C/5737/2018

ACJC/1156/2018 du 29.08.2018 sur OTPI/318/2018 ( SP ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE PROVISIONNELLE ; PROTECTION DE LA PERSONNALITÉ ; URGENCE
Normes : CPC.261
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5737/2018 ACJC/1156/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 29 AOÛT 2018

 

Entre

A______ SA, ayant son siège ______ Zurich, prise en sa succursale de Genève, sise ______ Genève, appelante d'une ordonnance rendue par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance le 24 mai 2018, comparant par Me Louis Burrus, avocat, rue des Alpes 15 bis, case postale 2088, 1211 Genève 1, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______ , domicilié ______ Genève, intimé, comparant par Me Christian de Preux, avocat, rue Pedro-Meylan 2, 1208 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. a. B______, qui a de la famille aux Etats-Unis, a été employé de A______ SA, succursale de Genève, du 1er septembre 2013 au 30 avril 2015, en qualité de Client Relationship Officer dans le département Private Banking à Genève avec le rang de sous-directeur.

b. En 2008, les autorités américaines se sont intéressées aux établissements bancaires suisses, suspectant certains d'entre eux d'avoir aidé des clients américains à éluder l'impôt américain.

En 2010, le Ministère de la justice des Etats-Unis (U.S. Department of Justice : ci-après DoJ) et l'autorité américaine de réglementation et de contrôle des marchés financiers (U.S. Securities and Exchange Commission) ont ouvert des enquêtes contre onze banques suisses et déposé en Suisse des demandes d'entraide administratives en vue d'obtenir des renseignements sur les activités transfrontalières desdites banques aux Etats-Unis.

Les autorités américaines ont sollicité une collaboration totale des établissements bancaires concernés et la remise de toutes les données dont elles disposaient, leur permettant d'examiner la situation (en particulier sur les employés s'étant rendus aux Etats-Unis pour communiquer avec des clients américains) si elles voulaient éviter une inculpation de conspiration contre les Etats-Unis.

c. Le 20 juin 2013, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (ci-après : PFPDT) a émis une note à l'attention des banques récapitulant les principes de la Loi fédérale sur la protection des données (ci-après : LPD) à observer en cas de transmission de données personnelles d'employés et de tiers aux autorités américaines.

Il a notamment relevé que si une personne concernée s'opposait à ce qu'une banque transmette des documents contenant son nom, la banque devait peser les intérêts en présence dans le cas concret. Elle devait alors, en vertu de
l'art. 13 LPD, faire valoir des motifs justificatifs pour pouvoir procéder à la transmission et devait, par ailleurs, remplir les conditions de l'art. 6 LPD pour pouvoir transmettre des données dans un pays ne disposant pas d'une législation assurant un niveau de protection adéquat.

d. Le 3 juillet 2013, le Conseil fédéral a fixé les principes de coopération des banques suisses avec les autorités américaines en vue de régler le différend fiscal et a donné aux banques la possibilité de demander une autorisation individuelle au sens de l'art. 271 CP.

La décision modèle précisait notamment que l'intérêt de la banque à coopérer avec les autorités américaines était important. La collecte et la transmission des renseignements visaient à éviter une plainte du DoJ à l'encontre de la banque. Pour celle-ci, le dépôt d'une plainte aurait des conséquences majeures sur ses relations économiques avec les Etats-Unis. La banque risquait de ne plus pouvoir effectuer des transactions en dollars américains. Les problèmes opérationnels et financiers qui résulteraient d'une telle situation pourraient nuire considérablement à la banque, voire menacer son existence.

La décision énonçait également que l'autorisation prévue à l'art. 271 ch. 1 CP excluait uniquement une punissabilité en vertu de cette disposition. Elle ne dispensait pas de respecter les autres dispositions du droit suisse, notamment la prise en compte du secret d'affaires et du secret bancaire existants, des dispositions sur la protection des données ou des obligations de l'employeur. L'autorisation ne permettait donc aux banques de coopérer avec les autorités américaines que dans le cadre de la législation suisse. Lors de la pesée des intérêts, il y avait lieu de tenir compte des droits de la personnalité des actuels et anciens membres du personnel de la banque, ainsi que des tiers potentiellement concernés, en prévoyant une obligation d'informer et un droit d'obtenir des renseignements. Des devoirs d'assistance étendus et une protection appropriée contre la discrimination devaient de plus être prévus pour les actuels et les anciens membres du personnel.

e. Le 29 août 2013, la Suisse et les Etats-Unis ont signé une déclaration commune par laquelle les deux gouvernements se sont engagés à faire le nécessaire pour mettre un terme à leur différend fiscal.

