C/6747/2017

ACJC/1599/2017 du 29.11.2017 sur JTPI/10476/2017 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE ; LÉGITIMATION ACTIVE ET PASSIVE ; PRESCRIPTION
Normes : LP.80; CPP.442;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6747/2017 ACJC/1599/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 29 NOVEMBRE 2017

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ Genève, recourant contre un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 août 2017, comparant en personne,

et

REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE, DEPARTEMENT DE LA SECURITE ET DE L'ECONOMIE (DSE), soit pour lui le SERVICE DES CONTRAVENTIONS, sis chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8, intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A.           Par jugement du 22 août 2017, expédié pour notification aux parties le 24 août 2017, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ (ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 100 fr., compensés avec l'avance effectuée (ch. 2), et mis à la charge de A______, condamné à rembourser ce montant à sa partie adverse (ch. 3).![endif]>![if>

Le Tribunal a retenu que A______ n'avait pas prouvé que les créances en poursuite étaient prescrites, ni que les titres de mainlevée ne lui avaient pas été notifiés, et qu'il n'appartenait pas au juge de la mainlevée d'examiner si l'autorité qui avait rendu la décision était compétente.

B.            Par acte du 6 septembre 2017, A______ a formé recours contre le jugement précité. Il a conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait au rejet de la requête de mainlevée, alternativement à l'irrecevabilité de ladite requête, avec suite de dépens. Il a notamment renoncé à se prévaloir de la non-réception des titres de mainlevée.![endif]>![if>

Dans sa réponse, l'intimé a conclu à au rejet du recours, avec suite de frais et dépens. Il était notamment exposé qu'à la date de la mise en poursuite (17 mai 2016), les créances non prescrites étaient celles relatives aux émoluments et aux frais de rappel pour les ordonnances pénales rendues entre décembre 2015 et
le 3 mai 2016, ainsi que celle relative à l'amende, aux émoluments et aux frais de rappel pour l'ordonnance pénale rendue le 11 juillet 2013.

Dans sa réplique, A______ a persisté dans ses conclusions; il a en outre requis la suspension de l'effet exécutoire du jugement attaqué, ce qui a été accordé par décision de la Cour du 6 novembre 2017.

Par avis du 14 novembre 2017, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

A______ a encore répondu à la duplique, les deux parties persistant dans leurs conclusions respectives.

C.           Il résulte du dossier de première instance les faits pertinents suivants :![endif]>![if>

a. L'Etat de Genève, par le Service des contraventions (ci-après : SdC) dépendant du Département de la sécurité et de l'économie (ci-après : DSE), a notifié à A______ les ordonnances pénales suivantes : n° 2______ du 30 novembre 2012 pour un montant de 60 fr. (40 fr. d'amende et 20 fr. d'émoluments), n° 3______ du 22 février 2013 pour un montant de 460 fr. (400 fr. d'amende et 60 fr. d'émoluments), n° 4______ du 22 mars 2013 pour un montant de 150 fr. (120 fr. amende et 30 fr. d'émoluments), n° 5______ du 11 avril 2013 pour un montant de 60 fr. (40 fr. d'amende et 20 fr. d'émoluments), n° 6______ du 11 juillet 2013 pour un montant de 60 fr. (40 fr. d'amende et 20 fr. d'émoluments).

b. Cinq rappels, facturés 20 fr. chacun, ont été adressés à A______, en lien avec les ordonnances pénales précitées, le dernier en date du 4 septembre 2013.

c. Le 17 juin 2016, un commandement de payer, poursuite n° 1______, dirigé contre A______, a été établi à la requête de l'Etat de Genève, portant sur les montants de 20 fr., 20 fr., 30 fr., 60 fr., 60 fr. et 100 fr. Les titres de créances en étaient respectivement les ordonnances pénales n° 2______ du 30 novembre 2012, n° 5______ du 11 avril 2013, n° 4______ du 22 mars 2013, n° 3______ du 22 février 2013, et n° 6______ du 11 juillet 2013, ainsi que des frais/émoluments.

Le poursuivi a formé opposition.

Par courrier du 14 novembre 2016, le SdC a accordé un ultime délai de 30 jours à A______ pour s'acquitter du montant de 290 fr. ou retirer son opposition.

d. Le 16 mars 2017, des timbres humides "Définitive et exécutoire. Service des contraventions" ont été apposés sur les ordonnances pénales susmentionnées.

e. Le 23 mars 2017, le Tribunal a été saisi d'une requête dirigée contre A______, concluant au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______, avec suite de frais et dépens.

La requête était formulée sur papier portant l'entête "République et canton de Genève. Département de la sécurité et de l'économie. Service des contraventions", indiquait que le requérant était "République et canton de Genève, Département de la sécurité et de l'économie (DSE) soit pour lui le Service des contraventions", et comportait une signature apposée sous la mention "Le conseiller d'Etat en charge du Département de la sécurité et de l'économie, par autorisation la cheffe du contentieux".

