C/6367/2018

ACJC/1333/2018 du 01.10.2018 sur ORTPI/244/2018 ( SFC ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 14.11.2018, rendu le 01.07.2019, DROIT CIVIL, 5A_945/2018
Descripteurs : RÈGLEMENT AMIABLE DES DETTES ; MESURE PROVISIONNELLE ; MESURE PRÉPROVISIONNELLE ; INTÉRÊT ACTUEL ; DEMANDE(ACTION EN JUSTICE) ; RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LP.333; LP.334; CPC.265.al1; CPC.261.al1; CPC.270.al1; CPC.268.al1
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6367/2018 ACJC/1333/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du lundi 1er octobre 2018

Entre

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre une ordonnance rendue par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 mars 2018, comparant par Me Olivier Cramer, avocat, rampe de la Treille 5, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Peter Pirkl, avocat, rue de
Rive 6, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______, sise ______, à ______ (GE). Une villa est érigée sur cette parcelle de 2'500 m2, dans laquelle A______ vit avec son fils cadet, C______.

Les revenus de A______ sont limités à sa rente AVS de 1'892 fr. nets par mois.

b. La société D______ SA, dont A______ est l'unique actionnaire et administratrice, est propriétaire des parcelles n° 2______ et 3______, sises ______ à ______ (GE), soit les parcelles adjacentes à celle n° 1______.

c. Ces trois parcelles sont grevées de cédules hypothécaires au porteur, en mains de la banque B______ SA, créancière gagiste.

d. A la requête de B______ SA, D______SA a été déclarée en faillite par jugement du Tribunal de première instance du 2 février 2016.

e. Dans le cadre de la procédure en réalisation de gage initiée par B______ SA contre A______, la banque a requis la vente forcée de la parcelle n° 1______. Cette vente a été fixée par l'Office des poursuites au 17 mai 2017 avant d'être reportée, A______ ayant saisi, le 15 mai 2017, le Tribunal d'une requête en règlement amiable des dettes, assortie de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, lesquels ont été accordées par ordonnance du 16 mai 2017.

Le Tribunal a rejeté la requête en règlement amiable des dettes par jugement du 6 juin 2017, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 7 décembre 2017 et arrêt du Tribunal fédéral du 8 mars 2018.

f. L'Office des poursuites a fixé une nouvelle vente aux enchères de la parcelle n° 1______ au ______ 2018 à 10h30.

Selon l'état des charges et des conditions de ladite vente établi par l'Office
des poursuites le 15 février 2018, A______ était débitrice d'un montant de 5'274'117 fr. 21 envers B______ SA. Les dettes de A______ à l'égard d'autres créanciers s'élevaient à un total d'environ 330'000 fr.

g. Par mémoire préventif du 8 mars 2018 adressé au Tribunal, B______ SA a conclu au rejet de toute requête de mesures superprovisionnelles que A______ pourrait solliciter afin de suspendre les poursuites initiées à son encontre et faire annuler la vente aux enchères de la parcelle n° 1______ fixée au ______ 2018.

La banque a fait valoir que A______ avait formé sa requête en règlement amiable des dettes du 15 mai 2017 dans l'unique but d'entraver l'exécution forcée de ses actifs, causant ainsi une aggravation de la situation de ses créanciers. Dès lors que A______ ne parvenait pas à couvrir ses charges courantes, tout nouveau règlement amiable des dettes était exclu.

B. a. Par requête en règlement amiable des dettes du 20 mars 2018, A______ a requis, sur mesures superprovisionnelles, la suspension de l'ensemble des poursuites dirigées à son encontre, de sorte que la vente aux enchères de la parcelle n° 1______, fixée au lendemain, devait être annulée. Sur mesures provisionnelles, elle a sollicité la suspension de toutes les poursuites dirigées contre elle. Au fond, A______ a conclu à l'octroi d'un sursis d'un mois pour obtenir un règlement aimable de ses dettes et à la désignation d'un commissaire chargé de l'assister dans la réalisation de ce règlement.