Le DoJ a mis à la disposition des banques suisses un programme volontaire (ci-après : US Program) de coopération avec les autorités américaines et de transmission d'informations leur permettant de régulariser leur situation et d'obtenir un Non-Prosecution Agreement (accord de renonciation à des poursuites pénales) ou une Non-Target Letter (déclaration de mise hors de cause) de la part du DoJ.

Le programme volontaire - qui ne s'appliquait pas aux individus - classait les banques suisses dans quatre catégories. Les banques qui faisaient l'objet d'une enquête pénale du DoJ étaient formellement exclues dudit programme
(catégorie 1). Les autres banques pouvaient se mettre à l'abri de poursuites pénales en échange de leur participation, soit en concluant un Non-Prosecution Agreement (NPA) si elles estimaient avoir violé le droit fiscal américain (catégorie 2), soit en sollicitant une Non-Target Letter si elles estimaient que tel n'était pas le cas, ou si leur activité était purement locale (catégories 3 et 4).

Afin d'obtenir un Non-Prosecution Agreement, l'établissement bancaire concerné devait coopérer et fournir l'ensemble des preuves et informations requises aux termes du programme en lien avec ses activités transfrontalières aux Etats-Unis et certains comptes présentant un indice d'américanité (US Related Accounts) ouverts dans ses livres au 1er août 2008 et clôturés depuis lors (Closed US related Account(s). Les indices à prendre en considération étaient définis de manière très large et englobaient des éléments allant au-delà de la simple nationalité ou résidence, comme également le lieu de naissance, un numéro de téléphone, un ordre de virement permanent sur un compte aux Etats-Unis, une procuration ou un droit de signature en faveur d'une personne dont l'adresse est située aux Etats-Unis, la présence d'un seul indice étant par ailleurs réputée suffisante.

Selon le paragraphe II.D.1 du programme, les banques de catégorie 2 devaient communiquer au DoJ le nom et la fonction de leurs employés ou ex-employés et organes ayant structuré, géré ou supervisé les actions transfrontalières de la banque en lien avec les Etats-Unis, et selon le paragraphe II.D.2, le nom et la fonction de toute personne, dont ses employés ou ex-employés, ayant été en relation avec un Closed US related Account. Cette deuxième catégorie de renseignements devait être uniquement mentionnée dans un document synthétique offrant une simple vue d'ensemble des comptes avec indications des dates d'ouverture et de clôture de compte, le montant en compte, le nombre de personnes américaines en lien avec la relation, les différents intervenants et les transferts intervenus.

Enfin, à condition que la banque concernée respecte l'ensemble des obligations définies par le US Program, le DoJ ne la poursuivrait pas en justice pour les infractions fiscales en lien avec les Us Related Accounts qui se trouvaient en ses livres, mais le DoJ se réservait le droit de refuser de conclure un NPA ou de revenir sur les termes de celui-ci s'il estimait que la banque avait fourni des informations fausses, incomplètes ou pouvant l'induire en erreur.

f. Le 26 février 2014, le Procureur général adjoint au sein du DoJ a déclaré devant une sous-commission du Sénat américain que le programme excluait expressément les individus. Il n'offrait en particulier aucune sorte de protection ou immunité aux banquiers suisses ou tiers (conseillers professionnels). Le DoJ avait pour mission de poursuivre les institutions financières qui facilitaient l'évasion fiscale transfrontalière, et les personnes qui s'étaient soustraites à leurs obligations.

g. A______ SA a décidé de participer au programme et elle s'est annoncée comme banque de catégorie 2 auprès du DoJ.

h. Par décision du 8 janvier 2014 (valant autorisation selon l'art. 271 CP), le Département fédéral des finances a autorisé A______ SA à coopérer avec les autorités américaines. Cette autorisation a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2019.

i. En décembre 2015, A______ SA a conclu un accord de non-poursuite (Non-Prosecution Agreement, NPA) avec le DoJ, à teneur duquel la banque était tenue de continuer de collaborer pendant quatre ans avec les autorités américaines.