Etait notamment joint à la requête un arrêté du 6 décembre 2005 pris par le conseiller d'Etat alors en charge du Département des institutions de la République et canton de Genève, selon lequel la directrice du service des contraventions, son adjoint et le chef du contentieux étaient autorisés à signer tous les actes ou documents en relation avec l'exécution forcée, tant devant les offices compétents que devant les tribunaux.

L'Etat de Genève s'est référé aux cinq ordonnances pénales précitées, et a fait mention d'imputations du 10 mai 2016, de respectivement 40 fr. pour l'ordonnance pénale n° 2______ et pour l'ordonnance pénale n° 3______, de 120 fr. pour l'ordonnance pénale n° 4______ et de 400 fr. pour l'ordonnance pénale n° 5______.

f. A l'audience du Tribunal du 7 août 2017, A______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête. Il a fait valoir l'absence de compétence du SdC pour agir en mainlevée, faute de délégation entre le DSE et ledit service, le fait que rien ne démontrait que les ordonnances avaient été valablement notifiées et qu'elles étaient définitives, et que les montants réclamés étaient incompréhensibles, relevant qu'il était possible que les imputations correspondent à des contraventions prescrites.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'occurrence, le recours a été formé dans le délai fixé par la loi et selon la forme prescrite, de sorte qu'il est recevable.

2. Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir retenu que le SdC- qu'il tient pour requérant en l'espèce - avait la compétence pour former une requête de mainlevée; selon lui, seul le DSE serait doté de ladite compétence, entrainant de la sorte un défaut de légitimation passive de l'intimé.

3. 3.1.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Le jugement doit être exécutoire, c'est-à-dire qu'il ne doit plus pouvoir être remis en cause par une voie de droit ordinaire, émaner d'un tribunal au sens de l'art. 122 al. 3 Cst., rendu dans une procédure contradictoire, et condamner le poursuivi à payer une somme d'argent (SCHMIDT, Commentaire romand, LP, 2005, n. 3, 4 et 6 ad art. 80 LP).

Le juge doit vérifier d'office l'identité du poursuivant et du créancier et l'identité du poursuivi et du débiteur désignés dans le titre de mainlevée, ainsi que l'identité de la créance déduite en poursuite et de la dette constatée par jugement (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 13 ad art. 81 LP, arrêt du Tribunal fédéral du 7 octobre 2005 dans la cause 5P.174/2005).

3.1.2 Selon l’art. 442 CPP, le recouvrement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des autres prestations financières découlant d'une procédure pénale est régi par les dispositions de la LP (al. 1). La Confédération et les cantons désignent les autorités chargées du recouvrement des prestations financières (al. 3).

Le recouvrement d'une peine pécuniaire a lieu conformément aux art. 35, 36
et 106 al. 4 et 5 CP (PERRIN, in KUHN/JEANNERET, Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, 2011, n. 3 ad art. 442). L'autorité d'exécution fixe au condamné un délai de paiement de un à douze mois. Elle peut autoriser le paiement par acomptes et, sur requête, prolonger les délais (art. 35 al. 1 CP). Si l'autorité d'exécution a de sérieuses raisons de penser que le condamné veut se soustraire à la peine pécuniaire, elle peut en exiger le paiement immédiat ou demander des sûretés (art. 35 al. 2 CP). Si le condamné ne paie pas la peine pécuniaire dans le délai imparti, l'autorité d'exécution intente contre lui une poursuite pour dettes, pour autant qu'un résultat puisse en être attendu (art. 35
al. 3 CP).

L'autorité d'exécution compétente à Genève pour le recouvrement des prestations financières au sens de l'art. 442 al. 3 CPP est le département, selon l'art. 40 al. 2 let. d LACP, la délégation à un service ou office de celui-ci par voie réglementaire du Conseil d'Etat étant réservée (art. 40 al. 3 LACP).

L'art. 5 let. c du règlement sur l'exécution des peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les jeunes adultes (REPPL du 19 mars 2014; RS E 4 55.05) prévoit que le service des contraventions de la police est compétent pour fixer au condamné un délai de paiement de la peine pécuniaire ou de l'amende, autoriser le paiement par acomptes, prolonger les délais octroyés, exiger le paiement immédiat, demander des sûretés et intenter la poursuite pour dettes (art. 35 et 106 al. 5 CP).

3.1.3 Un formalisme excessif est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la mise en oeuvre du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1).

3.2 En l'espèce, il est constant que les ordonnances pénales rendues constituent des titres de mainlevée, au sens de l'art. 80 LP, en faveur de l'Etat de Genève, créancier.

Aux termes de la requête déposée au Tribunal, il apparaît que c'est bien l'Etat de Genève qui est partie - certes agissant par ses organes -, contrairement à ce que soutient le recourant; l'Etat de Genève était ainsi doté de la légitimation en l'espèce active en première instance.