Elle a fait valoir que la banque E______ SA avait accepté de refinancer ses dettes hypothécaires et celles de D______SA, EN LIQUIDATION, à hauteur de 10'000'000 fr., ce qui permettait de désintéresser tous leurs créanciers. Ainsi, D______SA, EN LIQUIDATION pourrait requérir la révocation de sa faillite et retrouver la libre disposition de ses biens, notamment les parcelles n° 2______ et 3______, ce que l'Office des poursuites avait confirmé. La banque E______ SA avait accepté ce refinancement, dès lors que C______ devait apporter, à titre de collatéral, une somme d'environ 5'600'000 fr., provenant de la réalisation d'un bien immobilier dont il était copropriétaire avec sa sœur et son frère. En outre,
une promesse de vente et d'achat portant sur les trois parcelles n° 1______, 2______ et 3______ avait été conclue avec un tiers acquéreur pour un
montant de 17'000'000 fr. Elle était donc en mesure de rembourser l'ensemble de ses créanciers et ceux de D______SA, EN LIQUIDATION par le prêt de 10'000'000 fr. de la banque E______ SA, puis de rembourser cette dernière par la vente des trois parcelles précitées. La vente aux enchères de la parcelle
n° 1______ devait ainsi être annulée, au risque de voir sa requête en règlement amiable des dettes devenir sans objet.

b. Par ordonnance ORTPI/242/2018 du 20 mars 2018, le Tribunal a fait droit aux mesures superprovisionnelles et provisionnelles requises par A______, considérant qu'elle avait rendu vraisemblable pouvoir refinancer l'ensemble de ses dettes et celles de D______, EN LIQUIDATION, totalisant un montant d'environ 8'616'347 fr., grâce au prêt de la banque E______ SA.

c. Par courrier du 20 mars 2018, anticipé par télécopie, B______ SA, qui avait été informée par l'Office des poursuites de l'ordonnance précitée, a rappelé au Tribunal qu'elle avait déposé un mémoire préventif, enregistré sous n° C/4______/2018, a requis la révocation de l'ordonnance susvisée et annoncé qu'elle formait recours contre celle-ci.

d. A______ allègue que son conseil a, au début de la matinée du 21 mars 2018, appelé le greffe du Tribunal pour obtenir une copie de la décision rendue la veille et qu'à cette occasion il lui a été affirmé que la vente aux enchères était annulée.

Peu après, il a reçu par télécopie l'ordonnance ORTPI/244/2018 du 21 mars 2018 (reçue le lendemain par A______), par laquelle le Tribunal a révoqué son ordonnance ORTPI/242/2018 du 20 mars 2018 (chiffre 1 du dispositif), rejeté la requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles déposée par elle le
20 mars 2018 (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 400 fr., en les mettant à sa charge, l'a condamnée par conséquent à verser cette somme aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 3) et l'a déboutée de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a mentionné que le mémoire préventif de B______ SA, déposé le
8 mars 2018, n'avait été communiqué au juge en charge de la présente procédure que postérieurement à l'ordonnance ORTPI/242/2018 du 20 mars 2018. Il a dès lors retenu que le règlement amiable des dettes proposé ne pourrait vraisemblablement pas connaître une issue favorable. Le refus de B______ SA, qui résultait du mémoire précité, n'était pas abusif. En effet, le refinancement proposé était conditionné à la signature de la promesse de vente et d'achat sur les parcelles n° 1______, 2______ et 3______. Or, A______ n'était pas propriétaire de ces deux dernières parcelles, détenues par l'administration de la faillite de D______SA, EN LIQUIDATION, dont il n'était pas démontré qu'elle était disposée à procéder de la sorte. Cela était renforcé par le fait que l'administration de la faillite de D______SA, EN LIQUIDATION avait prévu de procéder à la vente aux enchères des parcelles n° 2______ et 3______. En outre, la promesse de vente et d'achat avait été signée par A______ au nom et pour le compte de D______SA, EN LIQUIDATION, qu'elle n'avait pas pu valablement engager. Le refinancement ne pouvant pas être réalisé, A______ n'obtiendrait pas le prêt escompté de 10'000'000 fr.

e. Le ______ 2018, B______ SA a acquis la parcelle n° 1______ lors de sa vente aux enchères.

