarées irrecevables.

d. Les parties ont été avisées par pli du greffe du 4 juillet 2016 de ce que la cause était gardée à juger, l'Administration n'ayant pas fait usage de son droit de duplique.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Le 16 juillet 2014, l'Administration a notifié à A.______ SA un bordereau de taxation d'office relatif aux impôts cantonaux et communaux de l'année 2013, d'un montant de 8'521 fr. 45.

b. Le 25 septembre 2014, A.______ SA a formé une réclamation contre ledit bordereau.

c. Par décision sur réclamation du 16 octobre 2014, l'Administration a déclaré ladite réclamation irrecevable.

d. Par sommation du 26 mai 2015, l'Administration a requis d'A.______ SA qu'elle s'acquitte de la somme de 8'988 fr. 10, soit le montant de l'impôt, les frais de sommation de 20 fr. et les intérêts de 446 fr. 65.

e. Le 29 septembre 2015, l'Administration a fait notifier à A.______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour les sommes de
8'541 fr. 45, plus intérêts à 5% dès le 5 août 2015, et 495 fr. 80, à titre d'intérêts moratoires au 5 août 2015.

La poursuivie y a formé opposition.

f. Par requête déposée le 14 janvier 2016 au Tribunal de première instance, l'Administration a requis le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer. Elle a produit le bordereau de taxation du
16 juillet 2014, la décision sur réclamation du 25 septembre 2014 et la sommation du 26 mai 2015.

g. A l'audience du Tribunal du 4 avril 2016, l'Administration ne s'est pas présentée ni fait représenter.

A.______ SA a indiqué avoir formé une réclamation le 25 septembre 2014 contre le bordereau de taxation et n'avoir pas reçu la décision sur réclamation que l'Administration disait avoir rendue, laquelle avait été expédiée par pli simple. Elle a également contesté que l'Administration lui ait notifié la sommation, laquelle était un préalable indispensable à la procédure de poursuite. Elle a en conséquence contesté le caractère exécutoire dudit bordereau.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique
(art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

Interjeté dans le délai légal et selon la forme prescrite, le recours est recevable en l'espèce.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n. 2307).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a
a contrario et 58 al. 1 CPC).

1.3 Les conclusions, allégations de fait et preuves nouvelles sont irrecevables
(art. 326 al. 1 CPC).

Selon la jurisprudence, les faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver (ATF 130 III 113 consid. 3.4 et les arrêts cités), sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ou seulement du juge (ATF 135 III 88 consid. 4.1).

En l'espèce, la pièce nouvellement produite par l'intimée, soit un justificatif de la Poste est irrecevable, ainsi que les allégués de fait s'y rapportant. En revanche, l'extrait du Registre du commerce constitue un fait notoire.

2. La recourante fait grief au premier juge d'avoir considéré que les décisions produites à l'appui de la requête de mainlevée définitive valaient titre de mainlevée, en l'absence de preuve de notification de celles-ci.

2.1 Selon l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Sont assimilées à des jugements, les décisions des autorités administratives suisses (art. 80 al. 2 ch. 2 LP).

Selon la jurisprudence, les décisions qui n'ont pas été notifiées valablement à la personne concernée ne déploient pas d'effets juridiques et n'acquièrent pas force de chose jugée. L'autorité supporte le fardeau de la preuve de la notification lorsqu'il est contesté que cette dernière ait bien eu lieu (ATF 136 V 295
consid. 5.9 p. 309; ATF 129 I 8 consid. 2.2 p. 10 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5D_35/2014 du 20 juin 2014 consid. 3). Lorsqu'une décision ou une ordonnance porte sur le paiement d'une somme d'argent, il appartient en principe au créancier qui produit un titre de mainlevée sur la base duquel il requiert la mainlevée définitive de démontrer que celui-ci est exécutoire au sens de l'art. 80 al. 1 LP, ce qui implique qu'il ait été notifié valablement. Une attestation d'entrée en force de chose jugée ne suffit pas à apporter cette preuve (arrêt du Tribunal fédéral 5D_37/2013 du 5 juillet 2013 consid. 4; arrêts joints 5A_264/2007 et 5A_495/2007 du 25 janvier 2008 consid. 3.3).

2.2 En l'espèce, la recourante a contesté devant le Tribunal et devant la Cour avoir reçu tant notification de la décision sur réclamation du 16 octobre 2014 que de la sommation du 26 mai 2015. Il incombait par conséquent à l'intimé d'apporter la preuve de cette notification, ce qu'il n'a pas fait, la seule mention du caractère définitif et exécutoire du bordereau de taxation n'étant pas suffisante à cet égard.

Les conditions pour le prononcé de la mainlevée définitive au commandement de payer n'étaient ainsi pas réalisées, de sorte que le recours sera admis. Le jugement attaqué doit en conséquence être annulé et l'intimé débouté des fins de sa requête en mainlevée définitive de l'opposition.

3. Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais judiciaires seront en l'espèce arrêtés à 750 fr., soit 300 fr. en première instance et 450 fr. en deuxième instance (art. 48 et 61 al. 1 OELP). L'intimé, qui succombe, sera condamné aux frais des deux instances, conformément à l'art. 106 al. 1 CPC.

Ces frais seront compensés avec les avances fournies par les parties, qui restent acquises à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire (art. 111 al. 1 CPC). Dès lors, l'intimé sera condamné à verser la somme de 450 fr. à la recourante.

L'intimé sera également condamné aux dépens de la recourante, assistée d'un avocat devant le Tribunal et la Cour, arrêtés, pour les deux instances, à 1'300 fr. au total, soit 800 fr. en première et 500 fr. en seconde instance, débours et TVA compris (art. 95 al. 1 let. b et 3 let. a et b CPC, 25 et 26 LaCC, 25 al. 1 LTVA ainsi que 85 al. 1, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 2 mai 2016 par A.______ SA contre le jugement JTPI/4366/2016 rendu le 5 avril 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/568/2016-9 SML.

Au fond :

L'admet.

Cela fait et statuant à nouveau :

Annule ce jugement.

Déboute l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION ______ de ses conclusions en mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête à 750 fr. les frais judiciaires de première et de seconde instance.

Dit que ces frais sont compensés avec les avances d'un même montant fournies par les parties, lesquelles restent acquises à l'Etat.

Met les frais à la charge de l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION ______.

Condamne l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION ______ à verser à A.______ SA 450 fr. à titre de remboursement des frais de recours.

Condamne l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'ADMINISTRATION ______ à verser à A.______ SA 1'300 fr. à titre de dépens de première instance et de recours.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.