j. Par courrier du 1er juin 2016, A______ SA a informé B______ qu'elle participait au programme US. Dans le cadre de son obligation de transmettre les données en relation avec les US Related Accounts fermés entre le 1er août 2008 et le 31 mai 2014, elle envisageait de transmettre son identité en raison de son intervention sur quatre comptes ouverts en ses livres qui seraient « US Related au sens du Program for Non-Prosection Agreements or Non-target Letters for Swiss Banks ». Elle a précisé que toute opposition de sa part à cette transmission devait être faite dans un délai de vingt jours, à défaut de quoi les données seraient envoyées aux autorités américaines.

k. Par courriel du 16 juin 2016, B______ s'est opposé à la transmission des données le concernant.

l. Par pli du 22 juin 2016, la banque a transmis à B______ une liste écrite des données qu'elle entendait transmettre au DOJ et l'a informé qu'elle prendrait une décision quant à son opposition. En cas de rejet de celle-ci, il disposerait de dix jours à compter de la notification de la décision pour saisir le tribunal compétent pour lui faire interdiction de transférer les données.

m. Par courriel du 23 juin 2016, B______ a persisté dans son opposition, relevant qu'il ne s'était que brièvement occupé des comptes concernés, en se chargeant de leur clôture à la demande de sa hiérarchie, avant d'être licencié.

n. Par courriel du 21 juillet 2016, faisant suite à une relance de B______, la banque a indiqué qu'elle prendrait une décision sur son opposition avant fin août 2016, par pli recommandé, et qu'il disposerait alors d'un délai de dix jours pour déposer une demande au fond devant le tribunal compétent visant à lui faire interdiction de transmettre les données le concernant.

o. Interpellée à nouveau par B______, la banque a annoncé le 10 octobre 2016 qu'elle « espérait » pouvoir se déterminer avant fin octobre 2016.

p. Les 9 novembre, 6 et 16 décembres 2016, B______ a exigé de la banque qu'elle renonce définitivement à transmettre les informations le concernant.

q. Par pli 19 décembre 2016 à B______, la banque a considéré que toutes les assurances nécessaires lui avaient été données dans ses précédents courriers. Elle n'avait, en l'état, pas transmis ses données personnelles et n'avait pas pris sa décision quant à l'acceptation ou au rejet de son opposition. Elle a réitéré qu'elle ne transmettrait pas de données sans lui avoir préalablement adressé un courrier recommandé lui notifiant le rejet de son opposition à la transmission des données et accordé un délai de 10 jours pour saisir le tribunal compétent. Elle a également exposé qu'elle ne transmettrait aucune donnée si celui-ci déposait dans le délai imparti une demande au fond visant à faire interdiction à la banque de transmettre lesdites données, et ce jusqu'au jugement entré en force rejetant ladite demande ou accord entre les parties.

r. Plusieurs courriers ont encore été échangés en 2017, sans que la banque ne se détermine formellement sur son intention de transmettre les données litigieuses aux autorités américaines, se contentant de réitérer les assurances déjà énoncées.

s. Par courrier du 13 octobre 2017, la banque a annoncé à B______ que des discussions étaient en cours en son sein au sujet de son opposition et s'est engagée à rendre une décision avant la fin de l'année.

t. B______ a relancé la banque les 23 janvier, 13 et 20 février 2018, sans que celle-ci n'y donne suite.

B. a. Par acte déposé au Tribunal de première instance le 13 mars 2018, B______ a requis, sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, qu'il soit fait interdiction à A______ SA, prise en sa succursale de Genève, de transmettre, de communiquer ou de porter à la connaissance de tiers ou d'Etats tiers, de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit, des données, informations ou documents relatifs comportant son nom et/ou des données ou informations relatives à sa personne et/ou pouvant l'identifier, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, avec suite de frais et dépens.

Il a plaidé que, vu la communication défaillante de la banque, il craignait que celle-ci ne s'octroie la liberté de faire passer ses propres intérêts avant les siens en transmettant secrètement et sans annonce préalable ses données personnelles.

b. Par ordonnance du 13 mars 2018, le Tribunal a fait droit à la requête sur mesures superprovisionnelles.

c. Par courrier du 14 mars 2018, la banque a informé B______ que l'une des dernières requête du DoJ portait notamment sur un compte qu'il avait géré en qualité de Client Relationship Officer, les informations devant être transmises portant sur son nom, son statut de US person ou non-US person, son rôle dans la relation bancaire, ainsi que la période durant laquelle il avait exercé cette fonction pour le compte bancaire en question. Elle a indiqué pouvoir préparer une liste des informations liées au compte qu'elle entendait transmettre au DoJ, de sorte qu'il puisse lui indiquer s'il étendait son opposition à la transmission d'informations en lien avec ce compte également.