C. a. Par acte déposé le 3 avril 2018 au greffe de la Cour de justice, A______ a recouru contre l'ordonnance ORTPI/244/2018 du 21 mars 2018. Elle a conclu à ce que la Cour constate la nullité de celle-ci, subsidiairement, l'annule.

Elle a produit des pièces nouvelles et indiqué avoir porté plainte auprès de la Chambre de surveillance de l'Office des poursuites afin de faire annuler la vente aux enchères intervenue le ______ 2018.

Préalablement, elle a conclu à l'octroi de l'effet suspensif à son recours, requête qui a été refusée par décision du 27 avril 2018.

b. Dans sa réponse, B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens, et a produit des pièces nouvelles.

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du greffe du 7 juin 2018, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite ou du concordat selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC; art. 333 al. 1 LP), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC).

1.2 Formé dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 321 al. 1 et 2 et art. 143 al. 3 CPC; art. 1 al. 1 let. c LJF), le recours est recevable.

2. Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Le recours est instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) et la maxime inquisitoire s'applique (art. 255 let. a CPC).

3. En règle générale, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans une procédure de recours (art. 326 al. 1 CPC).

La règle connaît toutefois une exception lorsque la décision de l'autorité précédente est le motif pour présenter de nouveaux faits ou moyens de preuve ou, en d'autres termes, lorsque c'est la décision de l'autorité précédente qui, pour la première fois, a rendu pertinents ces faits ou moyens de preuve. Il peut s'agir de faits et moyens de preuve qui se rapportent à la régularité de la procédure devant l'instance précédente (arrêt du Tribunal fédéral 5A_904/2015 du 29 septembre 2016 consid. 2.3, relatif à l'art. 99 al. 1 LTF; ACJC/875/2018 du 3 juillet 2018 consid. 1.2 et 1.3).

Il s'ensuit que les pièces nouvelles produites par les parties, ainsi que les faits qui s'y rapportent, sont recevables, dès lors qu'il s'agit d'actes de procédure rendus nécessaires suite au prononcé de l'ordonnance ORTPI/242/2018 du 20 mars 2018 et de l'ordonnance de révocation querellée.

4. La recourante fait valoir que la décision attaquée serait nulle.

Elle soutient d'abord que celle-ci se fonderait sur le mémoire préventif de B______ SA, qui était pourtant irrecevable, cette dernière n'étant pas partie à la procédure de règlement amiable des dettes; ce mémoire ne contenait d'ailleurs aucun élément nouveau permettant de révoquer l'ordonnance ORTPI/242/2018 du 20 mars 2018.

La recourante fait ensuite grief au premier juge d'avoir violé son droit d'être entendue en révoquant l'ordonnance précitée sans lui permettre de se déterminer, ainsi que d'avoir établi les faits de manière arbitraire et violé le principe de la bonne foi en rendant ladite ordonnance, alors même que le greffe du Tribunal lui confirmait peu avant que la vente aux enchères de la parcelle n° 1______ était annulée.

4.1.1 A teneur de l'art. 265 al. 1 CPC, en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a risque d'entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse.

Les mesures superprovisionnelles ne sont pas susceptibles de recours, ni auprès de l'autorité cantonale supérieure lorsqu'elles émanent d'une autorité inférieure, ni auprès du Tribunal fédéral (ATF 139 III 86 consid. 1.1.1).

Le Tribunal fédéral a toutefois introduit une exception à cette règle, soit le cas où un tribunal refuse d'ordonner des mesures sans audition de la partie visée en dépit du fait que sa décision contradictoire sera nécessairement tardive et n'aura plus d'objet une fois rendue, en d'autres termes, lorsque "on ne peut attendre que la décision de refus soit remplacée par des mesures provisionnelles". Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que le requérant doit pouvoir recourir au tribunal cantonal supérieur, puis, le cas échéant, au Tribunal fédéral, contre le refus du juge de suspendre la poursuite (art. 85a LP) par décision superprovisionnelle, lorsque l'audience de faillite a été fixée à une date plus proche que celle retenue par le juge pour l'audience sur mesures provisionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_473/2012 du 17 août 2012 consid. 1.2.2 et 1.2.3).

Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable, ces deux conditions étant cumulatives (Bohnet, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 3 ad art. 261 CPC).

4.1.2 Le tribunal n'entre en matière que sur les demandes satisfaisant aux conditions de recevabilité, notamment l'existence d'un intérêt digne de protection du demandeur (art. 59 al. 2 let. a CPC).

L'absence d'un intérêt digne de protection doit être relevée d'office, à tous les stades du procès. Elle entraîne l'irrecevabilité de la demande. Un tel intérêt fait notamment défaut lorsqu'on ne peut donner suite à la prétention du demandeur (Bohnet, op. cit., n° 92 ad art. 59 CPC).

Le recourant doit ainsi justifier d'un intérêt actuel et pratique, c'est-à-dire qui existe déjà et subsiste au moment du dépôt du recours. La recevabilité d'un moyen de droit suppose que le jugement soit de nature à procurer au recourant l'avantage qu'il recherche. L'intérêt au recours fait défaut, en particulier, lorsque l'acte de l'autorité a été exécuté ou est devenu sans objet. En effet, il n'y a d'intérêt pratique que lorsque la décision sur recours peut influencer la situation de fait ou de droit du recourant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_916/2016 du 7 juillet 2017 consid. 2.3 et 4P.137/2003 du 17 novembre 2003 consid. 2.1).

4.1.3 La nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques; elle peut aussi être constatée en procédure de recours (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 132 II 342 consid. 2.1; 122 I 97 consid. 3a), y compris en dépit de l'irrecevabilité éventuelle du recours (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3, 132 II 342 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_998/2014 du 14 avril 2015 consid. 2.1.2).

La nullité d'une décision n'est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision; de graves vices de procédure, ainsi que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision sont en revanche des motifs de nullité (ATF 122 I 97 consid. 3a/aa; 137 III 217 consid. 2.4.3; 136 II 489 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_576/2010 du 18 novembre 2010 consid. 3.2.1).

4.1.4 Aux termes de l'art. 270 al. 1 CPC, quiconque a une raison de croire qu'une mesure superprovisionnelle - au sens de l'art. 265 CPC -, un séquestre ou toute autre mesure sera requise contre lui sans audition préalable peut se prononcer par anticipation en déposant un mémoire préventif.

Un tel mémoire constitue en effet un moyen, pour la partie qui serait visée par une telle mesure, d'exercer de manière anticipée son droit d'être entendue (Bohnet, La procédure sommaire, in Procédure civile suisse, les grands thèmes pour les praticiens, 2010; Hess-Blumer, Commentaire bâlois 2010, n° 6 et 7 ad art. 270 CPC; Gasser/Rickli, Schw. ZPO, Kurzkomm., 2010, n° 2 ad art. 270 CPC).

Le droit d'être entendu est toujours donné lorsqu'un acte d'autorité affecte directement la position juridique d'un individu; il est également garanti à toutes les personnes concernées, c'est-à-dire à tous les tiers dont les droits sont atteints,
de façon à ce qu'ils puissent faire valoir à temps leurs objections avant
qu'une décision ne soit prise à leur détriment (ATF 129 I 232 consid. 3.2, in
JdT 2004 I 588; 137 I 12 consid. 5.7, in JdT 2012 I 35).

4.1.5 En vertu de l'art. 268 al. 1 CPC, les mesures provisionnelles peuvent être modifiées ou révoquées, s'il s'avère par la suite qu'elles sont injustifiées ou que les circonstances se sont modifiées.