La lecture conjointe des dispositions pertinentes de la LACP et du REPPL susmentionnées conduit à retenir que le SdC dispose des délégations permettant de signer les actes formés par l'Etat de Genève dans la présente cause relevant de la poursuite pour dettes, pour ses créances d'amende de frais et émoluments liés aux procédures pénales achevées par les ordonnances pénales précitées. La circonstance que la formulation du papier à entête, de la désignation du requérant et de la mention précédant la signature ne soit pas uniforme ne prête pas à conséquence, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y voir une informalité, sauf à faire montre de formalisme excessif.

Le grief du recourant est ainsi infondé.

4. Le recourant se prévaut ensuite de la prescription des amendes infligées, frais de rappel compris.

4.1.1 L'art. 109 CP prévoit que l'action pénale et la peine se prescrivent par trois ans en matière de contraventions.

La prescription court dès le jour où le jugement devient exécutoire (art. 100 CP).

4.1.2 Les créances portant sur les frais de procédure se prescrivent par dix ans à compter du jour où la décision sur les frais est entrée en force (art. 442 al. 2 CPP).

Les frais de procédure se composent des émoluments visant à couvrir les frais et des débours effectivement supportés. On entend notamment par débours les frais de port, de téléphone et d'autres frais analogues (art. 422 al. 1 et 2 let. c CPP).

Selon l'art. 5 let. g RTFMP (règlement qui repose sur les art. 422 à 428 CPP), l'autorité pénale compétente en matière de contraventions peut prélever, outre les émoluments généraux, des émoluments forfaitaires, notamment 20 fr. pour un rappel individuel ou global.

4.2 En l'occurrence, l'intimé n'a intenté de poursuite s'agissant d'une peine (soit l'amende) que pour celle dérivant de l'ordonnance pénale du 11 juillet 2013. Le recourant ayant renoncé à se prévaloir d'un grief lié à l'absence de notification de ladite ordonnance, il y a lieu d'admettre que celle-ci a été notifiée et reçue à tout le moins avant le 4 septembre 2013, date du rappel, et par conséquent que la peine prononcée s'est prescrite au plus tard en octobre 2016. La créance de l'intimé dérivant de ladite amende était, depuis lors, frappée par la prescription pénale découlant de l'art. 109 CP.

Il est sans incidence à cet égard qu'une poursuite ait alors déjà été intentée, l'effet interruptif de prescription, prévu à l'art. 135 ch. 2 CO relevant du droit civil et le code pénal ne prévoyant pas d'interruption du délai de prescription des peines.

En revanche, les frais de la procédure pénale, fixés dans les cinq ordonnances pénales rendues entre avril et juillet 2013, ne sont pas prescrits, en application de l'art. 442 al. 2 CP. Il s'agit d'un montant total de 150 fr.

Enfin, le recourant soutient que les frais de rappel, qu'il considère comme ordonnés par une autorité administrative, devraient suivre le sort de la peine et non des émoluments prononcés dans l'ordonnance pénale, et par conséquent tomber sous le coup du délai de prescription de trois ans.

Ce faisant, il perd de vue qu'il s'agit d'émoluments prononcés par l'autorité pénale en matière de contravention, entrant dans le cadre des frais de procédure pénale prévus à l'art. 422 CPP, qui se prescrivent par dix ans selon l'art. 442 al. 2 CPP. Cette créance d'un montant de 100 fr. n'est donc pas prescrite.

5. Il résulte de ce qui précède que l'intimé dispose de titres de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP pour des créances non prescrites d'un montant total de 250 fr.

Il s'ensuit que la décision attaquée sera annulée.

Il sera statué à nouveau dans le sens que la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ sera accordée à concurrence de 250 fr. (art. 327 al. 3 let. b CPC).

6. Le recourant obtient, au final, gain de cause sur une faible partie des prétentions objet de la procédure.

Il se justifie dès lors qu'il supporte les trois cinquièmes des frais de la procédure (art. 106 al. 2 CPC), arrêtés pour les deux instances à 250 fr. (art. 48, 61 OELP), compensés avec les avances déjà versées, acquises à l'Etat de Genève (art. 111
al. 1 CPC).

Il n'y a pas lieu à allocation de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 6 septembre 2017 par A______ contre le jugement JTPI/10476/2017 rendu le 22 août 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6747/2017-20 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ à concurrence de 250 fr.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais des deux instances :

Arrête les frais judiciaires des deux instances à 250 fr., couverts par les avances déjà opérées, acquises à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Les met à la charge de A______ à raison de 150 fr. et à celle de l'Etat de Genève, soit pour lui le Service des contraventions du Département de la sécurité et de l'économie (DSE) à raison de 100 fr.

Dit qu'il n'y a pas lieu à allocation de dépens.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.