Elle a, pour le surplus, repris le contenu de ses précédents courriers, notamment quant au fait qu'elle ne transmettrait aucune donnée le concernant sans l'en avoir préalablement informé et lui avoir accordé un délai de 10 jours pour, le cas échéant, saisir le Tribunal d'un action au fond.

d. Par courrier du 4 avril 2018, B______ a refusé de retirer sa requête.

e. Dans ses déterminations du 16 avril 2018, la banque a conclu, avec suite de frais, au rejet de la requête et à la condamnation de B______ à une amende disciplinaire pour procédé téméraire au sens de l'art. 128 al. 3 CPC.

Elle a plaidé avoir indiqué à de nombreuses reprises à B______ qu'elle ne transmettrait aucune donnée sans lui avoir préalablement accordé un délai de dix jours pour agir en justice, de sorte que le prononcé de mesures provisionnelles était prématuré. Il n'y avait d'ailleurs pas d'urgence à en prononcer puisque B______ savait depuis plusieurs mois que ses données pouvaient être transmises. En outre, il n'existait aucun préjudice difficilement réparable, puisqu'aucune information ne serait transmise avant que B______ n'ait eu la possibilité d'en faire interdire la transmission par un tribunal.

f. Dans sa réplique du 27 avril 2018, B______ a persisté dans ses conclusions.

Il a fait valoir qu'en ne répondant pas à ses diverses relances, la banque avait rompu le lien de confiance qui subsistait, de sorte qu'il ne pouvait se contenter de ses promesses et que seule une décision judiciaire était à même de lui assurer qu'il serait à l'abri de la menace qu'elle faisait peser sur lui depuis près de deux ans.

C. Par ordonnance OTPI/318/2018 du 24 mai 2018, le Tribunal a fait droit à la requête de B______, considérant notamment que la banque n'avait pas renoncé au projet de transmettre les données de ce dernier et qu'il existait ainsi un danger qu'elle les transmette en tout temps et à bref délai. Ces circonstances rendaient vraisemblable l'urgence à ce que B______ obtienne le prononcé de mesures le mettant à l'abri de tout risque de transmission des données le concernant.

Il était généralement admis que le transfert de données personnelles à l'étranger était susceptible d'engendrer une menace accrue pour la personnalité des personnes concernées, et cela d'autant plus que le DoJ n'assurait pas un niveau de protection adéquat. Il devait donc être admis, sous l'angle de la vraisemblance, que la transmission des données envisagée par la banque était susceptible de porter à la personnalité de B______ une atteinte illicite, et la banque n'invoquait à ce stade aucun motif justificatif, se réservant de plaider au fond le caractère licite de la transmission des données requises par le US Program.

Le Tribunal a imparti à B______ un délai de 30 jours dès la notification de l'ordonnance pour faire valoir ses droits en justice et dit que l'ordonnance déploirait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties. Il a renvoyé le sort des frais à la décision finale.

D. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 4 juin 2018, A______ SA appelle de cette ordonnance, qu'elle a reçue le 25 mai 2018. Elle conclut à l'annulation de cette décision, à la révocation de l'ordonnance sur mesures superprovisionnelles du 16 mars 2018, au rejet de la mesure provisionnelle requise par B______ et à la condamnation de ce dernier à une amende disciplinaire pour procédé téméraire au sens de l'art. 128 al. 3 CPC, ainsi qu'aux frais et dépens de première instance et d'appel.