Rendue dans un complexe factuel constamment susceptible de se modifier et de surcroît apprécié par le juge sous l'angle de la vraisemblance, l'ordonnance de mesures provisionnelles doit pouvoir être modifiée si les circonstances l'exigent, de façon à s'assurer qu'elle continue à remplir son objectif tout en respectant le principe de la proportionnalité. Ce que vise l'art. 268 CPC c'est qu'il doit être possible de revenir vers le juge pour lui demander de procéder à une nouvelle appréciation de la situation sur la base de faits et moyens de preuve nouveaux (peu importe qu'il s'agisse de vrais ou de faux nova). Les nova sur lesquels le juge est requis de modifier son ordonnance doivent être suffisamment importants pour amener le magistrat à procéder à une appréciation différente des enjeux (objectifs et moyens) à l'issue de laquelle il parvient à la conclusion que ladite ordonnance ne peut subsister telle quelle (Jeandin, Les mesures provisionnelles en procédure civile, pénale et administrative, 2015, p. 26 et 27).

La révocation des mesures superprovisionnelles et provisionnelles peut être prononcée à titre superprovisionel, c'est-à-dire sans audition de la partie adverse (décision du Président du Tribunal de commerce du canton de Saint-Gall HG.2013.206 consid. II.4.a et II.6; Bohnet, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2010, n° 8 ad art. 268 CPC).

En vertu de l'art. 52 CPC, quiconque participe à la procédure doit se conformer aux règles de la bonne foi. Cet article s'adresse à tous les participants au procès, y compris le juge (arrêt du Tribunal fédéral 4A_590/2016 du 26 janvier 2017 consid. 2.1).

4.1.6 Aux termes de l'art. 333 al. 1 LP, tout débiteur, non soumis à la faillite, peut s'adresser au juge du concordat pour obtenir un règlement amiable.

Il s'agit d'une procédure gracieuse (Brunner/Bollerin, in Basler Kommentar, 2010, n° 17 ad art. 333 LP).

L'art. 256 al. 2 CPC prévoit qu'une décision prise dans une procédure relevant de la juridiction gracieuse qui s'avère ultérieurement être incorrecte peut être, d'office ou sur requête, annulée ou modifiée, à moins que la loi ou la sécurité du droit ne s'y opposent.

Lorsqu'un règlement avec les créanciers n'apparaît pas exclu d'emblée et si les frais de la procédure sont garantis, le juge accorde au débiteur un sursis de trois mois au plus et nomme un commissaire (art. 334 al. 1 LP).

Le comportement réfractaire d'un créancier ne doit pas conduire à la révocation immédiate du sursis sinon l'institution du règlement amiable des dettes serait remise en question par le comportement abusif du créancier (Junod Moser/ Gaillard, in Commentaire romand de la LP, n° 22 ad art. 334 LP).

4.2.1 En l'espèce, la recourante a saisi le Tribunal d'une requête en règlement amiable des dettes, qui relève de la procédure gracieuse, et a pris, parallèlement, des conclusions provisionnelles et superprovisionnelles portant sur la suspension des poursuites dirigées à son encontre.

Le premier juge a révoqué son ordonnance de la veille et rejeté la requête sur mesures provisionnelles et superprovisionnelles d'annulation de la vente aux enchères de la parcelle n° 1______ prévue le ______ 2018, qui ne relevait que des conclusions superprovisionnelles.

Le refus de mesures superprovisionnelles n'est généralement pas susceptible d'un recours. Toutefois, la question de savoir si une exception à cette règle est envisageable in casu se pose. En effet, la vente aux enchères litigieuse ayant eu lieu le lendemain du dépôt de la requête de mesures urgentes, la recourante ne pouvait attendre que la décision de refus de mesures superprovisionnelles soit remplacée par des mesures provisionnelles. Le premier juge a d'ailleurs refusé dans la même décision tant l'octroi des mesures superprovisionnelles que provisionnelles. Le recours portant sur le refus des mesures urgentes est ainsi recevable.