Elle fait grief au premier juge d'avoir retenu que la condition de l'urgence était réalisée alors qu'elle avait toujours indiqué à B______ qu'il disposerait d'un délai de dix jours pour agir en justice en cas de rejet de son opposition à la transmission des données. Il n'y avait d'ailleurs pas d'urgence, puisque B______ était informé de la potentialité de ladite transmission depuis plusieurs mois. En outre, B______ ne subirait aucun préjudice difficilement réparable, dès lors qu'elle ne procéderait pas à la transmission des données sans qu'il ait pu agir en justice dans un délai de dix jours. Elle reproche également à B______ d'avoir laissé penser au Tribunal qu'elle pourrait transmettre secrètement ses données personnelles en omettant de mentionner qu'elle lui avait donné des garanties à plusieurs reprises qu'il en serait informé à temps pour pouvoir empêcher cette transmission.

b. Dans son mémoire de réponse du 9 juillet 2018, B______ conclut à la confirmation des ordonnances provisionnelle et superprovisionnelle et au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Les parties ont été informées le 27 juillet 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans les délai et forme utiles (art. 130, 131 et 314 al. 1 CPC), par une partie qui y a intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), à l'encontre d'une décision rendue sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC) qui statue sur des prétentions tendant à la protection de la personnalité, droits de nature non pécuniaire, l'appelant refusant la communication de ses données aux autorités américaines avant tout pour éviter un interrogatoire, voire une inculpation pénale aux Etats-Unis (arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2017 du 10 avril 2018 consid. 1.1), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen
(art. 310 CPC). Dans le cadre de mesures provisionnelles, instruites selon la procédure sommaire (art. 248 let. 4 CPC), sa cognition est toutefois circonscrite à la vraisemblance des faits allégués ainsi qu'à un examen sommaire du droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_611/2011 du 16 décembre 2011 consid. 4.2; ATF 131 III 473 consid. 2.3).

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu qu'un danger imminent menaçait les droits de l'intimé et qu'il encourait un risque de préjudice difficilement réparable.

2.1 Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire remplit les conditions suivantes : a. elle est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être; b. cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable.

La condition de l'urgence n'implique pas nécessairement une immédiateté temporelle. L'urgence qui dicte l'octroi des mesures provisionnelles est relative à la durée du procès au fond. Il appartient au juge d'examiner de cas en cas si cette condition est réalisée, ce qui explique qu'il puisse se montrer plus ou moins exigeant suivant les circonstances (arrêts du Tribunal fédéral 4P.263/2004 consid. 2.2 = RSPC 2005 p. 414 et 4P.224/1990 consid. 4c in SJ 1991 p. 113). Il y a urgence lorsque le requérant risquerait de subir un dommage difficile à réparer au point que l'efficacité du jugement rendu à l'issue de la procédure ordinaire au fond en serait compromise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2009 du 25 février 2010 consid. 4.2). Si le requérant tarde trop, sa requête risque d'être rejetée, dans le cas où le Tribunal arrive à la conclusion qu'une procédure ordinaire introduite à temps aura abouti à un jugement au fond dans des délais équivalents (arrêt du Tribunal fédéral 4P.224/1990 consid. 4c in SJ 1991 p. 113).

Le dommage difficilement réparable de l'art. 261 al. 1 let. b CPC est principalement de nature factuelle; il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès. Le dommage est constitué, pour celui qui requiert les mesures provisionnelles, par le fait que, sans celles-ci, il serait lésé dans sa position juridique de fond et, pour celui qui recourt contre le prononcé de telles mesures, par les conséquences matérielles qu'elles engendrent (ATF 138 III 378 consid. 6.3).

2.2.1 En l'espèce, il ne s'agit pas de déterminer si l'intimé aurait dû attendre que l'appelante rejette son opposition pour agir, sur mesures provisionnelles comme au fond, au vu des assurances, données par l'appelante, de ne pas agir sans lui avoir accordé un délai de dix jours pour saisir les tribunaux. En effet, ce délai de dix jours constitue le délai minimum accordé à l'employé pour faire valoir ses droits. Il est loisible à l'intimé de prendre les devants et d'agir en justice, à charge pour le Tribunal saisi d'examiner si la requête est fondée.

2.2.2 L'intimé a rendu vraisemblable que des données le concernant pourraient être transmises aux Etats-Unis avant l'issue de la procédure au fond, laquelle tend à l'interdiction définitive de ce transfert, puisque l'appelante n'a, à ce jour, pas déclaré qu'elle renonçait définitivement à transmettre lesdites informations. Bien au contraire, l'écoulement du temps rapproche l'appelante de l'échéance du 31 décembre 2019, date à laquelle sa collaboration avec les Etats-Unis prendra fin. Il est donc hautement vraisemblable que cet Etat fera le nécessaire pour obtenir les informations qu'il exige avant cette échéance. L'écoulement du temps augmente donc le risque de transmission des données. A cela s'ajoute qu'il existe un risque concret de transmission, dès lors que l'appelante a d'ores et déjà dressé la liste des données à transmettre. En plaidant que l'action de l'intimée est « prématurée », l'appelante admet que la présente procédure n'est pas inutile et qu'il est vraisemblable qu'elle procédera à la communication litigieuse, sans exclure que celle-ci puisse avoir lieu avant l'issue du procès au fond. Par conséquent, l'intimé a rendu vraisemblable le risque d'une atteinte concrète à ses droits avant l'issue du procès au fond.

On ne peut reprocher à l'intimé d'avoir attendu plusieurs mois avant d'agir, puisque son inaction résulte de la confiance qu'il a accordée à la banque, qui lui a affirmé régulièrement qu'elle prendrait une décision s'agissant de son opposition. Ce n'est que lorsque l'appelante a cessé toute communication avec l'intimé, malgré plusieurs relances, que celui-ci a estimé qu'il devait sauvegarder ses droits en sollicitant une décision judiciaire destinée à mettre fin à son incertitude. Ainsi, ce sont le manque de réaction de l'appelante et l'écoulement du temps qui sont à l'origine du dépôt de la requête, ce qui ne peut être considéré comme un abus de droit de la part de l'intimé.

2.2.3 On ne saurait également suivre l'appelante, lorsqu'elle fait valoir que l'intimé n'est exposé à aucun risque, dès lors qu'il disposera de dix jours pour agir si elle devait décider de transférer les données le concernant avant l'issue de la procédure. En effet, ce délai est relativement bref et le risque existe qu'il puisse échapper à l'intimé. On ne saurait exiger de celui-ci qu'il reste à disposition de l'appelante qui refuse de prendre position sur son opposition depuis plus de deux ans, l'empêchant notamment de se rendre aux Etats-Unis pour rendre visite à sa famille.

A défaut des mesures provisionnelles requises, l'intimé s'exposerait au préjudice difficilement réparable de voir ses données personnelles irrémédiablement transmises aux Etats-Unis.

2.3 Les autres conditions relatives au prononcé des mesures provisionnelles, notamment la proportionnalité de la mesure, ne sont pas contestées par l'appelante.

Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le premier juge a fait interdiction à l'appelante de transmettre les données concernant l'intimé jusqu'à l'issue du procès au fond.

L'ordonnance querellée sera donc confirmée.

3. Les exigences tendant au prononcé de mesures provisionnelles étant remplies, c'est à bon droit que le Tribunal a débouté l'appelante de ses conclusions tendant à ce que l'intimé soit condamné à une amende pour procédé téméraire (art. 128
al. 3 CPC).

L'ordonnance sera donc également confirmée sur ce point.

4. Les frais judiciaires de l'appel seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 95 al. 2, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC). Ils seront arrêtés à 3'000 fr.
(art. 96 CPC; art. 26 et 37 RTFMC, RS Ge 1 05.10) et partiellement compensés avec l'avance de frais de 2'000 fr. fournie par l'appelante, avance qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC). L'appelante sera en conséquence condamnée à verser la somme de 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

L'appelante sera condamnée à payer aux intimés la somme de 3'500 fr. à titre de dépens d'appel (art. 86, 88 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 al. 1 LaCC, RS Ge E 1 05).

5. L'arrêt rendu sur mesures provisionnelles en matière de protection de la personnalité contre des atteintes illicites constitue une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF, susceptible d'être déférée au Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (art. 72 al. 1 LTF; arrêts du Tribunal fédéral 5A_641/2011 du 23 février 2012 consid. 1.1, 5A_706/2010 du 20 juin 2011 consid. 1.1 et 5A.832/2008 du 16 février 2009 consid. 1.1). Seule peut être invoquée la violation de droits constitutionnels (art. 98 LTF ainsi que les arrêts précités).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 4 juin 2018 par A______ SA contre l'ordonnance OTPI/318/2018 rendue le 24 mai 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5737/2018-9 SP.

Au fond :

Confirme l'ordonnance querellée.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'000 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance de frais de 2'000 fr. effectuée par celle-ci, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser la somme de 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne A______ SA à payer à B______ la somme de 3'500 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE présidente; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.