Bien que l'adjudication de la parcelle n° 1______ ait déjà eu lieu le ______ 2018 et que seule la Chambre de surveillance de l'Office des poursuites a la compétence pour annuler cette adjudication (art. 132a et 143a LP), la recourante a un intérêt digne de protection à recourir contre l'ordonnance querellée. En effet, elle a un intérêt pratique et actuel à obtenir l'annulation de la révocation de l'ordonnance ORTPI/242/2018 du 20 mars 2018 pour que les poursuites dirigées contre elle soient suspendues au jour du prononcé de l'ordonnance précitée. Elle pourrait ainsi faire valoir cette suspension dans le cadre de la procédure par-devant la Chambre de surveillance de l'Office des poursuites. Le recours portant sur le refus de mesures provisionnelles est donc recevable.

4.2.2 La recourante invoque la nullité de l'ordonnance entreprise. A ce titre, elle fait valoir l'irrecevabilité du mémoire préventif déposé par B______ SA, la violation de son droit d'être entendue et du principe de la bonne foi par le premier juge, étant précisé qu'une éventuelle constatation arbitraire des faits et une mauvaise application de l'art. 268 CPC ne peuvent pas conduire à la nullité de la décision querellée.

Indépendamment de la qualité de partie ou non de B______ SA dans la procédure en règlement amiable des dettes, il apparaît que cette dernière bénéficie du droit d'être entendue, dès lors que ses droits étaient touchés par les mesures superprovisionnelles et provisionnelles requises. En effet, elle est la principale créancière de la recourante et la requérante de la vente aux enchères de la parcelle n° 1______. La prise en compte du mémoire préventif de B______ SA ne constitue donc pas un vice de procédure particulièrement grave devant entraîner la nullité de la décision attaquée.

Il ressort des principes rappelés supra qu'une mesure superprovisionnelle peut être révoquée également à titre superprovisionnel, soit sans entendre la partie requérante. Le grief de violation du droit d'être entendu soulevé par la recourante n'est dès lors pas fondé.

Il en va de même de celui de violation du principe de la bonne foi, dans la mesure où, à supposer que l'allégué de la recourante sur le contenu de son téléphone au greffe soit exact, la communication reçue correspondait à l'état de la procédure à ce moment-là.

La décision querellée n'est ainsi pas nulle.

4.2.3 Si, temporellement, le premier juge a révoqué l'ordonnance ORTPI/242/2018 du 20 mars 2018 après avoir pris connaissance du mémoire préventif de B______ SA, sa motivation ne se rapporte pas au contenu dudit mémoire, qui ne contient pas d'élément nouveau ayant pour effet de modifier la situation entre le prononcé des deux ordonnances. Ce sont les conditions formelles du refinancement convenu entre la recourante et la banque E______ SA, éléments déjà connus lors du prononcé de l'ordonnance ORTPI/242/2018 du 20 mars 2018, qui ont conduit au prononcé de la décision rejetant la requête de la recourante. Le seul élément nouveau ressortant du mémoire préventif réside dans l'opposition de la banque à un éventuel règlement amiable des dettes. Or, un tel refus, qui plus est antérieur à la proposition de règlement aimable des dettes, n'est pas de nature à lui seul à retenir que les circonstances entre le prononcé des deux ordonnances s'étaient modifiées, et que partant l'ordonnance ORTPI/242/2018 du 20 mars 2018 n'était plus justifiée, puisque le refus d'un règlement amiable des dettes de la part d'un créancier ne semble pas suffire à exclure d'emblée une telle procédure.

En revanche, comme le retient l'ordonnance attaquée, une des conditions de l'accord de refinancement signé avec la banque ne pourra se réaliser, de sorte que, faute de démonstration de sa solvabilité par la recourante, celle-ci n'obtiendra pas le prêt convoité. L'ordonnance du 20 mars 2018 n'était donc pas justifiée, ce qui autorisait le Tribunal à la révoquer.

Partant, le recours sera rejeté.

5. Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 600 fr. (art. 54 et 61 OELP) et mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il sera alloué à l'intimée 800 fr. à titre de dépens (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 3 avril 2018 par A______ contre l'ordonnance ORTPI/244/2018 rendue le 21 mars 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6367/2018-22 SFC.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 600 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ SA la somme de 800 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.